Sur la question des personnes âgées à domicile, c'est un vrai problème parce que, pour ce qui est des ARN messagers, les conditions de conservation et de préparation des doses ainsi que la nécessité de ne pas en gaspiller font que la vaccination à domicile est difficilement envisageable pour l'heure, à mon sens. Nous avons proposé de constituer des équipes mobiles mais cela semble complexe d'un point de vue opérationnel, dans la mesure où ces vaccins se conservent peu de temps après l'ouverture des flacons. Cette situation soulève donc effectivement un véritable problème pour les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer. Nous devrons profiter de toutes les occasions de déplacement de ces personnes, notamment lorsqu'elles se rendent dans des établissements de soins pour des visites auprès de spécialistes. Il sera indispensable de profiter de ces passages et de leur proposer la vaccination quand elles se trouvent entre les murs d'un établissement.
Pour ce qui est du traitement, l'état de la recherche a effectivement peu progressé en dehors des corticoïdes. Nous n'avons pas vu passer de traitement très efficace. Les recherches se poursuivent actuellement sur l'« orage cytokinique », une réaction inflammatoire brutale et de grande ampleur survenant à la deuxième semaine après infection et pouvant mener à la réanimation et au décès. Un certain nombre de traitements ont été testés sans succès, mais d'autres essais sont en cours. De nombreux travaux sur les anticorps monoclonaux sont également menés afin de lutter de manière ciblée, curative ou préventive, sur les formes graves. Si, pour l'heure, aucun résultat n'est satisfaisant, beaucoup d'équipes de recherche œuvrent sur le sujet et nous espérons parvenir à maturité sur ces dossiers d'ici la fin de l'année.
Concernant la stratégie de vaccination relative à AstraZeneca, nous avons proposé de commencer par les 50‑65 ans tant que les doses sont limitées. Selon les prévisions, nous devrions disposer d'un peu plus de 10 millions de doses dans les trois prochains mois, d'ici fin avril, ce qui permettra de vacciner environ 5 millions de personnes. Une fois les doses reçues en quantité suffisante, la vaccination pourra bien entendu être élargie en direction des décennies plus jeunes. La campagne de vaccination demeure toutefois complexe, dans la mesure où chaque vaccin présente ses caractéristiques propres et ses populations cibles. Je partage ce constat de complexité. De même, les conditions de conservation d'AstraZeneca permettent une vaccination beaucoup plus simple, en pharmacie par exemple, ce qui signifie que les circuits seront également variables en fonction des différents vaccins. En tout état de cause, nous avons l'obligation de vacciner le plus de Français possible avec le vaccin qui leur convient le mieux. Pour cela, il me semble que nous devons utiliser tous les avantages de chaque vaccin, même si ce fonctionnement complexifie les choses sur le terrain. Nous n'avons pas le choix, aujourd'hui, si nous voulons optimiser la vaccination.
Concernant les travaux des laboratoires et la production, nous ne sommes vraiment pas en charge de ces secteurs. Je ne vous apporterai rien de plus que vous ne sachiez déjà.
Le troisième confinement est-il inévitable ? Cette épidémie nous contraint à nous adapter en permanence aux données scientifiques et épidémiologiques. Les décisions sont prises en fonction des chiffres qui sont collectés tous les jours et de leurs tendances. Les modélisations permettent de mieux prévoir que la première fois puisque nous avons déjà eu plusieurs vagues et que nous avons par ailleurs l'expérience de ce qui se passe à travers le monde. Les modélisations permettent de parvenir à des estimations. Ces dernières sont cependant fondées sur des intervalles de confiance très larges. Elles prévoient par exemple une troisième vague entre fin février et début avril 2021 en raison de l'apparition de ces variants qui sont beaucoup plus contagieux. Un confinement réalisé de manière précoce a pour but d'amortir la vague et de tenter de la décaler. Cependant, en raison des dégâts dont il est responsable à tous les niveaux, le confinement est repoussé le plus tard possible. Un équilibre est recherché en permanence entre les données et la montée du taux d'occupation des lits de réanimation, dans la mesure où il serait inconcevable que nous ne soignions pas toutes les personnes malades en France. Nous devons par ailleurs veiller à éviter la saturation du système de santé, qui empêche de soigner les autres patients. Il faut absolument le préserver ! Il faut donc confiner le plus tard possible, mais pas trop tard non plus. Ce sont les chiffres quotidiens qui permettent d'appréhender la situation et de décider au mieux.
Une question portait sur la divergence entre la décision de l'EMA et la recommandation émise par la HAS concernant AstraZeneca. Pour rappel, les deux instances n'ont pas du tout le même rôle en ce qui concerne les médicaments. L'EMA, qui est un peu l'équivalent européen de l'ANSM, a pour mission de valider la mise sur le marché de produits de santé en Europe. Cette validation s'effectue après étude de la balance bénéfice/risque. Les risques sont essentiellement mesurés sur des critères de sécurité, à tous les niveaux : qualité de la recherche, production, etc. Ce fonctionnement est valable pour tous les médicaments, et non pas uniquement pour les vaccins. Une fois la mise sur le marché validée, chaque pays décide de la place qu'il accorde aux nouveaux médicaments ou aux nouveaux vaccins dans sa stratégie. Ce produit sera-t-il pris en charge par la collectivité et remboursé ? Est-il mieux ou moins bien pour certaines catégories de personnes ? Le déploiement de cette stratégie relève de la responsabilité de chaque pays via les agences d'évaluation des produits de santé, du moins pour les pays dans lesquelles elles existent – cette mission pourrait être mutualisée en Europe dans la mesure où certains pays n'en ont pas. Les rôles de l'EMA et de la HAS sont donc bien distincts. L'EMA a autorisé la mise sur le marché d'AstraZeneca sans restriction mais a précisé, dans le résumé des caractéristiques du produit, ne pas disposer de données pour les plus de 65 ans. Il est de la responsabilité de la HAS d'indiquer ensuite pour qui ce vaccin peut être utilisé en toute sécurité ; en l'absence de données suffisantes sur l'efficacité vaccinale chez les plus de 65 ans, la recommandation a donc été d'utiliser ce vaccin au profit d'autres populations.
Concernant les tests salivaires, nous avons effectivement besoin d'une harmonisation entre l'analytique et le préanalytique. Nous espérons pouvoir nous prononcer sur le sujet dans les dix jours qui viennent. Nous nous appuyons beaucoup sur les résultats des grandes études menées en France, en particulier trois grandes études. Nous sortons nos avis dès que nous avons les résultats, de façon à bien analyser à chaque fois quel couple analytique/pré‑analytique est le bon, et avec quelles précautions. Par ailleurs, le déploiement de ces tests impliquera une organisation compliquée pour les biologistes, dans la mesure où des réglages sont nécessaires pour passer du nasopharyngé au salivaire sur une plate-forme de PCR. Cette transition ne peut être effectuée facilement. Certaines plateformes de PCR seront donc probablement dédiées au salivaire et d'autres au nasopharyngé, ce qui contraindra les biologistes à s'organiser pour assurer cette répartition. Nous allons également essayer de travailler sur la place de ces tests dans la stratégie par rapport aux autres tests. Les tests salivaires sont plus complexes que les nasopharyngés. C'est la raison pour laquelle nous mettons un peu de temps. Nous attendons les données. Je rappelle que certains pays, comme l'Italie, l'Espagne ou les Etats-Unis, qui ont été moins exigeants que nous sur certains tests au début, en ont terriblement payé les conséquences, que ce soit sur la sensibilité de certains tests ou sur leurs spécificités. En analysant la situation rétrospectivement, je crois que nous n'avons pas commis d'erreurs sur les choix qui ont été faits en France.
Vous m'interrogez ensuite sur les multiples instances qui interviennent dans le cadre de cette crise. Je ne peux vous répondre qu'en tant que présidente de la HAS. Je ne suis pas Présidente de la République et il ne m'appartient pas de commenter les décisions du Président, qui a souhaité s'entourer d'un certain nombre de comités dans une gestion de crise particulièrement difficile. Notre agence n'est pas, au départ, conçue pour gérer une telle crise. Nous nous sommes efforcés de réaliser le travail nécessaire, celui inscrit dans nos missions : évaluation des produits de santé, recommandations aux professionnels, éclairage des patients, etc. Nous avons essayé de remplir le rôle que nous confèrent nos missions de par la loi, et ce de la façon la plus rapide, la plus adaptée et la meilleure possible. Dans un orchestre qui doit se mettre en place très vite, je crois qu'il est préférable que chacun joue sa partition, toute sa partition et seulement sa partition. Nous n'avons pas à empiéter sur le sujet des autres agences ou conseils. Nous nous cantonnons à nos missions et j'espère que nous les remplissons le plus vite et le mieux possible. C'est la seule chose que je puisse dire en tant que présidente d'une autorité publique indépendante. Nous avons évidemment quelques relations et j'appelle de temps en temps M. Delfraissy ou d'autres collègues pour communiquer avec eux, mais il n'y a pas de relation institutionnalisée entre ces différents comités.
Concernant la question relative à la pénurie, je n'ai jamais nié l'existence d'une pénurie. J'ai indiqué que l'arrivée progressive des doses était prévue. C'est précisément la raison pour laquelle il nous a été demandé de prioriser la vaccination. Les calendriers d'arrivée des doses ont beaucoup évolué – dans les deux sens, d'ailleurs. Par exemple, nous avons reçu le premier vaccin au mois de janvier, plus tôt que le calendrier initial le prévoyait. De la même manière, nous avons obtenu AstraZeneca avant la date prévue, qui, initialement, devait être avril. À l'inverse, des retards ont pu être enregistrés sur le vaccin Pfizer durant certaines semaines, en raison de problèmes de production. Nous avons travaillé à partir d'un calendrier d'approvisionnement tel que nous le connaissions à l'époque où nous l'avons établi, et nous nous sommes adaptés en permanence, là encore, aux modifications de ce calendrier et à l'arrivée d'un nouveau vaccin. Ce n'est pas simple. Notre but est d'aller le plus vite possible, de la façon la plus adéquate possible. Il n'est pas question d'affirmer qu'il n'y a pas de pénurie. Nous savons que la disponibilité des doses permettant de vacciner le monde entier – puisque c'est le monde entier qu'il faut vacciner – prendra quelques mois.
Nous n'avons pas été saisis sur les masques. C'est le HCSP qui s'est prononcé sur leur utilité. Il me semble d'ailleurs qu'il a émis très récemment une nouvelle recommandation ou un nouvel avis sur ce sujet, en particulier sur la qualité des masques en tissu. Je vous invite donc à consulter les recommandations du HCSP en la matière. Comme je vous l'ai expliqué, je m'attache vigoureusement à faire tout ce qui est dans nos missions et uniquement ce qui est dans nos missions, de façon à ne pas empiéter sur ce que font les autres et à éviter la cacophonie et la dispersion d'énergie. Nous avons besoin aujourd'hui de toutes nos énergies.
Mme Tamarelle‑Verhaeghe soulignait tout à l'heure les changements perpétuels qui ponctuent la stratégie vaccinale. Effectivement, cette stratégie évolue en permanence. Cette versatilité ne concerne d'ailleurs pas uniquement la stratégie vaccinale dans le contexte actuel. Avec cette crise, nous passons notre vie à nous adapter : toutes les semaines, nous avons de nouvelles informations, de nouvelles études, de nouvelles épidémiologies et de nouveaux variants. Nous nous adaptons en permanence à l'apparition de ces nouvelles données et je ne vois pas comment faire autrement. Si nous voulons arriver à faire au mieux à chaque période de cette épidémie, nous sommes obligés de nous adapter. Il est vrai que ces changements perpétuels peuvent donner l'impression d'une cacophonie, en particulier parmi les Français qui ne comprennent pas bien que la science ne soit pas établie une fois pour toutes, que tous les vaccins ne se ressemblent pas. C'est la raison pour laquelle j'essaie de m'astreindre à aller dans les médias pour expliquer le plus simplement possible à nos concitoyens pourquoi nous recommandons un test ou un vaccin d'une façon ou d'une autre. Je crois que cet effort de pédagogie est absolument nécessaire. Les choses sont très complexes, et pas uniquement pour les Français. Les professionnels de santé nous demandent sans arrêt des documents et des aides pour utiliser au mieux les tests. Ils ont également besoin de supports en raison de ces ajustements permanents. Cette situation est très compliquée pour tout le monde.
L'une des questions portait sur les perspectives en matière de transmission. Pour lutter contre la transmission, il faut que le vaccin ou les médicaments – parce qu'on peut parler de pulvérisation nasale ou dans la gorge – permettent de diminuer la réplication in situ dans les tissus du virus. Autrement dit, il ne suffit pas de ne pas être malade : pour agir sur la transmission, il faut aller au-delà en agissant sur la réplication du virus in situ. Il faut ensuite évaluer l'effet avec des tests itératifs, ce qui s'avère beaucoup plus compliqué que de faire des tests lorsque les gens ont des symptômes.
Pour ce qui est de l'enchevêtrement institutionnel, je dirais qu'il y a des agences avec qui nous travaillons en continu. Nous sommes par exemple en perpétuelle interaction avec l'ANSM, en période de crise comme le reste du temps. Nous n'avons pas cessé ces interactions : bien au contraire, nous les avons renforcées. Nous avons tous besoin les uns des autres.
Vous m'interrogez également sur la situation dans les EHPAD. Vous me demandez à quelle période une immunité collective sera atteinte, permettant d'envisager un retour à la normale du rythme des visites. Ce sujet est très préoccupant. À titre personnel, j'ai une maman de 95 ans actuellement hospitalisée et je suis donc effectivement sensibilisée à cette problématique. L'autorisation d'une heure de visite par jour est très insuffisante. Nous mesurons d'ailleurs les dégâts terribles causés par l'absence de vie sociale dans les EHPAD. Cette situation est absolument épouvantable. Je ne dis pas qu'elle ne l'est pas pour nos jeunes, mais je crois que c'est encore plus triste pour les personnes isolées en EHPAD. Concernant le délai d'immunité, il est important de rappeler que, d'une part, le vaccin n'offre pas une protection immédiate. La production d'anticorps augmente progressivement. Ainsi, la personne vaccinée n'est réellement protégée que dans la troisième semaine qui suit la vaccination, et ce à hauteur de 90 % pour les ARN messagers et d'environ 70 % pour AstraZeneca d'après une publication très récente – hier, je crois – des Anglais. D'autre part, la vaccination ne protège que soi-même. Il faut donc qu'il y ait suffisamment de patients et de soignants vaccinés dans les EHPAD pour qu'un retour à la vie sociale puisse être envisagé. Certaines personnes choisissent en outre de ne pas se faire vacciner et s'exposent au risque de contamination et d'hospitalisation. Les questions que vous me posez semblent insolubles. Concernant les visites, il me semble que les règles ont toutefois été nettement assouplies par rapport au premier confinement grâce au respect des mesures barrières : port du masque, hygiène des mains, distanciation, ventilation des pièces, etc. Ces mesures s'avèrent fonctionnelles et peuvent permettre un assouplissement des visites.
L'une des questions de M. Delatte portait sur les différences d'efficacité entre les vaccins à ARN messager, AstraZeneca et d'autres vaccins qui pourraient arriver. Je crois que nous devons expliquer aux Français que nous sommes actuellement engagés dans une course contre la montre. Si nous voulons sortir de cette épidémie, il faut que le maximum de personnes soit immunisé. Dans ce contexte, nous estimons que le vaccin AstraZeneca a des performances suffisantes pour protéger les individus de moins de 65 ans et pour participer, in fine, à cette immunité collective. Plus le nombre de personnes vaccinées sera important et mieux nous nous en sortirons.
M. Borowczyk m'interrogeait sur la visibilité que nous aurions sur la décorrélation entre l'incidence de la maladie et le nombre d'hospitalisations. Je ne sais pas répondre quantitativement à cette question, c'est-à-dire en donnant un chiffre précis, mais je dirai que c'est tout l'enjeu de la stratégie vaccinale : plus nous focaliserons les vaccinations initiales sur des personnes à risque, plus vite nous pourrons diminuer cette pression sur le système de santé, diminuer les formes graves et les décès, qui sont chaque fois des drames familiaux. Ce ciblage par ordre de vulnérabilité, que nous allons encore affiner, me semble utile pour arriver au plus vite à cet objectif.
Concernant le covid long, nous avons constitué un groupe de travail dès que les travaux et les connaissances sur le sujet ont été suffisants. Ce groupe s'est réuni à maintes reprises tout au long du mois de janvier et finalise actuellement ses travaux, qui passeront – je l'espère – la semaine prochaine au collège de la HAS. Je pense que nous aurons donc des préconisations à transmettre aux professionnels de santé pour prendre en charge ces patients. Ces préconisations seront par la suite enrichies au fur et à mesure de l'amélioration de l'état des connaissances dans les dix jours qui viennent. Les patients doivent notamment être pris en charge différemment en fonction de leurs séquelles.
Je ne suis pas en capacité de répondre à la question qui m'a été posée sur les flux logistiques et qui relève davantage du ministère. Je pense que la question portait plus spécifiquement sur les flux logistiques permettant la distribution des vaccins vers les établissements et vers les EHPAD. Je ne peux vous répondre à mon niveau.
Concernant AstraZeneca, nous avons ouvert la vaccination en pharmacie mais également, au-delà de l'acte de vaccination, la prescription par les pharmaciens pour les personnes qui ne présentent pas de facteurs de risque particuliers et qui n'ont pas déjà été contaminées par le covid. Cette prescription sera donc possible pour une personne qui se porte bien et qui souhaite se faire vacciner, afin de rendre la vaccination la plus simple et la plus accessible possible.
La dernière question portait sur le séquençage. Je crois que nous ne sommes pas en retard. Au contraire, nous sommes même en avance par rapport à bien d'autres pays en Europe – par exemple par rapport aux Allemands. Nous avons une infrastructure de séquençage que je crois de bonne qualité. Elle n'était certes pas destinée aux travaux actuellement conduits et il est probable que d'autres travaux et d'autres utilisations seront retardés, dans la mesure où cette infrastructure est actuellement très mobilisée sur le séquençage des virus et sur les tests. En tout état de cause, je suis d'avis que nous disposons aujourd'hui de capacités de séquençage très honorables en France, même si elles devront encore être renforcées au vu du contexte.