Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 3 février 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 3 février 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission réunit, en visioconférence, une table ronde sur la crise sanitaire et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avec des représentants de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP), de la Fédération hospitalière de France (FHF), du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA) et de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS).

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Conformément à la décision adoptée hier par la Conférence des présidents, notre commission des affaires sociales continue de s'investir pleinement dans le suivi de toutes les dimensions de la crise sanitaire. Nous poursuivons ce matin nos auditions avec les représentants des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Je remercie toutes les personnes présentes d'avoir accepté de nous informer sur la situation des EHPAD et de répondre à nos questions. Il nous paraît utile de conduire avec vous un point sur la situation sanitaire dans les EHPAD, notamment s'agissant de la vaccination.

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Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF)

Le secteur des EHPAD est confronté à une crise majeure qui éprouve l'ensemble de notre système de santé. Malgré un contexte dégradé dans le secteur médico-social, que de nombreux rapports remis au Gouvernement ont souligné, les professionnels ont fait face, et continuent à faire face, à cette crise.

Les EHPAD qui disposaient d'un socle minimum de médicalisation – présence de médecins salariés, d'une expertise pharmaceutique, d'une permanence de soins infirmiers nuit et jour – et de liens solides avec le secteur sanitaire, car par exemple inscrits dans une filière gériatrique, ont pu mieux résister à la crise car ils se sont appuyés sur cette expertise et sur les dispositifs hospitaliers. Il faudra bien sûr en tirer les conséquences dans la réflexion sur l'évolution souhaitée du modèle des EHPAD.

La FHF salue l'engagement des pouvoirs publics et le soutien financier apporté aux EHPAD au titre de la crise, qui a représenté plus de 2 milliards d'euros. Mais je soulève un point d'alerte sur le caractère incomplet et partiel de ces dispositifs pour 2020 – à ce jour, les périodes entre les deux états d'urgence sanitaire ne sont pas compensées – ainsi que sur la nécessité de poursuivre ce soutien en 2021 car la crise n'est pas terminée. Il n'est pas possible que les EHPAD subissent une double peine : celle de l'épidémie, prise de plein fouet, et celle des difficultés financières qui en découlent et qui pourraient les condamner à terme.

La vaccination est une chance, qui devient réalité dans les EHPAD – on ne peut que s'en féliciter. Je souhaite rappeler l'importance majeure de la vaccination des plus vulnérables – les résidents en EHPAD et en unités de soins longue durée – et la nécessaire vigilance qu'il convient d'adopter dans le suivi de la couverture vaccinale maximum au sein de ces établissements.

En cette période, la tentation a été forte de remettre en cause le travail réalisé par les agences régionales de santé (ARS). Si leur organisation est perfectible – notamment en les rapprochant du terrain et en renforçant leur échelon départemental –, il faut tordre le cou aux idées reçues : les ARS ont été présentes. Je tiens à votre disposition les résultats d'une enquête flash menée par la FHF auprès de ses adhérents à l'été 2020, qui illustrent la réalité du soutien apporté par les ARS aux EHPAD.

Enfin, je rappelle que les efforts consentis par les professionnels des EHPAD vont laisser des traces. Les signes d'épuisement sont évidents. La FHF réaffirme le besoin criant d'emplois supplémentaires dans les EHPAD, qui doit se traduire concrètement et à court terme par des engagements financiers pluriannuels. Nous avons demandé une augmentation globale de 25 % des effectifs des EHPAD avec un plan pluriannuel de recrutement sur cinq ans, ce qui représente plus de 20 000 postes par an. Cela correspond à une augmentation de trois postes par an pour un EHPAD de cent lits. Cela constitue un véritable motif de relance économique et sociale, ainsi que l'occasion de susciter des vocations auprès des jeunes et des personnes en reconversion professionnelle.

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Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA)

Nous allons bientôt fêter l'anniversaire d'un an de la crise du covid dans les EHPAD. Après un an, il nous apparaît que toutes les fois où nous pensions être potentiellement libérés de l'attaque du virus, comme en mai, en août ou en septembre, il n'en a malheureusement rien été. En ce début 2021, nous sommes à la fois heureux de l'arrivée du vaccin et désabusés dans la préparation de la potentielle troisième vague épidémique.

Depuis un an, je fais face à un épuisement des professionnels que nous représentons. À un épuisement dû au covid s'ajoute un épuisement lié aux communications erratiques et permanentes du Gouvernement. On n'en peut plus. Je le dis à la représentation nationale aussi clairement que je le pense : on n'en peut plus. On n'en peut plus d'écouter chaque jour, toute affaire cessante, une conférence de presse qui ne nous apprend rien. Il en va de même pour les EHPAD : nous recevons en moyenne un nouveau protocole toutes les vingt-quatre heures. Cette situation devient ingérable. Nous avons reçu il y a une semaine un protocole recommandant de distancier les résidents de 2 mètres ; nous attendons le prochain protocole qui arrivera dans dix jours et nous demandera de mettre en place une distanciation de 2 mètres 50. Je suis désolée de commencer mon propos de façon aussi abrupte, mais cette communication permanente est épuisante. À notre sens, après un an, il conviendrait de réfléchir non pas au monde d'après, ni d'avant, mais d'avec. Cela fait maintenant douze mois que nous ne savons plus comment faire, y compris avec les familles, qui réclament la possibilité de rendre visite une fois de temps en temps à leurs parents en chambre. Nous pensons qu'il faut aujourd'hui stopper la communication gouvernementale permanente, avec le « nez dans le guidon », qui s'appuie sur le nombre de morts, le nombre de lits, le nombre de places en réanimation. Cette façon de procéder va tous nous faire perdre la tête.

À notre sens, il faut prendre de la hauteur. Le covid nous a frappés. Avec les variants, il risque de nous frapper durablement. Pensons avec agilité au nombre de places d'hébergement sanitaire disponibles et à la restructuration qu'il faudra organiser dans les trois ans en contexte de covid ; il en va de même pour les places de réanimation ou les places de psychiatrie pour gérer les ravages que va générer la crise.

Les variants nous mettent en difficulté en matière de séquençage. Après l'échec des masques, l'échec des tests, l'échec partiel de la vaccination, nous voilà face à l'échec du séquençage. Nous nous rendons compte que nous ne savons pas séquencer, donc nous ne savons pas détecter de variant. Un nouveau variant pourrait demain provenir de chaque pays, de toute façon, nous ne savons pas le chercher. Il faudrait à chaque fois avoir deux coups d'avance pour sortir de cette crise, et nous avons un coup de retard. Les professionnels que je représente ont du mal. Nous devons reprendre une réflexion plus large.

S'agissant des protections, le débat s'ouvre à nouveau sur le masque avec l'arrivée du variant anglais. On nous explique pourtant depuis douze mois que les réelles protections sanitaires sont le masque FFP2 et le masque chirurgical. Cela fait douze mois également que nous attendons les tests salivaires. Certains pays européens n'ont conduit que des tests salivaires depuis le début de la crise. En France, nous les attendons encore.

Je conclurai par la vaccination. Depuis le début de la crise, nous nous retrouvons face au mur et soudainement, nous nous en sortons. Il en va de même pour la vaccination. Nous avons été alertés le 15 décembre. Nous sommes en lien permanent avec les pouvoirs publics et pourtant, c'est le 7 décembre que pour la première fois le terme de vaccination a été prononcé auprès des professionnels du grand âge. Le 7 décembre, la question posée était alors : que fait-on pour la vaccination ? Il a fallu deux ou trois semaines pour que les EHPAD se mettent en action, tout en assurant la libéralisation et l'élargissement des visites pour les fêtes de fin d'année. Cela a constitué une double dose de bonheur au moment des fêtes.

Nous avons tenu ce pari, puisque nous connaissons la troisième semaine de livraison de vaccins et la vaccination en EHPAD fonctionne vraiment très bien. Après les premiers couacs calendaires en début de mois, les trois dernières semaines sont une réussite. La réussite est telle que nous sommes tristes que le SYNERPA n'ait pas été écouté en première intention et que la vaccination n'ait pas été ouverte à tous les salariés des EHPAD. Maintenant que les résidents sont vaccinés, il va encore falloir vacciner les salariés – la vaccination n'est donc pas terminée dans les EHPAD.

Le grand désespoir de notre champ est le domicile, qui a été laissé à l'abandon. Les milliers de professionnels du domicile n'ont pas reçu de prime ; qui plus est, on leur demande de financer les masques, les sur-blouses et les sur-chaussures pour effectuer leurs visites. J'en finirai là car il serait trop long d'expliquer à quel point le domicile va mourir de sa belle mort dans peu de temps si rien n'est fait.

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Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP)

La crise dans les EHPAD a commencé alors même que nous étions tous déjà confrontés à un problème d'attractivité pour les métiers, de recrutement de professionnels et de défaut de taux d'encadrement. Même aux effectifs autorisés, nous avions du mal à recruter dans un secteur peu attractif, peu valorisé et qui n'attirait pas les jeunes. La crise a donc démarré dans ce contexte, qui avait justifié la mission de Myriam El Khomri pour valoriser les métiers de l'accompagnement.

Cette crise est arrivée et s'y est ajoutée la difficulté de protéger les professionnels. Lors de la première vague, les professionnels n'avaient pas accès aux protections. On avait même dit alors que les protections n'étaient pas nécessaires pour des malades qui n'étaient pas positifs au covid-19. La positivité au covid ne se voyait pas sur le visage, mais était révélée par des tests ; certains patients positifs étaient asymptomatiques. Cela a expliqué en grande partie la contamination élevée dans les EHPAD.

La mission El Khomri avait conclu, avant même le début de la crise, à un problème de rémunération. Celui-ci a été revu grâce au « Ségur », même si les médecins du secteur privé solidaire n'y ont pas eu droit – ce qui crée un problème de recrutement. Myriam El Khomri notait également un problème de taux d'encadrement, un problème de formation et de parcours professionnel et enfin, un problème capacitaire lié à la montée en nombre et en dépendance des personnes âgées. Tous ces éléments justifiaient des décisions qui n'ont pas été prises pour le moment. Nous attendons toujours la loi sur le grand âge. Certains éléments d'une loi sur le grand âge semblent apparaître, en particulier la cinquième branche, mais de façon éparse et en tous cas non construite.

Je rappellerai dans cette crise la nécessité de responsabiliser les professionnels, et en particulier ceux en capacité de décider. Lors de la première vague, des décisions très générales et lapidaires ont été prises sur le plan national – et on peut le comprendre : elles ont consisté en un confinement total et en l'arrêt des visites afin de protéger les personnes âgées contre une maladie qu'on ne connaissait pas bien. À partir du moment où le Gouvernement a mieux appréhendé la maladie et a compris qu'il fallait faire confiance aux directeurs, il a été possible d'organiser une réponse graduée et personnalisée, en fonction des capacités humaines et des configurations géographiques des EHPAD. Heureusement, les directeurs ont pu prendre la main sur les modalités d'organisation du confinement et des visites en sécurité. L'un des enseignements que je tire de cette crise est donc que toutes les décisions ne peuvent pas être prises d'en haut et qu'il convient plutôt, quand cela est possible, d'adopter une approche montante en faisant confiance aux acteurs. Nous souhaitons que cet enseignement puisse être retenu pour les futures contractualisations, qui nous semblent devoir être fondées sur des objectifs et non sur des moyens, et inclure une évaluation a posteriori et non pas a priori comme c'est le cas aujourd'hui.

Où va-t-on désormais ? La cinquième branche a été décidée, mais elle dépendra des modalités et des moyens qui lui seront accordés. En particulier dans le contexte de la montée en nombre et en dépendance des personnes âgées, cette cinquième branche devra être opérante et disposer de suffisamment de moyens jusqu'en 2030, date à laquelle le nombre de personnes âgées sera très important.

Nous avons noté, comme la FHF, que toutes les ARS ont été présentes dans la crise. Nous nous portons en faux contre le procès dressé contre les ARS, auxquelles on reproche leur absence. Elles ont toutes été présentes – avec parfois des difficultés au niveau de leurs représentations départementales, cela est vrai, et les ARS elles-mêmes le reconnaissent. Les délégations départementales ont parfois souffert de manques de capacités à décider, à répandre sur le terrain les décisions et à faire le lien avec les adhérents. Cet élément doit être amélioré.

Les ARS ont été présentes, mais cela n'a pas été le cas de tous les départements. Certains départements se sont engagés, d'autres ont été absents. Dans la perspective d'une évolution des compétences, le projet de loi sur la décentralisation, la déconcentration, la différenciation et la décomplexification (« 4D ») nous semble devoir conforter le niveau régional sur la santé : cela passe par les ARS et par une meilleure inclusion des collectivités régionales et départementales dans la prise de décision. J'ai lu récemment dans une dépêche que le Gouvernement ne se disait pas favorable à la direction commune de l'hôpital de Falaise et du centre hospitalier universitaire de Caen. Je ne trouve pas normal que ce type de décision revienne au Gouvernement. Cette décision doit être traitée à l'échelon local. La responsabilisation du niveau régional doit passer par une meilleure implication des collectivités régionales et départementales dans les ARS. Le niveau départemental doit amener à une inclusion des départements et de leurs compétences actuelles dans ces agences, plutôt qu'à leur distinction à travers une frontière mal définie. Cela sera un vecteur d'amélioration du niveau départemental.

S'agissant des aspects financiers, nous notons, comme la FHF, que les surcoûts n'ont pas été compensés lors de la période entre les deux états d'urgence sanitaire, c'est-à-dire entre le 31 juillet et le 17 octobre 2020. Ainsi, les EHPAD n'ont pas pu compenser les pertes de recettes liées aux décès de personnes âgées, qui ont entraîné la diminution du taux d'occupation.

La vaccination a aujourd'hui démarré. Certains peuvent lui reprocher sa lenteur ; nous ne nous situons pas dans ce procès-là. Nous serons vigilants au respect des deux flux de vaccination, c'est-à-dire que nous veillerons au fait que les personnes ayant reçu la première dose puissent recevoir la seconde. Enfin, nous avons besoin de disposer de davantage de visibilité sur la période après la campagne vaccinale : sur la vie des EHPAD, sur les capacités de nos directeurs à s'organiser et à disposer de protections, sur les moyens de rétablir le lien avec la ville et avec les familles. Nous posons toutes ces questions sans aucune forme de procès. Elles constituent toutes des sujets à venir, et la crise se prolongeant, ils doivent être mis sur la table.

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Jérôme Voiturier, directeur général de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

L'UNIOPSS rassemble les associations de solidarité qui interviennent dans le secteur médico-social avec les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, mais aussi dans la lutte contre l'exclusion et sur les questions d'enfance. Mon propos se concentrera ainsi essentiellement sur les EHPAD, mais je me permettrai quelques incises sur les autres secteurs. Le propos que je vous présenterai a été travaillé avec notre centaine d'adhérents et avec les unions régionales interfédérales des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.

Je traiterai de la vaccination, des professionnels et enfin des proches des résidents en EHPAD.

Avant toute chose, mon premier constat est qu'il est impossible généraliser. Plusieurs situations très hétérogènes existent. Il est très difficile de tenir un propos unique sur les EHPAD et le covid – les situations varient largement d'un territoire à l'autre.

Je constate en règle générale une bonne acceptation de la vaccination chez les personnes résidentes, plus forte d'ailleurs que chez les professionnels. La situation est pourtant hétérogène : dans certains territoires, le taux de vaccination des résidents atteint déjà plus de 90 %, alors que la campagne de vaccination est plus compliquée dans d'autres territoires.

Comme l'exprimait Antoine Perrin, cette situation explique que les directeurs d'EHPAD se questionnent sur les suites de la vaccination. Pour beaucoup de résidents et de proches, la vaccination doit donner lieu à un allégement du protocole des visites. Puisque les résidents et les personnels seront vaccinés, les résidents et leurs proches attendent une plus forte liberté de visites et une reprise du lien social.

Les professionnels sont fatigués, cela a déjà été dit. La fatigue est d'abord physique : entre les deux pics de la crise, l'été a été caniculaire. La canicule a exercé une pression supplémentaire sur les personnels, à un moment où la crise du covid était moins présente. La fatigue est également psychologique. Si la revalorisation a été plus ou moins bien gérée pour les personnels des EHPAD privés et publics, en revanche, les professionnels nourrissent encore de nombreuses interrogations sur la revalorisation des autres secteurs privés non lucratifs, comme la protection de l'enfance. Cela envoie un très mauvais signal. On a salué la mobilisation totale de ces professionnels pendant le premier épisode de la crise et le premier confinement ; désormais, ces professionnels font face à une non-reconnaissance et à des situations très hétérogènes. Les modalités de revalorisation varient entre les différents secteurs professionnels, et parfois entre des professionnels du même secteur au sein de la même association mais intervenant sur des territoires différents. La conséquence en est un risque de fuite des salariés du secteur privé non lucratif vers le secteur public – cela est surtout vrai pour le secteur du handicap.

Il faut par ailleurs que la relation avec les autorités de contrôle et de tarification soit la plus facilitante possible pendant cette période de crise. Certaines autorités de contrôle et de tarification, surtout pendant le premier confinement, n'ont pas pris la mesure de l'ampleur de la tâche pour les professionnels et ont parfois renforcé les difficultés existantes.

S'agissant des résidents et des proches, la stratégie « protéger sans isoler » est à peu près claire. Néanmoins, un vrai problème se pose quant à l'acceptabilité des mesures d'exception par les personnes résidentes et leurs proches. Il s'agit de mesures exceptionnelles dérogatoires au droit commun : la possibilité de sortir pendant le couvre-feu, par exemple. Cela nourrit chez ces personnes le sentiment de subir un traitement particulier et des mesures plus restrictives que le reste de la population, et alimente un risque de glissement progressif des résidents, qui est aussi inquiétant.

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Que retiendront demain les historiens de la crise sanitaire engendrée par le covid ? Ils retiendront très certainement le lourd tribut payé les EHPAD. Ils retiendront également l'implication des personnels, leur courage, leur épuisement, et l'inflexion quant à permettre aux familles un droit de visite en EHPAD, ainsi que le choix éthique de la stratégie vaccinale.

Ce lourd tribut appelle à réviser nos modèles dans l'accompagnement des fragilités et des vulnérabilités engendrées par le grand âge. L'isolement cause des situations de souffrances expliquant que le taux de suicide des personnes âgées en France, et notamment en EHPAD, est l'un des plus élevés d'Europe. C'est pourquoi le Ségur de la santé intègre l'ensemble des avancées en faveur du grand âge. Si l'accroissement de l'espérance de vie sans incapacité est indéniable, il nous faut également proposer des modèles complémentaires pour le grand âge.

Que proposez-vous en faveur d'une culture préventive de la dépendance, pour préserver au mieux l'autonomie des personnes âgées à domicile ? Celles-ci ont été beaucoup mieux protégées pendant la crise que les personnes en institution.

Que vous ont apporté les outils numériques en temps de crise ?

Quelles réponses vous inspirent la médicalisation du grand âge, les organisations trop cloisonnées et la nécessaire interface entre les acteurs de ville et les institutions ?

Enfin, quelles recommandations de conditions de travail et de gouvernance préconisez-vous pour les personnels, permettant de faire émerger un EHPAD hors l'EHPAD, constituant un modèle plus résilient face à la crise sanitaire ?

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Vous avez souligné que, malgré des débuts compliqués, la vaccination se mettait désormais bien en place. Certains de vos patients sont-ils déjà concernés par la seconde injection du vaccin ? Les retours du terrain expriment des difficultés à ce sujet. Au-delà des seniors à domicile, il semble assez compliqué de pouvoir faire parvenir en temps et en heure les secondes doses aux EHPAD.

Vous avez évoqué les manques de compensations pour la période entre les deux états d'urgence sanitaire. Êtes-vous en capacité de mesurer les pertes financières de vos établissements ?

Lors de la mission menée avec Annie Vidal lors du premier confinement, vous nous aviez alertés sur les problèmes importants de recrutement des aides-soignants. Le quotidien régional Nice Matin y consacre ce jour un dossier conséquent. Après deux vagues épidémiques, on se rend compte que la situation n'est toujours pas réglée – elle est même de plus en plus compliquée, car vous êtes obligés de faire appel à des professionnels non formés et non diplômés. Comment nous, pouvoirs publics, pouvons-nous vous aider à pallier ces manques ?

Ma dernière question porte sur la loi sur le grand âge et la dépendance, souvent évoquée dans cette commission et malheureusement souvent reportée. Qu'attendez-vous d'une loi sur la dépendance ? Vous avez mentionné les ARS ainsi que les difficultés de relations avec les autorités de contrôle et de tarification. Comment pourrions-nous envisager un protocole facilitant pour vous aider à l'avenir ?

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Je voudrais sincèrement remercier tous les personnels des EHPAD – tous, à leur niveau, ont montré leur engagement et leur grande humanité.

Madame Riet, quel est le taux de vaccination de vos résidents et de vos professionnels ? Il semblerait que ce taux soit assez bas. Une obligation de la vaccination pour les professionnels de santé constituerait-elle une solution ?

Madame Arnaiz-Maumé, j'ai retenu de votre propos : plus de liberté pour agir car « trop de protocoles tuent le protocole ». Je ne suis pas très loin de pouvoir vous rejoindre sur ce point. Je partage également avec vous l'idée qu'il faudra apprendre à vivre avec le covid. Quel est le dernier protocole que nous pourrions collectivement rédiger ? L'éthique est un enjeu important de cette réponse.

Monsieur Perrin, vous avez évoqué les difficultés de recrutement et le plan métier. Brigitte Bourguignon a récemment fait des annonces importantes à ce sujet. Répondent-elles selon vous à l'urgence du moment ?

Monsieur Voiturier, vous avez mentionné l'isolement. Quelle serait, selon vous, la place du numérique pour accompagner nos personnes âgées dans ces établissements ?

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Je tiens d'abord à remercier les intervenants et je souhaite dire, au nom de mon groupe, toute la reconnaissance que j'adresse à l'ensemble des personnels des établissements.

Des leçons semblent avoir été tirées du très strict premier confinement. Quels types de prises en charge pourraient être améliorés ? Cette amélioration passe-t-elle par le renforcement de certaines professions, en particulier les psychologues ou les kinésithérapeutes ? Avez-vous remarqué des initiatives sur le terrain, qui pourraient être pérennisées ?

Le Ségur de la santé a permis le versement d'un complément de traitement indiciaire à hauteur de 183 euros mensuels pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD. Les agents des foyers logements, des maisons d'accueil spécialisées, des services de soin à domicile sont cependant exclus de cette revalorisation, ce qui cause une incompréhension et un découragement alors que ces derniers ont joué un rôle déterminant dans la prise en charge des patients pendant la crise sanitaire. Rencontrez-vous déjà des difficultés de recrutement dans ces services et redoutez-vous un manque d'attractivité encore plus fort ?

Notre groupe considère que le manque de décentralisation de notre système de santé a pu être un handicap, tant dans la gestion de la crise que dans la stratégie vaccinale. Pensez‑vous qu'un choc de décentralisation de notre système de santé pourrait être opportun ?

Enfin, une reconnaissance salariale de tous les personnels du secteur médico-social est nécessaire. Mais ce que demandent avant tout les personnels soignants, ce sont des collègues supplémentaires. Depuis plusieurs années, on observe une augmentation du nombre de résidents pluripathologiques en EHPAD. Quelle est votre position sur la création d'un ratio résidents/soignants dans chaque établissement ?

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Je voudrais remercier nos quatre intervenants et adresser un salut tout particulier à Florence Arnaiz-Maumé, qui a traduit la colère et l'exaspération que vivent aujourd'hui les directeurs et les personnels des établissements. Nous devons entendre cette colère.

Chacun des intervenants a mentionné les signes d'épuisement du personnel, le manque d'effectifs, le manque de reconnaissance. Ma première question porte sur la circulaire interministérielle relative à la mise en place de la campagne de recrutement d'urgence sur les métiers du grand âge. Brigitte Bourguignon s'est félicitée de l'émergence d'une vraie synergie entre Pôle emploi et les ARS. J'aimerais écouter le retour des personnes sur le terrain. Comment les établissements sont-ils associés à ce plan métier ? Les personnels qui vous sont proposés disposent-ils des qualifications nécessaires ?

Ma deuxième question porte sur l'isolement, en particulier chez les personnes âgées, dont certaines ont développé un syndrome de glissement. Alors que nous nous situons peut‑être à l'aube d'un troisième confinement, quelles recommandations formulez-vous à ce sujet ?

Enfin, je reviendrai sur la compensation des recettes. Les décès et l'incapacité d'accueillir de nouveaux résidents ont eu pour conséquence des lits restés vides. Sur la section hébergement et dépendance, discutez-vous de la compensation des recettes avec les autorités de tarification, notamment avec les conseils départementaux ? Sur les dotations de soins, jugez-vous que l'utilisation des crédits non reconductibles en fin d'année a été optimale pour combler les surcoûts que vous avez accusés ?

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Les témoignages dans les journaux relatent un retour à la normale. Cette normalité est bien anormale, car les discussions avec des collègues travaillant en EHPAD montrent bien que les personnels de ces établissements vivent avec le virus. Il est bien compliqué pour eux d'accomplir les tâches quotidiennes et la toilette, en se protégeant et en protégeant les résidents. Non, la situation actuelle ne constitue pas un retour à la normale. Je tiens à remercier tous les directeurs et les personnels des établissements, y compris les cuisiniers et les services administratifs.

Il avait été promis que des suivis psychologiques soient mis en place pour tous les personnels et les résidents. Des suivis psychologiques vous ont-ils été proposés ?

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Je voudrais à mon tour saluer l'engagement de l'ensemble des professionnels qui travaillent dans vos structures au cours de cette crise sanitaire. Pouvez‑vous nous en dire plus sur l'impact de cette crise sur les personnels ? Comment ont‑ils pu traverser ces difficultés ?

Ma deuxième question porte sur le recrutement. Quelles problématiques rencontrez‑vous en matière de recrutement ? Pensez-vous que nous disposions des moyens et des structures de formation suffisantes pour faire face aux besoins ?

Je souhaite également interroger le SYNERPA. Des polémiques ont eu cours l'an dernier sur le versement des dividendes. Quelles sont les intentions de vos adhérents à ce sujet cette année ? Par ailleurs, dans les établissements qui n'ont pas été concernés par les mesures du « Ségur », avez-vous pu procéder à des augmentations de salaire pour les personnels ?

Vous avez tous évoqué les difficultés financières de vos établissements. Pouvez-vous nous détailler concrètement ces difficultés et leurs causes précises ? Avez-vous constaté des difficultés de paiement plus fortes de la part de certaines familles, par exemple ?

Disposez-vous d'éléments sur le niveau actuel de la demande d'hébergement dans vos établissements ?

Enfin, quelles leçons tirez-vous de cette crise pour construire le nouveau modèle des EHPAD de demain ?

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Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF

Avant toute chose, je précise que l'ensemble de vos questions fera l'objet de réponses écrites de notre part car les questions sont nombreuses.

Nous notons aujourd'hui que le taux d'adhésion des professionnels médico-sociaux à la vaccination a progressé. La FHF a très tôt pris l'initiative d'organiser une rencontre entre le professeur Alain Fischer et la communauté médico-soignante. Nous étions persuadés que si la communauté médicale était convaincue de l'intérêt de la vaccination et montrait l'exemple, cela entraînerait un élan vers la vaccination. C'est ce que nous constatons. Habituellement, le taux de vaccination de la grippe dans nos établissements se situe entre 35 % et 55 %. Le taux de vaccination du coronavirus est 10 à 20 points plus élevé. Je pense qu'il faut rendre obligatoire la vaccination contre la grippe car chaque année, nos aînés payent un lourd tribut.

Vous nous avez interrogés sur le point de savoir comment répondre aux attentes de nos aînés, comment les accompagner dignement et sur les demandes que les professionnels forment à ce sujet. Nous avons évoqué la loi sur le grand âge, mais la cinquième branche existe. Il est urgent de lancer cette cinquième branche. Elle permettra d'accompagner dignement nos aînés fragilisés, qu'ils résident en établissement ou à domicile. Elle permettra de prendre en compte les évolutions de notre société. Les attentes de nos aînés de demain ne seront pas les mêmes que celles d'hier – les professionnels qui travaillent à leurs côtés le comprennent très bien. Nous assistons au boom de la télémédecine et de l'utilisation des outils à distance. Grâce à l'aide d'entreprises, la FHF a ainsi pu apporter des tablettes dans les établissements pendant la crise. Pendant la première vague et jusqu'à maintenant, maintenir le lien est extrêmement important. La cinquième branche devrait contribuer à changer le regard de la société sur les métiers de l'accompagnement de nos aînés, qui constituent des métiers d'avenir. Il faut leur rendre toutes leurs lettres de noblesse, au même titre par exemple que les métiers de l'artisanat, qui sont des métiers reconnus même s'ils ne nécessitent pas de nombreuses années d'études post-bac.

Durant la première vague, j'ai à nouveau endossé la blouse pour mettre en place une unité covid dans un EHPAD public et accompagner ma mère, qui réside dans cet EHPAD. J'y ai vu évoluer les professionnels. Ils ont fait preuve d'ingéniosité ; ils ont essayé d'utiliser au maximum les outils numériques ; ils ont souhaité, malgré leurs nombreuses contraintes, ménager du temps pour éviter l'isolement et accueillir des bénévoles. Ils ont fait preuve d'énormément d'énergie, d'intelligence et de pragmatisme.

Nous devons absolument nous saisir du sujet du recrutement. Nous subissons un déficit de professionnels dans les établissements aussi bien qu'à domicile. Le sujet est là. Grâce à un partenariat conduit il y a quelques années avec une association de réinsertion professionnelle dans un département d'Île-de-France, nous avons orienté des professionnels vers ces métiers. Si un véritable travail est mené entre les établissements, Pôle emploi et les associations, nous pourrons susciter des vocations et les accompagner. Il est important de rappeler que ces métiers demandent une grande part de créativité et d'initiative.

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Sandrine Courtois, co-responsable du pôle autonomie de la FHF

S'agissant de l'appui en ressources humaines apporté aux EHPAD, il consiste en une réaction et un accompagnement dans l'urgence. Un certain nombre de dispositifs ont été proposés aux établissements, comme les plateformes de renfort en ressources humaines. Il est très clair que les EHPAD ont très peu bénéficié de ces renforts, car les propositions de profils étaient inadaptées ou bien car les personnes proposées renonçaient après deux ou trois jours de présence en établissement. On constate ainsi que les ressources humaines de l'hôpital ont été très précieuses pour les établissements publics, avec la possibilité de mutualiser un certain nombre de professionnels du soin, et notamment les médecins et les infirmiers. Les dispositifs financiers dérogatoires mis en place par l'assurance maladie, prévoyant des paiements forfaitaires pour inciter les professionnels libéraux, ont été particulièrement appréciés.

Mais si l'on se projette à long terme, il faut bien évidemment mener un travail au long cours et anticiper le volume de professionnels à former – nous appelons cette anticipation de nos vœux depuis longtemps déjà. Actuellement, le déficit de professionnels concerne surtout les aides-soignantes et les aides médico-psychologiques, qui représentent plus de 40 % des effectifs en EHPAD.

La collaboration engagée avec le secteur sanitaire par des dispositifs mis en place au sein des filières gériatriques constitue un modèle particulièrement intéressant pour alimenter la réflexion sur l'EHPAD de demain. L'EHPAD de demain n'est pas un EHPAD isolé. Il est au contraire parfaitement intégré à son territoire, ouvert sur la ville et sur l'hôpital. Il bénéficie des collaborations avec les professionnels de proximité et avec les ressources gériatriques – ces ressources sont rares, c'est pourquoi il mobilise également l'expertise de la télémédecine. Les outils à distance ont fait leurs preuves pendant la crise mais ne sauraient se substituer à une expertise et à des renforts humains. Les transferts de savoir et les échanges de pratiques entre les professionnels du sanitaire et du médico-social sont particulièrement précieux. Enfin, l'EHPAD que nous souhaitons voir se déployer à l'avenir doit disposer de moyens à la hauteur des besoins des résidents, tant en matière de volumes de professionnels que de financements. Un mode de financement plus adapté permettrait aux EHPAD de disposer d'une dotation soin afin d'assurer eux-mêmes la composition de leurs équipes soignantes et leurs rémunérations au tarif global soins des EHPAD. Le tarif global soins constitue un outil au service de l'efficience de la dépense – on constate que les crédits d'assurance maladie sont mieux maîtrisés – et de l'optimisation de la ressource, gage de qualité pour les résidents, puisque les personnels font pleinement partie de l'équipe soignante et sont présents auprès d'eux.

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Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA

Je répondrai à la question d'Agnès Firmin Le Bodo sur les propositions collectives auxquelles réfléchir un an après le début de la crise sanitaire. Peut-être formule-je ici un rêve. Utiliser comme seul curseur pour décider d'un confinement les 3 000 places en réanimation nous semble un peu court. Il me semble qu'une vraie réflexion publique doit émerger sur le point de savoir comment réorganiser rapidement et avec agilité le secteur sanitaire public et privé, afin qu'il puisse faire face au tout‑venant dans les années à venir. Il me semble également important d'ouvrir une réflexion prenant en compte le nombre de décès. L'année 2020 totalise 558 000 décès, quand une année sans covid entraîne en moyenne 600 000 décès. C'est triste ; c'est grave. Ne devrions-nous pas mener une réflexion sur cette focale pointée en permanence sur les décès dus au covid, en dehors de tout autre paramètre ?

S'agissant de la définition des protocoles de soins, nous fonctionnons depuis un an avec des protocoles que les médecins « s'échangent sous le manteau ». La réponse des pouvoirs publics est qu'ils ont besoin de temps pour tester. Cependant, dans des cas d'urgence aussi grande, nous savons que le covid se gère. La deuxième vague en EHPAD a été moins dure que la première car les médecins savent mieux gérer la situation. Un EHPAD attaqué aujourd'hui arrive à soigner des patients. Entre les porteurs asymptomatiques qui n'ont besoin que de peu de soins et les patients que les médecins arrivent à soigner car ils connaissent un peu mieux la maladie, une piste existe sur les soins à apporter et elle doit être mieux explorée. Aujourd'hui, beaucoup de médicaments circulent autour du covid.

Nous nous sommes reposés sur l'usage du masque en tissu car nous ne disposions d'aucun autre type de protection à l'époque. Il serait peut-être temps aujourd'hui de revenir aux fondamentaux et de se réarmer en masques de haute protection. Les alertes reçues récemment en provenance de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur signalent un taux d'attaque de 90 % à 95 % en quatre jours dans certains établissements. L'un des établissements s'est demandé s'il devait conduire le séquençage variant. L'ARS le recommande ; nous le voulons. Il a été impossible, pour l'établissement, d'obtenir le séquençage. Nous ne saurons donc jamais si ces trois EHPAD récemment en très grande difficulté ont été attaqués par des variants. Nous découvrons le séquençage ; il faut vraiment s'ouvrir sur ces questions.

Le sujet de l'éthique est fortement névralgique. À titre d'exemple, une procédure mortuaire nous a été imposée en mars dernier. Le covid nous a alors été présenté comme une maladie hautement infectieuse, du même type qu'Ebola – l'angoisse nous a conduits à exécuter ces choix. Le Conseil d'État, le 21 janvier, a cassé la mise en bière immédiate. Nous n'avons aujourd'hui pas connaissance des protocoles que nous devons appliquer. Nous sommes pris en étau entre des familles meurtries de ne pouvoir accompagner leurs parents dans leurs derniers moments, et des personnels qui doivent opérer à la hâte une mise en bière immédiate sans savoir si ce qu'on leur demande est éthique ou même nécessaire. Nous sommes laissés très seuls sur ces questions. Nous en appelons à une réflexion collective sur le point de savoir comment adapter les procédures mortuaires à la vie avec le covid. Ces réflexions sont nécessaires pour tenter de se projeter dans une vie avec le virus.

Dans le meilleur des cas, la vaccination contre le covid devrait être rendue obligatoire pour les personnels des EHPAD et du secteur sanitaire. Nous souhaitons la rendre obligatoire, tout comme la vaccination contre la grippe, qui n'a jamais été rendue obligatoire. Un mur existe qui nous sépare de la possibilité de décider – à nous donc de faire consentir les personnels à la vaccination. Le consentement chez les salariés est peut-être moins important que chez les résidents, mais la vaccination fonctionne bien. Nous pensons que la synergie qui s'est développée chez les résidents va avoir lieu également chez les salariés, à la condition qu'on ouvre à tous les salariés la possibilité de se faire vacciner.

Nous avons créé en EHPAD de petits « vaccinodromes » qui ont lieu sur trois jours. Nous finançons l'intervention de médecins libéraux grâce aux crédits de l'assurance maladie. Nous pouvons vacciner entre deux cents et trois cents personnes en trois jours ; nous vaccinons à peine quatre-vingts personnes en deux jours. Si la vaccination était ouverte à tous, nous aurions aujourd'hui atteint le taux de 70 % de vaccination de l'ensemble des résidents et salariés – cela n'est pas le cas aujourd'hui car la vaccination est centrée sur les résidents. Le calendrier des vingt et un jours est respecté ; les doses sont livrées. Nous n'avons pas reçu d'alerte quant à des problèmes de livraison des secondes doses. En revanche, nous recevons beaucoup d'alertes de la part des établissements qui ont vacciné 70 % de leurs résidents et qui constatent qu'il leur reste à convaincre tous leurs salariés et les 30 % restants de leurs résidents. Quand donc auront lieu les troisième et quatrième livraisons de doses, qui devraient se situer mi-février ou fin février, afin d'opérer la dernière vaccination en EHPAD ?

S'agissant des compensations, le secteur des EHPAD s'en est bien sorti car beaucoup de moyens ont été mis en œuvre. Notre secteur a été l'un des plus protégés de l'économie française : 1 milliard d'euros ont été débloqués pour les EHPAD afin de prendre en charge les compensations, les surcoûts, les primes. Désormais, 1,9 milliard d'euros sont en train d'être déployés au titre du « Ségur ». Je représente des adhérents qui ont opéré des avances de crédits au 31 décembre 2020 – nous sommes assez sûrs désormais que les crédits vont arriver dans les établissements, mais la grande majorité des opérateurs a opéré des avances de crédits du « Ségur » au 1er septembre, dès le mois de décembre et de janvier. Beaucoup d'opérateurs ont avancé des sommes très importantes et attendent les trois prochains mois pour récupérer ces crédits du « Ségur ».

S'agissant de l'emploi, le SYNERPA propose la création d'un niveau intermédiaire entre auxiliaire de vie et aide-soignante. Cela permettrait de former rapidement des personnels en premier niveau de soins – qui pourrait être financé par l'assurance maladie. Là où l'on ne trouve pas d'aide-soignante, on pourrait avoir recours à ce niveau intermédiaire. En la matière, Pôle emploi, l'ARS et le SYNERPA conduisent des expérimentations dans les territoires mais nous n'arrivons pas du tout à les développer au niveau national. Ce premier niveau intermédiaire pourrait être appelé accompagnant en gérontologie. Nous avons mis au point des modules de formation en 300 heures pendant trois mois pour mener les personnes à un premier niveau de soins, puis pour les accompagner au niveau aide-soignant dès que cela sera possible. Nous n'arrivons pas à l'obtenir. Cela fait un an que nous demandons à pouvoir tenir des jurys de la validation des acquis d'expérience (VAE) par visioconférence. La VAE est bloquée, depuis un an et sur l'ensemble du territoire, en raison du manque de jurys par visioconférence. La VAE constitue pourtant un puissant vecteur pour amener des auxiliaires de vie vers les filières de soin. Nous avons des choses à proposer mais nous sommes peu entendus. Nous avons du mal à savoir ce que cette dernière campagne « Un métier pour nous », mise en place à la hâte, va concrètement donner dans nos établissements.

Les différents acteurs ont multiplié les dispositifs de soutien psychologique : les adhérents que je représente en ont mis en place, de même que l'État et les mutuelles. Le soutien psychologique existe donc pour les salariés. Est-ce que cela suffira ? Le choc traumatique sera de longue durée et va déployer ses effets dans le temps. Il faut donc continuer à mettre en place un soutien intensif des salariés.

Enfin, il a été proposé un choc de décentralisation. Le SYNERPA a pris son parti de l'absence de loi sur le grand âge. Vous savez qu'il faut environ six ans pour qu'une loi prenne forme : elle suppose trois ans de travaux préparatoires puis trois ans de décrets. Aujourd'hui, en a-t-on les moyens intellectuels et le temps ? Je ne crois pas. À notre sens, deux choses peuvent être faites. S'agissant de la décentralisation, je rejoins mes collègues pour affirmer que les ARS ont été présentes – les départements, en revanche, l'ont moins été. Le SYNERPA milite pour une cogouvernance sur l'ensemble du secteur. Au cours des quinze dernières années, le tripartisme, incarné par la relation entre le département, l'ARS et l'établissement, a modernisé les EHPAD. Nous attendons que les services à domicile, qui ne sont aujourd'hui gouvernés que par les départements, évoluent exactement de la même manière. Nous appelons à une cogouvernance afin d'opérer des services d'aide et de soins à domicile. Même sans loi sur le grand âge, il serait possible de mettre en place une telle mesure cette année. Il est possible de mettre en place un tarif national minimal d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) par voie de décret. Nous pourrions y accoler un forfait qualité de 3 euros, comme l'a recommandé le rapport Libault. Cela est possible par le biais d'une loi de financement de la sécurité sociale ou d'une loi de finances rectificative. Il est donc encore possible de sauver le secteur de l'aide à domicile, même sans loi sur le grand âge. Avec la lutte contre le covid, c'est le combat que le SYNERPA mènera cette année.

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Antoine Perrin, directeur général de la FEHAP

Afin de répondre à toutes les questions de manière cohérente, je suivrai le fil du parcours de la personne à partir de son domicile. Nous sommes réunis pour parler des EHPAD, mais je ne peux pas traiter ce sujet sans évoquer le domicile. L'EHPAD est d'ailleurs un domicile. Le premier domicile de la personne est son appartement, son lieu de vie. Tout doit partir de là, sans scission entre le domicile « vrai » et le domicile EHPAD.

La prévention démarre au domicile. Si l'on souhaite diminuer la perte d'autonomie, il faut d'abord intervenir au domicile. Les professionnels du domicile sont les grands absents de cette crise – ou plutôt, ils ont été très présents mais personne ne les a vus. Ils ne font pas partie des revalorisations. Les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), qui n'interviennent pas dans le soin, n'ont pas bénéficié de la prime, ou bien de façon éparse par certains départements. Ce secteur, déjà en difficulté avant la crise, peine à maintenir ses effectifs du fait des revalorisations du « Ségur », qui ne le concerne pas. Beaucoup d'adhérents de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) nous expliquent qu'ils ont dû fermer des unités car les infirmières et les aides-soignantes sont parties. La prévention démarre donc par la prise en compte des acteurs du domicile, de façon qu'ils soient les premiers acteurs à être reconnus et valorisés pour leurs compétences, et articulés avec les autres acteurs de la santé et de l'accompagnement.

Nous avons mené auprès de nos adhérents une enquête sur la vaccination. Lorsque la vaccination a été annoncée, les 6 000 réponses que nous avons collectées ont montré que seulement 19 % des professionnels non-médecins des EHPAD étaient adhérents à la vaccination. Si environ 10 % des effectifs étaient indécis, plus de 70 % d'entre eux y étaient opposés. Ce chiffre est considérable. L'opposition, du côté des médecins, était moindre. Nous avons donc demandé qu'une communication positive soit faite sur la vaccination. Elle a eu peine à se mettre en place, mais nous l'avons poussée dans nos établissements. Nous constatons aujourd'hui que la réticence de nos soignants par rapport à la vaccination diminue. Nous n'avons pas de remontée de défaut de doses pour la seconde injection. Nous souhaiterions qu'une véritable stratégie de vaccination se mette en place, de la manière suivante : la première injection est donnée aux volontaires, aux soignants de plus de 50 ans et aux personnes âgées ; la seconde injection concerne les personnes qui ont reçu la première injection et constitue une première injection pour les personnes non vaccinées qui ont été convaincues entre‑temps ; et ainsi de suite toutes les trois semaines, afin de créer un roulement de vaccination jusqu'à obtenir un taux de vaccination correct. J'attire votre attention sur la vaccination à domicile. Les personnes âgées à domicile ne se situent pas dans un schéma aussi construit que dans les établissements – elles ne sont pas prioritaires. Il faut être beaucoup plus vigilant et accompagnant quant à la vaccination à domicile.

Qu'attendre de la loi sur le grand âge ? Il n'y aura pas de loi sur le grand âge, ou en tout cas pas telle qu'elle avait été prévue, je me suis maintenant fait à cette idée. Que peut-on donc réaliser avant la fin du quinquennat ? J'attends beaucoup de la loi « 4D », notamment en matière de santé décentralisée. La crise l'a montré : l'État ne peut pas décider de tout. L'État doit définir de grandes orientations et laisser les régions et les départements adapter ces décisions au niveau local en fonction de leurs particularités. Il faut donc conforter le niveau régional, en y incluant les collectivités : les collectivités régionales, en ce qui concerne la formation, l'enseignement, le recours, la recherche, l'innovation et l'investissement en santé ; le niveau départemental, que je souhaiterais voir inclus avec ses compétences actuelles en matière de proximité, d'autonomie et de parcours à partir du domicile. Cela me semble essentiel.

Pour atteindre un bon découpage territorial entre les compétences de l'État et les compétences des départements, il faut partir du principe que la santé est un tout. Elle doit être gérée ensemble : pour cela, les collectivités départementales doivent être strictement associées à l'État. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et c'est franchement regrettable. Les ARS disposent d'un plan régional de santé, appliqué au niveau régional et décliné au niveau départemental. Parallèlement, les départements élaborent un schéma social et médico-social. Il arrive que les deux documents ne soient pas concertés. Si je forme une attente par rapport au grand âge, c'est celle d'une gouvernance unique et concertée des collectivités territoriales – régionales et départementales – avec l'État.

Je répondrai à la question de Mme Firmin Le Bodo sur le plan métiers et les présentations faites par Mme Bourguignon. Enfin ! Le rapport El Khomri date d'avant la crise. Nous avons vraiment attendu. Tout dépendra maintenant de l'élan que nous lui insufflerons. Il s'agit là encore d'une logique de parcours des personnes à partir de leur domicile. Les professionnels doivent se coordonner autour des parcours des personnes. Ces professionnels doivent être encouragés, valorisés – les professionnels du domicile, pour l'instant, ne le sont pas. Il est terrible de constater que dans certains territoires, il est difficile de convaincre des étudiants de se former aux métiers de l'accompagnement et du soin alors même que le taux de chômage est très important. Des actions d'envergure doivent être déployées par Pôle emploi, les conseils régionaux ainsi que par les fédérations – la région Grand Est connaît des initiatives significatives à ce sujet : tous les acteurs doivent travailler de façon coordonnée pour faire naître un nouvel intérêt pour ces métiers, qui doit s'incarner dans un parcours professionnel. Une personne qui souhaite s'orienter vers ce secteur doit savoir qu'il propose de beaux métiers, valorisés, à responsabilités et avec un niveau de rémunération correspondant, et qu'il offre des perspectives d'évolutions. C'est absolument essentiel. C'est par la mise en avant des parcours professionnels qu'on favorisera le plan métiers.

Nous sommes confrontés à des difficultés de recrutement, surtout depuis que nous avons constaté un décalage entre le secteur public et notre secteur dans la valorisation des métiers. En 2019, les salariés du public ont été revalorisés grâce à une prime de 100 euros nette. Cela n'a pas été le cas chez nous. À nouveau, la revalorisation du « Ségur » ne concerne pas les professionnels du domicile ni nos médecins. Nous constatons la fuite de nos professionnels non valorisés vers le secteur public. Il est ahurissant de voir que les services du domicile sont les plus fragiles et les moins valorisés, et donc les plus en difficulté en ce moment.

Très honnêtement, je ne suis pas favorable à la mise en place d'un ratio résidents/soignants. Il s'agit là encore d'un enjeu de délégation de responsabilités et de compétences à l'échelon local. En fonction du type de population à accompagner, de la configuration de leurs locaux, de leurs projets, les directeurs d'établissements doivent pouvoir, à masse salariale équivalente, adapter leurs métiers aux besoins. Je me méfie beaucoup des décrets normatifs sur le nombre et le type de professionnels.

Quel nouveau modèle pour l'EHPAD de demain ? Je plaide pour une réforme de la contractualisation. J'en reviens à mon projet de parcours des personnes à partir de leur domicile. Demain, on ne raisonnera plus en termes d'EHPAD et de services à domicile, mais en termes de compétences au profit d'une population donnée sur un territoire donné. Une association, une fondation, un établissement public ou privé devra contractualiser avec l'autorité – que j'espère rassemblée entre l'État et les départements – pour offrir un parcours de soin et d'accompagnement à une population donnée sur un territoire donné. Il ne faudra donc pas accorder des autorisations correspondant à un certain nombre de lits, mais accorder des autorisations pour telle population sur tel territoire sur la base de compétences. Ensuite, il faudra déterminer les modalités des parcours avec les personnes et les familles, et les adapter : la personne sera d'abord au domicile, peu accompagnée ; ensuite, à son domicile mais davantage accompagnée ; puis, à son domicile avec des périodes de répit en établissement, par exemple. La crise a montré qu'il était possible de mettre en place des compétences responsabilisées. Voici la réforme de l'EHPAD que je souhaite – nous devrions d'ailleurs bien plutôt l'appeler la réforme des acteurs de l'autonomie de demain.

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Jean-Christian Sovrano, directeur de l'autonomie et de la coordination des parcours de vie de la FEHAP

Je répondrai aux questions des députés sur les aspects économiques et financiers. En première vague, nous avions estimé à 250 millions d'euros les surcoûts liés aux moins-values de recettes et les surcoûts d'exploitation et de fonctionnement pour notre réseau d'adhérents, qui propose 100 000 places d'EHPAD. Ces chiffres doivent être multipliés par sept pour rendre compte des surcoûts au niveau national. Ces estimations avaient été élaborées sur la base d'hypothèses de retour à la normale après huit mois. Après la deuxième vague, et peut-être une troisième vague, le retour à l'optimum d'exploitation n'est pas encore aujourd'hui possible.

Nous remercions le Gouvernement car une aide substantielle a été accordée à notre secteur. Il demeure, malgré tout, de nombreux « trous dans la raquette ». Le Gouvernement doit nous entendre sur la période entre le 11 juillet et le 16 octobre 2020, correspondant à la période entre les deux états d'urgence sanitaire. Nous attendons des discours forts du Gouvernement sur la période d'état d'urgence de 2021 et la compensation des surcoûts en 2021. Il est important que les dispositifs de financement exceptionnels se poursuivent en 2021. Il y a fort à craindre que les plus petits établissements soient confrontés à des ruptures de trésorerie et doivent fermer. Les contraintes économiques actuelles font peser de lourdes difficultés sur le secteur privé solidaire. Nous souhaitons faire passer ce message : il est nécessaire de poursuivre l'accompagnement, même si le secteur a déjà été aidé, pour qu'il puisse s'en sortir. Les besoins seront forts peut-être durant toute l'année 2021.

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Jérôme Voiturier, directeur général de l'UNIOPSS

Une étude conduite par notre réseau chiffre à 20 millions d'euros les surcoûts liés à l'acquisition d'équipements de protection dans 493 établissements – pas seulement des EHPAD. Le sujet est connu.

Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions, car elles ont été très nombreuses. Je me concentrerai sur le personnel et les professionnels d'une part, et sur les résidents d'autre part, en suivant un fil rouge : réintroduire de l'humain.

Nous avons besoin de 25 % de personnels en plus dans les établissements. Mais il faut d'abord que le métier soit humain, et non un métier normalisé, chronométré, dont tous les actes sont quantifiés. Il faut, bien sûr, que les actes médicaux ou paramédicaux soient normés. Mais nous sommes confrontés à une dérive depuis un certain temps, qui veut que le temps et le séquençage des actes occupent une place prépondérante dans ces métiers. Cela fait que l'aspect humain et l'attractivité de ces métiers disparaissent peu à peu. J'y vois là une des solutions pour renforcer l'attractivité de ces métiers, car les jeunes professionnels sont surpris de voir à quel point l'aspect humain passe au second plan après les normes.

La question du renforcement de l'humain se pose également s'agissant des résidents et de leurs proches. Pendant la crise, les conseils de la vie sociale n'ont pas pu pleinement jouer leur rôle. Le personnel était essentiellement occupé par les questions sanitaires – cela est compréhensible – et l'accompagnement, l'animation, la vie sociale dans l'établissement ont été amoindris. De même, depuis le 15 mars, les conférences régionales de la santé et de l'autonomie dans les ARS ont été très peu réunies et ont été très peu associées aux réponses données. La crise pose soulève donc de vraies questions sur la démocratie interne et sur la vie sociale des résidents.

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. Merci pour votre témoignage et pour l'engagement de votre secteur au service de nos aînés.

Vous avez rappelé le besoin d'une meilleure coopération territoriale entre l'État, l'ARS, le département et constaté une grande hétérogénéité. Auriez-vous des bonnes pratiques de territoires à partager, qu'il serait opportun de généraliser ?

Pourriez-vous nous faire part des innovations déployées dans vos établissements, notamment en matière de numérique, pour maintenir le lien entre les résidents et les familles ?

De manière plus générale, comment comptez-vous mobiliser les possibilités offertes par le plan de relance pour moderniser vos établissements et lancer les évolutions nécessaires que vous avez identifiées ?

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Je salue, à travers vous, toutes celles et tous ceux qui travaillent dans vos établissements et à domicile auprès des personnes âgées.

Vous avez évoqué les questions qui touchent au passé, aux difficultés de soins ou de matériels, à l'isolement. Il faut maintenant regarder l'avenir. Comment êtes-vous associés à l'élaboration de la loi sur le grand âge et l'autonomie ? Ne passons pas à côté de cette grande réforme, qui mériterait de bénéficier d'une vision très transversale du parcours de vie, associant à la fois la prévention, l'accompagnement et le soin.

Je suis très intéressé par la réforme de la cogestion de notre système de santé et du système médico-social. Je souhaite recueillir votre avis et des précisions sur la cogouvernance, notamment entre l'ARS et les régions pour les problématiques de santé, et entre l'ARS et les départements pour les politiques liées à la dépendance des personnes âgées et au maintien à domicile. Quelles sont vos priorités à ce sujet ? Si la ministre nous propose une loi, nous souhaiterions l'enrichir d'une vision forte et responsable pour les années à venir. Beaucoup de rapports ont été produits à ce sujet ; il faut maintenant faire preuve d'une véritable volonté pour relever ce grand défi, avec vous, tous ensemble, et dans l'intérêt de nos aînés.

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J'ai particulièrement apprécié les propos de M. Voiturier, qui insistait sur le besoin de réintroduire de l'humain à tous les niveaux. Je souscris également tout à fait aux propos de M. Perrin.

Je suis députée de la Moselle, département particulièrement touché par des décès en EHPAD et dans les hôpitaux. Comment, selon vous, améliorer les relations entre l'ARS et les EHPAD ? Quelle forme de plus-value attendez-vous de la part de l'ARS ?

Je dispose de chiffres sur la vaccination dans les EHPAD de la Moselle au 27 janvier. Certains établissements affichent zéro résident et quatre salariés vaccinés. Ces chiffres m'inquiètent. Pourquoi cette situation ? Je ne la comprends pas, alors que nous faisons face à l'urgence de vacciner les personnes les plus fragiles et nos aînés.

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S'agissant de la vaccination pour les professionnels de moins de 50 ans qui le souhaiteraient, comment se prépare le déploiement du vaccin AstraZeneca après les recommandations de la Haute Autorité de santé parues le 2 février ?

S'agissant du plan de relance, alors qu'il faut améliorer les conditions de vie et de travail dans de nombreux établissements parfois en grande précarité énergétique, avez-vous accès aux aides à l'investissement pour la rénovation de vos établissements ?

Enfin, vous avez enfin été nombreux à évoquer le secteur du domicile. La revalorisation attendue des professionnels prévue par la loi de financement de la sécurité de sociale à partir du mois d'avril est conditionnée à la contribution financière des conseils départementaux. Où en sont les négociations avec les départements ? N'y-a-t-il pas un risque que la revalorisation ne se concrétise pas dans de nombreux départements au budget trop contraint ?

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Nous pouvons voir le verre à moitié vide, ou à moitié plein. Je voudrais saluer un certain nombre de pratiques. Les EHPAD ont d'abord vécu la sidération au début de la crise sanitaire, puis les choses se sont organisées et de nombreuses initiatives ont été réussies.

C'est au cœur du territoire que se construit une gestion en coopération du risque sanitaire. Le niveau départemental des ARS a pu être défaillant ; il faut l'évaluer. Je souhaite recueillir votre avis sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Les niveaux départementaux des ARS s'appuient souvent sur les GHT, ce qui cause une iniquité entre les EHPAD privés et publics. L'avez-vous également constaté ?

Je souscris tout à fait à la vision de la compétence sur un territoire donné. Nous évoquons souvent l'EHPAD de demain – je pense qu'il faut davantage débattre de l'EHPAD d'aujourd'hui. Quel est votre avis sur l'EHPAD support ? De quoi cet EHPAD pourrait-il être le support : d'une résidence autonome ? d'une structure de SSIAD ? d'une équipe mobile ?

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Dans mon département de Haute-Loire, cette crise sanitaire a montré combien les professionnels de santé ont su s'organiser de façon très rapide, en optimisant l'ensemble des moyens à leur disposition. Je pense que cela constitue un pas vers le parcours de soins de demain. Selon vous, quel rôle les ARS ont-elles joué dans cette crise ? Dans mon département, je les ai trouvées très absentes.

Je rejoins le SYNERPA et la FHF sur les enjeux de recrutement et de formation. En pleine pandémie, les contraintes administratives à l'ouverture des sessions de formation sont tout simplement incompréhensibles. Il m'a fallu six mois pour ouvrir une session en apprentissage d'aide-soignante dans mon département, alors que tous les établissements ont besoin de professionnels. J'aimerais pouvoir vous rencontrer pour mettre au point des propositions concrètes sur les questions de recrutement, de formation et de parcours professionnel.

S'agissant de la vaccination, que pensez-vous de cette gestion très pyramidale, faite des deux flux A et B ? Dans mon département, les maires ont joué un rôle important dans la vaccination, notamment pour les plus de 75 ans.

Ma dernière question porte sur les masques en tissu. Beaucoup d'entreprises françaises produisent des masques en tissu, qui ont été validés par la direction générale de l'armement. Je suis très étonnée qu'on nous recommande désormais d'utiliser des masques en papier ou de norme FFP2. Est-ce du lobbying ? Veut-on finir de tuer notre industrie française ?

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Merci pour vous interventions et, à travers vous, merci à l'ensemble de vos équipes.

Je souhaiterais évoquer la revalorisation salariale mensuelle de 183 euros pour l'ensemble des agents des établissements de santé et des EHPAD actée dans le Ségur de la santé. Cette revalorisation, très attendue, se fait toujours attendre par les SSIAD. Les acteurs de mon département m'ont interpellé à plusieurs reprises sur ce décret qui instaure, de fait, une différence de traitement entre les agents publics. Nombreux pourtant sont les établissements sociaux et médico-sociaux qui comportent plusieurs types d'activités et de services, comme des EHPAD et des SSIAD. En outre, ce décret instaure une véritable hiérarchisation entre les agents, alors même qu'ils peuvent exercer les mêmes fonctions dans les mêmes structures. Je souhaite recueillir votre avis sur ce point.

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Je salue, à travers vous, l'ensemble des personnels.

Protéger nos aînés par la vaccination est une priorité. Au 26 janvier, plus de 40 % des résidents des EHPAD ont reçu la première injection du vaccin, ce qui représente un peu plus de 41 000 personnes. Même si elle est difficile à établir et à chiffrer, l'adhésion des personnes âgées pour la vaccination semble grande. Quand pouvons-nous espérer la seconde phase de vaccination pour les personnes âgées en EHPAD ? Cette vaccination se fait-elle de façon homogène sur l'ensemble du territoire ? La vaccination des personnels soignants semble, en revanche, avoir pris du retard – j'aimerais obtenir des précisions à ce sujet.

Je suis également sensible à la prise en charge des décès. Je sais que vous avez dû suivre des protocoles très contraignants et très difficiles, aussi bien pour les familles que pour vos collaborateurs. Quels sont les protocoles en vigueur actuellement ? Arrivez-vous à faire face à ces situations, pour le moins très douloureuses ?

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Je souhaite remercier d'abord tous les professionnels que j'ai pu observer lors de mes visites en circonscription à Asnières et à Colombes, et vous remercier pour votre engagement.

Les visites ont été encadrées par un protocole extrêmement contraignant, qui s'est peu à peu allégé. La vaccination devrait permettre aux résidents, particulièrement à ceux souffrant de la maladie d'Alzheimer et de troubles neurocognitifs, de bénéficier de davantage de visites. Cet allégement des protocoles de visites est très attendu par les résidents. La première phase de vaccination permet-elle d'ores et déjà cet allégement ?

Un des intervenants a mentionné des protocoles mortuaires aberrants. À la suite de la question de M. Ramadier, je souhaite savoir si ces protocoles ont évolué. Les sites internet livrent très peu d'informations à ce sujet.

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Merci à tous les intervenants pour les éléments riches qu'ils nous ont fournis. J'ai bien entendu leurs inquiétudes, frôlant parfois la colère. Il est important que nous tenions compte de ces éléments. Nous avons tous perçu très précisément la réalité de la crise sanitaire, qui a été douloureusement vécue notamment dans les EHPAD. Nous avons tous saisi la solidarité qui s'exprimait entre les établissements sur le terrain, pour compenser en partie les déficits d'effectifs. Cela doit nous encourager à développer ensemble de plus de plus de confiance dans l'ensemble des professionnels sur le terrain. Mme Riet a bien démontré l'utilité des GHT pour développer cette solidarité entre les établissements.

Quel est le pourcentage précis des résidents des EHPAD ayant reçu une première injection de vaccin et des résidents ayant déjà reçu les deux injections ? Quelles sont les prévisions de vaccination pour la fin du mois de février ? Quel est le pourcentage des personnels des EHPAD, des autres établissements ou des services à domicile qui sont inscrits pour une vaccination prochaine ? Il est important d'encourager, dès aujourd'hui, ces inscriptions.

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Je me permets de lire la question que Martine Wonner, pour des raisons techniques, ne peut poser. Sa question porte sur l'éthique : comment accompagner les usagers et les familles avec bienveillance et dans le respect du consentement ? La pression imposée par le rythme actuel ne permet pas vraiment de solliciter le consentement des personnes. Elle intervient en médico-social chaque semaine, cette question est donc issue d'une expérience de terrain.

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Jérôme Voiturier, directeur général de l'UNIOPSS

Je ne suis pas en mesure d'apporter de réponses sur le nombre de personnels ou de résidents vaccinés ou en cours de vaccination.

Une question sur le numérique a été posée précédemment, à laquelle je n'ai pas répondu. La crise a permis le développement de nouveaux outils, et en particulier de l'outil numérique. Cet outil est sûrement nécessaire, mais il ne remplacera jamais l'humain. Il faut donc l'utiliser comme un plus, mais non comme une alternative.

S'agissant de la gouvernance territoriale, les questions soulevées me rappellent les débats sur la création des agences régionales de l'hospitalisation, devenues ARS, lors des discussions sur la loi hospitalière en 1991. Il faut à la fois avoir le souci d'une intervention la plus proche possible du terrain, et maintenir une forme d'égalité nationale et d'équité territoriale. C'est en cela que réside le dilemme. Comment permettre que des situations particulières soient prises en compte ? Évidemment, les situations ne sont pas les mêmes à Tourcoing qu'à Marseille. Mais il faut également assurer une prise en charge minimale sur l'ensemble du territoire. Dans cette gouvernance, on oublie souvent les personnels eux‑mêmes et les associations qui les représentent. Cette gouvernance doit donc être élaborée à la fois par l'État et par les acteurs de terrain que sont les collectivités territoriales et les personnes elles-mêmes.

Je crois que la loi sur le grand âge et l'autonomie est malheureusement reportée sine die. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Nous ne nous demandons même plus, à ce stade, si une loi est nécessaire. Nous avons besoin de réformes – celles-ci sont urgentes et indispensables. Peu importe alors si elles apparaissent dans une loi, un décret ou des réformes autonomes.

Vous avez voté la création de la cinquième branche dans la loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci ne fait qu'agglomérer des dispositifs déjà existants. Elle ne propose aucune vision autonome, particulière, sur la création d'une politique de l'autonomie. En particulier, le découpage et la territorialisation de cette cinquième branche n'ont pas été traités, alors qu'ils avaient été annoncés. Nous ne disposons pour l'heure toujours d'aucune information à ce sujet.

Pour avoir participé à la rédaction de la loi de 2002 sur le consentement et le droit des malades, je suis très attaché, à titre personnel, à la question du consentement. Bien sûr, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas opérer d'acte médical sans le consentement de la personne. Il faut pour cela se donner les moyens d'expliquer et d'informer dans une situation d'urgence. La tension existant actuellement a pu retarder le consentement.

Je partage seulement à moitié l'avis d'Antoine Perrin sur les ARS. Elles ont été présentes, mais elles ont été plus ou moins facilitantes d'un territoire à l'autre. Certaines ARS, par exemple, ont expliqué aux associations qu'elles se concentreraient principalement sur le sanitaire et non sur le médico-social lors de la première vague. Cela pose deux problèmes. Le premier est que cela questionne l'appétence et la connaissance de l'environnement sanitaire des hommes et des femmes travaillant dans ces institutions. Le second problème est que les professionnels de santé et les professionnels paramédicaux devraient jouir d'un minimum de culture commune – cela devrait constituer l'un des grands axes de leurs politiques de formation. La crise a permis de renforcer la coordination entre les différents acteurs, de fait et par obligation. Ainsi, des rencontres beaucoup plus construites et régulières ont eu lieu entre les collectivités territoriales, les ARS, les maires, les associations et les représentants des professionnels durant la crise. Il faut poursuivre ce décloisonnement. Il faut pour cela construire une culture commune minimale qui permet un échange, un partage d'informations et le renforcement des liens. Si nous y arrivons, nous aurons alors déjà beaucoup progressé. La crise aura eu pour seul bénéfice de renforcer et d'accélérer la construction d'une culture commune entre les acteurs.

J'abonde dans le sens des propos tenus par M. Chiche. Il est intolérable d'opérer une distinction de valorisation, de primes, en fonction de l'établissement ou du territoire dans lequel vous travaillez. Cela est une aberration. Nous militons pour une reconnaissance financière – mais pas seulement – des différentes professions médicales, paramédicales et sociales.

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Antoine Perrin, directeur général de la FEHAP

Dans une crise, on ne triche pas, on se révèle tel qu'on est. Je trouve que la nature humaine s'est révélée être plutôt sympathique durant cette crise. Beaucoup d'initiatives individuelles et collectives ont émergé pour répondre à des problèmes que les textes n'envisageaient pas. La nature humaine a permis de trouver des solutions là où rien n'était prévu pour s'extraire des difficultés.

S'agissant du numérique, nous avons eu la chance qu'un mécène nous fasse don de 1 million d'euros. Avec cette somme, il nous a proposé de lancer un appel à candidatures pour faire émerger des innovations numériques. Nous avons adressé cet appel à innovations à l'ensemble des établissements et services publics et privés solidaires. L'appel concernait des innovations permettant de faciliter le lien entre les personnes, au-delà des dispositifs financés par l'assurance maladie. Nous avons ainsi reçu de nombreux projets portant sur le maintien du lien avec les familles, plus particulièrement grâce au numérique et aux tablettes. Je suis convaincu que les applications numériques dans le médico-social auront un impact beaucoup plus important à l'avenir. Autant le numérique était connu du sanitaire, autant il ne l'était pas du médico-social. La culture numérique n'existait pas dans le médico-social – cette culture peut émerger.

Je répondrai à vos questions concernant la loi sur le grand âge. Nous ne sommes pas associés, de quelque manière que ce soit, à quelque projet que ce soit qui pourrait s'apparenter à une loi sur le grand âge. Des groupes de travail existent sur des sujets épars. J'insiste une fois de plus sur la nécessité de valoriser les parcours professionnels et l'apprentissage. Nous pouvons, par l'apprentissage et le parcours professionnel, convaincre des personnes qui ne sont a priori pas enclines à travailler dans le secteur de la santé et de l'accompagnement.

Qu'attends-je de la loi sur le grand âge ? L'État ne doit pas décider en tout. Il faut qu'existe un niveau régional compétent, qui ne soit pas dépassé par l'État. Les élus doivent pouvoir s'exprimer dans leur niveau de compétence régional, plutôt que d'être contraints d'avoir recours au ministre pour arbitrer des conflits aux niveaux régional et départemental. Il faut construire un lien plus étroit de proximité dans les territoires. La crise a révélé un problème de défaut par inégalité entre les ARS et entre les départements. C'est cela que j'attends d'une loi sur le grand âge.

L'amélioration du lien entre les ARS et les EHPAD passera également par une meilleure implication des ARS dans leur niveau départemental. Les ARS ont connu un problème de défaut de compétences dans le pilotage de leurs délégations départementales. Certains niveaux n'étaient pas en mesure d'accompagner les établissements et services, et de prendre suffisamment d'autonomie et de compétences pour s'associer aux départements sur les EHPAD. À ce sujet, une amélioration est nécessaire.

Je suis incapable de vous apporter des chiffres sur les pourcentages de personnes vaccinées. Ces chiffres évoluent chaque jour et, de plus, les situations sont très inégales. Une députée a fait connaître que certains établissements en Moselle affichaient 0 % de personnes vaccinées. Nous expliquons très bien ces situations. Dans certains établissements de petite taille, employant en moyenne une cinquantaine de salariés, il suffit qu'un leader exprime une défiance vis-à-vis de la vaccination pour que cette opinion l'emporte. Mais à partir du moment où l'on arrive à convaincre ces leaders, les pourcentages de vaccination passent rapidement de 0 % à 50 %. Il est nécessaire de mener un travail pédagogique de terrain pour expliquer et convaincre ces personnes, sans les fustiger car elles ont parfois un parcours professionnel et personnel qui explique leurs inquiétudes. Le retour de sensibilité par rapport au vaccin peut être très rapide, car cette sensibilité est liée à la configuration locale et aux relations interpersonnelles dans l'établissement.

Nous regrettons beaucoup la manière dont ont été conduites les revalorisations décidées par le « Ségur ». Il était nécessaire de revaloriser les professionnels français, qui sont moins valorisés que les professionnels des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Nous regrettons que la focale ait été mise sur le public. Nous avons lancé une revalorisation des salariés du public, avec une négociation strictement publique, qui s'est focalisée – au début en tout cas, et on peut le comprendre – sur le secteur sanitaire et les EHPAD. Le problème est que nous n'avons pas été associés à la négociation. Nous avons été simplement informés, à la fin des négociations, du fait que la revalorisation concernerait nos professions non-médicales. Nos médecins n'ont donc pas été revalorisés. Certains autres secteurs ont été oubliés. Y compris même dans le secteur sanitaire, par défaut réglementaire, les personnels travaillant dans un groupement d'intérêt économique, dans un groupement d'intérêt public, dans les centres de santé, n'ont pas été revalorisés. Prenons l'exemple suivant : les personnels travaillant dans un centre de dépistage des cancers qui n'est pas rattaché à un établissement de santé ne bénéficient pas de la revalorisation. En revanche, les personnels travaillant dans le même centre de dépistage des cancers rattaché à un établissement de santé en bénéficieront. Nous marchons sur la tête. Cela explique la fuite des salariés qui n'ont pas été valorisés.

Il reste maintenant à s'occuper du secteur du handicap, des services à domicile, et de toutes les compétences des départements. Nous avons engagé des négociations sur le secteur du handicap : tous les métiers du public bénéficieront a priori de la revalorisation ; mais pour le secteur privé solidaire, la revalorisation ne concernera que les métiers du soin. Nous sommes à nouveau face à une inégalité. À partir du moment où nous nous sommes saisis de la pelote de la revalorisation et que nous avons commencé à en tirer le fil, il faut aller jusqu'au bout. Sinon, certains métiers et certains secteurs seront dévalorisés et nous assisterons au départ des professionnels de ces secteurs vers d'autres secteurs davantage valorisés.

Les GHT sont publics. La décision de se réorganiser en GHT appartient à l'hôpital public. En revanche, les GHT ne doivent pas l'emporter sur l'organisation globale territoriale de la santé. Les GHT sont un des acteurs de l'organisation territoriale de la santé ; ils constituent certes un acteur de taille, mais d'autres existent autour d'eux. La tendance a émergé qui consiste, pour les vaccinations, à se concentrer sur les établissements publics. Ainsi, les EHPAD publics bénéficient de la vaccination avant les EHPAD privés ; cela se fait quasiment logiquement. Cela conduit à des inégalités. On confond l'acteur public, qui s'est réorganisé et qui est important, avec l'organisation territoriale de la santé, qui est globale et doit considérer de la même manière tous les acteurs.

Je répondrai à vos questions sur la prise en charge des décès. Je peux en parler malheureusement très directement car mon père est décédé du covid en EHPAD au début du mois d'avril, juste après que le décret du 1er avril eut instauré les mesures draconiennes sur la mise en bière. Étant médecin moi-même, j'ai eu la possibilité d'accompagner mon père jusqu'à son dernier souffle. À partir du moment où il est mort, j'ai dû sortir et cela a été une mise en bière rapide et brutale. Elle a été très bien faite par les acteurs d'un EHPAD très humain et très empathique. Il n'empêche, la mesure en elle-même a été très violente – et pourtant, j'en étais averti. Je me mets à la place des familles qui n'ont pas eu l'avertissement dont je disposais, ni la possibilité d'accompagner leurs proches avant le décès. J'essaye de comprendre cette décision car on ne connaissait pas, au début de la crise, l'impact de ce virus ; on avait donc besoin de décisions nationales. J'en reviens à la nécessité de permettre aux directeurs, en lien avec les familles, de prendre les bonnes décisions et de les adapter à leurs configurations propres. La normativité descendante est catastrophique.

Je reviens à l'éthique. La démocratie sanitaire a disparu en début de crise. Des décisions très descendantes et très brutales ont été prises. Le dialogue avec les personnes et les familles a été coupé. Cela a entraîné une sidération, contre laquelle les personnes et les familles ne se sont pas révoltées au début. Cette sidération est désormais levée. Les personnes et les familles exigent que cette démocratie sanitaire soit rétablie. Elles exigent que, lorsque des mesures de confinement sont décidées, celles-ci puissent être discutées. Elles exigent qu'un dialogue puisse avoir lieu sur les modalités d'accompagnement et de soin des personnes, qui ne peuvent pas être normées du niveau national, mais doivent être adaptées localement.

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Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA

Je suis grandement d'accord avec ce qui vient d'être dit.

S'agissant du domicile, il n'existe malheureusement pas de modèles territoriaux à dupliquer. Le secteur du domicile aurait besoin d'un tarif minimal APA – qui n'est aujourd'hui pas mis en place, mais pourrait l'être par décret – et d'un forfait d'assurance maladie. Aucun modèle territorial n'existe donc aujourd'hui. Quelques départements, néanmoins, ont mis en place un tarif de référence unique pour tous les opérateurs – mais ce tarif a été établi par un nivellement vers le bas, ce n'est donc pas la logique que nous souhaiterions voir se répandre.

Je tire les mêmes constats que mes collègues sur le Ségur de la santé. Ce dossier a d'abord concerné le secteur public hospitalier. Après nos demandes, le secteur privé sanitaire et médico-social y a été partiellement intégré ; mais le domicile – SAAD et SSIAD – en est toujours exclu. La branche du domicile associatif a apparemment prénégocié une mesure qui a été présentée en loi de financement de la sécurité sociale : l'octroi de 200 millions d'euros pour financer des revalorisations pour les métiers de l'aide à domicile. Je ne dispose pas de plus d'informations sur l'utilisation de ces fonds pour le moment. Nous attendons un Ségur de la santé pour le domicile.

Depuis la fin du mois de juin, nous n'avons participé à aucune concertation sur la loi sur le grand âge.

Depuis un an, les ARS ont été à nos côtés. J'ai la chance que les agents régionaux soient en lien hebdomadaire avec nos EHPAD et toutes les fédérations. Nous disposons ainsi chaque semaine d'informations à jour et nous leur en sommes très reconnaissants. Durant la crise, les agents administratifs dans les ARS ont travaillé autant que nous – ils n'ont pas compté leurs heures. Ils se sont investis, à la hauteur de l'investissement de l'ensemble du secteur. Nous continuons à leur rendre hommage. Le lien avec les ARS n'a jamais été rompu et nous travaillons très bien avec elles, y compris aujourd'hui dans le cadre de la campagne de vaccination.

J'apporterai quelques éléments supplémentaires sur la vaccination. Nous avons appris comme vous hier que, puisque le vaccin AstraZeneca n'était pas recommandé pour les plus de 65 ans, le personnel soignant pourrait potentiellement en bénéficier. Nous en discuterons cet après-midi avec Mme Bourguignon. Je forme l'espoir qu'on nous annonce l'ouverture de la vaccination à l'intégralité des salariés, soignants et non-soignants. Nous ne savons pas à ce jour exactement combien de personnes ont reçu une première dose ou les deux doses de vaccin. Je vous invite à vous référer aux chiffres présentés par CovidTracker, qui commence à traiter les données vaccinales et qui constitue pour nous une mine d'informations. Au 1er février, 45 000 personnes en France avaient reçu les deux doses de vaccin. Nous sommes donc pour l'instant loin d'une vaccination à 100 % de tous les résidents des EHPAD. Selon notre calendrier, la première semaine de février correspond à la dernière semaine de déploiement massif des injections de la première dose de vaccin. À partir du 8 février, et pour trois semaines, ce sont les secondes doses qui devraient massivement être distribuées. À l'issue de la semaine du 22 février, nous saurons donc combien de résidents et de salariés auront été vaccinés.

Nous recommandons toujours la vaccination de l'ensemble de l'écosystème des EHPAD, afin de réfléchir à l'aménagement des protocoles de visite que les familles appellent de leurs vœux. Nous savons que les vaccins nous prémunissent contre une forme grave de la maladie, mais non contre une contamination – c'est bien ce qui nous oblige, malgré la vaccination, à conserver les masques et les protocoles de visites en l'état. Cela constitue le drame de la vaccination. C'est pourquoi nous réclamons à cor et à cri la vaccination de l'ensemble de l'écosystème – c'est une urgence absolue. Le dernier protocole, ingérable pour nous, prévoit 2 mètres de distance par résident et la suppression de toutes les visites pendant dix jours au premier cas de covid, bien que nos établissements soient dotés de secteurs covid. Nous demandons de la souplesse dans la mise en œuvre ces protocoles. Au bout d'un an, il faut vivre avec le virus. Profitons de ce moment de désespoir, de fatigue, d'épuisement généralisé, pour établir un dernier protocole qui nous livrerait l'intégralité des possibilités – aux directeurs et aux professionnels de les mettre en place, comme ils savent maintenant bien le faire depuis plusieurs mois.

Le SYNERPA opère actuellement la clôture de son exercice financier pour 2020 ; je ne peux donc pas présenter à M. Dharréville les derniers chiffres s'agissant des distributions de dividendes. Ce versement avait néanmoins été stoppé net par la crise. Les adhérents du SYNERPA souffrent durement de la crise actuelle, qui entraîne des difficultés financières en raison des manques d'admissions, des pertes de recettes, des surcoûts qui ne seront pas remboursés.

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Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF

Je reviendrai sur la stratégie vaccinale et sur la question des flux A et B. La stratégie vaccinale pour le secteur médico‑social a été construite en concertation avec toutes les fédérations. Toutes ont milité pour la prise en compte du fait que la campagne de vaccination serait lancée au moment des fêtes de Noël. Il fallait donc mobiliser d'abord les lieux dans lesquels nous savions que les équipes médicales pourraient assurer le déploiement de cette vaccination. Il a été décidé que la vaccination débuterait dans les EHPAD à la mi-janvier, ce qui laissait le temps d'accompagner les résidents et d'assurer tous les entretiens et les consultations prévaccinales. Cela a été une réussite.

La FHF a affirmé qu'elle ne comprenait pas la logique des flux A et B. Pour autant, à l'aune du défi logistique et des difficultés d'approvisionnement, je tiens à saluer l'hôpital public et les groupements hospitaliers publics. La coopération a été exemplaire et réussie, à tel point que tout le monde a compris aujourd'hui que le premier bouclier sanitaire de la nation est bien l'hôpital public.

Pourquoi le « Ségur » ? Nous avions demandé un Ségur de la santé. Si notre hôpital souffre, c'est parce que notre système de santé souffre – en raison de problèmes de maillage territorial, de démographie médicale, d'optimisation des parcours de soins. Hélas, il a fallu la crise sanitaire pour se rendre compte que l'hôpital public était exsangue et qu'il persistait, en son sein, des inégalités de traitements et des écarts de rémunérations monumentaux. La priorité, dans le cadre de ce « Ségur », était de revaloriser les hôpitaux publics et leurs personnels et de relancer l'investissement public qui avait été rendu exsangue. L'hôpital public n'a aucune autre marge de manœuvre que celle-là : nous ne bénéficions d'aucun allégement de charges et nous n'avons aucune possibilité de dégager des bénéfices ou d'adopter une politique d'intéressement sur tel ou tel secteur d'activité.

La FHF est la première à appeler à la prise en compte des oubliés du « Ségur ». Nous l'avons vécu et nous le vivons encore : certains services rattachés aux hôpitaux bénéficient des revalorisations, et d'autres, situés dans les mêmes locaux, n'en bénéficient pas.

Enfin, j'en viendrai aux ARS et à l'échelon de proximité. Nous pouvons tirer deux enseignements de cette crise : la nécessité médicaliser les structures et la nécessité de coconstruire des solutions avec les acteurs de terrain. L'échelon territorial, qui doit faire le lien avec les acteurs de terrain, n'a pas pu agir de façon optimale car il ne dispose pas des compétences requises pour anticiper, accompagner et déployer les solutions au sein du territoire avec les acteurs. La crise l'a mis en évidence. Heureusement, les GHT étaient là pour assurer le caractère opérationnel de leurs missions. L'organisation de treize régions avec treize ARS a éloigné les acteurs locaux – élus, institutions ou professionnels – des prises de décisions opérationnelles. Les sièges des ARS ont été renforcés, mais pas l'échelon territorial. Il faut, enfin, interroger la gouvernance nationale. La gouvernance nationale fonctionne en silos – direction générale de l'offre de soins, direction générale de la cohésion sociale, direction générale de la santé, assurance maladie ; cela représente autant d'interlocuteurs et donc autant de difficultés. On nous demande d'être exemplaires à l'échelle du territoire, soyons-le également à l'échelle nationale.

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Je vous remercie pour toutes vos réponses, formulées avec beaucoup de passion et parfois de véhémence. Je tiens, à titre personnel et au nom de l'ensemble des commissaires, à saluer le travail mené au sein de vos établissements respectifs afin d'accompagner nos anciens dans un contexte difficile accentué par la crise. Vous avez formulé un certain nombre de propositions ; sachez que tous les commissaires sont mobilisés pour essayer d'apporter les meilleures solutions possibles à la situation.

La séance est levée à douze heures dix.