La crise dans les EHPAD a commencé alors même que nous étions tous déjà confrontés à un problème d'attractivité pour les métiers, de recrutement de professionnels et de défaut de taux d'encadrement. Même aux effectifs autorisés, nous avions du mal à recruter dans un secteur peu attractif, peu valorisé et qui n'attirait pas les jeunes. La crise a donc démarré dans ce contexte, qui avait justifié la mission de Myriam El Khomri pour valoriser les métiers de l'accompagnement.
Cette crise est arrivée et s'y est ajoutée la difficulté de protéger les professionnels. Lors de la première vague, les professionnels n'avaient pas accès aux protections. On avait même dit alors que les protections n'étaient pas nécessaires pour des malades qui n'étaient pas positifs au covid-19. La positivité au covid ne se voyait pas sur le visage, mais était révélée par des tests ; certains patients positifs étaient asymptomatiques. Cela a expliqué en grande partie la contamination élevée dans les EHPAD.
La mission El Khomri avait conclu, avant même le début de la crise, à un problème de rémunération. Celui-ci a été revu grâce au « Ségur », même si les médecins du secteur privé solidaire n'y ont pas eu droit – ce qui crée un problème de recrutement. Myriam El Khomri notait également un problème de taux d'encadrement, un problème de formation et de parcours professionnel et enfin, un problème capacitaire lié à la montée en nombre et en dépendance des personnes âgées. Tous ces éléments justifiaient des décisions qui n'ont pas été prises pour le moment. Nous attendons toujours la loi sur le grand âge. Certains éléments d'une loi sur le grand âge semblent apparaître, en particulier la cinquième branche, mais de façon éparse et en tous cas non construite.
Je rappellerai dans cette crise la nécessité de responsabiliser les professionnels, et en particulier ceux en capacité de décider. Lors de la première vague, des décisions très générales et lapidaires ont été prises sur le plan national – et on peut le comprendre : elles ont consisté en un confinement total et en l'arrêt des visites afin de protéger les personnes âgées contre une maladie qu'on ne connaissait pas bien. À partir du moment où le Gouvernement a mieux appréhendé la maladie et a compris qu'il fallait faire confiance aux directeurs, il a été possible d'organiser une réponse graduée et personnalisée, en fonction des capacités humaines et des configurations géographiques des EHPAD. Heureusement, les directeurs ont pu prendre la main sur les modalités d'organisation du confinement et des visites en sécurité. L'un des enseignements que je tire de cette crise est donc que toutes les décisions ne peuvent pas être prises d'en haut et qu'il convient plutôt, quand cela est possible, d'adopter une approche montante en faisant confiance aux acteurs. Nous souhaitons que cet enseignement puisse être retenu pour les futures contractualisations, qui nous semblent devoir être fondées sur des objectifs et non sur des moyens, et inclure une évaluation a posteriori et non pas a priori comme c'est le cas aujourd'hui.
Où va-t-on désormais ? La cinquième branche a été décidée, mais elle dépendra des modalités et des moyens qui lui seront accordés. En particulier dans le contexte de la montée en nombre et en dépendance des personnes âgées, cette cinquième branche devra être opérante et disposer de suffisamment de moyens jusqu'en 2030, date à laquelle le nombre de personnes âgées sera très important.
Nous avons noté, comme la FHF, que toutes les ARS ont été présentes dans la crise. Nous nous portons en faux contre le procès dressé contre les ARS, auxquelles on reproche leur absence. Elles ont toutes été présentes – avec parfois des difficultés au niveau de leurs représentations départementales, cela est vrai, et les ARS elles-mêmes le reconnaissent. Les délégations départementales ont parfois souffert de manques de capacités à décider, à répandre sur le terrain les décisions et à faire le lien avec les adhérents. Cet élément doit être amélioré.
Les ARS ont été présentes, mais cela n'a pas été le cas de tous les départements. Certains départements se sont engagés, d'autres ont été absents. Dans la perspective d'une évolution des compétences, le projet de loi sur la décentralisation, la déconcentration, la différenciation et la décomplexification (« 4D ») nous semble devoir conforter le niveau régional sur la santé : cela passe par les ARS et par une meilleure inclusion des collectivités régionales et départementales dans la prise de décision. J'ai lu récemment dans une dépêche que le Gouvernement ne se disait pas favorable à la direction commune de l'hôpital de Falaise et du centre hospitalier universitaire de Caen. Je ne trouve pas normal que ce type de décision revienne au Gouvernement. Cette décision doit être traitée à l'échelon local. La responsabilisation du niveau régional doit passer par une meilleure implication des collectivités régionales et départementales dans les ARS. Le niveau départemental doit amener à une inclusion des départements et de leurs compétences actuelles dans ces agences, plutôt qu'à leur distinction à travers une frontière mal définie. Cela sera un vecteur d'amélioration du niveau départemental.
S'agissant des aspects financiers, nous notons, comme la FHF, que les surcoûts n'ont pas été compensés lors de la période entre les deux états d'urgence sanitaire, c'est-à-dire entre le 31 juillet et le 17 octobre 2020. Ainsi, les EHPAD n'ont pas pu compenser les pertes de recettes liées aux décès de personnes âgées, qui ont entraîné la diminution du taux d'occupation.
La vaccination a aujourd'hui démarré. Certains peuvent lui reprocher sa lenteur ; nous ne nous situons pas dans ce procès-là. Nous serons vigilants au respect des deux flux de vaccination, c'est-à-dire que nous veillerons au fait que les personnes ayant reçu la première dose puissent recevoir la seconde. Enfin, nous avons besoin de disposer de davantage de visibilité sur la période après la campagne vaccinale : sur la vie des EHPAD, sur les capacités de nos directeurs à s'organiser et à disposer de protections, sur les moyens de rétablir le lien avec la ville et avec les familles. Nous posons toutes ces questions sans aucune forme de procès. Elles constituent toutes des sujets à venir, et la crise se prolongeant, ils doivent être mis sur la table.