Parmi les outils dont nous disposons pour suivre l'évolution de la santé mentale afin d'élaborer des réponses en termes de prévention, deux nous permettent d'assurer un suivi régulier. D'abord, l'enquête CoviPrev lancée à l'issue de la première semaine de confinement, sur un échantillon de la population âgée de 18 ans et plus, mesure essentiellement les états dépressifs et anxieux, et les problèmes de sommeil. Depuis la dernière vague, nous y avons intégré les pensées suicidaires. Nous sommes en mesure aujourd'hui de rafraîchir ces données à un rythme mensuel plutôt qu'hebdomadaire comme au début de la crise.
En second lieu, un autre dispositif baptisé SurSaUD nous informe des diagnostics établis suite aux passages aux urgences ainsi que des actes réalisés par SOS Médecins. Englobant l'ensemble de la population, il nous renseigne sur l'évolution des gestes suicidaires, des troubles anxieux et, plus largement, des troubles de l'humeur, dont les troubles dépressifs. Ces données sont recueillies à un rythme hebdomadaire.
Nous pouvons nous appuyer sur d'autres dispositifs d'enquête en cours, même si leurs résultats ne sont pas encore disponibles. L'enquête CONFEADO vise à observer comment les adolescents de 9 à 16 ans ont vécu la première période de confinement. Une enquête COVIMATER autour de la périnatalité poursuit, entre autres objectifs, l'évaluation, sur une échelle graduée, de la santé mentale en lien avec la dépression périnatale.
Une autre enquête, EPICOV, pilotée par nos partenaires l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et la DREES, a été réalisée une première fois en mai puis de nouveau en novembre et décembre. Sans doute se renouvellera-t-elle en mai prochain. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle s'appuie sur une cohorte de 135 000 personnes, c'est-à-dire un échantillon plus représentatif que d'autres enquêtes. Elle recueille des données sur les troubles dépressifs et les conduites suicidaires.
Des manques subsistent, notamment concernant les enfants de moins de 11 ans. Un projet en discussion avec la DREES devrait permettre de lancer une enquête pérenne sur la santé mentale des plus jeunes.
Comme l'a rappelé Frank Bellivier, nous avons observé une augmentation importante des troubles anxieux et dépressifs dès le premier confinement. Une amélioration a rapidement suivi, surtout à partir de la levée de ce confinement. Ensuite, les indicateurs sont restés stables.
À la rentrée, entre fin septembre et début novembre, nous avons noté une augmentation extrêmement importante des troubles dépressifs, multipliés par deux. Ils se maintiennent depuis à un niveau élevé, deux fois supérieur à ce qu'on observe habituellement. Ils ont de nouveau augmenté entre l'avant-dernière et la dernière vague de l'enquête CoviPrev, la vague 20 et la vague 21, à la fin du mois de février 2021.
Les segments de population les plus exposés et les plus en difficulté sont les jeunes de 18 à 24 ans, les étudiants, les personnes qui se déclarent en difficulté financière, les inactifs, les chômeurs, les personnes vivant dans des logements surpeuplés et enfin ceux qui déclarent avoir déjà souffert par le passé de troubles psychologiques. L'impact de la crise est manifestement majeur sur ceux qui étaient déjà en situation de vulnérabilité.
Nous avons pu mesurer, parmi les facteurs associés à la dégradation de la santé mentale, l'inquiétude quant à sa propre santé ou sa situation économique et financière, la peur, la frustration, la colère, l'impuissance et, en ce qui concerne les troubles dépressifs, le sentiment de solitude et d'isolement.
Les données du réseau OSCOUR signalent une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l'humeur, dont des troubles dépressifs, chez les jeunes de moins de 15 ans, et ce, dès le mois de septembre dernier, mais aussi lors des semaines 7 et 8 de ce début d'année 2021. On a relevé une augmentation aussi, en tout début d'année, des gestes suicidaires, qui semblent actuellement en baisse. Il faudra observer ces chiffres sur la durée pour consolider nos données.
On relève aussi une augmentation plus large, dans toutes les classes d'âge de la population, des actes réalisés par SOS Médecins pour angoisse.
Certains enjeux classiques en santé mentale semblent d'autant plus aigus aujourd'hui, où près d'un tiers de la population interrogée souffre d'un état, soit dépressif, soit anxieux. Parmi eux : la détection et la prise en charge précoce de la souffrance psychique, avant que des troubles s'installent, s'aggravent ou deviennent chroniques et, partant, difficiles à traiter.
Nous préconisons essentiellement, dans cette situation d'urgence, de favoriser l'accès aux ressources disponibles en santé mentale, qu'il s'agisse de ressources de promotion de la santé, de conseils pour préserver son bien-être, ou de dispositifs d'accompagnement et de prise en charge de la souffrance psychique ou des troubles. Il conviendra donc de diffuser les informations relatives à l'accès à ces services.