Commission des affaires sociales

Réunion du jeudi 4 février 2021 à 11h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 4 février 2021

La séance est ouverte à onze heures quinze.

La commission procède à l'audition, en visioconférence, du Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute autorité de santé, sur la crise sanitaire.

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Notre commission des affaires sociales poursuit ses travaux de suivi de toutes les dimensions de la crise sanitaire. Nous accueillons ce matin la professeure Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS). Avant de recevoir jeudi prochain le directeur général de la santé et la directrice générale de l'offre de soins, il nous a semblé indispensable de faire avec vous un point sur un bon nombre d'aspects de la crise : vaccination, dépistage, prévention, traitement, etc. Les sujets ne manquent pas, comme vous pouvez le constater. Dans les circonstances actuelles, nous vous sommes particulièrement reconnaissants d'avoir répondu à notre invitation.

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Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

En effet, la situation est à la fois complexe et tendue. La HAS, dans le cadre de ses missions, prend part aux travaux de gestion de cette crise dans toute la mesure de ses moyens. Très tôt, nous avons mis en place un mode de gestion de crise dédié et agile permettant de s'adapter au niveau d'évidence du moment et qui a mobilisé, et continue de mobiliser, les équipes. Nos objectifs sont multiples : protéger, traiter et prévenir.

Nous évaluons et allons continuer à évaluer tous les tests de dépistage du SARS‑CoV‑2, tout en encourageant l'innovation. Nous avons tout d'abord défini les exigences en termes de performance et de fiabilité de ces tests, dès le 6 mars pour la PCR, d'ailleurs. Nous avons déterminé la place de ces tests dans la stratégie de diagnostic et la stratégie thérapeutique.

Nous évoluons en permanence dans nos avis, dès que la science nous le permet. Nous menons tout d'abord une veille sur tous les traitements, puis nous les évaluons, ainsi que leur place dans la stratégie, en vue de leur remboursement éventuel. Nous avons notamment évalué le remdesivir, ce qui a d'ailleurs conduit la France à ne pas commander ce médicament pour soigner les patients atteints de covid. Un corticoïde est actuellement en cours d'évaluation. Nous avons par ailleurs vérifié les résultats d'anciens médicaments testés dans le cadre de cette maladie. Malheureusement, ces derniers ne se sont pas avérés très efficaces. Nous surveillons évidemment les prochaines sorties attentivement et nous pensons que, dans les prochains mois, des traitements plus efficaces seront probablement proposés.

Le traitement de la maladie ne se limite toutefois pas aux médicaments. Nous avons aidé à la prise en charge de tous les patients par le biais de recommandations que nous appelons « réponses rapides ». Ces recommandations reposent sur une méthode d'élaboration un peu différente de nos méthodes habituelles et permettent d'apporter beaucoup plus rapidement une réponse aux professionnels. Elles sont élaborées dans le cadre de groupes de travail réunissant des professionnels, des représentants des usagers et des patients. Cette méthode rapide nous a permis d'aider les professionnels à prendre en charge les patients covid et les autres – patients atteints de maladies chroniques, de troubles psychiques, les femmes enceintes, etc. – durant le confinement et en sortie de confinement.

Nous avons beaucoup travaillé sur la pratique de la télémédecine dans le cadre de l'urgence sanitaire, permettant ainsi son développement. Nous nous penchons aussi sur les conditions de pratique des dentistes et des kinésithérapeutes de façon à assurer la sécurité des professionnels et des patients. Nous avons travaillé sur la nécessité d'assurer l'accès à l'interruption volontaire de grossesse et sur la protection des proches en établissements sociaux et médico-sociaux.

Je ne vais pas citer toutes les actions réalisées, mais je soulignerai simplement que nous avons beaucoup travaillé avec le Collège de la médecine générale sur la prise en charge en premier recours des patients atteints de Covid, puis sur la démarche vaccinale. Nous accompagnons tous nos avis de documents spécifiques pour les professionnels et pour les personnes. Je crois que nous comptabilisons une cinquantaine de réponses rapides à date. Ces dernières sont mises à jour régulièrement et nous en préparons chaque fois que des professionnels, le ministère ou des associations de patients nous le demandent. Là encore, nous accompagnons tous nos avis – y compris sur les tests et sur les vaccins – de ces « réponses rapides ». Elles permettent d'actualiser les connaissances des professionnels, en particulier sur l'usage des tests, qui s'avère assez complexe, et sur la façon de prendre en charge aussi bien les patients que les cas contacts, avec des documents qui ont reçu leur agrément. Ces travaux sont chaque fois coproduits avec les professionnels et les patients des associations de patients. Cela nous semble extrêmement important de coproduire dans la période actuelle.

Je vais maintenant aborder les travaux relatifs à la stratégie vaccinale que nous avons démarrés dès le printemps dernier, avec l'aide de la commission technique des vaccinations, présidée par Élisabeth Bouvet. Nous travaillons dans le cadre des missions, c'est-à-dire en préparant les délibérations du collège sur les recommandations vaccinales, le calendrier vaccinal et les mentions minimales obligatoires. Nous avons été saisis par la direction générale de la santé dès le 13 juillet pour engager une réflexion sur la stratégie vaccinale et l'utilisation du vaccin. Il était notamment attendu que la HAS précise les modalités de mise en œuvre de la campagne de vaccination ainsi que la place de chaque candidat vaccin au sein de la stratégie. Nous avons publié des recommandations préliminaires le 27 juillet, qui ont donné lieu le 27 novembre à une décision sur la stratégie de priorisation. Cette décision a été actée sur la base de toutes les données disponibles dans les revues scientifiques sur les facteurs de risque de forme grave et d'exposition au virus, sur l'évolution du contexte épidémique et sur les premières données à notre disposition sur les candidats vaccins. Nous avons ouvert cette priorisation à la consultation publique, et cette consultation publique a été extrêmement riche. Nous avons reçu plus de quatre-vingts réponses, dont une soixantaine a été publiée sur notre site avec l'accord des participants, témoignant d'une très bonne adhésion à cette priorisation.

Celle-ci avait pour but, d'une part de protéger les personnes les plus vulnérables, les plus exposées au risque de développer des formes sévères et de décéder, d'autre part de préserver les activités essentielles du pays – et en particulier le système de santé – pendant l'épidémie. Pour résumer, les facteurs de risque de forme grave sont essentiellement liés à l'âge et aux comorbidités. Nous continuons en outre à travailler sur le phénomène de comorbidité. La littérature scientifique s'est beaucoup enrichie et je pense que nous serons en mesure d'affiner encore ces facteurs de risque de forme grave dans les quinze prochains jours.

Le second facteur pris en compte, outre le facteur de risque de forme grave, est le risque d'exposition. C'est précisément pour cette raison que nous avions priorisé les hébergements collectifs des personnes âgées et les professionnels à risque, d'abord dans le secteur des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), puis très vite dans nos hôpitaux et en ville. Je ne vous décrirai pas les cinq phases de notre priorisation, dans la mesure où vous les trouverez facilement si vous le souhaitez.

Ensuite, nous avons démarré les travaux que nous poursuivons actuellement et qui consistent à évaluer chaque vaccin pour déterminer sa place dans la prise en charge. Nous le faisons habituellement pour tous les vaccins mais la méthode que nous avons dû déployer dans ce contexte est totalement différente. En effet, nous nous appuyons en général en grande partie sur le dossier transmis par l'Agence européenne des médicaments (EMA), à partir duquel nous élaborons la stratégie vaccinale. Dans le contexte actuel, nous travaillons dans l'urgence et nous nous appliquons à faire en sorte que nos avis sortent au plus tôt après l'autorisation de mise sur le marché des vaccins. Les industriels nous communiquent leurs dossiers à peu près en même temps que l'EMA. Nous conduisons donc en interne tout le travail d'analyse qui est habituellement fait par l'EMA. Nous travaillons en temps masqué par rapport à l'avis de l'EMA, puisque les discussions et les dossiers de l'EMA sont confidentiels. Je ne vous cache pas que cela représente un travail extrêmement conséquent, pour lequel nos équipes n'étaient pas dimensionnées. Nous l'avons pourtant réalisé jusqu'à présent. Force est de constater que nous avons réussi, pour chaque vaccin, à publier nos recommandations dans les jours qui suivent l'autorisation de l'EMA alors même que, en ce qui concerne par exemple AstraZeneca, le périmètre et la place de ce vaccin dans la stratégie n'étaient pas totalement en phase avec l'autorisation de mise sur le marché plus large – en particulier sans considération d'âge – formulée par l'EMA.

Comme je vous l'ai indiqué, tous ces avis sur les vaccins s'accompagnent de réponses rapides pour les médecins et de documents d'aide à la décision partagée pour les personnes. Ces documents évoluent et continueront d'évoluer chaque fois que nous aurons des données supplémentaires, notamment sur l'efficacité - par exemple sur certaines populations - ou sur la transmission – données que nous n'avons pas à ce jour et que nous attendons impatiemment. Nous avons également, dès le début, insisté sur la nécessité d'une information claire et accessible des publics ainsi que sur la nécessité d'une mise à disposition de la vaccination au plus près des personnes, qui soit le plus souple et dynamique possible. Nous avons insisté dès l'été sur le fait qu'il fallait favoriser la prescription et la dispensation de l'acte de vaccination dans le même temps, en un même lieu. Plus récemment, en ce qui concerne le vaccin AstraZeneca, nous avons ouvert la vaccination aux infirmières mais également aux sages-femmes et aux pharmaciens, y compris pour la prescription. Je rappelle pour finir que nous ne préconisons pas à ce stade de rendre la vaccination obligatoire.

Je ne dirai que quelques mots sur les tests. Nous avons évalué dès le 6 mars les spécifications des tests PCR. Nous avons exigé un minimum de deux cibles alors que les Américains utilisaient des tests à une cible. Ces derniers leur ont valu des défauts de spécificité importants et ne permettent d'ailleurs pas de détecter les variants, alors que les tests à plusieurs cibles le permettent. Nous avons également travaillé sur les tests de dépistage qui sont successivement arrivés, sur les différentes matrices (nasopharyngée, œsopharyngée, salivaire), sur les différentes techniques (PCR, tests antigéniques, tests combinés, etc.) ainsi que sur les modalités de dépistage des patients en établissement de santé au mois de mai. Les avis sur les tests sont également très nombreux et nous avons voté deux forfaits innovation. Concernant les tests salivaires, nous sommes parvenus à clarifier une situation qui en avait besoin. Nous avons été l'un des premiers pays à autoriser les tests salivaires lorsque le test nasopharyngé n'était pas possible, par exemple pour les enfants ou pour des patients atteints de troubles psychiatriques, mais avec des résultats hétérogènes selon les études. Petit à petit, nous avons compris que la technique nécessitait d'être adaptée pour les tests salivaires en PCR. Autrement dit, les éléments du tandem traitement préanalytique de la salive et réglage de la plateforme de PCR devaient être calibrés l'un avec l'autre, ce qui expliquait que dans certains sites, les résultats étaient excellents alors qu'ils ne l'étaient pas dans d'autres. Nous constituons actuellement un document que nous espérons bien sortir dans les dix jours qui viennent, afin de donner des instructions très précises au biologique – sur quel couple préanalytique/analytique on doit se baser pour obtenir des résultats performants chez tout le monde avec des tests salivaires. Ces derniers simplifieront beaucoup les dépistages ciblés et pourront par exemple être utilisés dans les écoles, dans les universités et dans les EHPAD. Par ailleurs, nous attendons encore l'arrivée de données sur les patients asymptomatiques, dans la mesure où de nombreux tests ou études ont essentiellement inclus des patients symptomatiques et contacts. Les performances sur les patients asymptomatiques pour les autres techniques PCR demeurent extrêmement ténues. Enfin, nous venons de voter aujourd'hui un forfait innovation sur le dépistage du SARS-CoV-2 dans le sang, ce qui permettrait là aussi, à terme, d'envisager des techniques de dépistage beaucoup plus souples pour le patient.

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Le 17 juin dernier, la Commission européenne a présenté une stratégie commune de vaccination à l'échelle européenne : accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins contre la covid-19. En s'engageant dans cette stratégie commune, les États membres de l'Union européenne se sont unis autour de l'idée qu'un vaccin sûr et efficace représentait le meilleur atout pour surmonter définitivement – si l'on peut dire – la crise liée à la pandémie. La stratégie commune de vaccination des États membres de l'Union se traduit par une logique, à la fois collective et égalitaire, qui repose sur deux principes : d'une part, tous les États membres ont accès en même temps au vaccin contre la covid‑19 et, d'autre part, leur distribution se fait au prorata de la population afin d'en garantir un accès équitable. De plus, la Commission a mis en place un cadre commun pour l'établissement de rapports et une plateforme de suivi de l'efficacité des stratégies nationales en matière de vaccins, et ce afin d'en partager et d'en diffuser les bonnes pratiques. En effet, l'une des priorités européennes est de favoriser les échanges d'information et la mise en commun des compétences au sein des vingt‑sept pays membres de l'Union. Ces échanges sont à même de fonder les décisions en matière de politique de santé européenne.

Votre venue aujourd'hui au sein de la commission des affaires sociales me permet à la fois de vous remercier pour votre présence et pour tout le travail accompli, et de rappeler que la HAS s'inscrit bien, depuis sa création, dans une perspective européenne. Le groupe La République en Marche est convaincu du rôle qu'elle joue quotidiennement dans la régulation de cette pandémie. Vous venez de nous exposer très concrètement vos organisations de travail pour adapter au mieux ce qu'il faut faire en fonction des évolutions des connaissances. Néanmoins, ne pensez-vous pas que cette approche européenne centralisée, nécessaire à la mise en œuvre efficace de la stratégie de vaccination, freine cependant les prises de décision nationales, et donc françaises ?

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Nos concitoyens se posent beaucoup de questions sur la vaccination, qui est au ralenti voire en panne dans ma circonscription. Je vais essayer de vous en relayer quelques-unes.

Des inégalités se font jour selon les régions : certaines continuent à bénéficier de doses alors que d'autres souffrent de la pénurie depuis plusieurs jours. Comment mieux réguler ? Ne risque-t-on pas une vaccination à deux vitesses entre les métropoles et le reste du pays ?

Les décisions du Gouvernement s'enchaînent semaine après semaine. Il consulte quantité d'organismes, plus ou moins reconnus, sur la gestion de la crise sanitaire. Dans quelle mesure les préconisations émises par la HAS sont-elles suivies par le Gouvernement ? L'agence régionale de santé (ARS) semble retarder la vaccination des résidences et foyers de personnes âgées. Cela vous semble-t-il cohérent avec vos préconisations ?

Des vaccins différents arrivent peu à peu, mais présentent des préconisations et des taux d'efficacité différents. Ainsi, le vaccin AstraZeneca est considéré comme moins efficace que les vaccins Moderna et Pfizer. Ne risque-t-on pas de créer des inégalités entre les personnes qui parviendront à se faire injecter le vaccin le plus efficace et les autres ? Les Français auront-ils le choix d'un vaccin quand il n'y aura plus de pénurie ? Quand la HAS a recommandé de décaler la seconde dose de vaccin de six semaines, était-ce pour pallier le manque de doses ? Le vaccin AstraZeneca a reçu la semaine dernière une autorisation européenne. Pourquoi vous faut-il une semaine pour vous prononcer ? Serait-ce possible d'être plus réactif ?

Vous avez dit dans une interview que nous aurions deux phases dans la vaccination : la première que nous traversons actuellement, où nous manquons de doses, et la seconde à venir, où nous manquerons de bras pour vacciner. Dans cette seconde phase, les catégories de personnes pouvant vacciner seront très ouvertes. Comment concilier cette ouverture avec la prise en compte de chaque dossier médical, des contre-indications notamment ? À partir de quand les pharmaciens pourront-ils vacciner à proximité avec le vaccin AstraZeneca ? Leur maillage officinal permettrait d'assurer un meilleur accès, en particulier auprès des personnes prioritaires pour ce vaccin dont l'agenda rend compliqué le déplacement vers un centre de vaccination éloigné.

Enfin, le vaccin constitue pour le moment notre seul espoir de sortie de cette crise sanitaire. Pouvez-vous nous dire s'il y a d'autres espoirs de traitement de ce virus, de nouveaux protocoles de soin et de prise en charge des malades à envisager ? Et alors que de nouveaux variants arrivent régulièrement et que cela même évolue, considérez-vous que nous allons devoir vivre plusieurs années avec ce virus ?

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Nous célébrons aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le cancer. Nous savons que beaucoup de reports, d'examens et d'opérations ont eu lieu. La HAS mène-t-elle un d'observatoire et a-t-elle une stratégie sur ce sujet ? Cette question me semble importante. La crise ne doit pas faire oublier le reste.

Concernant les tests salivaires, quelle sera la stratégie ? Seront-ils réservés d'abord aux écoles, puis aux personnes pour qui le test nasopharyngé est plus compliqué ?

En matière de vaccination, la HAS travaille-t-elle sur le vaccin russe Spoutnik ou cette piste est-elle écartée ? Ne faudrait-il pas rendre la vaccination obligatoire contre la grippe, mais également contre la covid‑19, pour les personnels soignants ? Le vaccin contre l'hépatite B est obligatoire pour les agents du secteur médico-social sans que cela surprenne personne.

S'agissant de la stratégie, je trouve que nous parlons peu du traitement. Celui-ci doit pourtant pouvoir être intégré pleinement au cœur de la stratégie, dans la mesure où nous allons devoir apprendre à vivre avec la covid‑19. Nous ne savons pas combien de temps ce virus fera encore partie de notre quotidien, combien de temps l'immunité collective est susceptible de durer ou si nous serons contraints de nous vacciner tous les ans comme avec la grippe. Travaillez-vous éventuellement sur cette hypothèse ?

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Le vaccin AstraZeneca, développé en partenariat avec l'Université d'Oxford, a reçu la validation de l'EMA vendredi et le feu vert de la HAS mardi dernier. Avec une efficacité estimée entre 60 % et 70 %, ce vaccin affiche des résultats moins flatteurs que ses concurrents Moderna et Pfizer. Cela reste malgré tout un taux supérieur à la plupart des vaccins contre la grippe. De même, dans le cadre de la stratégie vaccinale, vous recommandez de privilégier des vaccins ARN messager sur les personnes âgées de 65 ans et plus. La question de l'utilisation des vaccins AstraZeneca se pose donc légitimement. Vous avez, dans votre avis du 2 février, indiqué qu'il pourrait être priorisé sur les professionnels du secteur de la santé, ou du secteur médico-social, de moins de 65 ans, et sur les personnes entre 50 et 64 ans présentant des comorbidités.

La proposition du président de notre groupe UDI et Indépendants repose sur le constat suivant : nous sommes alertés quotidiennement par les jeunes eux-mêmes, leurs parents, les présidents d'université ou encore les psychologues, sur la détresse dans laquelle se trouvent les 2,8 millions d'étudiants de notre pays. Ainsi, souhaitez-vous, comme nous le souhaitons, que les étudiants soient prioritaires sur le vaccin AstraZeneca pour que leur soient de nouveau ouvertes les portes des universités, qu'ils puissent retrouver une vie normale et rattraper le dernier semestre de cette année universitaire ? La détresse doit être considérée comme une réelle priorité sanitaire. On nous annonce que 40 % des étudiants sont aujourd'hui en syndrome dépressif. On ne peut pas laisser cette génération confinée plus longtemps. C'est une course contre la montre qui est engagée. Quel est l'avis de la HAS sur ce sujet ?

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Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

La centralisation européenne constitue-t-elle un frein ? Pour rappel, la mission de la HAS porte sur la stratégie de déploiement de la campagne vaccinale en France. Nous ne sommes pas du tout en charge des commandes et des achats de vaccins, ni de l'opérationnel. Nous travaillons beaucoup avec nos collègues européens dans le cadre d'un réseau, EUnetHTA – sorte de préfiguration du règlement européen qui va permettre l'évaluation commune des produits de santé. Nous avons des partenariats et nous nous tenons largement informés les uns les autres de nos travaux respectifs. La coopération européenne et la fluidité des informations qui circulent entre les pays s'avèrent essentielles pour tous. Néanmoins, nos missions sont conduites dans un cadre national. Je ne me prononcerai donc pas sur les commandes européennes. Ces dernières sont du ressort du ministère et non pas de la HAS.

Comment mieux réguler la vaccination elle-même ? Là encore, la HAS donne des avis sur un certain nombre d'items relevant du cadre de ses missions légales. Nous avons donné en particulier des avis sur la façon de déployer la campagne, c'est-à-dire les priorités, et priorisations, et sur les principes importants à respecter. Nous avons priorisé les EHPAD dans un premier temps, dans la mesure où ces établissements pour personnes âgées sont les plus à risques. En effet, le nombre de décès parmi les personnes âgées est important. Ils comptent pour un tiers des décès dans notre pays alors qu'ils ne représentent que 1 % de la population. La situation des EHPAD avait en outre été extrêmement difficile lors de la première vague et du premier confinement. Nous les avons priorisés de façon à ce qu'ils ne soient pas les oubliés de l'histoire, tout en affirmant que cela n'empêchait pas, bien entendu, de commencer les phases suivantes, dès lors que les vaccins seraient disponibles. C'est d'ailleurs ce qui a été fait à partir de janvier. Actuellement, d'après nos renseignements, un peu plus de la moitié des résidents d'EHPAD seraient vaccinés sur 80 % désireux de l'être. Ce travail devra être poursuivi au mois de février. Nous espérons que début mars, tous les résidents d'EHPAD qui souhaitent être vaccinés le seront. En complément des EHPAD, les autres établissements accueillant des personnes âgées sont également concernés par cette priorisation, dans la mesure où l'exposition au virus est plus importante dans les lieux d'hébergement collectif.

La deuxième question portait sur le décalage éventuel de la seconde dose, que nous avons effectivement jugé envisageable. Dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché du vaccin, il était indiqué que la deuxième dose devait être effectuée entre la troisième et la sixième semaine, soit sous quarante‑deux jours. L'étude du rapport bénéfice/risque dans le cas où la seconde dose était donnée au taquet de l'autorisation réglementaire, c'est-à-dire à quarante‑deux jours, a donné des résultats satisfaisants. Les modélisations nous montraient par ailleurs que ce décalage permettrait de vacciner 700 000 à un million de personnes supplémentaires au mois de février. Nous savions très bien que les calendriers d'approvisionnement augmenteraient ensuite rapidement à partir du mois de mars. Cette proposition a donc été émise pour tenir compte de l'arrivée progressive des vaccins. Cependant, elle n'a pas été retenue par le Gouvernement. Certains pays, notamment en Europe du Nord – la Finlande il me semble –, ont au contraire validé une durée de douze semaines avant l'administration de la seconde dose.

Vous évoquez les « bras nécessaires » dans le cadre de la campagne vaccinale. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons élargi la possibilité de vacciner, dans le cadre du vaccin AstraZeneca – et nous sommes en train d'étudier cette possibilité pour les autres vaccins –, aux sages-femmes et aux pharmaciens dès que les doses pourront être distribuées en pharmacie. Là aussi, cette distribution ne relève pas de nos missions. Le rôle du médecin reste toutefois primordial. Nous avons demandé la prescription obligatoire des médecins pour les vaccins ARN messager dans les premières phases de la vaccination, qui concernaient les personnes vulnérables. Ces vaccins étaient encore peu connus et pouvaient comporter des effets secondaires de type allergique. Aussi souhaitions-nous nous assurer que cette vaccination se déroulerait sans complications avant d'ouvrir la prescription et la vaccination en pharmacie. Dans le contexte actuel, le vaccin AstraZeneca présente un mode de vaccination plus familier et peu d'effets secondaires de type allergique. Nous avons donc proposé d'ouvrir la prescription et la vaccination aux pharmaciens, qui ont d'ailleurs été très actifs dans le cadre de la vaccination antigrippale. Nous avons cependant recommandé, en parallèle de cet élargissement de la prescription, que les personnes présentant des comorbidités ou se trouvant dans des conditions particulières – femmes enceintes ou qui allaitent, personnes ayant déjà contracté le covid‑19, etc. – se dirigent vers leur médecin généraliste.

D'autres espoirs existent bien sûr en termes de traitement. Malheureusement, les traitements évalués en dehors des corticoïdes ne se sont pas avérés efficaces à date. Nous n'avons pas de « solution miracle » à proposer aujourd'hui, pas de protocole particulier qui aurait fait ses preuves. De nombreux produits sont encore à l'étude. Les Canadiens ont évalué un traitement à la colchicine mais les données ne sont malheureusement pas satisfaisantes.

Quant aux variants, votre question s'adresserait davantage à un épidémiologiste qu'à la HAS. Cependant, nous savons tous qu'un virus évolue pour s'adapter à nos failles dans la défense contre les virus. C'est un véritable problème. Pour le moment, les vaccins de type ARN semblent conserver une grande partie de leur efficacité sur les variants anglais et sud‑africain. Bien que nous ne disposions pas encore de toutes les données, nous sommes plutôt rassurés.

S'agissant de la question de Mme Firmin Le Bodo sur le cancer, nous avons très vite essayé d'aider les médecins à prendre en charge les patients atteints de pathologies autres que la covid‑19 en période de confinement et de distanciation sociale. Ces réponses rapides avaient pour but de faciliter et d'encadrer la téléconsultation et de préserver les soins hors covid. Les patients atteints de cancer évolutif font en outre partie des populations prioritaires pour la vaccination.

S'agissant des tests salivaires, nous avons rendu plusieurs avis, à l'automne dernier puis la semaine dernière. Un nouvel avis sera également rendu prochainement. La HAS tente actuellement d'examiner les problèmes techniques observés sur les tests RT-PCR salivaires afin de garantir leur qualité. Nous travaillons beaucoup avec EasyCoV, qui nous communique ses données au fur et à mesure qu'il les produit pour nous permettre d'élargir les indications. Pour le moment, ces tests n'ont été autorisés que pour les patients symptomatiques car nous n'avons pas de données pour les patients asymptomatiques.

Concernant Spoutnik, nous ne disposons d'aucune donnée à ce jour. Nous n'écartons toutefois aucune piste. Tous les vaccins qui bénéficieront d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) seront examinés et pourront être recommandés par la HAS.

La vaccination obligatoire des professionnels de santé est un vaste problème sur lequel nous travaillons. Une enquête chez les soignants a été menée l'été dernier. C'est un sujet sur lequel il faudra probablement revenir.

La place des traitements dans la stratégie est bien entendu fondamentale. De nombreux travaux de recherche internationaux sont consacrés à la recherche de traitements ciblés. Dès lors que des industriels déposeront des dossiers, la HAS fera tout son possible pour se prononcer dans les meilleurs délais.

Une remarque portait sur le délai – jugé peu réactif – sous lequel nous rendons nos avis. J'ai expliqué que nous travaillons en temps masqué avec l'EMA. Nous ne pouvons en aucun cas rendre un avis avant une AMM. C'est illégal. L'EMA s'est prononcée vendredi dernier sur le vaccin AstraZeneca. Nous nous sommes réunis lundi et nous avons rendu un avis mardi. Je n'ai pas l'impression d'un décalage honteux. Les équipes de la HAS travaillent nuit et jour, week-ends compris. Elles sont absolument épuisées. Je suis un peu gênée de ce reproche au vu des efforts terribles qu'elles consentent depuis un an. Nous ne pouvons pas, je crois, leur reprocher une lenteur.

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Il ne s'agissait pas d'un reproche, mais d'une question.

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Pr Dominique Le Guludec, la présidente de la Haute Autorité de santé

La situation est très dure pour les équipes. De nombreux sujets doivent être traités, y compris hors dossiers covid. Or, la HAS n'est pas nécessairement dimensionnée pour absorber une telle charge de travail.

Concernant le vaccin AstraZeneca, s'il semble moins bon que ses concurrents, il s'avère cependant tout à fait satisfaisant. Il excède les seuils fixés au niveau international – 50 % d'efficacité vaccinale – avec une efficacité estimée entre 60 % et 70 % – probablement plus proche de 70 % d'après les données des Anglais publiées hier. Nous l'avons priorisé pour cela. Cependant, en l'absence de données suffisantes sur son efficacité sur les plus de 65 ans, nous avons modifié la stratégie et proposé d'avancer la phase 3. Celle-ci concerne les professionnels de santé et les professionnels du secteur médico-social, ainsi que les 50‑64 ans, en commençant par les personnes ayant des comorbidités, dont la vaccination était initialement prévue après les personnes âgées. Nous vaccinerons par ordre décroissant de risque de forme sévère.

Concernant la question relative à la vaccination des étudiants, nous n'avons aucune certitude que le vaccin protège contre la contamination. Le vaccin permet de se protéger soi, mais il ne permet pas en revanche de protéger les autres et d'enrayer l'épidémie. Seules les mesures barrières le permettent. La vaccination des jeunes étudiants qui, heureusement, ne présentent pas de formes de risque sévère – sauf pathologies particulières, auquel cas ils rejoignent les populations priorisées – n'est donc pas envisagée à ce jour. Nous n'avons pas de données sur la capacité du vaccin à prévenir la contagion. Il est en outre possible d'être porteur du virus sans signe clinique. Dans ce contexte, vacciner les jeunes pour les « libérer », les incitant à abandonner les gestes barrières, contribuerait en réalité à la propagation du virus, ce qui prolongerait l'épidémie et faciliterait l'apparition de variants. En effet, plus le virus circule, plus les variants se multiplient et deviennent difficiles à maîtriser. Je comprends totalement l'inquiétude pour nos jeunes et je partage l'empathie exprimée. Malheureusement, la vaccination ne serait pas d'une grande utilité, ni pour les protéger eux, ni pour protéger les autres, ni pour enrayer l'épidémie. Si l'un des vaccins montrait une efficacité certaine sur la transmission et sur ces fameuses formes asymptomatiques, cela nous inciterait évidemment à revoir cette stratégie.

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Notre commission a organisé hier une table ronde sur la crise sanitaire et les acteurs du secteur des EHPAD et de l'aide à domicile de nos aînés. Nous avons pu en particulier entendre leurs inquiétudes sur l'organisation de la vaccination des personnes âgées à domicile. Ils regrettent le manque d'accompagnement, une moindre identification des acteurs impliqués et un schéma moins clair que pour la vaccination en EHPAD. Aussi, quelles sont vos préconisations pour assurer le déploiement le plus rapide et fluide possible de la vaccination auprès des personnes âgées à domicile et, de manière plus générale, auprès des personnes ayant des difficultés à se rendre dans les centres de vaccination ?

Par ailleurs, vous avez mentionné les améliorations du traitement des formes les plus graves de la maladie, constatées dans nos hôpitaux par la diminution de la mortalité dans les services de réanimation. Au-delà de la déception causée par l'abandon du remdesivir – et on ne peut que saluer la décision française de ne pas avoir commandé ce médicament –, que pouvez-vous nous dire de l'état de la recherche sur de nouvelles innovations thérapeutiques à venir ? Que pensez-vous du difficile équilibre à trouver entre la prise de risque – soutenir une innovation et la rendre disponible au plus vite – et la mise en œuvre du principe de précaution ?

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Je souhaiterais revenir sur l'utilisation du vaccin AstraZeneca, avec les réserves que vous avez mentionnées quant à son utilisation pour les personnes âgées. Il sera donc administré aux professionnels de santé et aux personnes de 50 à 65 ans présentant des comorbidités. Il offre un certain nombre d'avantages puisqu'il pourra être conservé dans des réfrigérateurs classiques et administré par les pharmaciens, sages-femmes, infirmiers et médecins. Cette autorisation ne va-t-elle pas pour autant apporter encore de la complexité dans le déploiement de la campagne de vaccination ? Comment va-t-elle être organisée ? Le chef de l'État a convoqué cette semaine les grands laboratoires français et européens pour les encourager à accélérer la production. Il a annoncé que plusieurs sites français démarreront bientôt la production, qu'un sous-traitant pourra commencer à produire en France, courant mars, le vaccin Moderna, et qu'un autre lancera courant avril celui de Pfizer. Pouvez-vous nous apporter des informations sur les suites de ces décisions ? Quand ces vaccins pourront‑ils être produits et en quelle quantité ? Quand seront-ils disponibles « sur le terrain » ?

Le Président de la République a également confirmé que la campagne de vaccination est une réponse à long terme, qui ne permet pas de « gérer la situation de l'épidémie à court terme ». Autrement dit, une explosion des cas pourrait conduire à un nouveau confinement. Face au développement des nouveaux variants et au pic attendu, ou du moins annoncé, mi‑mars, l'hypothèse d'un reconfinement est-elle encore évitable ? Pouvez‑vous nous apporter un certain nombre d'éléments sur ce sujet important ?

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J'aimerais revenir sur la question du vaccin AstraZeneca et sur cette divergence de position entre l'EMA et la HAS. Alors que l'EMA donne une autorisation pour les personnes majeures et âgées, la HAS déconseille l'usage de ce vaccin pour les personnes de plus de 65 ans. Pouvez-vous nous préciser les raisons de cette divergence ?

Par ailleurs, comment comptez-vous assurer la cohérence des différents avis auprès du « grand public », si j'ose dire, pour préserver la confiance des Français dans ces avis ? Concernant ensuite les tests salivaires, j'ai compris dans vos propos qu'il y avait une harmonisation nécessaire à établir entre les phases analytique et préanalytique pour les laboratoires. Quand cela sera-t-il possible et, à partir du moment où cette harmonisation sera effective, comment pouvons-nous envisager l'accélération de ce type de tests ? Ces derniers s'avèrent effectivement très intéressants en raison de leur facilité d'usage, notamment pour les enfants et les professionnels du secteur médico-social.

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Depuis le début de la crise, les instances se sont multipliées. Cela vous semble-t-il pertinent ? Ce millefeuille scientifique a-t-il entraîné des dilutions de responsabilité et la HAS aurait-elle pu, dès le début de la crise sanitaire, jouer le rôle de Conseil scientifique ou tout du moins y participer ? J'aurais également aimé savoir quelles étaient vos relations avec les instances sanitaires internationales, notamment concernant la stratégie vaccinale, mais vous avez en partie répondu à cette question tout à l'heure.

Ensuite, à l'occasion d'une interview à France Inter, vous êtes revenue sur l'organisation de la campagne de vaccination. Vous rejetez l'idée qu'il y ait des ratés dans l'approvisionnement. Vous avez dit qu'on ne gérait pas une pénurie puisqu'il n'y avait pas de pénurie. Ce n'est pas tout à fait le sentiment que nous avons, nous, dans nos départements. En Haute-Loire, nous avons la capacité de vacciner 7 000 personnes et nous ne recevons que 2 340 doses pour les plus de 75 ans.

Ma dernière question porte sur les masques. Olivier Véran a préconisé l'autre jour de privilégier les masques FFP2. Quel est votre avis sur l'efficacité des masques en tissu homologués par la direction générale de l'armement et fabriqués par nos entreprises françaises ?

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Mes questions vont faire écho, je pense, à celles de mes collègues, mais peut-être permettront-elles de préciser un certain nombre d'interrogations.

Ma première question concerne la stratégie vaccinale à mener, compte tenu de l'apparition de « variants » qui viennent interférer avec vos décisions. En effet, la connaissance du virus et les stratégies déployées sont mises à mal de semaine en semaine avec l'arrivée de ces nouveaux variants qui vous contraignent à revisiter sans cesse les recommandations émises. De quelle manière gérez-vous cette situation et comment luttez‑vous contre le risque de générer un sentiment de « cacophonie » au sein de la population ? Pourriez-vous préciser les perspectives de lutte contre la transmission offertes par les futurs vaccins ? Les travaux actuellement menés nous permettent-ils de penser que nous serons en mesure de parvenir à un arrêt de la transmission ?

Je souhaitais également revenir sur la question de l'enchevêtrement institutionnel. En ce qui concerne l'évaluation, la HAS est entourée de nombreux acteurs : l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), le Conseil du numérique en santé (CNS), le Conseil scientifique Covid‑19, le Comité analyse, recherche et expertise (CARE), le Comité scientifique sur les vaccins covid‑19, le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale et, au niveau opérationnel, la task force interministérielle vaccination covid-19. Comment percevez-vous la juxtaposition de l'ensemble de ces institutions ? Comment s'articulent-elles, notamment vis-à-vis des recommandations à donner ? Comment percevez-vous le risque que comporte cet orchestre institutionnel d'engendrer un sentiment de désorganisation, de cacophonie ou de défiance parmi la population ? Comment faire en sorte que l'adhésion et la confiance de nos concitoyens ne soient pas mises à mal ?

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J'ai deux questions provenant du terrain, notamment d'un EHPAD de ma circonscription.

La première concerne la campagne de vaccination, qui touche à sa fin pour la première dose dans cet établissement. La direction subit une pression relativement importante des familles pour reprendre le rythme des visites. À quel délai peut-on, selon vous, estimer le niveau d'immunité suffisant pour répondre à cette attente ?

Ma seconde question concerne certains résidents ayant fait le choix de ne pas se faire vacciner. Comment reprendre un rythme normal de visites au sein de ces établissements tout en protégeant ceux qui ont fait le choix de ne pas recourir au vaccin ?

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Entre la première et la seconde dose, avez-vous éclairci le fait qu'il faille ou non un avis médical, dans la mesure où il n'y a pas de contre-indication ?

Concernant la stratégie de communication, je sais, pour avoir participé à des vacations de vaccination, que les patients sont parfois perplexes quant au vaccin qui leur est proposé, compte tenu de leur efficacité variable – par exemple entre les vaccins ARN et AstraZeneca. Quelle stratégie de communication comptez-vous adopter à cet effet ?

Enfin, nous savons que les tests antigéniques détectant la protéine S ne sont plus utilisés à Londres car le variant entraîne une négativation de sa détection. Quelle est votre stratégie sur les tests antigéniques à ce niveau, et en relation avec le séquençage du génome ?

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Je remercie la HAS pour son engagement et ses recommandations en matière de stratégie vaccinale, ainsi que les ARS ayant permis la répartition des doses de vaccin au plus près des besoins. Dans un contexte de restriction des doses, la décision de prioriser les personnes à risque me semblait effectivement la plus sage.

Aujourd'hui, le maintien des gestes barrières demeure toutefois essentiel dans la mesure où, comme vous l'avez rappelé, le vaccin ne protège pas du risque de contamination. Avez-vous une visibilité sur le moment à partir duquel nous pouvons espérer une décorrélation entre, d'un côté, un taux d'incidence qui pourrait augmenter et, de l'autre, un taux d'hospitalisation qui pourrait se stabiliser, voire diminuer du fait de la vaccination des personnes les plus à risque ? Avez-vous une vague idée du nombre de personnes à vacciner pour faire baisser ce taux d'hospitalisation ?

Ensuite, comme vous le savez probablement, le groupe La République en Marche est particulièrement attaché au travail sur la problématique du covid long parce que de nombreuses personnes sont touchées et passent souvent sous le radar du dépistage et de la connaissance de la pathologie. Quel est le niveau actuel de connaissances sur le covid long ? Comment travaillez-vous sur cette problématique ?

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Je souhaiterais tout d'abord vous interroger sur les raisons ayant conduit à la mise en œuvre de flux logistiques différents dans le cadre de la diffusion du vaccin Pfizer. Je pense notamment aux flux A et B, qui ont entraîné sur le terrain un retard dans les établissements médico-sociaux, et notamment les EHPAD, qui n'étaient pas dépendants de centres hospitaliers puisqu'ils n'étaient pas desservis par le même flux.

Ma deuxième question porte sur le vaccin AstraZeneca. Compte tenu de ses conditions de conservation, qui me paraissent moins contraignantes que celles du vaccin Pfizer, peut-on imaginer qu'il sera mis en vente dans les pharmacies dès lors qu'il sera disponible en quantité suffisante ? La vaccination pourra-t-elle être conduite par les médecins traitants et par les pharmaciens ?

Enfin, concernant le séquençage, de nombreux discours circulent, dont certains avancent que la France est en retard sur le séquençage des variants. Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur les enjeux de ce séquençage et les motifs des critiques émises à l'encontre des autorités françaises ?

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Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Sur la question des personnes âgées à domicile, c'est un vrai problème parce que, pour ce qui est des ARN messagers, les conditions de conservation et de préparation des doses ainsi que la nécessité de ne pas en gaspiller font que la vaccination à domicile est difficilement envisageable pour l'heure, à mon sens. Nous avons proposé de constituer des équipes mobiles mais cela semble complexe d'un point de vue opérationnel, dans la mesure où ces vaccins se conservent peu de temps après l'ouverture des flacons. Cette situation soulève donc effectivement un véritable problème pour les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer. Nous devrons profiter de toutes les occasions de déplacement de ces personnes, notamment lorsqu'elles se rendent dans des établissements de soins pour des visites auprès de spécialistes. Il sera indispensable de profiter de ces passages et de leur proposer la vaccination quand elles se trouvent entre les murs d'un établissement.

Pour ce qui est du traitement, l'état de la recherche a effectivement peu progressé en dehors des corticoïdes. Nous n'avons pas vu passer de traitement très efficace. Les recherches se poursuivent actuellement sur l'« orage cytokinique », une réaction inflammatoire brutale et de grande ampleur survenant à la deuxième semaine après infection et pouvant mener à la réanimation et au décès. Un certain nombre de traitements ont été testés sans succès, mais d'autres essais sont en cours. De nombreux travaux sur les anticorps monoclonaux sont également menés afin de lutter de manière ciblée, curative ou préventive, sur les formes graves. Si, pour l'heure, aucun résultat n'est satisfaisant, beaucoup d'équipes de recherche œuvrent sur le sujet et nous espérons parvenir à maturité sur ces dossiers d'ici la fin de l'année.

Concernant la stratégie de vaccination relative à AstraZeneca, nous avons proposé de commencer par les 50‑65 ans tant que les doses sont limitées. Selon les prévisions, nous devrions disposer d'un peu plus de 10 millions de doses dans les trois prochains mois, d'ici fin avril, ce qui permettra de vacciner environ 5 millions de personnes. Une fois les doses reçues en quantité suffisante, la vaccination pourra bien entendu être élargie en direction des décennies plus jeunes. La campagne de vaccination demeure toutefois complexe, dans la mesure où chaque vaccin présente ses caractéristiques propres et ses populations cibles. Je partage ce constat de complexité. De même, les conditions de conservation d'AstraZeneca permettent une vaccination beaucoup plus simple, en pharmacie par exemple, ce qui signifie que les circuits seront également variables en fonction des différents vaccins. En tout état de cause, nous avons l'obligation de vacciner le plus de Français possible avec le vaccin qui leur convient le mieux. Pour cela, il me semble que nous devons utiliser tous les avantages de chaque vaccin, même si ce fonctionnement complexifie les choses sur le terrain. Nous n'avons pas le choix, aujourd'hui, si nous voulons optimiser la vaccination.

Concernant les travaux des laboratoires et la production, nous ne sommes vraiment pas en charge de ces secteurs. Je ne vous apporterai rien de plus que vous ne sachiez déjà.

Le troisième confinement est-il inévitable ? Cette épidémie nous contraint à nous adapter en permanence aux données scientifiques et épidémiologiques. Les décisions sont prises en fonction des chiffres qui sont collectés tous les jours et de leurs tendances. Les modélisations permettent de mieux prévoir que la première fois puisque nous avons déjà eu plusieurs vagues et que nous avons par ailleurs l'expérience de ce qui se passe à travers le monde. Les modélisations permettent de parvenir à des estimations. Ces dernières sont cependant fondées sur des intervalles de confiance très larges. Elles prévoient par exemple une troisième vague entre fin février et début avril 2021 en raison de l'apparition de ces variants qui sont beaucoup plus contagieux. Un confinement réalisé de manière précoce a pour but d'amortir la vague et de tenter de la décaler. Cependant, en raison des dégâts dont il est responsable à tous les niveaux, le confinement est repoussé le plus tard possible. Un équilibre est recherché en permanence entre les données et la montée du taux d'occupation des lits de réanimation, dans la mesure où il serait inconcevable que nous ne soignions pas toutes les personnes malades en France. Nous devons par ailleurs veiller à éviter la saturation du système de santé, qui empêche de soigner les autres patients. Il faut absolument le préserver ! Il faut donc confiner le plus tard possible, mais pas trop tard non plus. Ce sont les chiffres quotidiens qui permettent d'appréhender la situation et de décider au mieux.

Une question portait sur la divergence entre la décision de l'EMA et la recommandation émise par la HAS concernant AstraZeneca. Pour rappel, les deux instances n'ont pas du tout le même rôle en ce qui concerne les médicaments. L'EMA, qui est un peu l'équivalent européen de l'ANSM, a pour mission de valider la mise sur le marché de produits de santé en Europe. Cette validation s'effectue après étude de la balance bénéfice/risque. Les risques sont essentiellement mesurés sur des critères de sécurité, à tous les niveaux : qualité de la recherche, production, etc. Ce fonctionnement est valable pour tous les médicaments, et non pas uniquement pour les vaccins. Une fois la mise sur le marché validée, chaque pays décide de la place qu'il accorde aux nouveaux médicaments ou aux nouveaux vaccins dans sa stratégie. Ce produit sera-t-il pris en charge par la collectivité et remboursé ? Est-il mieux ou moins bien pour certaines catégories de personnes ? Le déploiement de cette stratégie relève de la responsabilité de chaque pays via les agences d'évaluation des produits de santé, du moins pour les pays dans lesquelles elles existent – cette mission pourrait être mutualisée en Europe dans la mesure où certains pays n'en ont pas. Les rôles de l'EMA et de la HAS sont donc bien distincts. L'EMA a autorisé la mise sur le marché d'AstraZeneca sans restriction mais a précisé, dans le résumé des caractéristiques du produit, ne pas disposer de données pour les plus de 65 ans. Il est de la responsabilité de la HAS d'indiquer ensuite pour qui ce vaccin peut être utilisé en toute sécurité ; en l'absence de données suffisantes sur l'efficacité vaccinale chez les plus de 65 ans, la recommandation a donc été d'utiliser ce vaccin au profit d'autres populations.

Concernant les tests salivaires, nous avons effectivement besoin d'une harmonisation entre l'analytique et le préanalytique. Nous espérons pouvoir nous prononcer sur le sujet dans les dix jours qui viennent. Nous nous appuyons beaucoup sur les résultats des grandes études menées en France, en particulier trois grandes études. Nous sortons nos avis dès que nous avons les résultats, de façon à bien analyser à chaque fois quel couple analytique/pré‑analytique est le bon, et avec quelles précautions. Par ailleurs, le déploiement de ces tests impliquera une organisation compliquée pour les biologistes, dans la mesure où des réglages sont nécessaires pour passer du nasopharyngé au salivaire sur une plate-forme de PCR. Cette transition ne peut être effectuée facilement. Certaines plateformes de PCR seront donc probablement dédiées au salivaire et d'autres au nasopharyngé, ce qui contraindra les biologistes à s'organiser pour assurer cette répartition. Nous allons également essayer de travailler sur la place de ces tests dans la stratégie par rapport aux autres tests. Les tests salivaires sont plus complexes que les nasopharyngés. C'est la raison pour laquelle nous mettons un peu de temps. Nous attendons les données. Je rappelle que certains pays, comme l'Italie, l'Espagne ou les Etats-Unis, qui ont été moins exigeants que nous sur certains tests au début, en ont terriblement payé les conséquences, que ce soit sur la sensibilité de certains tests ou sur leurs spécificités. En analysant la situation rétrospectivement, je crois que nous n'avons pas commis d'erreurs sur les choix qui ont été faits en France.

Vous m'interrogez ensuite sur les multiples instances qui interviennent dans le cadre de cette crise. Je ne peux vous répondre qu'en tant que présidente de la HAS. Je ne suis pas Présidente de la République et il ne m'appartient pas de commenter les décisions du Président, qui a souhaité s'entourer d'un certain nombre de comités dans une gestion de crise particulièrement difficile. Notre agence n'est pas, au départ, conçue pour gérer une telle crise. Nous nous sommes efforcés de réaliser le travail nécessaire, celui inscrit dans nos missions : évaluation des produits de santé, recommandations aux professionnels, éclairage des patients, etc. Nous avons essayé de remplir le rôle que nous confèrent nos missions de par la loi, et ce de la façon la plus rapide, la plus adaptée et la meilleure possible. Dans un orchestre qui doit se mettre en place très vite, je crois qu'il est préférable que chacun joue sa partition, toute sa partition et seulement sa partition. Nous n'avons pas à empiéter sur le sujet des autres agences ou conseils. Nous nous cantonnons à nos missions et j'espère que nous les remplissons le plus vite et le mieux possible. C'est la seule chose que je puisse dire en tant que présidente d'une autorité publique indépendante. Nous avons évidemment quelques relations et j'appelle de temps en temps M. Delfraissy ou d'autres collègues pour communiquer avec eux, mais il n'y a pas de relation institutionnalisée entre ces différents comités.

Concernant la question relative à la pénurie, je n'ai jamais nié l'existence d'une pénurie. J'ai indiqué que l'arrivée progressive des doses était prévue. C'est précisément la raison pour laquelle il nous a été demandé de prioriser la vaccination. Les calendriers d'arrivée des doses ont beaucoup évolué – dans les deux sens, d'ailleurs. Par exemple, nous avons reçu le premier vaccin au mois de janvier, plus tôt que le calendrier initial le prévoyait. De la même manière, nous avons obtenu AstraZeneca avant la date prévue, qui, initialement, devait être avril. À l'inverse, des retards ont pu être enregistrés sur le vaccin Pfizer durant certaines semaines, en raison de problèmes de production. Nous avons travaillé à partir d'un calendrier d'approvisionnement tel que nous le connaissions à l'époque où nous l'avons établi, et nous nous sommes adaptés en permanence, là encore, aux modifications de ce calendrier et à l'arrivée d'un nouveau vaccin. Ce n'est pas simple. Notre but est d'aller le plus vite possible, de la façon la plus adéquate possible. Il n'est pas question d'affirmer qu'il n'y a pas de pénurie. Nous savons que la disponibilité des doses permettant de vacciner le monde entier – puisque c'est le monde entier qu'il faut vacciner – prendra quelques mois.

Nous n'avons pas été saisis sur les masques. C'est le HCSP qui s'est prononcé sur leur utilité. Il me semble d'ailleurs qu'il a émis très récemment une nouvelle recommandation ou un nouvel avis sur ce sujet, en particulier sur la qualité des masques en tissu. Je vous invite donc à consulter les recommandations du HCSP en la matière. Comme je vous l'ai expliqué, je m'attache vigoureusement à faire tout ce qui est dans nos missions et uniquement ce qui est dans nos missions, de façon à ne pas empiéter sur ce que font les autres et à éviter la cacophonie et la dispersion d'énergie. Nous avons besoin aujourd'hui de toutes nos énergies.

Mme Tamarelle‑Verhaeghe soulignait tout à l'heure les changements perpétuels qui ponctuent la stratégie vaccinale. Effectivement, cette stratégie évolue en permanence. Cette versatilité ne concerne d'ailleurs pas uniquement la stratégie vaccinale dans le contexte actuel. Avec cette crise, nous passons notre vie à nous adapter : toutes les semaines, nous avons de nouvelles informations, de nouvelles études, de nouvelles épidémiologies et de nouveaux variants. Nous nous adaptons en permanence à l'apparition de ces nouvelles données et je ne vois pas comment faire autrement. Si nous voulons arriver à faire au mieux à chaque période de cette épidémie, nous sommes obligés de nous adapter. Il est vrai que ces changements perpétuels peuvent donner l'impression d'une cacophonie, en particulier parmi les Français qui ne comprennent pas bien que la science ne soit pas établie une fois pour toutes, que tous les vaccins ne se ressemblent pas. C'est la raison pour laquelle j'essaie de m'astreindre à aller dans les médias pour expliquer le plus simplement possible à nos concitoyens pourquoi nous recommandons un test ou un vaccin d'une façon ou d'une autre. Je crois que cet effort de pédagogie est absolument nécessaire. Les choses sont très complexes, et pas uniquement pour les Français. Les professionnels de santé nous demandent sans arrêt des documents et des aides pour utiliser au mieux les tests. Ils ont également besoin de supports en raison de ces ajustements permanents. Cette situation est très compliquée pour tout le monde.

L'une des questions portait sur les perspectives en matière de transmission. Pour lutter contre la transmission, il faut que le vaccin ou les médicaments – parce qu'on peut parler de pulvérisation nasale ou dans la gorge – permettent de diminuer la réplication in situ dans les tissus du virus. Autrement dit, il ne suffit pas de ne pas être malade : pour agir sur la transmission, il faut aller au-delà en agissant sur la réplication du virus in situ. Il faut ensuite évaluer l'effet avec des tests itératifs, ce qui s'avère beaucoup plus compliqué que de faire des tests lorsque les gens ont des symptômes.

Pour ce qui est de l'enchevêtrement institutionnel, je dirais qu'il y a des agences avec qui nous travaillons en continu. Nous sommes par exemple en perpétuelle interaction avec l'ANSM, en période de crise comme le reste du temps. Nous n'avons pas cessé ces interactions : bien au contraire, nous les avons renforcées. Nous avons tous besoin les uns des autres.

Vous m'interrogez également sur la situation dans les EHPAD. Vous me demandez à quelle période une immunité collective sera atteinte, permettant d'envisager un retour à la normale du rythme des visites. Ce sujet est très préoccupant. À titre personnel, j'ai une maman de 95 ans actuellement hospitalisée et je suis donc effectivement sensibilisée à cette problématique. L'autorisation d'une heure de visite par jour est très insuffisante. Nous mesurons d'ailleurs les dégâts terribles causés par l'absence de vie sociale dans les EHPAD. Cette situation est absolument épouvantable. Je ne dis pas qu'elle ne l'est pas pour nos jeunes, mais je crois que c'est encore plus triste pour les personnes isolées en EHPAD. Concernant le délai d'immunité, il est important de rappeler que, d'une part, le vaccin n'offre pas une protection immédiate. La production d'anticorps augmente progressivement. Ainsi, la personne vaccinée n'est réellement protégée que dans la troisième semaine qui suit la vaccination, et ce à hauteur de 90 % pour les ARN messagers et d'environ 70 % pour AstraZeneca d'après une publication très récente – hier, je crois – des Anglais. D'autre part, la vaccination ne protège que soi-même. Il faut donc qu'il y ait suffisamment de patients et de soignants vaccinés dans les EHPAD pour qu'un retour à la vie sociale puisse être envisagé. Certaines personnes choisissent en outre de ne pas se faire vacciner et s'exposent au risque de contamination et d'hospitalisation. Les questions que vous me posez semblent insolubles. Concernant les visites, il me semble que les règles ont toutefois été nettement assouplies par rapport au premier confinement grâce au respect des mesures barrières : port du masque, hygiène des mains, distanciation, ventilation des pièces, etc. Ces mesures s'avèrent fonctionnelles et peuvent permettre un assouplissement des visites.

L'une des questions de M. Delatte portait sur les différences d'efficacité entre les vaccins à ARN messager, AstraZeneca et d'autres vaccins qui pourraient arriver. Je crois que nous devons expliquer aux Français que nous sommes actuellement engagés dans une course contre la montre. Si nous voulons sortir de cette épidémie, il faut que le maximum de personnes soit immunisé. Dans ce contexte, nous estimons que le vaccin AstraZeneca a des performances suffisantes pour protéger les individus de moins de 65 ans et pour participer, in fine, à cette immunité collective. Plus le nombre de personnes vaccinées sera important et mieux nous nous en sortirons.

M. Borowczyk m'interrogeait sur la visibilité que nous aurions sur la décorrélation entre l'incidence de la maladie et le nombre d'hospitalisations. Je ne sais pas répondre quantitativement à cette question, c'est-à-dire en donnant un chiffre précis, mais je dirai que c'est tout l'enjeu de la stratégie vaccinale : plus nous focaliserons les vaccinations initiales sur des personnes à risque, plus vite nous pourrons diminuer cette pression sur le système de santé, diminuer les formes graves et les décès, qui sont chaque fois des drames familiaux. Ce ciblage par ordre de vulnérabilité, que nous allons encore affiner, me semble utile pour arriver au plus vite à cet objectif.

Concernant le covid long, nous avons constitué un groupe de travail dès que les travaux et les connaissances sur le sujet ont été suffisants. Ce groupe s'est réuni à maintes reprises tout au long du mois de janvier et finalise actuellement ses travaux, qui passeront – je l'espère – la semaine prochaine au collège de la HAS. Je pense que nous aurons donc des préconisations à transmettre aux professionnels de santé pour prendre en charge ces patients. Ces préconisations seront par la suite enrichies au fur et à mesure de l'amélioration de l'état des connaissances dans les dix jours qui viennent. Les patients doivent notamment être pris en charge différemment en fonction de leurs séquelles.

Je ne suis pas en capacité de répondre à la question qui m'a été posée sur les flux logistiques et qui relève davantage du ministère. Je pense que la question portait plus spécifiquement sur les flux logistiques permettant la distribution des vaccins vers les établissements et vers les EHPAD. Je ne peux vous répondre à mon niveau.

Concernant AstraZeneca, nous avons ouvert la vaccination en pharmacie mais également, au-delà de l'acte de vaccination, la prescription par les pharmaciens pour les personnes qui ne présentent pas de facteurs de risque particuliers et qui n'ont pas déjà été contaminées par le covid. Cette prescription sera donc possible pour une personne qui se porte bien et qui souhaite se faire vacciner, afin de rendre la vaccination la plus simple et la plus accessible possible.

La dernière question portait sur le séquençage. Je crois que nous ne sommes pas en retard. Au contraire, nous sommes même en avance par rapport à bien d'autres pays en Europe – par exemple par rapport aux Allemands. Nous avons une infrastructure de séquençage que je crois de bonne qualité. Elle n'était certes pas destinée aux travaux actuellement conduits et il est probable que d'autres travaux et d'autres utilisations seront retardés, dans la mesure où cette infrastructure est actuellement très mobilisée sur le séquençage des virus et sur les tests. En tout état de cause, je suis d'avis que nous disposons aujourd'hui de capacités de séquençage très honorables en France, même si elles devront encore être renforcées au vu du contexte.

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Je vous remercie, madame la présidente, pour votre disponibilité et pour la qualité de vos réponses.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.