Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 14h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac, rapporteur :

Je suis partagé entre l'envie de vous remercier, car vous avez été nombreux à saluer le sérieux et la qualité de notre travail ainsi qu'à partager notre diagnostic, et l'incompréhension devant notre incapacité à nous mettre d'accord sur l'essentiel : chaque jour, des jeunes de ce pays n'arrivent plus à manger.

Nous avons fait le choix d'un travail sérieux, partagé, nourri de nombreux échanges et consultations, et dénué de toute ambition doctrinaire ou idéologique, comme certains l'ont laissé entendre. Si telle avait été notre optique, nous aurions soutenu l'idée d'un revenu universel de 1 500 euros, pour tous, pour toute la vie. On en est assez loin. Le dispositif cible les plus proches, et ne relègue pas au second plan la solidarité familiale, qui doit s'exercer quand elle le peut. Il limite le revenu de base à 564 euros, le montant du RSA. On n'encourage pas à l'oisiveté avec un tel montant : c'est un revenu de subsistance, juste pour ne pas crever, si j'ose dire. C'est à cela que nous nous sommes volontairement limités, pour que la proposition que nous faisons, pour la jeunesse mais pas seulement, paraisse crédible et acceptable par tous, au-delà de nos divergences de vue politiques.

Madame Iborra, je vous le dis avec respect, nous ne vivons pas dans le même monde. Vous semblez considérer que la jeunesse trouve des réponses dans toutes les actions que le Gouvernement entreprend à son intention. Je ne crois pas que ce soit vrai. Vous proposez un débat à l'Assemblée : cela tombe bien, nous l'avons en ce moment ! Ne reportons pas à plus tard ce qui relève de l'urgence, que presque tous ici ont constatée. Exiger un débat à l'Assemblée nationale sur ces questions me paraît un peu court.

Évitons aussi la caricature. Cette proposition de loi ne se limite pas à l'apport d'une aide pécuniaire. La question de l'accompagnement est centrale et il n'y aurait aucun sens à penser la lutte contre la pauvreté, notamment celle qui touche les plus jeunes, sans accompagner ces derniers sur le chemin de l'emploi. Mais tout de même... Lorsque l'on ne mange qu'une fois par jour, on a besoin d'un peu de dignité, ce qui passe par un minimum de subsides. Il n'est donc pas possible de faire comme si la question de l'aide pécuniaire était secondaire alors que, pour un certain nombre de jeunes, elle est urgente.

Je ne suis pas sûr, madame Iborra, que la majorité à laquelle vous appartenez ait attendu qu'un consensus se dégage pour mener certaines réformes. Je ne crois pas non plus que l'action politique consiste à l'attendre pour prendre des décisions. En tout cas, le consensus existe sur le diagnostic et ce n'est déjà pas si mal.

De plus, cette mesure n'a rien d'administratif ou de technocratique. Je ne crois pas qu'il soit possible de faire plus simple : un revenu de base automatique dès 18 ans, c'est simplement un droit nouveau qui se justifie de lui-même.

Cette proposition de loi, monsieur Viry, serait un peu doctrinaire ? Si combattre la pauvreté relève de la doctrine, alors, je veux bien être doctrinaire.

Je crois que chaque jeune aspire à l'émancipation d'abord par l'entrée dans le monde du travail qui lui procurera le revenu nécessaire. Notre proposition de loi ne heurte en rien la valeur travail. Le revenu de base n'a d'ailleurs aucun effet négatif sur le travail, l'exemple finlandais en atteste. De plus, en Europe, sur vingt-huit pays, quatre seulement accordent les minima sociaux uniquement à partir de 25 ans, dont la France. Si nous voulons que les conditions d'entrée dans le monde du travail soient les plus favorables possible, il n'est peut‑être pas utile que cette jeunesse endure un parcours du combattant pendant presque sept ans.

Madame de Vaucouleurs, à force de partager le diagnostic, nous finirons peut-être un jour par partager le remède ! Je regrette que vous n'en tiriez pas la conclusion que le moment est venu d'y aller ! Je vais m'y employer, mais je ne pense pas pouvoir vous faire changer d'avis.

Je n'ai jamais douté une seconde du soutien de mon collègue Juanico, qui ne m'en voudra pas de ne pas épiloguer sur son intervention, que j'ai particulièrement appréciée.

Je vous remercie, madame Petit, pour le retour historique, que je partage. Vous avez rappelé les enjeux avec des mots très justes mais je ne comprends pas pourquoi, selon vous, le revenu universel est un projet macroniste. Si tel est le cas, quand le proposerez-vous ? Le temps politique ne doit pas s'enliser dans les bonnes paroles car le temps social, lui, file très vite. Peut-être pourra-t-on dire encore pendant quelques semaines à cette jeunesse que le revenu universel est un projet macroniste, mais chaque jour qui passe jette le doute sur cette belle déclaration.

Je vous remercie pour votre avis favorable, madame Wonner. Vous avez soulevé la question centrale du financement, qui implique d'abord de savoir combien coûte la pauvreté dans notre pays : selon l'enquête d'ATD Quart Monde de 2015, plus cher, de toute façon, que ne coûterait à la société une dépense pour essayer de l'éradiquer.

Je suis d'accord avec Pierre Dharréville, qui a beaucoup insisté sur l'urgence de la situation. Si nous persistons à nous égarer dans de bonnes paroles en disant aux jeunes que nous comprenons leur souffrance mais qu'il est trop compliqué de nous mettre d'accord sur un dispositif essentiel et élémentaire pour leur venir en aide, nous leur enverrons un mauvais signal. Je ne sais pas ce que pourrait donner, dans les mois et les années à venir, une jeunesse qui ne croirait plus en la vertu d'un État protecteur... Cette idée me préoccupe à titre personnel et en tant que législateur. Si nous ne répondons pas très rapidement à cette urgence, nous devrons peut-être un jour en payer le prix fort.

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