COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Jeudi 4 mars 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
La commission réunit, en visioconférence, une table ronde sur les conséquences de l'épidémie de covid-19 sur la santé psychique réunissant :
– Pr Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale ;
– Pr Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France, et M. Enguerrand du Roscoat, responsable de l'unité Santé mentale ;
– Dr Déborah Sebbane, directrice du Centre collaborateur français de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la recherche et la formation en santé mentale, et Dr Jean‑Luc Roelandt, directeur‑adjoint ;
– Pr Christophe Tzourio, directeur du centre de recherche Bordeaux Population Health, responsable de la cohorte « Confins » ;
– Pr Nicolas Franck, chef de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier (Bron).
Nous poursuivons nos travaux dans le cadre du suivi de la crise sanitaire. La question de la santé psychique a surgi dès le premier confinement. Nous devons assurément nous préoccuper des conséquences à plus long terme de la situation dans laquelle nous sommes plongés depuis maintenant un an. Notre commission s'y intéresse d'autant plus qu'avant même le déclenchement de la crise sanitaire, elle a consacré d'importants travaux à la situation de la psychiatrie dans notre pays, grâce à plusieurs commissaires, dont Caroline Fiat, Brahim Hammouche et Martine Wonner.
Je remercie l'ensemble des intervenants qui ont bien voulu répondre à notre invitation pour nous éclairer le plus largement possible sur ce sujet, et ce dans le contexte actuel où ils sont déjà beaucoup sollicités.
Je commencerai par partager puis synthétiser avec la commission les informations dont nous disposons, en précisant leurs sources, sur la situation de nos concitoyens. Je présenterai ensuite, de cette situation, une photographie actuelle, certes sommaire, mais que compléteront les autres intervenants.
Santé publique France communique chaque semaine des données du système de surveillance des activités d'urgence – SOS Médecins et les services d'accueil des urgences (SAU) – recueillies par le réseau OSCOUR. Une agence régionale de santé (ARS) pilote nous livre, à un rythme hebdomadaire également, des données sur les activités des services d'urgences et des établissements spécialisés en psychiatre, ainsi que sur les soins sans consentement. Nous effectuons un suivi bimensuel des certificats électroniques de décès. Le réseau Vigilance nous informe de son propre suivi des tentatives de suicide. Enfin, la délégation ministérielle anime un réseau de référents « santé mentale » des ARS, qui tous les quinze jours, dressent un état des lieux, au moins qualitatif, de la situation dans leur région.
D'autres sources enrichissent ces informations à peu près chaque mois : en particulier l'enquête CoviPrev, dont nous reparlerons puisqu'elle vient de produire un nouvel état des lieux, que complètera probablement en avril une enquête portant spécifiquement sur les adolescents, CONFEADO.
La Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) fournit des données sur le suivi de la consommation de psychotropes un élément important de suivi de la santé mentale des Français. Nous nous appuyons aussi sur un observatoire de médecins généralistes et l'enquête EpiCov, pilotée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Chaque trimestre nous parviennent enfin des données de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation et sur les activités au travers du réseau d'informations médicalisé pour la psychiatrie (RIM-P).
La synthèse de l'ensemble de ces données présente une image hétérogène de la situation actuelle. On ne note pas, au niveau national, d'augmentation de l'activité des urgences psychiatriques – nous n'assistons donc pas à une vague de décompensation psychiatrique) – même si l'activité globale de certains centres d'urgences a clairement augmenté.
La photographie de la santé de la population générale de plus de 18 ans confirme nettement, ces dernières semaines, une augmentation et un maintien à un niveau élevé des troubles anxieux et dépressifs, corroborés par l'enquête CoviPrev.
Bien que nous n'observions pas de décompensation psychiatrique généralisée, un phénomène inquiétant tend à se confirmer ces derniers temps : l'augmentation de la fréquence des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans. Bien qu'elles demeurent rares, leur nombre croît. S'il n'est pas certain que les situations de décompensation anxieuse et dépressive, chez les moins de 15 ans, soient aujourd'hui plus fréquentes, en revanche, toutes nos sources montrent leur aggravation. Il existe de fait un consensus sur la gravité accrue des tableaux cliniques pris en charge.
Toutes nos sources indiquent en outre que les troubles des conduites alimentaires, chez les moins de 15 ans, touchent des adolescents de plus en plus jeunes et revêtent des formes de plus en plus graves.
Les binômes pédiatre/pédopsychiatre mis en place avec l'aide des professeurs Delorme et Gras-Le Guen le corroborent d'ailleurs, de même que les données des SAU. Ces binômes nous permettent de suivre l'activité des urgences pédiatriques et des services de pédiatrie où il arrive que près de 60 % des lits soient occupés par des patients traités en pédopsychiatrie.
Il est clair que dans la population générale, les indicateurs d'anxiété et de dépression ont fortement augmenté fin 2020 et, d'après la dernière enquête CoviPrev, ils demeurent à un niveau élevé.
La photographie des décompensations psychiatriques chez les adultes ne présente pas un caractère homogène. En revanche, des indicateurs convergents signalent des psychopathologies plus graves survenant plus tôt chez les moins de 15 ans.
. Nous vivons dans la durée cette situation exceptionnelle liée à l'épidémie de covid-19, laquelle demeure à ce jour préoccupante. Pour freiner l'épidémie, c'est toute notre vie qui a été bouleversée, tant sur les plans économique que social ou affectif. Tout l'enjeu des prises de décisions consiste à tenter de préserver un équilibre entre les impératifs sanitaires et leur impact sur notre société.
Dès le début du premier confinement, l'agence a mis en place une étude répétée à intervalles réguliers portant sur différentes dimensions de la santé mentale : CoviPrev, comme l'a indiqué le délégué ministériel. A également été mis en place un dispositif de surveillance spécifique au travers d'enquêtes. Il s'est enrichi au fur et à mesure des questions soulevées, et parce que la crise que nous traversons perdure.
Dans le cadre de ces travaux scientifiques sur la santé mentale, nous portons une attention particulière à la surveillance de l'ensemble des déterminants des troubles observés, pour mieux caractériser les besoins de groupes spécifiques, définis par exemple par leur âge, leurs caractéristiques cliniques, ou encore leur situation de précarité. Ces travaux permettent de lancer des alertes, de fonder notre réflexion et de proposer des réponses sous forme de dispositifs de soutien, de prévention ou de promotion de la santé dans sa globalité. Nous publions régulièrement des productions scientifiques réalisées avec l'ensemble de nos réseaux de partenaires. Le point épidémiologique, mentionné plus tôt, sur l'analyse des regroupements de syndromes de santé mentale fera sous peu l'objet d'une publication qui se renouvellera chaque semaine.
Je laisse la parole à Enguerrand du Roscoat, responsable de l'unité Santé mentale au sein de Santé publique France, pour présenter l'ensemble des outils de surveillance, et aussi les résultats et les pistes de réflexion et d'action.
Parmi les outils dont nous disposons pour suivre l'évolution de la santé mentale afin d'élaborer des réponses en termes de prévention, deux nous permettent d'assurer un suivi régulier. D'abord, l'enquête CoviPrev lancée à l'issue de la première semaine de confinement, sur un échantillon de la population âgée de 18 ans et plus, mesure essentiellement les états dépressifs et anxieux, et les problèmes de sommeil. Depuis la dernière vague, nous y avons intégré les pensées suicidaires. Nous sommes en mesure aujourd'hui de rafraîchir ces données à un rythme mensuel plutôt qu'hebdomadaire comme au début de la crise.
En second lieu, un autre dispositif baptisé SurSaUD nous informe des diagnostics établis suite aux passages aux urgences ainsi que des actes réalisés par SOS Médecins. Englobant l'ensemble de la population, il nous renseigne sur l'évolution des gestes suicidaires, des troubles anxieux et, plus largement, des troubles de l'humeur, dont les troubles dépressifs. Ces données sont recueillies à un rythme hebdomadaire.
Nous pouvons nous appuyer sur d'autres dispositifs d'enquête en cours, même si leurs résultats ne sont pas encore disponibles. L'enquête CONFEADO vise à observer comment les adolescents de 9 à 16 ans ont vécu la première période de confinement. Une enquête COVIMATER autour de la périnatalité poursuit, entre autres objectifs, l'évaluation, sur une échelle graduée, de la santé mentale en lien avec la dépression périnatale.
Une autre enquête, EPICOV, pilotée par nos partenaires l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et la DREES, a été réalisée une première fois en mai puis de nouveau en novembre et décembre. Sans doute se renouvellera-t-elle en mai prochain. Elle est d'autant plus intéressante qu'elle s'appuie sur une cohorte de 135 000 personnes, c'est-à-dire un échantillon plus représentatif que d'autres enquêtes. Elle recueille des données sur les troubles dépressifs et les conduites suicidaires.
Des manques subsistent, notamment concernant les enfants de moins de 11 ans. Un projet en discussion avec la DREES devrait permettre de lancer une enquête pérenne sur la santé mentale des plus jeunes.
Comme l'a rappelé Frank Bellivier, nous avons observé une augmentation importante des troubles anxieux et dépressifs dès le premier confinement. Une amélioration a rapidement suivi, surtout à partir de la levée de ce confinement. Ensuite, les indicateurs sont restés stables.
À la rentrée, entre fin septembre et début novembre, nous avons noté une augmentation extrêmement importante des troubles dépressifs, multipliés par deux. Ils se maintiennent depuis à un niveau élevé, deux fois supérieur à ce qu'on observe habituellement. Ils ont de nouveau augmenté entre l'avant-dernière et la dernière vague de l'enquête CoviPrev, la vague 20 et la vague 21, à la fin du mois de février 2021.
Les segments de population les plus exposés et les plus en difficulté sont les jeunes de 18 à 24 ans, les étudiants, les personnes qui se déclarent en difficulté financière, les inactifs, les chômeurs, les personnes vivant dans des logements surpeuplés et enfin ceux qui déclarent avoir déjà souffert par le passé de troubles psychologiques. L'impact de la crise est manifestement majeur sur ceux qui étaient déjà en situation de vulnérabilité.
Nous avons pu mesurer, parmi les facteurs associés à la dégradation de la santé mentale, l'inquiétude quant à sa propre santé ou sa situation économique et financière, la peur, la frustration, la colère, l'impuissance et, en ce qui concerne les troubles dépressifs, le sentiment de solitude et d'isolement.
Les données du réseau OSCOUR signalent une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l'humeur, dont des troubles dépressifs, chez les jeunes de moins de 15 ans, et ce, dès le mois de septembre dernier, mais aussi lors des semaines 7 et 8 de ce début d'année 2021. On a relevé une augmentation aussi, en tout début d'année, des gestes suicidaires, qui semblent actuellement en baisse. Il faudra observer ces chiffres sur la durée pour consolider nos données.
On relève aussi une augmentation plus large, dans toutes les classes d'âge de la population, des actes réalisés par SOS Médecins pour angoisse.
Certains enjeux classiques en santé mentale semblent d'autant plus aigus aujourd'hui, où près d'un tiers de la population interrogée souffre d'un état, soit dépressif, soit anxieux. Parmi eux : la détection et la prise en charge précoce de la souffrance psychique, avant que des troubles s'installent, s'aggravent ou deviennent chroniques et, partant, difficiles à traiter.
Nous préconisons essentiellement, dans cette situation d'urgence, de favoriser l'accès aux ressources disponibles en santé mentale, qu'il s'agisse de ressources de promotion de la santé, de conseils pour préserver son bien-être, ou de dispositifs d'accompagnement et de prise en charge de la souffrance psychique ou des troubles. Il conviendra donc de diffuser les informations relatives à l'accès à ces services.
Nous allons vous présenter quelques éléments que nous a communiqués l'OMS, ainsi que des constats plutôt nationaux sur des points de vigilance et des opportunités émergeant dans le champ de la santé mentale au sortir de cette crise.
Nous voulions d'abord resituer les missions du Centre collaborateur et revenir sur la façon dont l'OMS les a identifiées durant la crise.
Les centres collaborateurs ont servi d'interface entre l'OMS et les territoires nationaux. L'OMS a sollicité les centres à plusieurs reprises. Ceux-ci lui ont transmis les informations dont ils disposaient tout en se faisant les relais de ses préconisations.
L'OMS a répété à quel point la pandémie aggravait une situation déjà connue dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale. L'occasion lui a été donnée de diffuser une enquête réalisée sur deux mois. Il en ressort que 75 % de personnes atteintes de « troubles mentaux, neurologiques et liés à l'utilisation de substances », selon la définition même de l'OMS, ne reçoivent pas de soins.
L'OMS a une fois de plus souligné la fréquence de la stigmatisation, de la discrimination et des violations des droits de l'homme, aggravées pendant cette crise. La covid-19 a réduit l'accès aux soins de santé mentale de bonne qualité financièrement abordables.
Les risques d'infection et de contamination ont été repérés et majorés dans les établissements psychiatriques, où l'on a observé une restriction des relations en face-à-face. L'OMS a signalé aussi une contamination du personnel soignant et, parfois, des fermetures d'établissements de santé mentale, transformés en centres de soins pour les malades qui en avaient besoin.
Enfin, on a parfois constaté la réduction des soins proposés dans la communauté à cause de transferts de soins proposés en intrahospitalier.
Les résultats de l'enquête menée pendant deux mois, à partir d'avril 2020, dans cent trente pays, sont parus en octobre dernier. Ils mettent en évidence une perturbation ou une interruption majeure des services de santé mentale dans 93 % de ces pays. Ils signalent aussi des facteurs d'aggravation individuels des troubles psychiques tels que la gestion de deuils, l'isolement, des conditions socioprofessionnelles précaires, la peur de la contamination et de l'avenir ainsi que les incertitudes qui planent sur le futur. Signalons aussi une augmentation des troubles liés à l'usage de l'alcool ou des drogues, ou encore à l'insomnie et à l'anxiété.
89 % des pays ont intégré une réponse psychosociale à leur plan national de riposte à la covid-19 mais seuls 17 % d'entre eux disposaient d'un financement supplémentaire suffisant. L'OMS a lancé un plaidoyer pour le renforcement du soutien psychosocial en situation de crise. Une publication dans The Lancet la semaine dernière, rédigée par plusieurs centres collaborateurs de l'OMS, a réitéré la nécessité d'une approche psychosociale, et rappelé les liens entre les déterminants de la santé physique et ceux de la santé mentale.
Enfin, l'OMS a continué de prodiguer, à travers l'ensemble de ses écrits diffusés entre février et juin 2020, des recommandations extrêmement larges, et des conseils pour maintenir la bonne santé mentale de l'ensemble des populations. Ces écrits ont largement été traduits en français.
Nous présenterons pour finir trois actions relayées par le centre, objets d'une vigilance particulière, alors même qu'elles correspondent à des opportunités en ce temps de crise.
Concernant d'abord les droits des patients : une enquête menée par le centre auprès d'un peu plus de deux cents personnes aux profils divers, juste avant la deuxième vague, a mis en évidence l'étroitesse du lien entre les inégalités dans les soins ou l'accompagnement, et le maintien d'une bonne santé mentale. La priorité n'est absolument pas allée aux droits des patients et des usagers dans la gestion de cette crise, ce qui a donné lieu à des réclamations au sein de certains établissements de soins de santé mentale.
D'un côté, en ville, la solidarité a progressé, alors même que la stigmatisation reculait, malgré un retard notifié dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé mentale. À l'inverse, à l'hôpital, la stigmatisation s'est aggravée et les droits ont régressé. Les mesures imposées ont été complexes à mettre en œuvre. On a pu parler d'un double enfermement psychiatrique et sanitaire, du fait des restrictions drastiques liées au risque de contamination dans les établissements. On a parfois observé un chevauchement et un recouvrement de ces deux types de limitation des libertés.
En matière de droits, on a également constaté des stratégies locales innovantes, notamment pour réduire le recours aux soins sans consentement et à des mesures privant les patients de liberté. L'OMS a jugé essentiel de développer pendant la crise de telles stratégies en matière de santé mentale.
Enfin, les conseils locaux de santé mentale (CLSM) se sont révélés des prototypes de « démocratie sanitaire ». Le Centre collaborateur a eu l'occasion de mener deux enquêtes ayant débouché sur deux états des lieux nationaux et mis en exergue l'action des CLSM durant cette crise.
D'abord, ces CLSM ont servi d'appui très fort à la transformation des pratiques locales, notamment celle de l'aller-vers. Beaucoup d'équipes mobiles se sont déployées de manière autonome auprès de populations parfois précaires et vulnérables. En deuxième lieu, les CLSM ont mené des actions exemplaires d'information et de prévention dans le champ de la santé. Enfin, ils se sont mobilisés pour maintenir les liens entre les professionnels des différents secteurs sollicités durant la crise, et pour en créer entre la population en demande d'accompagnement et ces mêmes professionnels ou encore, entre les habitants et les personnes concernées. Énormément de groupes d'entraide mutuelle ont vu le jour. Des lieux, des espaces d'échange ont été offerts à la population en demande.
Le constat établi à propos des droits et des besoins des populations présente un versant négatif, malgré tout contrasté par de nombreuses actions de prévention et des manifestations de solidarité. De grandes capacités de résilience ont été révélées. On a constaté des liens forts entre la santé mentale et les déterminants sociaux.
Une mobilisation très forte a permis une concertation de proximité entre les acteurs du sanitaire, les collectivités, les acteurs de terrain, les citoyens et les élus.
Nous voulions souligner l'une des conclusions d'une enquête nationale menée auprès des médiateurs de santé pairs, ces professionnels des services s'appuyant, dans le cadre de leur métier, sur leur parcours de rétablissement et leur savoir expérientiel. Ce savoir expérientiel de personnes au parcours de vie complexe, ou ayant souffert de troubles, s'est parfois révélé source de précieux conseils pour aider la population en général et les personnes accompagnées par les services de santé mentale en particulier à mieux gérer l'impact de la crise, l'enfermement et l'isolement, en relativisant la situation de confinement national à l'échelle individuelle.
Il est possible d'en tirer deux enseignements. D'abord, les usagers des services de santé mentale, dont certains présentaient des pathologies préalables plus ou moins sévères, n'ont pas forcément été les plus impactés par la crise. Ces usagers ont en effet eu l'occasion de s'appuyer sur leur vécu pour mieux gérer les conséquences de la pandémie.
Concernant la notion de « parcours de rétablissement », notons que les personnes déjà exposées à des parcours de vie compliqués, mais rétablies, ont pu mettre au bénéfice des autres leur savoir expérientiel.
Je me suis réuni hier à Courbevoie avec vingt personnes, dont sept élus, en vue de la création d'un conseil local de santé mentale. Manifestement, quelque chose a changé en France. La question de la santé mentale ne se pose plus en termes de folie ou de maladie mentale mais comme celle d'un bien collectif à préserver au même titre que la santé physique. Ceci constitue une véritable nouveauté, rendue possible grâce aux CLSM.
Tout le monde doit veiller à sa propre santé mentale. Comme l'indiquait Enguerrand du Roscoat, il faut prendre en charge la détresse dès son apparition pour éviter le recours aux soins.
L'accès aux soins est essentiel. Cette crise révélatrice d'inégalités sociales et de santé a amplifié des phénomènes négatifs, comme l'ont relevé nombre d'études de l'OMS, mais aussi d'autres, positifs. Parmi ceux-ci, je retiendrai surtout l'importance du savoir expérientiel des personnes vulnérables, manifeste pendant toute cette crise. Je pense que ces personnes ont un rôle important à jouer dans notre société, parmi leurs concitoyens.
L'adaptabilité et les orientations « rétablissement » sont importantes pour les services. Partout où ils ont été mobiles, c'est-à-dire où ils ont réussi à se déplacer malgré la crise, la santé mentale de la population s'est améliorée. On a observé des solidarités locales impressionnantes, portées par les collectivités locales en lien avec la psychiatrie publique, souvent présente, ainsi qu'avec la psychiatrie privée.
Se posent aussi la question de la réduction de la fracture numérique, et celle de l'inégalité face à la santé. Un débat a lieu en ce moment sur la vaccination des personnes vulnérables. J'estime que les personnes atteintes de maladies mentales sévères ont une espérance de vie réduite de dix à quinze ans. La vaccination devrait être pour elles obligatoire, ou plutôt leur être proposée.
Un grand changement a eu lieu : les communautés s'impliquent désormais dans les questions de santé mentale. De ce point de vue, la crise a eu un effet positif.
En tant que directeur scientifique de l'Espace santé étudiants, c'est-à-dire du centre de santé universitaire de l'université de Bordeaux, je suis en contact rapproché avec le terrain.
Nous avons étudié deux cohortes centrées sur les étudiants et leur santé mentale ; une population difficile à capter, comme pourraient le confirmer tous mes collègues chargés d'enquêtes. Il est plus difficile à ces jeunes adultes qu'à d'autres segments de la population de participer à ce genre d'études.
Les cohortes constituent un dispositif particulier car stable dans le temps. Il ne s'agit pas de mener une enquête à un moment particulier mais bien de recruter – c'est le terme technique – des individus pour les suivre au fil du temps. La stabilité d'un tel dispositif lui confère d'autant plus d'importance dans le cadre de cette épidémie qu'il permet de suivre durablement l'évolution des mêmes personnes. La situation évolue au gré des déconfinements, reconfinements et couvre-feux. L'étude d'une cohorte mesure l'impact des différentes mesures sur une population donnée. En épidémiologie, les cohortes apportent le plus haut niveau de preuve scientifique, ce qui les rend d'autant plus précieuses. Elles permettent même d'établir des relations causales et d'évaluer l'impact de certaines mesures.
Elles permettent également d'établir des preuves de concept. L'objectif, ici, n'était pas seulement l'observation mais l'étude d'éventuelles interventions en vue de l'amélioration de la santé mentale. Le dispositif de la cohorte permet en effet d'intervenir sur les participants, et se révèle ainsi très « agile » car on peut dès lors vérifier rapidement ce qui fonctionne ou pas.
Les deux cohortes dont nous sommes responsables à Bordeaux sont accessibles via des plateformes et donc ouvertes aux collaborations. La cohorte i-Share, constituée depuis 2013, réunit 21 000 étudiants. Avant même l'épidémie, nous avons clairement constaté la fragilité de la santé mentale de cette population d'étudiants. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas là d'un constat relevant de la psychiatrie mais bien de la santé mentale dans une population générale.
Au moment du premier confinement, nous avons mis en place à toute allure une autre cohorte, faute de financement suffisant et c'est bien dommage pour continuer à suivre la cohorte i-Share. Cette nouvelle cohorte baptisée CONFINS compte 4 000 participants, dont 2 500 étudiants.
Dans le même dispositif, à l'aide des mêmes modes de communication, nous avons recruté 2 500 étudiants et 1 500 non-étudiants. Ces deux populations présentent d'importantes similitudes selon la plupart des paramètres envisagés, comme la répartition en genres, les connaissances sur l'épidémie et les antécédents de maladie psychiatrique ; mais pas, bien sûr, du point de vue de l'âge, des enfants à charge ou de l'insertion professionnelle. Des méthodes de modélisation classique nous ont permis de comparer ces populations et en particulier l'état de santé mentale des étudiants avec celui des non-étudiants. Nous avons clairement constaté près de deux fois plus de problèmes de santé mentale chez les étudiants, aussi bien dépression qu'anxiété, stress ou pensées suicidaires. Ces résultats semblent indiquer que les étudiants vivent beaucoup plus mal le confinement, ce qui paraît plausible vu leur fragilité initiale.
On a beaucoup parlé de la psychiatrie, qui est fondamentale. On connaît son mauvais état actuel et son manque de ressources. Je travaille sur la santé mentale à l'échelle populationnelle ; or les indices relevés en psychiatrie ne reflètent pas immédiatement l'état de santé mentale des jeunes du fait de la réelle difficulté de ceux-ci à recourir aux soins. Les jeunes manquent d'argent, ce qui complique leur accès aux consultations, notamment quand celles-ci impliquent un surcoût. Pour cette raison, leur état de santé mentale se dégrade avant même tout recours aux soins, d'où l'observation d'une demande croissante de soins en milieu psychiatrique.
Quand il est possible et nécessaire d'intervenir, il faut s'y résoudre avant même tout recours à des soins. Il semble dommage d'intervenir tardivement car certaines interventions pourraient probablement être évitées.
Je doute que les « chèques psy » annoncés, la psychiatrisation ou la psychologisation de cette population étudiante apportent la bonne réponse au problème. La bonne réponse est en réalité simple, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt de cette histoire. Que demandent les étudiants ? Tout simplement : revenir à l'université.
Cette demande peut sembler très modeste mais le contact retrouvé avec leurs pairs et leurs enseignants constituerait déjà pour eux un premier élément de solution. L'isolement reste bien ce qui les meurtrit le plus. S'y ajoute évidemment l'absence de ressources, faute d'avoir pu exercer l'été dernier le genre de petit boulot grâce auquel ils se constituent habituellement des provisions d'argent nécessaires. Suivre des cours ou passer des examens à distance s'avère par ailleurs compliqué. L'isolement ne leur en est pas moins extrêmement douloureux. Les étudiants sont à l'âge où se constitue ce que l'on appelle le « cerveau social ». À 20 ans, le cerveau continue de mûrir. Les contacts avec leurs pairs relèvent pour les jeunes d'un besoin physique. Ils demandent simplement à revenir à l'université. Mon message est simple : il faut rouvrir les universités et non se contenter des demi-mesures en place, en aucun cas satisfaisantes.
L'ancienne professeure d'anglais que je suis a été troublée par le nom de votre centre : Bordeaux Population Health.
C'est que notre centre développe une grande activité internationale. La décision a été prise, de façon consensuelle, de lui attribuer une dénomination anglaise pour lui assurer une visibilité, et favoriser les collaborations internationales. Un tel choix ne relève pas du snobisme.
Merci pour cette explication. Je vais donner la parole au Pr Nicolas Franck, chef de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier de Bron et auteur de Covid-19 et détresse psychologique : 2020, l'odyssée du confinement.
. Je vais faire état d'une enquête en population générale, diffusée dès la deuxième semaine du premier confinement, au printemps 2020 la durée de l'une et l'autre ayant coïncidé enquête ensuite rouverte pendant le deuxième confinement. Son intérêt réside dans la précocité de sa mise en œuvre et le grand nombre de personnes qu'elle a impliqué puisque, durant le premier confinement, nous avons analysé les données des plus de 19 000 Français de plus de 16 ans l'ayant complétée jusqu'au bout. 1 300 personnes y ont participé à l'automne.
Cette enquête a porté sur le bien-être mental en tant que marqueur de santé mentale. Ce bien-être s'est transformé en mal-être pour l'ensemble de la population, encore que certaines catégories aient plus souffert que d'autres. Un tel mal-être, facteur de fragilisation, a pu amener certains à développer des troubles avérés, anxieux et dépressifs principalement, bien qu'une aggravation des troubles mentaux sévères ait aussi été observée.
La période du confinement s'est révélée extrêmement stressante pour l'ensemble de la population. Nous en avons tous éprouvé une forme de sidération, à laquelle s'est ajouté l'impact de l'isolement social imposé. Les contacts sociaux relèvent d'un besoin fondamental pour l'être humain, indépendamment de son âge. J'ai vu des personnes âgées en détresse de ce point de vue, dont la situation s'est bien évidemment aggravée au fur et à mesure du confinement. Le manque d'accès à la culture et l'ensemble des restrictions pesant sur la population se sont traduits par un stress considérable. Certains s'y sont accoutumés en faisant preuve de résilience. D'autres, ne disposant pas de cette capacité, se sont retrouvés en détresse psychologique.
Cette enquête conçue dès la première semaine du confinement, et diffusée par voie de presse et par les réseaux sociaux, se donnait pour objectif de voir comment les Français y feraient face et de repérer les facteurs de résilience parmi la population.
Nous avons analysé les consommations pendant les confinements. Certaines ont augmenté : celles d'aliments gras ou sucrés, allant de pair avec la déstructuration des repas, mais aussi celles de café, d'alcool, de tabac et d'écrans ; le problème étant qu'une personne sur six en France a déclaré une perte de contrôle de sa consommation d'écran, ce qui constitue un facteur d'addiction. On note également une aggravation des addictions au tabac, à l'alcool et au cannabis pendant ce premier confinement.
L'immense majorité de la population a rapporté des difficultés en termes de rythme veille/sommeil. Lors de la deuxième semaine du premier confinement, seul un quart de la population ne mentionnait aucune difficulté de ce point de vue. Ont surtout été évoquées des difficultés à se reposer ou s'endormir, une propension au grignotage et des difficultés à se réorganiser.
Nous avons croisé le score de bien-être mental, dégradé dans l'ensemble de la population, avec certains paramètres, en particulier les contacts sociaux. La préservation du bien-être est corrélée avec leur intensité. Il est extrêmement important qu'une éducation à la santé et des possibilités de circulation et d'échanges favorisent ces contacts sociaux sous peine d'une aggravation accrue de l'altération de la santé mentale.
Nous avons noté des différences liées à l'activité : on compte parmi les catégories de population les plus touchées les étudiants. Les scores de bien-être mental de la population générale et des travailleurs tournaient en moyenne autour de 50 sur une échelle de 14 à 70 pendant le premier confinement, contre 53 d'ordinaire, alors que ceux des étudiants sont descendus à 46 dès sa deuxième semaine.
Le bien-être mental n'a pas cessé de se dégrader au long du premier confinement ; les scores de bien-être reculant au fur et à mesure de sa durée.
Quand on compare les confinements, on s'aperçoit que le dernier en date a eu des effets bien plus délétères que le précédent sur l'ensemble de la population. Les épreuves se sont accumulées au fil du temps, sans même parler des restrictions de l'été ni du couvre-feu, de sorte que la population a abordé le deuxième confinement déjà fragilisée. La faiblesse des scores de bien-être, en particulier des étudiants, semblait déjà inquiétante à son début.
L'altération globale du bien-être mental dans l'ensemble de la population, aggravée par l'isolement social, le désœuvrement, le manque d'activité physique, la durée du confinement, est allée de pair avec une explosion de la consommation d'écran, à l'origine d'un risque accru d'addiction aux écrans.
Face à la pandémie, sauver des vies a été la priorité absolue de notre gouvernement. Il apparaît dès lors difficile, quoique pas impossible, de parvenir à un équilibre entre les impératifs sanitaire, économique et social. C'est dans un climat d'incertitude qu'il nous faut tous solidairement nous adapter en permanence et trouver des réponses à cette crise génératrice de souffrances mises en évidence par l'étude CoviPrev.
« Quand la crise finira-t-elle ? Comment se passera l'été ? Quand reverrai-je mes proches ? Quel sens a ma vie ? J'ai le sentiment d'une jeunesse gâchée. Qu'adviendra-t-il de mes études ou de mon emploi ? » Un tel flot de questions et de problématiques sociales concourt à alimenter les états anxieux et dépressifs de nos concitoyens, malgré la grande solidarité, au quotidien, vous l'avez souligné, des associations et des collectivités locales.
Le Gouvernement n'est bien sûr pas insensible au désarroi. Il a rouvert les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) aux proches des résidents. Il a aussi procédé à une réouverture graduée des facultés. Surtout, la décision motivée du Président de la République de ne pas s'acheminer vers un reconfinement total, a été accueillie avec un grand « Ouf ! » de soulagement.
Le ministre de la santé a fait de la santé mentale une priorité en santé publique, dans la continuation du plan « Ma santé 2022 » et de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie », en vue d'une approche graduée, coordonnée et articulée avec le secteur médico- social. Une enveloppe complémentaire de 60 millions d'euros y a été consacrée.
Une question en découle concernant le repérage précoce des troubles afin de prévenir les actes suicidaires, chez les jeunes notamment. Où en sommes-nous de l'accélération des mesures en vue d'un accès aux soins et d'un meilleur accompagnement ? Un tiers des entretiens en centre médico‑psychologique (CMP), menés par des médecins généralistes ou des psychologues avec l'appui éventuel d'un psychiatre, relèvent de soins en première ligne. Quelles remarques vous inspire cet état de fait ? Où en est-on du déploiement des équipes mobiles « psychiatrie précarité » dans une démarche d'aller-vers et de développement des centres d'accueil et de crise ? Comment assurer une meilleure coordination des acteurs de la chaîne de soins médicaux et sociaux en termes de projets inter-établissements, de projets territoriaux, de santé scolaire, d'interface ville/hôpital ? Où en sommes-nous du déploiement de plateformes d'information et d'aide ?
Quelles conclusions tirez-vous du retentissement du télétravail sur la santé mentale et sur les syndromes dépressifs induits par la covid ?
Enfin, avez-vous des informations sur les risques de dérives sectaires ? Les sectes trouvent en effet des proies faciles parmi les personnes fragilisées par la crise.
Je retiendrai de cette table ronde que la covid-19 aggrave encore la situation. On le sait, le deuil, l'isolement, la perte de revenus, la peur, déclenchent des problèmes de santé mentale ou exacerbent les troubles existants. La covid-19 elle-même peut entraîner des complications neurologiques et mentales. Bien évidemment, les personnes déjà atteintes de troubles mentaux, neurologiques ou de toxicomanie y sont beaucoup plus vulnérables.
Notre système de santé, en manque de moyens, n'apparaît pas à la hauteur d'une telle situation. Les consultations sont saturées. Quelles solutions d'urgence peut-on mettre en place ? Comment développer une véritable culture de la santé mentale et lui allouer les moyens nécessaires ? Quelles mesures prendre pour répondre à la demande urgente de soins ? Que pensez-vous de la création éventuelle d'une mission interministérielle afin d'élaborer un projet de loi sur la psychiatrie et la santé mentale, laquelle fait figure de parent pauvre de la santé en France ? Comment faire admettre dès le plus jeune âge et dans tous les cursus d'éducation et de formation, à tous les niveaux de soins, d'accompagnement social et du point de vue des droits que la santé mentale forme une composante à part entière de la santé ?
Comment est-il possible que la psychiatrie se trouve à ce point en difficulté en France malgré l'importance du budget qui lui est consacré ?
Les étudiants qui souffrent aujourd'hui, à bout de souffle, marqués par l'isolement et la précarité, ont besoin d'un système de soutien psychologique. Lorsque le suicide se révèle la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, on est en droit de s'inquiéter.
Face à ces effrayants constats, quelles mesures pouvez-vous envisager pour soutenir les étudiants qui payent déjà un lourd tribut, du fait de la fermeture des universités, remettant gravement en cause le bon déroulement de leurs études ?
La prévention par les pairs au travers du recrutement de référents suffira-t-elle ? Ne faudra-t-il pas plus que les trois consultations prévues par le « chèque psy » alors même que les restrictions sanitaires persistent et que leurs conséquences sur les étudiants isolés, parfois en décrochage, continuent de produire leurs effets ?
Je suis très inquiet et j'ai bien entendu votre message : il faut rouvrir les universités et faire en sorte que les jeunes puissent vivre à nouveau.
Merci, mesdames et messieurs, pour vos préconisations et explications sur la crise liée à la covid-19, et ses conséquences sur la santé psychique. Votre enquête, Pr Franck, révèle que les mesures de confinement sanitaire ont modifié les consommations de nos concitoyens en favorisant les addictions au café, aux aliments gras et sucrés, à l'alcool, au cannabis et aux écrans.
L'aggravation de ces addictions, par définition néfastes et destructrices de l'organisme, et préjudiciables à la santé physique, risque d'entraîner des répercussions à long terme sur la population et sa santé mentale. L'incidence des mesures de confinement relève donc d'une préoccupation de santé publique. D'après le rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publié en 2019, 10 % des Français boivent de l'alcool au quotidien. D'après les conclusions de votre enquête, Pr Franck, ce pourcentage risque d'augmenter encore en conséquence des mesures de confinement et de restriction.
De telles addictions peuvent influer également sur la situation sociale de ceux qui en souffrent. La consommation excessive de drogues et d'alcool est susceptible de déboucher sur une augmentation de la violence, un isolement social et une précarité accrue. Il faut donc agir urgemment en ciblant la population sujette à ces addictions.
Comment, selon vous, repérer les personnes fragilisées par la crise sanitaire ? Comment prévenir les risques d'addiction pendant les confinements ? Quelles mesures faudrait-il, d'après vous, mettre en place pour accompagner les personnes souffrant d'addictions apparues pendant la crise sanitaire ?
Madame la présidente, je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir organisé cette première table ronde sur la santé mentale. Depuis le début de la crise, voici plus d'un an, ce sujet de préoccupation n'a pas cessé d'être signalé. Malgré nos efforts pour alerter sur l'impact de cette crise qui dure, le sentiment nous vient que cet aspect du problème n'est pas vraiment perçu à sa juste mesure. Merci, donc, pour l'organisation de cette table ronde et la qualité de toutes les interventions, complémentaires les unes des autres.
Je voudrais d'abord rappeler que la santé se définit comme un bien-être physique, psychique et social et pas seulement comme l'absence de maladie. Il semblerait, pendant cette crise, qu'on ait négligé les versants psychique et social par rapport à la dimension physique de la santé. Nous commençons malheureusement à en payer la facture, à en juger par l'état psychologique des Français, encore que le problème se rencontre dans pratiquement tous les pays.
Un de mes collègues a proposé la création d'une délégation interministérielle. Au Japon a été créé un ministère de l'isolement et de la solitude, au vu des réactions de la population aux mesures de confinement.
Un point m'étonne depuis le début de la crise : le Conseil scientifique, lors de sa mise en place, ne comptait aucun expert en santé mentale pour conseiller le Président de la République et le Gouvernement. Depuis le 20 février 2021 seulement, après un an de crise, une pédopsychiatre a rejoint ce Conseil scientifique, ce que j'estime largement insuffisant. Il faudrait un plus grand nombre d'experts en santé mentale pour orienter l'action de l'exécutif.
Vous avez beaucoup parlé d'indicateurs, de cohortes et de la nécessité d'une approche scientifique, évidemment incontestable. Parmi les chiffres que l'on nous assène en permanence m'interpelle celui, en baisse, des naissances. Ce recul me paraît un indicateur extrêmement intéressant d'un manque d'horizons, du fait que beaucoup repoussent l'idée de construire leur vie, parce que la crise les empêche d'évoluer. Est-il envisagé d'introduire d'autres éléments de suivi prenant plus en compte les réactions sociales pour réfléchir à l'état de santé de la population ?
Vous avez établi à propos des jeunes un groupe avec lequel nous entretenons personnellement des relations un constat accablant, attesté par les chiffres que vous avez communiqués. Le nombre de jeunes affectés par la crise ne laisse pas d'inquiéter. Dans ma circonscription, peut-être parce qu'elle se situe en milieu rural où les jeunes peuvent accéder à la nature, la crise touche surtout les personnes âgées, y compris celles qui vivaient jusque-là chez elles en toute autonomie. Leur situation se dégrade de plus en plus rapidement, on constate des syndromes de glissement, au point que les communes ont dû assurer leur prise en charge. Ce versant-là de la crise apparaît lui aussi très préoccupant. Le Conseil d'État a jugé anormal de ne pas autoriser les résidents des EHPAD à en sortir, à présent qu'ils ont été vaccinés. J'aimerais entendre votre réaction au sort de la population âgée, aussi bien à domicile qu'en établissement. Estimez-vous qu'un point de non-retour a été atteint ?
Enfin, constatez-vous que se mettent en place des mécanismes plus ou moins informels de résilience dans la population pour surmonter cette situation inédite ?
Merci, mesdames et messieurs, pour vos témoignages. Nous nous connaissons bien puisque vous aviez très largement participé au rapport rendu par mes collègues Caroline Fiat, Brahim Hammouche et moi-même en 2019.
Vous l'avez fort bien exprimé : la situation face à la crise sanitaire est aujourd'hui particulièrement préoccupante, non pas tant pour le monde même de la psychiatrie ou des patients déjà soignés en psychiatrie que pour la population générale.
Le dernier bulletin hebdomadaire national sur l'épidémie fait état d'une augmentation très significative des états anxieux, en hausse de 4 points, ainsi que des états dépressifs. En résumé, 34 % des Français rapportent aujourd'hui un état anxieux ; des chiffres en constante augmentation depuis un an.
J'aimerais revenir sur certains profils particulièrement éprouvés par des souffrances psychiques : les étudiants, les personnes sans activité professionnelle ou en situation de précarité. D'après un sondage IPSOS pour la Fondation FondaMental publié fin janvier, 40 % des 18-24 ans ont rapporté un trouble anxieux généralisé, soit 9 % de plus que la moyenne des Français.
Les plus jeunes, les plus petits, méritent une attention particulière et je remercie Frank Bellivier d'avoir évoqué en introduction les moins de 15 ans. Plusieurs sociétés savantes de pédiatrie ont poussé un cri d'alerte face à l'augmentation tout à fait spectaculaire et inédite des admissions pour motifs pédopsychiatriques assortis d'authentiques symptômes d'anxiété ou de dépression, d'idées noires et de propos tournant autour de la volonté de mourir. Certains enfants se livrent même à des gestes suicidaires.
L'étude E-Cocoon menée par un service spécialisé à Toulouse confirme cet état des lieux. Un enfant sur cinq souffrirait d'un stress post-traumatique dû au premier confinement. Annie Chapelier a cité nos aînés, je n'y reviens pas. Eux aussi sont véritablement victimes d'isolement et de symptômes d'anxiété massive à l'origine de syndromes de glissement.
Plusieurs dispositifs ont été proposés mais ils me semblent aujourd'hui assez insatisfaisants, comme les « chèques psy » pour les étudiants. J'aurais souhaité votre éclairage sur l'avis de la Cour des comptes relatif à la généralisation, à titre d'expérimentation, de la prise en charge par la sécurité sociale des psychothérapies sur prescription. J'avais, de mon côté, déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale 2021, hélas considéré comme cavalier. Je le déplore d'autant plus que, selon moi, cet accès simplifié aux soins bénéficierait à nos étudiants.
Selon les chiffres de l'OMS, 17 % des pays seulement disposent d'un financement supplémentaire suffisant à leur plan de réponse psychosociale à la pandémie. La France en fait évidemment partie. Je salue toutes les préconisations émises en la matière. 60 millions d'euros supplémentaires y ont été alloués. Mais quel public ce plan cible-t-il en priorité ? Qu'en est-il du renforcement des dispositifs d'aller-vers ?
Merci au Centre collaborateur de l'OMS d'avoir refait un point sur le dispositif des CLSM, qui figuraient parmi les préconisations du rapport parlementaire rendu par mes collègues et moi-même. Cette crise a mis en évidence leur rôle fondamental.
Nous sommes conscients que cette crise touche particulièrement la jeunesse et les personnes fragiles sur le plan social, psychique ou physique. Le sort des travailleurs français a été perçu différemment par chacun d'eux mais il semble qu'ils aient mieux, dans l'ensemble, supporté l'isolement contraint lors de la pandémie. Si nous savons que cette assignation à domicile aura une fin, il reste impératif de réussir le déconfinement professionnel, notamment pour les salariés en télétravail ou en chômage partiel.
Quels conseils donneriez-vous aux employés et aux employeurs pour réussir le retour dans les locaux de l'entreprise ou, comme dans le secteur du tourisme et de la restauration, reprendre le chemin vers l'emploi ?
Je voulais moi aussi vous remercier pour cette table ronde. Je ne me suis pas moi-même réellement penché sur ce sujet de la santé psychique. Les interventions m'ont paru très enrichissantes.
Un point m'a alerté : beaucoup d'intervenants ont parlé des moins de 15 ans, évoquant un accroissement de la fréquence parmi eux des tentatives de suicide, des troubles des conduites alimentaires et des problèmes d'angoisse.
Hier après-midi, je participais à Bondy, une ville de ma circonscription, à la marche blanche en mémoire d'Aymane, le jeune de 15 ans assassiné vendredi dernier. J'ai discuté avec beaucoup de dirigeants de clubs qui m'ont dit qu'aujourd'hui, les jeunes se sentaient perdus.
Je milite aujourd'hui comme mon collègue Bernard Perrut pour la réouverture des universités mais je pense que la reprise des activités des associations sportives pourrait elle aussi apporter un soulagement important aux jeunes victimes d'isolement. Heureusement et le Gouvernement a eu sur ce point tout à fait raison les écoles ont rouvert. Dans le cas contraire, la situation serait devenue dramatique. J'aurais aimé votre sentiment sur cette question.
Je rejoins le Pr Tzourio sur le « chèque psy » : l'initiative est peut-être bonne mais on ne sait pas au juste comment elle se traduira dans la pratique. La région d'Île-de-France a mis en place une plateforme proposant 40 000 consultations gratuites par cent cinquante psychologues pour tenter d'aider nos étudiants.
Quel regard portez-vous sur le télétravail aujourd'hui ? Il m'arrive, moi qui travaillais auparavant dans le secteur bancaire, de m'entretenir par téléphone avec d'anciens collègues qui m'avouent ne pas se sentir bien, à force de passer tout leur temps chez eux. Vient un moment où se fait jour la nécessité de maintenir un lien social.
Je voulais simplement savoir si l'on avait mené des études plus spécifiques ou ciblées. J'ai bien compris que certaines s'intéressaient surtout à un public donné. Ceci étant, en existe-t-il démontrant la différence, dans le vécu de la crise, entre milieux rural et urbain ? Certaines études préalables avaient mis en évidence des taux de suicide plus élevés en milieu rural. La tendance s'est-elle confirmée ou aggravée durant la crise liée au covid ? Ou leur environnement rural a-t-il permis à certains de mieux respirer qu'en ville ? Je m'interrogeais en somme sur l'existence d'études ciblant non pas des populations mais des territoires définis.
Mme de Vaucouleurs m'a interpellé au sujet des addictions, ce qui m'incite à formuler la proposition suivante : il me semble important de développer l'éducation à la santé, en cette période de confinement ou de restrictions, pour rendre les personnes capables de prendre soin d'elles-mêmes.
Nous pourrions y parvenir en donnant accès à des ressources en ligne comme en Angleterre. Santé publique France a commencé à mettre en ligne quelques ressources mais une campagne plus large me semble nécessaire.
Le problème qui se pose en santé mentale vient de ce qu'un bon nombre des personnes en difficulté – souffrant d'addictions mais pas seulement, victimes aussi de troubles anxieux ou précédant l'apparition d'une dépression – n'en ont pas conscience et ne sont donc pas en demande de soins. Je suis favorable au « chèque psy », qui me paraît une bonne initiative. Nous aiguillons vers des psychothérapeutes beaucoup de personnes se heurtant à des difficultés de financement. Je songe néanmoins à tous ceux qui ne viennent pas nous voir.
Il faut aller vers eux à travers une campagne de communication pour éviter que leur situation ne s'aggrave et qu'ils ne se décident à consulter que dans un état encore plus préoccupant, voire catastrophique. Je suis pour une vaste campagne de communication traitant la question des addictions mais aussi de la manière de prendre soin de soi en période d'épidémie, comme Jean-Luc Roelandt l'a évoqué tout à l'heure.
Concernant la ruralité, un certain nombre d'agriculteurs ont répondu à notre enquête. Je n'en ai pas parlé tout à l'heure en raison de leur faible nombre, un peu plus de cent. Ils correspondaient à la catégorie au bien-être mental le plus faible. Nous avons formulé l'hypothèse que ce qui garantit le mieux le bien-être mental n'est autre que le sentiment d'utilité, qu'éprouvent les soignants, les professions intellectuelles supérieures encore au travail, etc. Le bien-être des agriculteurs apparaissait toutefois fortement altéré, dans les mêmes proportions que d'habitude, malgré leur utilité indéniable, puisqu'ils nourrissent la France. Les chiffres étaient frappants.
M. Ramadier s'est interrogé sur le télétravail. J'ai noté des personnes en forte difficulté, et des burn-out résultant du mélange des temps privé et professionnel lors du premier confinement. Pour certains, le télétravail excessif représente un péril. Beaucoup se sont plaint, sans aller jusqu'au burn-out, d'un manque de contacts sociaux et d'un travail factuel à l'extrême, difficile psychologiquement. D'autres, au contraire, s'y sont bien retrouvés. Je crois que tout est ici question de proportion et qu'il faudrait peut-être innover en termes d'organisation pour définir des emplois du temps à la carte et favoriser ainsi la productivité. L'idéal serait un télétravail sur mesure pour garantir des contacts sociaux, de toute façon nécessaires.
Mme Chapelier a parlé de la population âgée, fortement affectée par la crise. Certaines personnes âgées ne sont pas sorties depuis un an. Elles ont perdu leurs contacts sociaux, ainsi que de la masse musculaire et se retrouvent dans une situation très difficile. Je pense qu'il faut aller vers cette population, l'encourager à sortir et l'accompagner car je crains que certaines personnes âgées ne récupèrent jamais.
Les facteurs de résilience font partie de la communication envisagée. On dénombre parmi eux les contacts sociaux, la construction d'un quotidien valorisant, la solidarité ; autant d'éléments qui préservent le bien-être mental, comme l'a mis en évidence l'enquête dont j'ai tout à l'heure évoqué les résultats. Je pense en conclusion qu'il faut communiquer massivement en direction de la population.
Il n'y a pas de compétition dans la souffrance. Toute la société est sidérée et souffre. Nous-mêmes qui participons à cette table ronde ressentons, à n'en pas douter, les conséquences de la peur de l'épidémie, du couvre-feu et du confinement.
Il n'en faut pas moins hiérarchiser nos capacités d'action, vu que nous ne sommes pas en mesure de tout traiter simultanément.
J'aimerais revenir sur la situation des étudiants et des jeunes adultes, auxquels s'applique une forme de cruauté ; non pas du fait de la société, bien sûr, mais du fait de l'épidémie. Tout de même, chez les jeunes, on n'observe en réalité pas d'épidémie liée à la covid mais une épidémie de troubles de la santé mentale. Ils souffrent peu de l'infection. On dénombre très peu de morts parmi eux par rapport aux catégories de population plus âgées.
Les chiffres indiquent – Santé publique France pourrait nous les fournir – que l'on compte moins de morts de la covid parmi les jeunes que de morts par suicide chaque année. Ils ne sont donc pas confrontés à une maladie physique mais à un problème de santé mentale.
Il faut améliorer la communication, comme l'a dit le Pr Franck. Encore faut-il qu'elle atteigne ces jeunes. Les vecteurs habituels de communication fonctionnent très mal auprès d'eux : ils recourent à d'autres réseaux, au sens général de ce terme, et ont d'autres habitudes. Il faut expérimenter. Tout le monde avance pour l'heure dans le brouillard. D'abord parce que l'on disposait d'assez peu d'éléments pour apprécier la santé mentale de la population, en général. Ensuite, parce que l'on manque aussi de pistes pour améliorer les connaissances la literacy de même que de la capacité à les transformer en actions.
Nous tentons, au travers de nos cohortes i-Share et CONFINS, de réaliser des expérimentations, au moyen par exemple d'un escape game, à présent disponible sous forme numérique, permettant de mieux connaître les symptômes de la dépression, ou encore par le biais d'une minisérie aidant à appréhender, par l'identification à ses personnages, la réalité des risques suicidaires. De tels éléments contribuent à une meilleure appropriation de la maladie mentale et, en un sens aussi, à sa banalisation, qui me semble d'ailleurs une bonne chose puisqu'il ne s'agit au fond que d'une maladie comme une autre touchant en pratique énormément de personnes. Mieux les jeunes adultes le comprendront, plus ils iront chercher de l'aide en cas de besoin et seront en mesure d'aider leurs semblables.
Je ne voudrais pas dire de mal des « chèques psy ». Je suis tout à fait favorable à cette initiative mais il faut aussi s'appuyer sur les étudiants, les jeunes, qui ne demandent que cela. En dépit de leurs défauts, dont je ne prétends d'ailleurs pas cacher la réalité, nous avons la chance d'avoir affaire à des générations très altruistes, dotées d'un véritable sens de l'aide et de la solidarité. Nous voyons sur le terrain, dans les campus universitaires, des étudiants mettre en place spontanément des activités telles que des groupes de parole, de façon à prendre soin les uns des autres. D'autres appellent par rotation leurs camarades de promotion pour savoir comment ils vont. Nous devons soutenir de telles actions.
L'initiative baptisée « premiers secours en santé mentale » permet en deux jours de former de tels problèmes demeurant malgré tout compliqués à gérer, vu le faible niveau de conscience qu'ils engendrent un certain nombre d'étudiants référents à ce qu'est la santé mentale, aux principaux symptômes et maladies, et à la manière d'aborder, sans déni ni catastrophisme, quelqu'un qui en souffre.
Nous avons nous aussi, bien sûr, observé dans nos cohortes une aggravation du binge drinking et des addictions, notamment aux écrans. Je rapproche ce constat de la diminution des naissances, montrant à quel point toute la population est saisie. Il s'agit là, avant tout, de symptômes. Le retour à la normale de la situation s'accompagnera, j'en suis à peu près certain, du retour à un étiage habituel, qui n'est pour autant pas satisfaisant. Je n'affirme pas que d'ordinaire, tout va bien. Néanmoins, ce retour vers la normalité marquera une étape importante.
Une mesure simple, je le répète, soulagerait les étudiants : rouvrir les universités. Le risque qu'elle suppose, faible sur le plan épidémiologique, mérite qu'on le prenne. L'étude ComCor du Pr Fontanet, comme celle que nous avons menée à Bordeaux, montre que les universités ne sont pas des lieux de contamination mais, au contraire, de protection par rapport à l'épidémie. Bien sûr, il faut réfléchir à la manière de prévenir les contaminations entre les jeunes adultes et d'autres personnes plus à risque avec lesquelles ils sont en contact. Un peu d'imagination est nécessaire. Il faut que vous, les politiques, et nous, en tant que membres de la société, y prêtions une attention accrue.
Je m'inquiète du risque qu'une fracture s'opère. Un ressentiment est en train de naître, selon moi en partie légitime, puisque les écoles ont rouvert sans problème et qu'on s'enquiert beaucoup des personnes âgées, ce que j'estime d'ailleurs très bien. Néanmoins, qu'en est-il des jeunes ? L'impression leur vient qu'on leur a ordonné de rester dans leur coin sans bouger pour éviter de contaminer tout le monde, ce qui relève d'une forme d'injustice et presque de cruauté. Il me semble qu'il existe un vrai danger, non pas de sacrifier une génération mais de générer en elle, vis-à-vis du reste de la société, un ressentiment d'autant plus grave qu'il sera éprouvé par les futurs cadres de cette même société. Il faut absolument renouer une alliance avec les jeunes, leur tendre la main et leur faire comprendre qu'en effet, ils jouent un rôle essentiel dans le contrôle de l'épidémie et que la collectivité partage le souci que tout se passe le moins mal possible pour eux.
Je souhaiterais revenir sur l'aller-vers. La situation est compliquée. Des mesures doivent être prises, qui ne s'inscrivent malheureusement pas dans la temporalité de l'urgence requise par la crise.
Nous avons constaté, et l'OMS a tenu à ce sujet des propos forts, le manque d'une approche psychosociale. L'un de vous a soulevé la question des moyens à mettre en œuvre pour développer une culture de la santé mentale. Une telle entreprise prendra sans doute beaucoup de temps, mais aborder les questions de santé mentale dès l'enfance et mener des actions de prévention et de promotion de la santé mentale pourraient constituer des axes forts d'amélioration de notre système de santé.
Nous parlons aujourd'hui beaucoup, ce qui m'interpelle d'ailleurs dans le bon sens, de santé mentale et de psychiatrie, en se souciant assez peu, en fin de compte, de la différence ainsi établie entre l'une et l'autre, alors qu'il existe en réalité un continuum entre les déterminants sociaux de santé, l'état de santé mentale et d'éventuels troubles psychiques naissants.
Avant la crise, envisager aussi clairement ce continuum ne relevait pas d'une évidence. La crise nous a amenés à parler de santé mentale dans une instance comme celle-ci et il y a lieu de s'en réjouir. Le déploiement des actions envisagées et la nécessité de répondre dans l'urgence aux besoins des jeunes ne s'inscrivent pas forcément dans la même temporalité, ce qui complique les choses.
M. Roelandt avait évoqué la notion de fracture numérique : l'usage du numérique apparaît comme un moyen à développer pour atteindre les jeunes et augmenter la literacy en santé. Il a pour corollaire négatif une difficile maîtrise de l'usage des écrans à moyen ou long terme. Cependant, la notion d'aller-vers et la création de lien social par de multiples manières, pas seulement liées à des technologies sophistiquées mais, comme dans beaucoup de services de psychiatrie, par le biais du téléphone, de la téléconsultation en augmentation massive durant le premier confinement, ont donné des résultats probants en termes de maintien des liens sociaux et d'un état de santé mentale correct.
Nous devons demeurer vigilants aux risques de fracture numérique. Nous sommes encore loin d'un équipement complet de la population, même si les jeunes sont peut-être plus favorisés de ce point de vue. Il faut veiller à ne pas laisser de côté toute une partie de la population.
. Il me semble que cette crise a permis à chacun de constater les effets délétères de l'isolement social et de l'enfermement, ce qui doit constituer un pôle de réflexion pour l'ensemble de la société, et pour la psychiatrie aussi.
L'OMS l'affirme, et les interventions de beaucoup de députés le montrent à l'évidence, 80 % de la réponse en santé ne dépend pas des soins. L'expérience des uns et le système social français, tout de même très performant, ont également leur rôle à jouer. Pour avoir travaillé dans de nombreux pays en tant qu'expert de l'OMS, je puis affirmer que le système français, qui garantit des soins gratuits, permet une protection sociale importante, passant par l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Bien qu'insuffisant, ce système regroupant toutes les composantes de l'action publique reste efficace dans son rôle d'amortisseur.
Je suis convaincu qu'il faut un délégué interministériel, et pas seulement ministériel, à la santé mentale et à la psychiatrie. L'éducation nationale au premier chef, mais aussi la justice, la police, les pompiers et l'aide sociale sont concernés. La preuve en est fournie au niveau local, où les CLSM arrivent à mettre en synergie l'ensemble des acteurs concernés. Il faut qu'il en aille de même à l'échelon national. Cela relève selon moi d'une évidence en termes de politique de santé.
En second lieu, comme l'a évoqué M. Tzourio, une quantité de mesures de droit commun pourraient améliorer la santé mentale de la population. C'est une réalité connue puisque ces mesures font partie des 80 % des réponses en santé ne relevant pas des soins.
Un rapport fort intéressant de la Cour des comptes s'appuyait récemment sur deux exemples, ceux du Royaume-Uni et des Pays‑Bas. Ces deux pays ont mis en place des équipes mobiles de psychiatrie dans tous les services, de lutte contre la précarité mais aussi de soins à domicile, de soins intensifs en ville ou de continuité. Une telle mesure relève de la politique d'ensemble d'un État qui généralise un dispositif, mis en place à titre de test, pour en récolter les résultats.
La démarche d'aller-vers réglerait le problème de l'hospitalocentrisme encore important en France, tout en mettant des soins à disposition dans la communauté, sachant que 99 % des patients sont en ville et non à l'hôpital.
Sans une adéquation des moyens de la psychiatrie avec les besoins en ville, le problème ne se réglera pas. Le rapport de la Cour des comptes indique en outre, de même que toutes les enquêtes, qu'un premier échelon de réponse aux troubles mentaux implique la famille et les amis, et aussi la médecine générale et tout ce qu'englobent le système de santé et le système social. Faute de mettre en place ce premier échelon incluant des psychologues, peut-être dans les cabinets de médecins généralistes groupés, la psychiatrie ne parviendra pas à résoudre des problèmes auxquels il n'est peut-être d'ailleurs pas légitime qu'elle réponde systématiquement. Sa légitimité est ailleurs et il convient de réfléchir à une graduation du système de soins.
Enfin, les CLSM ont prouvé la valeur et l'intérêt du savoir expérientiel de la population. La remarque vaut aussi pour les étudiants, qui se sont auto-organisés. Il faudrait arriver à mieux les former et mettre en place un réseau de sentinelles de la santé mentale un peu partout.
L'initiative « premiers secours en santé mentale » a porté ses fruits dans d'autres pays. Il est possible de mettre en place des actions simples dans le même esprit qui, pour un coût modique, amélioreraient l'ensemble de la situation.
Il faut en somme améliorer l'accès aux soins, tenir compte des connaissances et de l'expérience de ceux qui ont connu l'enfermement ou la maladie et amener à collaborer les ministères.
Je laisserai Frank Bellivier revenir sur les plans de prévention du suicide par la mise en place d'un numéro unique, et l'accélération de la mise en œuvre d'un certain nombre de mesures déjà prévues par la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » de 2018 puis par le plan Ségur.
Il est sûr que la population en France est assez peu armée face à la situation que nous traversons. La dernière campagne de communication sur la santé mentale date de 2007. À l'époque, une polémique en avait résulté car certains y voyaient une manière de médicaliser des problèmes sociaux. Le débat n'est pas encore clos. Il nous reste beaucoup de progrès à accomplir. Comme le disait Jean-Luc Roelandt, une opportunité se présente à nous puisque, pour la première fois la situation actuelle le montre bien la santé mentale est l'affaire de tous.
Il reste à éduquer la population, à communiquer plus largement sur le thème de la santé mentale, et surtout à se donner les moyens d'y parvenir. Un changement de paradigme a eu lieu. Alors qu'il y a de cela longtemps, un état psychiatrique se caractérisait par une rupture, aujourd'hui prévaut une logique de continuum allant du bien-être jusqu'au mal-être en passant par un certain nombre de troubles. Il arrive clairement que l'on se situe différemment dans ce continuum au cours de la vie, en fonction des événements. Il ne s'agit pas de banaliser les problématiques de santé mentale, dont l'importance et la gravité justifient la prise en compte, mais de les normaliser.
Il peut nous arriver à tous d'aller moins bien à certains moments, comme l'illustre la question des troubles anxieux et dépressifs, considérés comme communs en raison de leur importante prévalence. Près d'un tiers des personnes interrogées dans le cadre de nos enquêtes souffrent de troubles anxieux ou dépressifs, qui n'apparaissent pas dans les données d'hospitalisation ou de soins en urgence. Ces troubles représentent la pointe immergée de l'iceberg et ne sont pris en charge, quand c'est le cas, que par la médecine de ville.
Il reste, en priorité, à fournir un gros travail d'éducation, à convaincre de l'importance de parler de santé mentale, et à informer des ressources et dispositifs disponibles, aussi bien du côté de la promotion de la santé mentale – comment se maintenir en bonne santé ? – que du côté de l'accompagnement et de la prise en charge.
Au sujet des addictions, les quelques données dont nous disposions lors des confinements indiquaient plutôt une diminution de la consommation d'alcool liée à l'arrêt des réunions et regroupements festifs, et à l'inverse, une augmentation de la consommation de tabac. Les données de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de la CNAM le confirment, puisqu'elles montrent une réduction des remboursements de substituts à l'alcool et au tabac.
Concernant les écrans, et bien que les données ne soient pas encore disponibles, on observe plutôt une courbe en U, surtout chez jeunes : les plus en difficulté sont aussi bien ceux qui ne sont pas du tout connectés que ceux qui passent trop de temps devant un écran. Ceux dont la consommation d'écrans se stabilise autour d'un juste milieu s'en sortent beaucoup mieux. Les écrans représentent aujourd'hui un moyen de rester en connexion avec un réseau social. Sans doute l'usage excessif qu'en font certains se rattache-t-il à d'autres problématiques familiales.
Quand on parle de santé mentale des enfants, il faut bien considérer que, même à l'adolescence, le déterminant majeur de la santé mentale reste la qualité des relations avec les parents et la famille ; ceux-ci assumant un rôle, pas tant de supervision que de soutien social.
Un autre aspect de la problématique réside dans la situation de beaucoup de familles, notamment monoparentales, fragilisées et donc moins contenantes et soutenantes pour leurs enfants. L'AP-HP Robert Debré a vu exploser le nombre de demandes adressées via son site de soutien à la parentalité.
Le télétravail comporte des risques – épuisement, effacement de la distinction entre vie personnelle et professionnelle – que nous ne parvenons pas à observer du fait des grandes différences d'une situation à l'autre. Il faudrait sans doute creuser le sujet plus avant. Globalement, les personnes en télétravail vont mieux que celles au chômage ou en inactivité.
À propos des territoires, nous n'avons pas observé de différence entre les zones rurales et les villes. Dans certaines villes, les occupants de logements surpeuplés se sont retrouvés en difficulté accrue. Si certaines situations de confinement ont pu se révéler plus problématiques en ville, nous ne l'avons pas observé. En revanche, nous avons noté des niveaux d'anxiété différents selon les régions, plus élevés en Île-de-France et Grand Est, liés à la courbe épidémique.
Je voudrais souligner trois points.
Nous disposons en effet de beaucoup de données mais l'important reste de continuer à mesurer des paramètres dans la durée, de comparer des situations dans le temps, de disposer de repères et d'indicateurs de surveillance épidémiologique, mais aussi d'outils importants tels qu'enquêtes pérennes et cohortes.
Il faut aussi distinguer dans le suivi les catégories d'âge et assurer un maillage très fin du territoire. La question des différences entre zones rurales et urbaines a été soulevée. La capacité à décrire la situation en fonction des catégories de population et des territoires est capitale.
En second lieu, les outils à notre disposition – de routine mais pas seulement – doivent permettre de poser le bon diagnostic sur les causes de la situation et les moyens d'y remédier. Mesurer n'est qu'un début, il reste ensuite à identifier raisons et causes. Un certain nombre de déterminants ont été mis en évidence, en particulier en lien avec les conditions sociales.
Enfin, le Dr Roelandt l'a souligné, nous devons être capables d'agir en réseau en partageant l'ensemble de nos connaissances et des alertes, depuis l'échelon national jusqu'au local. Il est important de pouvoir s'appuyer sur tous les réseaux existants, de proximité, de professionnels de santé en particulier, mais aussi sur les sentinelles au sein de catégories ou de groupes particuliers. La construction de la meilleure réponse possible, la mieux adaptée à la crise, en termes de prévention des troubles et de préservation de la santé, doit s'appuyer sur tous ces réseaux sportifs, associatifs, culturels, d'acteurs de terrain forts de leur expérience, sans oublier les agents des services publics capables d'observer au plus près l'évolution de la situation.
Je reviendrai sur quelques-unes des interventions, diverses et très riches, de messieurs et mesdames les députés.
La crise sanitaire a mis en grande difficulté l'offre de soins en psychiatrie, historiquement en forte tension et en proie à des problèmes structuraux anciens.
Je ne reviendrai pas sur l'engagement inédit de ce gouvernement en faveur de ce secteur, illustré par la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » qui comprend plusieurs réformes très importantes appelées à se mettre en place cette année : celle des organisations territoriales, des autorisations et du mode de financement.
La crise, tout en aggravant évidemment un certain nombre de tensions dans l'offre de soins, a été l'occasion d'une forte mobilisation et d'une recrudescence de créativité au sein des équipes de psychiatrie. Je citerai à ce propos le développement à marche forcée des équipes mobiles et de l'aller-vers l'un des points appelés de leurs vœux par plusieurs intervenants.
Certaines équipes mobiles ont été pérennisées grâce à des appels à projets ayant permis leur financement. L'aller-vers, en général, correspond à un axe prioritaire des deux appels à projets visant une remise à niveau de l'offre de soins en pédopsychiatrie, d'une part, et de l'autre, un soutien aux innovations organisationnelles en psychiatrie. Ils ont mobilisé cette année 20 millions d'euros chacun.
La crise a mis en grande difficulté le secteur de la psychiatrie mais l'a aussi amené à évoluer et se réorganiser plutôt dans le bon sens. Certaines des difficultés qui se sont posées au secteur de la psychiatrie en particulier et à la population en général ont pu être anticipées dès les mois de février ou mars, où nous avons commencé à réfléchir à un certain nombre de mesures, dont plusieurs incluses dans le plan Ségur. Je les rappellerai brièvement en réponse aux questions sur les publics vulnérables tels que les jeunes ou les personnes âgées.
D'abord ont été renforcées quarante et une cellules d'urgence médico-psychologique ayant joué un grand rôle d'appui aux soignants et au public éloigné des hôpitaux, en particulier dans les EHPAD. Il a été estimé qu'il fallait les renforcer en raison de la modularité de leur activité particulièrement utile en gestion de crise.
Concernant l'accès aux soins, 160 équivalents temps plein ont été recrutés pour assurer des activités de première ligne au sein des CMP et des centres régionaux de psychotraumatisme. La priorité a été donnée aux centres de consultation pour enfants et adolescents. Les recrutements découlant de la première de ces deux mesures ont été menés à terme ; les autres suivent leur cours.
Une troisième mesure d'importance vise à donner accès à des soins psychologiques, sans reste à charge pour le patient, assurés par des psychologues en binôme avec des médecins généralistes au sein de maisons de santé pluriprofessionnelles et de centres de santé. La diffusion de l'instruction correspondante ne devrait plus tarder. Elle marque une première étape dans ce qui a été identifié aujourd'hui comme un enjeu d'importance pour la population générale : à savoir l'accès aux soins psychologiques de première ligne.
Mentionnons, parmi les autres mesures du plan Ségur en cours de déploiement, la création d'un numéro national unique de prévention du suicide. Au moment même où se met en place la réforme des organisations territoriales au travers des projets territoriaux de santé mentale, un enjeu d'importance a été identifié, notamment pour couvrir les besoins insuffisamment couverts par cette première génération de projets territoriaux : celui de financer des coordonnateurs de projets territoriaux de santé mentale. Ils seront au nombre de cent trois du fait des dimensions le plus souvent départementales de ces projets.
Enfin, des mesures concernent les publics les plus précaires : le renforcement des équipes mobiles « psychiatrie précarité », des équipes de liaison en addictologie et des permanences d'accès aux soins pour les plus vulnérables.
La plupart de ces mesures visent des publics identifiés comme prioritaires : les personnes âgées et les jeunes. Le « chèque psy » destiné aux étudiants relève d'une mesure d'urgence. Nous œuvrons au travers des projets territoriaux de santé mentale, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à trouver les modalités d'accès au droit commun des étudiants. Un certain nombre de campus universitaires ne disposent pas de services de soins. Il faut y organiser cette articulation fonctionnelle avec le droit commun en santé mentale. Cet objectif doit figurer parmi ceux des projets territoriaux de santé mentale.
Le budget de 80 millions d'euros alloué à ces mesures apparaît très insuffisant au vu de l'évolution de la situation parmi la population générale aussi bien que parmi certaines catégories spécifiques. Le ministère de la santé a clairement admis la nécessité de mesures complémentaires. Nous y travaillons actuellement.
Sans préjuger des annonces à venir, puisque nous continuons à réfléchir à ces questions, si nous avions bien identifié un certain nombre de besoins, d'autres sont apparus que nous n'avions pas identifiés. Je songe notamment aux signaux relevés ces derniers mois auprès des moins de 15 ans hospitalisés en pédiatrie ou en pédopsychiatrie. Nous n'avions pas anticipé l'augmentation de la fréquence parmi eux des troubles anxieux graves, des troubles dépressifs, des conduites suicidaires et des troubles des conduites alimentaires. La rareté du phénomène ne justifie pas que l'on parle ici d'épidémie. Son augmentation n'en reste pas moins significative et il faudra y apporter des réponses spécifiques.
Je souscris tout à fait à la remarque de plusieurs intervenants selon laquelle les déterminants de santé n'appellent pas qu'une réponse sanitaire.
Je voudrais insister sur un point soulevé par le député qui a évoqué le monde du travail et les enjeux de santé mentale dont devront se saisir les employeurs, et que devra s'approprier le monde du travail, en lien ou non avec le télétravail. De grands progrès restent à faire dans ce domaine. Cette crise sanitaire sera peut-être l'occasion d'une diffusion plus large d'outils de premiers secours en santé mentale afin d'acculturer et d'outiller les communautés au repérage et à la médiation des soins en santé mentale ; c'est en tout cas ce que proposera le ministère de la santé, en lien avec d'autres ministères.
Je souscris également à l'idée que les réouvertures d'écoles et d'universités exercent sur le public concerné un effet largement supérieur à celui de toutes les réponses sanitaires possibles.
Je n'ai pas de réponse à la question que soulève le recul des naissances. Je ne suis pas sûr que ce signal soit confirmé mais je vais me renseigner.
Le développement de l'aller-vers, des équipes mobiles et des organisations communautaires de la santé mentale maille le territoire d'un réseau d'acteurs sanitaires mais pas seulement. Les projets territoriaux de santé mentale ont, me semble-t-il, donné l'impulsion au mouvement. Une volonté politique forte existe de développer de tels dispositifs, au travers d'appels à projets. Nous en soutenons beaucoup ; d'autres ont vu le jour au cours de la crise, en tant que réponses adaptées à ce que nous imposait la gestion de la crise.
Je n'ai certainement pas été complet mais telles étaient les principales réponses que je souhaitais apporter.
Merci, monsieur le délégué ministériel, d'avoir rappelé les mesures prises dans le cadre du plan Ségur. D'autres restent à venir. Des trous subsistent dans la raquette et je ne doute pas que nous serons amenés à revenir sur ce sujet de la santé mentale de nos concitoyens, particulièrement criant en ce temps de pandémie qui semble ne jamais devoir finir.
La réunion s'achève à onze heures vingt-cinq.