Mesdames les rapporteures, je salue votre persévérance, car après avoir présenté une proposition de résolution sur le sujet en juin 2020, vous nous soumettez cette proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.
L'originalité du texte réside dans le fait qu'il transpose dans la loi les conclusions d'un accord national interprofessionnel conclu le 10 décembre 2020. On ne peut que se satisfaire de la conclusion d'un tel accord, d'autant que les négociations ont été difficiles – elles avaient d'ailleurs échoué en juillet 2019. Nous veillerons à ce que la proposition de loi respecte les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. Nous ferons aussi en sorte de placer le curseur au bon endroit s'agissant de la santé au travail. Celle-ci doit privilégier l'intérêt sanitaire individuel et collectif des salariés et garantir à tous les travailleurs un accès rapide et de qualité aux services de santé au travail.
L'accord est d'autant plus important que le domaine de la santé au travail est en souffrance depuis de longues années. Les rapports sur la question ne manquent pas – ne serait-ce que depuis le début de l'année, on ne les compte plus. Comme dans un grand nombre d'autres domaines, la crise sanitaire a mis en lumière d'importants dysfonctionnements. Malgré l'épidémie de covid-19 et les incitations à pratiquer le télétravail, nombreux ont été les Français contraints de se rendre sur leur lieu de travail. Or la médecine du travail n'a pas été suffisamment impliquée, ce qui a confirmé les lacunes identifiées depuis de nombreuses années : pénurie de médecins du travail, système illisible et difficile d'accès, existence d'inégalités territoriales et manque de coordination avec la médecine de ville.
Nous partageons donc les grandes orientations qui sont au cœur du texte et de l'ANI, à savoir décloisonner la santé publique et la santé au travail, mettre l'accent sur la prévention, améliorer la qualité du service rendu et la gouvernance, renforcer l'accompagnement de certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle. Il faudra néanmoins préciser ces orientations pour qu'elles respectent avant toute autre chose le bien‑être du travailleur.
Nous formulerons un certain nombre de propositions visant à s'assurer du consentement du salarié dans toutes les étapes de son parcours et à mieux expliciter les risques professionnels.
Il faut également prendre garde à ne pas oublier les acteurs qui œuvrent dans le domaine de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, le texte n'aborde qu'insuffisamment un certain nombre de points, notamment la pénurie de médecins du travail – nous avons de sérieux doutes à propos de l'article 21 – et la coordination entre la médecine de ville et la médecine du travail, que l'accès au DMP ne suffira pas à lui seul à améliorer. Il faudra aussi aller plus loin s'agissant du statut des infirmiers de santé au travail, en particulier en ce qui concerne l'harmonisation de leur formation et de leurs missions. Au travers de nos amendements, nous vous proposerons donc d'enrichir le texte pour que, à l'issue de nos débats, il soit à la hauteur de ses ambitions.