Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 14h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Le travail fourni par les administrateurs qui m'ont accompagné, que je salue, a permis de lever quelques-unes des réserves que vous avez exprimées. Les simulations financières mais également les vérifications constitutionnelles que nous avons faites me rendent encore beaucoup plus assuré que je ne l'étais au printemps dernier devant ma proposition de loi fabriquée à la maison avec les moyens du bord. C'est la force de l'Assemblée, qui met au service des députés de l'intelligence et des informations qui sinon sont quasiment inaccessibles.

Je voudrais dire à Thierry Michels, avec beaucoup de respect pour l'opinion qu'il a exprimée, même s'il n'a pas développé beaucoup d'arguments, que je n'ai jamais associé Graziella Melchior à mes conclusions. Nous avons simplement mené une mission ensemble : parmi les vingt-deux propositions que nous avons formulées, une dizaine sont cosignées, et j'en reprends quatre ou cinq dans mes amendements. Tout s'est fait dans la plus grande transparence, elle s'est librement associée à ces propositions, et j'ai rappelé qu'elle en était la co-auteure par respect pour elle. Elle peut exprimer une autre opinion dans des discussions de groupe, mais gardez à l'esprit qu'une mission n'est pas une proposition de loi.

Vous dites, monsieur Michels, que vous avez tout fait dans la loi « PACTE », mais elle n'est pour l'essentiel qu'une promesse, un processus. Il faut aller beaucoup plus loin dans la réforme des entreprises. La vraie réforme, vous le savez, c'est la codétermination, les salariés dans les comités de rémunération et dans la gouvernance de l'entreprise. C'est cela la révolution, le partage du pouvoir et de l'avoir – pas la société à mission, pas la redéfinition de la raison d'être ! Chez les socialistes, on s'intéresse plus à la façon de faire qu'à la raison d'être. C'est de la façon de faire que nous parlons aujourd'hui, de façon effective pour reprendre ce mot cher au Président de la République.

Vous dites aussi que nous ne l'avons pas fait dans la loi « Sapin 2 ». J'en étais rapporteur pour avis sur ces sujets. Quand je pense au devoir de vigilance, je me dis que le peu de réformes que nous avons faites dans le dernier mandat n'aurait eu aucune chance de voir le jour dans l'actuelle majorité. Je regrette votre position qui manque d'ouverture.

Monsieur Turquois, j'ai entendu François Bayrou, en pleine crise des « gilets jaunes », évoquer un plafonnement de 1 à 10, un système volontaire, une obligation... Il cherchait des idées neuves. Je ne désespère pas que, maintenant qu'il est au Plan, cette idée ressuscite : nous la saluerons avec beaucoup d'humilité si c'est le cas, mais je ne comprends pas votre position, car c'est bien typiquement une proposition démocrate-chrétienne qui aurait pu trouver ses racines dans votre groupe.

Vous avez évoqué la Constitution, comme Martine Wonner. On trouve chez le constitutionnaliste Dominique Rousseau, que personne ne conteste, l'affirmation que l'atteinte à la liberté contractuelle des entreprises peut trouver son fondement dans un intérêt général supérieur, celui des exigences minimales de la vie dans l'entreprise, qui serait méconnu par un écart trop important entre les rémunérations des dirigeants et des salariés et qui, par conséquence nécessaire, porterait une atteinte excessive au principe d'égalité et de solidarité. Nous sommes en plein dans ce cas d'espèce, avec ces 0,32 % de Français dont les privilèges exorbitants privent 20 % des salariés français de 15 % de revenus qui leur permettraient de garder la tête haute, partir en vacances, rénover leur logement, changer de voiture, vivre tout simplement. La Constitution, cher Nicolas, ne l'interdit pas. Vous voilà rassuré.

Vous dites aussi qu'il faut avancer par la volonté et le dialogue. C'est l'esprit de la loi « PACTE ». Les résultats ont été rappelés par Adrien Quatennens : l'explosion, depuis 2008 et la première crise des subprimes et encore plus avec la crise actuelle, de revenus indécents, de privilèges exorbitants, de dividendes incroyables. Pour ma part, sur le plan éthique, je n'arrive même pas à imaginer qu'on puisse assumer une telle démesure. Alors comment penser que le dialogue social pourrait résoudre de telles absurdités ? Votre confiance me surprend.

Chère Annie Chapelier, merci pour l'intérêt que vous portez à cette proposition, et pour votre petit mot de poésie : j'aime beaucoup l'idée de labourer la mer. Vous hésitez : l'idée est intéressante, mais pose un problème d'attractivité. Pour ma part, je fais un pari, que je vais illustrer avec le monde de l'hôpital que vous connaissez bien. Il s'y produit aujourd'hui une compétition des talents, et ceux qui en ont font monter les enchères – on les appelle les mercenaires. Je fais le pari que nous pouvons aboutir à un hôpital zéro mercenaires, zéro dépassements d'honoraires. Certains nous disent que cet hôpital va perdre de l'attractivité. Je fais le pari qu'il en gagnera, parce qu'il sera pionnier dans cette éthique du futur sans laquelle nous allons tous crever. Je le dis, il n'est pas possible de justifier l'indécence dans une société qui est au bord du gouffre. Si nous ne luttons pas contre le changement climatique et la pauvreté dans la décennie qui vient, nous irons tous vers une violence extrême. Alors penser qu'on va perdre de l'attractivité parce qu'on empêchera un Canadien, Néo‑Zélandais ou Chinois de travailler en France, c'est de la folie. Au contraire, nous retrouverons une fierté française, une cohésion, nous referons société et redeviendrons un peuple aimable, amoureux de l'égalité, de la fraternité et de la liberté.

Je pense avoir levé les doutes de Martine Wonner sur la Constitution, y compris sur l'article 2, et je salue enfin la proximité des combats de Pierre Dharréville. Je promets d'envoyer à son prédécesseur l'ensemble des documents à ma disposition quand nous aurons terminé nos travaux, je l'espère par un vote en séance.

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