Que le Gouvernement s'efforce de trouver des solutions pour chaque jeune, tant mieux : il serait coupable de ne pas le faire. Les élus socialistes, chaque fois qu'ils le peuvent, s'engagent dans la voie offerte, mais cela ne suffit pas. Chaque soir, des jeunes, la tristesse au front, font la queue devant les banques alimentaires.
Nous pouvons tous convenir qu'il est temps d'agir. Que proposons-nous ? Un mécanisme dont l'automaticité permet de récupérer 30 % des gens qui n'exercent pas leurs droits, et dont certains s'abîment dans la grande pauvreté avec ce que cela implique comme conséquences sociales, médicales, psychologiques pour eux et leurs enfants.
Cette jeunesse a le désir ardent de s'inventer un avenir, d'avoir une place dans la société, de trouver un stage, une formation, un emploi. Nous défendons la valeur travail, la possibilité d'obtenir un travail digne, qui permette de vivre, d'être, de s'émanciper, car nous savons aussi que le travail peut abîmer et que la question de la vie et de la santé au travail est fondamentale. Mais cette jeunesse connaît une extrême pauvreté, éprouve une angoisse existentielle au cœur d'une crise sans précédent. Nous ne pouvons pas nous quitter cet après‑midi, après avoir partagé un diagnostic accablant pour un grand pays comme le nôtre, sans avoir dit à la jeunesse et aux plus précaires de nos concitoyens que nous mettons tout en œuvre pour que chacun puisse sortir la tête de l'eau.
Nous avons réfléchi à la question de la conditionnalité, avec les droits et les devoirs. Le premier des droits, c'est celui d'être accompagné. Le dispositif de la garantie jeunes est, de ce point de vue, un modèle. Nous attendons la concrétisation du service public de l'insertion annoncé par le Gouvernement, tout comme l'instauration du revenu universel d'activité, mais nous ne voyons rien venir.
Là où se sont déroulées les expérimentations, les bénéficiaires de ce filet de sécurité, de ce revenu d'existence se sont-ils abîmés dans l'oisiveté ? Ont-ils renoncé à chercher du travail ? En aucun cas, nulle part ! En Finlande, ceux qui cherchent le moins un emploi font partie du groupe témoin, celui qui ne perçoit aucune allocation. Lorsque votre horizon se limite à la fin de la journée, au mieux à la fin de la semaine, pour vous nourrir, vous et vos enfants, et pour vous loger ; lorsqu'un jeune est obligé de rendre son appartement pour revenir vivre chez ses parents, au lieu de déployer ses ailes pour entrer dans l'âge adulte, ce n'est pas la même chose que lorsque l'horizon s'ouvre : vous repartez à la recherche d'un emploi, vous vous saisissez à bras-le-corps de votre projet de formation, vous reconsidérez l'avenir, vous vous soignez. Et les résultats sont positifs pour tout le monde, car, comme l'a dit Hervé Saulignac, la pauvreté coûte plus cher que les politiques de lutte contre celle-ci.
Certains ont évoqué un contrat et non un contrôle. Or, à Pôle emploi, vous n'avez recruté que des contrôleurs.
Monsieur Viry, nous avons en partage ce que les gaullistes sociaux, les socialistes et les communistes ont su construire au fil de l'histoire, cet héritage commun qui a survécu aux alternances, ce socle qui permet de mener une vie digne, qui a un sens.
Nous n'avons pas soumis au débat la question des modalités de financement, mais pas par esprit de « y'a qu'à, faut qu'on » ; nous savons comment financer : plutôt que de voir un problème dans la dépense publique, il faut parfois considérer que c'est dans la recette publique qu'il se pose. Lorsque les multinationales ne paient pas leurs impôts, que 40 % de leurs résultats sont consolidés dans des paradis fiscaux, ce sont des milliards qui manquent aux États et aux services publics. Quand le taux d'effort est plus important dans les premiers déciles de l'impôt sur le revenu, il y a un problème de justice. Quand, avec la suppression de la dernière tranche de la taxe d'habitation, 20 % des Français vont capter 46 % des dépenses fiscales, on est en droit de se demander si tout cela est bien juste.
Nous avons proposé un financement du dispositif à travers la réforme des très grosses successions. Il n'est évidemment pas question de toucher à un héritage qui est le fruit d'une vie de travail. Mais lorsque l'on est né rentier, que l'on transmet une rente grossie par la spéculation, il est juste de participer mieux à la solidarité nationale. Dans notre proposition, 85 % des Français étaient, comme aujourd'hui, exonérés des frais de succession. En fait, ce que nous mettons en débat, c'est la justice de notre modèle fiscal et social, et son efficacité redistributive. Choisir l'universalité, c'est préférer des droits pour tous à des allocations pour certains.
Cette proposition de loi a été très travaillée et a fait l'objet d'une très large consultation, ce qui est assez inédit pour une proposition de loi de l'opposition, avec les moyens dont celle-ci dispose. Je remercie, à ce propos, les administrateurs de la commission, qui ont fait un travail considérable.
Nous avons un rendez-vous. Sommes-nous capables de proposer un progrès social supplémentaire pour ces jeunes de 18 ans qui n'ont droit à rien, qui sont majeurs à 16 ans sur le plan pénal, à 18 ans sur le plan civique, et qui ne le sont qu'à 25 ans sur le plan social, ce qui est une singularité française ? Nous pouvons changer les choses ; nous pouvons nous soucier de l'avenir en nous souciant de la jeunesse. C'est précisément le sens de ce texte.