Intervention de la déléguée interministérielle

Réunion du mardi 2 février 2021 à 17h15
Commission des affaires sociales

la déléguée interministérielle :

Tout d'abord, le chiffre de 10 millions de pauvres n'est absolument pas validé. Des associations ont donné ce chiffre et j'en ai discuté avec elles. Nous avions environ 9 millions de pauvres et « 10 millions de pauvres » est sorti dans un titre du Monde un soir, sans que ce chiffre soit étayé. Nous n'avons hélas pas de chiffre précis ; je vous ai donné tous les indicateurs avec lesquels nous essayons d'évaluer l'évolution de la pauvreté mais nous ne pouvons pas en conclure pour l'instant que le nombre de pauvres a augmenté d'un million. Même les associations qui l'ont dit en sont conscientes. Je ne dis pas pour autant que la pauvreté n'augmente pas. Je dis simplement qu'il faut être prudent avec les chiffres et que ce chiffre n'est actuellement pas étayé.

Les jeunes sont clairement particulièrement touchés lors de cette crise. S'agissant du RUA, les travaux ont été stoppés au moment du premier confinement ; les reprendre n'a pas été la priorité au moment du déconfinement et durant l'été. La reprise des travaux techniques a été actée par le Premier ministre à l'automne et nous essaierons de produire un rapport capitalisant sur tout ce qui a été fait durant dix‑huit mois. Nous n'avons actuellement pas les ressources nécessaires puisque nous sommes toujours en gestion de crise : les personnes chargées de ces travaux s'occupent de la gestion de crise. Les travaux ont été extrêmement riches et je souhaite à la fin de l'année la publication d'un rapport public, technique, qui n'engagera pas la Gouvernement. Ce rapport présentera les différentes options possibles en les chiffrant pour alimenter le débat public. Pour en avoir discuté avec beaucoup d'associations qui ont participé à ces travaux, je pense que nous sommes toujours surpris, dans un sens comme dans l'autre, par certains impacts. Il faut lever des regards un peu dogmatiques et essayer d'objectiver le sujet.

Les travaux du RUA avaient montré que le sujet des jeunes est compliqué. Il existe de nombreux types de jeunes. Des solutions ont été proposées pour les étudiants. Je me fais aussi la porte-parole des jeunes très précaires, qui n'ont pas de syndicat pour se faire entendre dans les journaux, qui sont dans les centres d'hébergement... J'ai lancé des travaux sur ces jeunes très précaires, qui sont souvent en rupture familiale et cumulent des problèmes d'accès au logement, d'accès à l'insertion professionnelle et, en général, de santé mentale et d'addictions.

Il faut segmenter les jeunes selon leur typologie. Ils ont besoin de réponses différentes et c'est la raison pour laquelle un RSA jeunes global ou – car je n'aime pas le terme de RSA, qui est très connoté – une allocation de soutien monétaire à tous les jeunes n'est pas forcément justifiée. Il existe aussi des jeunes qui bénéficient de beaucoup de soutiens intrafamiliaux, dans tous les milieux, comme l'ont montré les travaux sur le RUA. Il est intéressant de voir que ce phénomène existe dans tous les milieux, évidemment avec des niveaux différents selon les milieux. En moyenne, un jeune bénéficie d'une aide de ses parents de 250 euros par mois.

Même si ce n'est pas forcément retenu par le Gouvernement, je maintiens que la proportion des jeunes qui ont vraiment besoin de ce soutien monétaire est une petite minorité mais qu'en revanche, beaucoup d'autres jeunes ont des moyens de transfert. Il faut faire attention pour que les décisions soient acceptables par l'ensemble de la population. Il est clair que le sujet ne fait pas l'unanimité. Nous avons tous connu des personnes qui bénéficiaient des aides personnalisées au logement (APL) alors que leurs parents auraient très bien pu payer leur loyer tandis qu'il était absolument essentiel pour d'autres de les avoir. Ces transferts intrafamiliaux ne sont pas objectivables facilement et le diable se cache dans les détails. Un RSA pour tous les jeunes de moins de 25 ans coûterait 13 à 14 milliards d'euros. Ce sont des choix sociétaux. Tout le problème est d'identifier les jeunes ayant vraiment besoin de ce soutien monétaire de manière essentielle.

Le sujet ne concerne pas que le soutien monétaire des jeunes mais surtout leur accompagnement. Toutes les associations avec lesquelles nous avons travaillé le disent. En plus de la survie au quotidien, ces jeunes sont perdus, n'arrivent pas à trouver leur voie et ont besoin d'un accompagnement. C'est tout l'enjeu des dispositifs renforcés dans le cadre du plan jeunes. 6,7 milliards d'euros y sont consacrés. De nombreux dispositifs sont renforcés ; ils correspondent à la diversité des besoins des jeunes. Cela concerne la garantie jeunes par exemple, mais tous les jeunes n'en ont pas besoin.

Les jeunes diplômés en recherche d'emploi, suivis par l'Association pour l'emploi des cadres ou par Pôle emploi dans le cadre de l'accompagnement intensif des jeunes, ne bénéficiaient jusqu'à présent pas de soutien financier. Nous avons mis en place durant le premier semestre 2021 un dispositif transitoire exceptionnel qui peut aller jusqu'à 500 euros, soit à peu près l'équivalent du RSA, pour leur permettre passer cette période difficile du tunnel de la crise sanitaire.

Le problème des jeunes est donc compliqué, avec des situations très différentes. Il faut accepter que nous ayons des regards et des réponses très différenciés. C'est aussi l'objectif de la garantie jeunes universelle, qui essaiera d'agréger tous ces dispositifs. Des travaux sont en cours pour savoir comment faciliter l'accès à ces mesures puisque la difficulté, dans le cas de nombreuses actions différentes, est que les jeunes sont perdus. Il faut organiser un guichet unique d'entrée.

Pour les étudiants, de nombreuses mesures ont été prises : le restaurant universitaire à 1 euro, la création du soutien par des tuteurs, la création de postes de travailleurs sociaux dans les universités pour suivre et soutenir ces étudiants, le forfait qui permet d'avoir accès à trois consultations de psychologue. Je rappelle aussi que les étudiants, contrairement aux autres jeunes, ont accès aux bourses. Il existe des dispositifs de soutien financier spécifiques pour les étudiants.

L'accès aux droits sociaux est un de mes grands combats. Nous mettons actuellement en place l'exploration de données – data mining – déjà testée dans plusieurs CAF. Nous faisons des simulations avec les données de personnes que nous connaissons pour vérifier si elles ont accès à toutes les aides auxquelles ils pourraient prétendre. Cela ne peut évidemment toucher, pour l'instant, que des personnes déjà connues des CAF. Cela permet de voir, par exemple dans le cas de quelqu'un qui a les APL, s'il pourrait en fait bénéficier du RSA ou d'allocations familiales et n'y recourt pas.

Nous avions fondé beaucoup d'espoirs sur ce système qui n'est pas si rentable que cela. Nous récupérons une partie des personnes mais ce n'est malheureusement pas un capteur important. Le véritable enjeu, à mon avis, est « l'aller vers » que nous développons. À l'issue du premier confinement, j'avais demandé aux équipes des CAF et des caisses primaires d'assurance maladie d'aller dans les centres d'hébergement d'urgence à la rencontre des personnes. Cette démarche innovante a très bien fonctionné. La culture de la sécurité sociale est d'avoir de nombreuses actions d'ouverture de droits mais les gens doivent venir à la sécurité sociale. Il faut donc inverser la démarche et aller au contraire vers les gens.

Ce système a très bien fonctionné notamment pour l'ouverture des droits maladie, moins bien pour les droits RSA ou autres, à cause en particulier de questions de domiciliation. En tant qu'élus locaux, vérifiez que vos centres communaux d'action sociale (CCAS) assurent bien leur mission obligatoire de domiciliation. Ce n'est pas toujours le cas, loin de là, et ce défaut de domiciliation pose problème car c'est une condition pour l'ouverture des droits.

Monsieur Ramadier, vous parliez de l'accès à des chèques alimentaires. Nous y réfléchissons pour concevoir des circuits courts puisque ces sujets ont été annoncés par le Président de la République. Le diable se cache dans les détails de la mise en œuvre ; l'idée est intéressante mais il faut définir quels produits sont éligibles, en créant un système simple pour que ce soit lisible mais, s'il est trop simple, cela comprend aussi des cas qui ne correspondent pas à tous les objectifs.

Par ailleurs, les moyens en termes d'aide alimentaire ont été considérablement augmentés. Les fonds européens augmentent de 48 % pour la période 2021-2027. Je pense donc que, sur l'aide alimentaire, nous avons énormément fait. Le sujet est maintenant plutôt de savoir comment mailler l'accès aux droits.

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