Intervention de Pr Nicolas Franck

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 9h35
Commission des affaires sociales

Pr Nicolas Franck, chef de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier :

. Je vais faire état d'une enquête en population générale, diffusée dès la deuxième semaine du premier confinement, au printemps 2020  la durée de l'une et l'autre ayant coïncidé  enquête ensuite rouverte pendant le deuxième confinement. Son intérêt réside dans la précocité de sa mise en œuvre et le grand nombre de personnes qu'elle a impliqué puisque, durant le premier confinement, nous avons analysé les données des plus de 19 000 Français de plus de 16 ans l'ayant complétée jusqu'au bout. 1 300 personnes y ont participé à l'automne.

Cette enquête a porté sur le bien-être mental en tant que marqueur de santé mentale. Ce bien-être s'est transformé en mal-être pour l'ensemble de la population, encore que certaines catégories aient plus souffert que d'autres. Un tel mal-être, facteur de fragilisation, a pu amener certains à développer des troubles avérés, anxieux et dépressifs principalement, bien qu'une aggravation des troubles mentaux sévères ait aussi été observée.

La période du confinement s'est révélée extrêmement stressante pour l'ensemble de la population. Nous en avons tous éprouvé une forme de sidération, à laquelle s'est ajouté l'impact de l'isolement social imposé. Les contacts sociaux relèvent d'un besoin fondamental pour l'être humain, indépendamment de son âge. J'ai vu des personnes âgées en détresse de ce point de vue, dont la situation s'est bien évidemment aggravée au fur et à mesure du confinement. Le manque d'accès à la culture et l'ensemble des restrictions pesant sur la population se sont traduits par un stress considérable. Certains s'y sont accoutumés en faisant preuve de résilience. D'autres, ne disposant pas de cette capacité, se sont retrouvés en détresse psychologique.

Cette enquête conçue dès la première semaine du confinement, et diffusée par voie de presse et par les réseaux sociaux, se donnait pour objectif de voir comment les Français y feraient face et de repérer les facteurs de résilience parmi la population.

Nous avons analysé les consommations pendant les confinements. Certaines ont augmenté : celles d'aliments gras ou sucrés, allant de pair avec la déstructuration des repas, mais aussi celles de café, d'alcool, de tabac et d'écrans ; le problème étant qu'une personne sur six en France a déclaré une perte de contrôle de sa consommation d'écran, ce qui constitue un facteur d'addiction. On note également une aggravation des addictions au tabac, à l'alcool et au cannabis pendant ce premier confinement.

L'immense majorité de la population a rapporté des difficultés en termes de rythme veille/sommeil. Lors de la deuxième semaine du premier confinement, seul un quart de la population ne mentionnait aucune difficulté de ce point de vue. Ont surtout été évoquées des difficultés à se reposer ou s'endormir, une propension au grignotage et des difficultés à se réorganiser.

Nous avons croisé le score de bien-être mental, dégradé dans l'ensemble de la population, avec certains paramètres, en particulier les contacts sociaux. La préservation du bien-être est corrélée avec leur intensité. Il est extrêmement important qu'une éducation à la santé et des possibilités de circulation et d'échanges favorisent ces contacts sociaux sous peine d'une aggravation accrue de l'altération de la santé mentale.

Nous avons noté des différences liées à l'activité : on compte parmi les catégories de population les plus touchées les étudiants. Les scores de bien-être mental de la population générale et des travailleurs tournaient en moyenne autour de 50 sur une échelle de 14 à 70 pendant le premier confinement, contre 53 d'ordinaire, alors que ceux des étudiants sont descendus à 46 dès sa deuxième semaine.

Le bien-être mental n'a pas cessé de se dégrader au long du premier confinement ; les scores de bien-être reculant au fur et à mesure de sa durée.

Quand on compare les confinements, on s'aperçoit que le dernier en date a eu des effets bien plus délétères que le précédent sur l'ensemble de la population. Les épreuves se sont accumulées au fil du temps, sans même parler des restrictions de l'été ni du couvre-feu, de sorte que la population a abordé le deuxième confinement déjà fragilisée. La faiblesse des scores de bien-être, en particulier des étudiants, semblait déjà inquiétante à son début.

L'altération globale du bien-être mental dans l'ensemble de la population, aggravée par l'isolement social, le désœuvrement, le manque d'activité physique, la durée du confinement, est allée de pair avec une explosion de la consommation d'écran, à l'origine d'un risque accru d'addiction aux écrans.

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