Intervention de Florence Arnaiz-Maumé

Réunion du mercredi 3 février 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA :

Je répondrai à la question d'Agnès Firmin Le Bodo sur les propositions collectives auxquelles réfléchir un an après le début de la crise sanitaire. Peut-être formule-je ici un rêve. Utiliser comme seul curseur pour décider d'un confinement les 3 000 places en réanimation nous semble un peu court. Il me semble qu'une vraie réflexion publique doit émerger sur le point de savoir comment réorganiser rapidement et avec agilité le secteur sanitaire public et privé, afin qu'il puisse faire face au tout‑venant dans les années à venir. Il me semble également important d'ouvrir une réflexion prenant en compte le nombre de décès. L'année 2020 totalise 558 000 décès, quand une année sans covid entraîne en moyenne 600 000 décès. C'est triste ; c'est grave. Ne devrions-nous pas mener une réflexion sur cette focale pointée en permanence sur les décès dus au covid, en dehors de tout autre paramètre ?

S'agissant de la définition des protocoles de soins, nous fonctionnons depuis un an avec des protocoles que les médecins « s'échangent sous le manteau ». La réponse des pouvoirs publics est qu'ils ont besoin de temps pour tester. Cependant, dans des cas d'urgence aussi grande, nous savons que le covid se gère. La deuxième vague en EHPAD a été moins dure que la première car les médecins savent mieux gérer la situation. Un EHPAD attaqué aujourd'hui arrive à soigner des patients. Entre les porteurs asymptomatiques qui n'ont besoin que de peu de soins et les patients que les médecins arrivent à soigner car ils connaissent un peu mieux la maladie, une piste existe sur les soins à apporter et elle doit être mieux explorée. Aujourd'hui, beaucoup de médicaments circulent autour du covid.

Nous nous sommes reposés sur l'usage du masque en tissu car nous ne disposions d'aucun autre type de protection à l'époque. Il serait peut-être temps aujourd'hui de revenir aux fondamentaux et de se réarmer en masques de haute protection. Les alertes reçues récemment en provenance de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur signalent un taux d'attaque de 90 % à 95 % en quatre jours dans certains établissements. L'un des établissements s'est demandé s'il devait conduire le séquençage variant. L'ARS le recommande ; nous le voulons. Il a été impossible, pour l'établissement, d'obtenir le séquençage. Nous ne saurons donc jamais si ces trois EHPAD récemment en très grande difficulté ont été attaqués par des variants. Nous découvrons le séquençage ; il faut vraiment s'ouvrir sur ces questions.

Le sujet de l'éthique est fortement névralgique. À titre d'exemple, une procédure mortuaire nous a été imposée en mars dernier. Le covid nous a alors été présenté comme une maladie hautement infectieuse, du même type qu'Ebola – l'angoisse nous a conduits à exécuter ces choix. Le Conseil d'État, le 21 janvier, a cassé la mise en bière immédiate. Nous n'avons aujourd'hui pas connaissance des protocoles que nous devons appliquer. Nous sommes pris en étau entre des familles meurtries de ne pouvoir accompagner leurs parents dans leurs derniers moments, et des personnels qui doivent opérer à la hâte une mise en bière immédiate sans savoir si ce qu'on leur demande est éthique ou même nécessaire. Nous sommes laissés très seuls sur ces questions. Nous en appelons à une réflexion collective sur le point de savoir comment adapter les procédures mortuaires à la vie avec le covid. Ces réflexions sont nécessaires pour tenter de se projeter dans une vie avec le virus.

Dans le meilleur des cas, la vaccination contre le covid devrait être rendue obligatoire pour les personnels des EHPAD et du secteur sanitaire. Nous souhaitons la rendre obligatoire, tout comme la vaccination contre la grippe, qui n'a jamais été rendue obligatoire. Un mur existe qui nous sépare de la possibilité de décider – à nous donc de faire consentir les personnels à la vaccination. Le consentement chez les salariés est peut-être moins important que chez les résidents, mais la vaccination fonctionne bien. Nous pensons que la synergie qui s'est développée chez les résidents va avoir lieu également chez les salariés, à la condition qu'on ouvre à tous les salariés la possibilité de se faire vacciner.

Nous avons créé en EHPAD de petits « vaccinodromes » qui ont lieu sur trois jours. Nous finançons l'intervention de médecins libéraux grâce aux crédits de l'assurance maladie. Nous pouvons vacciner entre deux cents et trois cents personnes en trois jours ; nous vaccinons à peine quatre-vingts personnes en deux jours. Si la vaccination était ouverte à tous, nous aurions aujourd'hui atteint le taux de 70 % de vaccination de l'ensemble des résidents et salariés – cela n'est pas le cas aujourd'hui car la vaccination est centrée sur les résidents. Le calendrier des vingt et un jours est respecté ; les doses sont livrées. Nous n'avons pas reçu d'alerte quant à des problèmes de livraison des secondes doses. En revanche, nous recevons beaucoup d'alertes de la part des établissements qui ont vacciné 70 % de leurs résidents et qui constatent qu'il leur reste à convaincre tous leurs salariés et les 30 % restants de leurs résidents. Quand donc auront lieu les troisième et quatrième livraisons de doses, qui devraient se situer mi-février ou fin février, afin d'opérer la dernière vaccination en EHPAD ?

S'agissant des compensations, le secteur des EHPAD s'en est bien sorti car beaucoup de moyens ont été mis en œuvre. Notre secteur a été l'un des plus protégés de l'économie française : 1 milliard d'euros ont été débloqués pour les EHPAD afin de prendre en charge les compensations, les surcoûts, les primes. Désormais, 1,9 milliard d'euros sont en train d'être déployés au titre du « Ségur ». Je représente des adhérents qui ont opéré des avances de crédits au 31 décembre 2020 – nous sommes assez sûrs désormais que les crédits vont arriver dans les établissements, mais la grande majorité des opérateurs a opéré des avances de crédits du « Ségur » au 1er septembre, dès le mois de décembre et de janvier. Beaucoup d'opérateurs ont avancé des sommes très importantes et attendent les trois prochains mois pour récupérer ces crédits du « Ségur ».

S'agissant de l'emploi, le SYNERPA propose la création d'un niveau intermédiaire entre auxiliaire de vie et aide-soignante. Cela permettrait de former rapidement des personnels en premier niveau de soins – qui pourrait être financé par l'assurance maladie. Là où l'on ne trouve pas d'aide-soignante, on pourrait avoir recours à ce niveau intermédiaire. En la matière, Pôle emploi, l'ARS et le SYNERPA conduisent des expérimentations dans les territoires mais nous n'arrivons pas du tout à les développer au niveau national. Ce premier niveau intermédiaire pourrait être appelé accompagnant en gérontologie. Nous avons mis au point des modules de formation en 300 heures pendant trois mois pour mener les personnes à un premier niveau de soins, puis pour les accompagner au niveau aide-soignant dès que cela sera possible. Nous n'arrivons pas à l'obtenir. Cela fait un an que nous demandons à pouvoir tenir des jurys de la validation des acquis d'expérience (VAE) par visioconférence. La VAE est bloquée, depuis un an et sur l'ensemble du territoire, en raison du manque de jurys par visioconférence. La VAE constitue pourtant un puissant vecteur pour amener des auxiliaires de vie vers les filières de soin. Nous avons des choses à proposer mais nous sommes peu entendus. Nous avons du mal à savoir ce que cette dernière campagne « Un métier pour nous », mise en place à la hâte, va concrètement donner dans nos établissements.

Les différents acteurs ont multiplié les dispositifs de soutien psychologique : les adhérents que je représente en ont mis en place, de même que l'État et les mutuelles. Le soutien psychologique existe donc pour les salariés. Est-ce que cela suffira ? Le choc traumatique sera de longue durée et va déployer ses effets dans le temps. Il faut donc continuer à mettre en place un soutien intensif des salariés.

Enfin, il a été proposé un choc de décentralisation. Le SYNERPA a pris son parti de l'absence de loi sur le grand âge. Vous savez qu'il faut environ six ans pour qu'une loi prenne forme : elle suppose trois ans de travaux préparatoires puis trois ans de décrets. Aujourd'hui, en a-t-on les moyens intellectuels et le temps ? Je ne crois pas. À notre sens, deux choses peuvent être faites. S'agissant de la décentralisation, je rejoins mes collègues pour affirmer que les ARS ont été présentes – les départements, en revanche, l'ont moins été. Le SYNERPA milite pour une cogouvernance sur l'ensemble du secteur. Au cours des quinze dernières années, le tripartisme, incarné par la relation entre le département, l'ARS et l'établissement, a modernisé les EHPAD. Nous attendons que les services à domicile, qui ne sont aujourd'hui gouvernés que par les départements, évoluent exactement de la même manière. Nous appelons à une cogouvernance afin d'opérer des services d'aide et de soins à domicile. Même sans loi sur le grand âge, il serait possible de mettre en place une telle mesure cette année. Il est possible de mettre en place un tarif national minimal d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) par voie de décret. Nous pourrions y accoler un forfait qualité de 3 euros, comme l'a recommandé le rapport Libault. Cela est possible par le biais d'une loi de financement de la sécurité sociale ou d'une loi de finances rectificative. Il est donc encore possible de sauver le secteur de l'aide à domicile, même sans loi sur le grand âge. Avec la lutte contre le covid, c'est le combat que le SYNERPA mènera cette année.

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