Intervention de Dominique Costagliola

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Dominique Costagliola, directrice de recherche à l'Inserm :

Dans la grille VIH actuelle, les quatre points qui nous posent problème et que nous essayons de faire modifier sont le fait d'avoir un taux de lymphocytes de type CD4 supérieur à 350 par millimètre cube sur tout l'historique depuis le diagnostic – ce point semble faire relativement consensus ; l'absence de stade sida – ce point est en discussion ; l'absence d'usage de substances illicites au sens de la liste des stupéfiants fixée par l'arrêté du 22 février 1990 – nous avons fait quelques progrès ; le plafonnement à vingt-sept ans de la durée entre le début du traitement et la fin de l'emprunt.

Ce dernier point est le point majeur que je souhaite discuter avec vous aujourd'hui. Je ne trouve pas de justification particulière à ce choix d'avoir limité à vingt-sept ans la durée depuis le début du traitement antirétroviral. Cela signifie très concrètement qu'une personne ayant commencé son traitement antiviral voici dix ans, ayant maintenant une charge virale contrôlée et un niveau de CD4 restauré, ne pourra au mieux avoir le droit qu'à un emprunt de dix-sept ans et peut-être même seulement seize ans le temps de faire les démarches. Ce peut être compliqué pour faire un emprunt d'un montant important quel qu'en soit le motif. Pourtant, nous ne trouvons pas réellement de justification à cette limite dans les données que nous avons.

S'agissant de l'espérance de vie, nous disposons d'une étude de cohorte faite dans le cadre d'une collaboration de pays d'Europe et d'Amérique du Nord. Il faut s'intéresser dans cette étude à la situation des patients européens car les personnes d'Amérique du Nord de cette étude sont des patients à très fort risque de décès dont il ne faut pas tenir compte. L'étude calcule l'espérance de vie des personnes en fonction de la période à laquelle elles ont commencé le traitement, au moins un an après le début du traitement pour attendre que le traitement joue son rôle en termes de gain contre la charge virale et de taux de CD4 qui remonte.

Nous voyons ainsi que les patients européens ayant commencé leur traitement entre 2004 et 2007 ont une espérance de vie de 74 ans pour les hommes et les femmes. Pour ceux qui ont démarré leur traitement entre 2008 et 2010, l'espérance de vie pour les hommes est de 79 ans et elle est de 78 ans pour les femmes. Les données françaises représentent 30 % des données utilisées au total dans ce travail et plus de 50 % des données européennes utilisées. Nous trouvons dans l'annexe les espérances de vie à 20 ans en France sur la même période : 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes.

Vous voyez que l'espérance de vie a donc nettement progressé. Elle s'approche maintenant de l'espérance de vie observée en population générale. Cette étude a été publiée dans la revue The Lancet HIV en 2017 et, dans le cadre du groupe, nous travaillons actuellement à compléter les calculs puisque vous voyez que l'étude prend en compte des personnes qui ont commencé le traitement entre 1996 et 1999 et sont peut-être décédées aujourd'hui. La question qui se pose pour les assureurs est de connaître l'espérance de vie de quelqu'un qui est en vie actuellement. Nous souhaitons déterminer l'espérance de vie des gens qui ont survécu au moins jusqu'en 2010 ce qui correspond plus à la situation dans laquelle nous sommes lorsque nous voulons connaître l'espérance de vie d'une personne s'assurant aujourd'hui. Ces données devraient être disponibles très bientôt.

Je dispose par ailleurs de nombreuses données très détaillées pour tous les autres critères mais je voulais insister sur le fait scientifique que le gain en espérance de vie a été considérable avec les traitements. Quelqu'un chez lequel le traitement fonctionne, avec une charge virale contrôlée, avec des CD4 de bon niveau, présente actuellement un surrisque très limité sans qu'il soit utile de regarder toute l'histoire de la maladie comme c'est prévu dans la grille.

Il n'existe donc pas de raison d'imposer ces limites, la plus contraignante étant cette limite à vingt-sept ans pour laquelle je n'ai pas de trace d'explication. Pourquoi ne pourrions‑nous pas allonger cette période au fil du temps qui passe ? La grille a été établie voici plusieurs années et nous devrions au minimum allonger cette période de la durée écoulée depuis. Si, à l'époque, il était possible d'assurer pour vingt‑sept ans, pourquoi la limite est-elle toujours la même ?

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