Intervention de Enguerrand du Roscoat

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 9h35
Commission des affaires sociales

Enguerrand du Roscoat, responsable de l'unité Santé mentale de Santé publique France :

Je laisserai Frank Bellivier revenir sur les plans de prévention du suicide par la mise en place d'un numéro unique, et l'accélération de la mise en œuvre d'un certain nombre de mesures déjà prévues par la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » de 2018 puis par le plan Ségur.

Il est sûr que la population en France est assez peu armée face à la situation que nous traversons. La dernière campagne de communication sur la santé mentale date de 2007. À l'époque, une polémique en avait résulté car certains y voyaient une manière de médicaliser des problèmes sociaux. Le débat n'est pas encore clos. Il nous reste beaucoup de progrès à accomplir. Comme le disait Jean-Luc Roelandt, une opportunité se présente à nous puisque, pour la première fois  la situation actuelle le montre bien  la santé mentale est l'affaire de tous.

Il reste à éduquer la population, à communiquer plus largement sur le thème de la santé mentale, et surtout à se donner les moyens d'y parvenir. Un changement de paradigme a eu lieu. Alors qu'il y a de cela longtemps, un état psychiatrique se caractérisait par une rupture, aujourd'hui prévaut une logique de continuum allant du bien-être jusqu'au mal-être en passant par un certain nombre de troubles. Il arrive clairement que l'on se situe différemment dans ce continuum au cours de la vie, en fonction des événements. Il ne s'agit pas de banaliser les problématiques de santé mentale, dont l'importance et la gravité justifient la prise en compte, mais de les normaliser.

Il peut nous arriver à tous d'aller moins bien à certains moments, comme l'illustre la question des troubles anxieux et dépressifs, considérés comme communs en raison de leur importante prévalence. Près d'un tiers des personnes interrogées dans le cadre de nos enquêtes souffrent de troubles anxieux ou dépressifs, qui n'apparaissent pas dans les données d'hospitalisation ou de soins en urgence. Ces troubles représentent la pointe immergée de l'iceberg et ne sont pris en charge, quand c'est le cas, que par la médecine de ville.

Il reste, en priorité, à fournir un gros travail d'éducation, à convaincre de l'importance de parler de santé mentale, et à informer des ressources et dispositifs disponibles, aussi bien du côté de la promotion de la santé mentale – comment se maintenir en bonne santé ? – que du côté de l'accompagnement et de la prise en charge.

Au sujet des addictions, les quelques données dont nous disposions lors des confinements indiquaient plutôt une diminution de la consommation d'alcool liée à l'arrêt des réunions et regroupements festifs, et à l'inverse, une augmentation de la consommation de tabac. Les données de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de la CNAM le confirment, puisqu'elles montrent une réduction des remboursements de substituts à l'alcool et au tabac.

Concernant les écrans, et bien que les données ne soient pas encore disponibles, on observe plutôt une courbe en U, surtout chez jeunes : les plus en difficulté sont aussi bien ceux qui ne sont pas du tout connectés que ceux qui passent trop de temps devant un écran. Ceux dont la consommation d'écrans se stabilise autour d'un juste milieu s'en sortent beaucoup mieux. Les écrans représentent aujourd'hui un moyen de rester en connexion avec un réseau social. Sans doute l'usage excessif qu'en font certains se rattache-t-il à d'autres problématiques familiales.

Quand on parle de santé mentale des enfants, il faut bien considérer que, même à l'adolescence, le déterminant majeur de la santé mentale reste la qualité des relations avec les parents et la famille ; ceux-ci assumant un rôle, pas tant de supervision que de soutien social.

Un autre aspect de la problématique réside dans la situation de beaucoup de familles, notamment monoparentales, fragilisées et donc moins contenantes et soutenantes pour leurs enfants. L'AP-HP Robert Debré a vu exploser le nombre de demandes adressées via son site de soutien à la parentalité.

Le télétravail comporte des risques – épuisement, effacement de la distinction entre vie personnelle et professionnelle – que nous ne parvenons pas à observer du fait des grandes différences d'une situation à l'autre. Il faudrait sans doute creuser le sujet plus avant. Globalement, les personnes en télétravail vont mieux que celles au chômage ou en inactivité.

À propos des territoires, nous n'avons pas observé de différence entre les zones rurales et les villes. Dans certaines villes, les occupants de logements surpeuplés se sont retrouvés en difficulté accrue. Si certaines situations de confinement ont pu se révéler plus problématiques en ville, nous ne l'avons pas observé. En revanche, nous avons noté des niveaux d'anxiété différents selon les régions, plus élevés en Île-de-France et Grand Est, liés à la courbe épidémique.

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