Je suis ravie de vous présenter, en deuxième lecture, cette proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement, avec Marie-Noëlle Battistel pour corapporteure. Il s'agit de proposer des solutions afin de renforcer le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en facilitant le parcours des femmes souhaitant y recourir. Ce sujet est primordial à mes yeux ; aux vôtres aussi, je le sais.
Initialement articulée en deux articles, cette proposition de loi a été particulièrement enrichie en première lecture, en commission comme en séance, grâce à une véritable mobilisation transpartisane que je tiens une nouvelle fois à saluer. Aujourd'hui, elle se compose de neuf articles. D'emblée, je précise que deux articles ont vocation à être supprimés : l'article 1er ter A, parce qu'il a déjà été adopté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, et l'article 3, qui est le gage que nous devrons demander au Gouvernement de lever en séance publique.
Cette proposition de loi a un seul et unique objectif : améliorer l'effectivité de ce droit fondamental qu'est l'avortement. Cette ambition se traduit par des mesures concrètes et d'autres de nature à favoriser un changement de mentalité. L'un ne va pas sans l'autre.
Commençons par les deux mesures très concrètes visant à renforcer le droit à l'avortement.
D'abord, l'article 1er permet d'allonger le délai légal d'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Vous avez à maintes reprises entendu mes arguments en faveur de cet allongement. Je citerai aujourd'hui l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi sur ce sujet par le Gouvernement à l'occasion de la première lecture de cette proposition de loi : « En définitive, si la liberté d'avorter en France n'est pas remise en cause à ce jour, un faisceau de facteurs (découverte tardive de la grossesse, insuffisance de l'information et des mesures préventives, inégalité territoriale dans la prise en charge, non-respect de la loi...) peut contribuer à la difficulté de sa réalisation durant le délai légal autorisé, conduisant ainsi des femmes à ne pas pouvoir réaliser leur décision personnelle, sauf à solliciter un déplacement à l'étranger pour en concrétiser la réalisation. »
On estime aujourd'hui qu'au moins 2 000 femmes sont, chaque année, contraintes de se rendre à l'étranger pour faire valoir leur droit fondamental à l'IVG. Mais d'autres situations sont moins bien connues : combien de femmes doivent continuer une grossesse non désirée, dont on connaît l'impact délétère tant sur elles-mêmes que sur l'enfant à naître ? Combien ont recours à une IVG de manière clandestine, mettant ainsi en danger leur propre santé ? Nous ne pouvons pas accepter ces situations. En France, en 2021, une femme doit pouvoir avorter si elle le souhaite ! Et le CCNE vient de l'affirmer : « il n'existe que peu, voire pas de différence entre douze et quatorze semaines de grossesse ». Aussi paraît-il incompréhensible de pérenniser cette situation aussi injuste qu'inégalitaire.
Ensuite, l'article 1er bis étend le champ de compétences des sages-femmes à la pratique de l'IVG par voie instrumentale. Cette disposition permettra de renforcer le maillage territorial des professionnels habilités à pratiquer une IVG. À la lumière des disparités territoriales existantes, elle représente une avancée majeure pour les femmes souhaitant avorter. Je tiens, d'ailleurs, à apporter mon soutien aux sages-femmes et à leurs revendications pour une meilleure rémunération et un meilleur statut.
Pour que ces mesures soient efficaces, il faut aussi faire changer les mentalités et cesser de voir l'IVG comme un acte médical à part. Les femmes souhaitant recourir à un avortement ne doivent plus être infantilisées et stigmatisées pour un acte loin d'être rare, puisqu'une femme sur trois y a recours durant sa vie.
Trois mesures vont en ce sens. L'article 1er ter supprime le dernier délai infantilisant : celui de deux jours de réflexion imposé aux femmes, après la consultation psychosociale préalable, pour confirmer une demande d'IVG. Laissons aux femmes le choix de leur temps de réflexion !
L'article 2 supprime la clause de conscience spécifique à l'IVG. D'une part, l'existence de la clause de conscience générale rend cette disposition superfétatoire. Elle résulte d'un équilibre politique vieux de quarante-cinq ans et n'a donc plus sa place aujourd'hui dans le code de la santé publique. D'autre part, la clause de conscience spécifique perpétue également une vision arriérée de l'IVG : en refusant à celle-ci le statut de soin apporté aux femmes, elle contribue à en faire un acte médical simplement toléré, et non un droit à part entière énoncé par la loi. Cet article prévoit également la création d'un répertoire recensant les professionnels et les structures de santé pratiquant l'IVG, de manière à gagner en transparence. Quand une femme souhaite recourir à une IVG, elle doit savoir vers qui se tourner.
Enfin, l'article 2 bis A clarifie l'obligation faite aux professionnels de santé de délivrer un moyen de contraception en urgence, ainsi que les sanctions associées au manquement à cette obligation de non-discrimination.
Par ailleurs, cette proposition de loi contient également deux demandes au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement, qui permettront d'enrichir les connaissances sur l'accès à l'IVG et de mieux mesurer la nécessité de continuer à faire valoir ce droit.
En conclusion, cette proposition de loi est transpartisane. Son contenu n'est pas le fruit de l'idéologie mais de la nécessité de renforcer le droit à l'IVG face tant aux difficultés rencontrées par nos concitoyennes, une fois prise leur décision d'avorter, qu'aux inégalités constatées par les acteurs de santé dans l'accès à ce droit. Quand la vie des femmes est en jeu, nous nous devons de dépasser nos clivages politiques afin de faire évoluer notre système vers un accès à l'IVG effectif et plus juste.