. Il me semble que cette crise a permis à chacun de constater les effets délétères de l'isolement social et de l'enfermement, ce qui doit constituer un pôle de réflexion pour l'ensemble de la société, et pour la psychiatrie aussi.
L'OMS l'affirme, et les interventions de beaucoup de députés le montrent à l'évidence, 80 % de la réponse en santé ne dépend pas des soins. L'expérience des uns et le système social français, tout de même très performant, ont également leur rôle à jouer. Pour avoir travaillé dans de nombreux pays en tant qu'expert de l'OMS, je puis affirmer que le système français, qui garantit des soins gratuits, permet une protection sociale importante, passant par l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Bien qu'insuffisant, ce système regroupant toutes les composantes de l'action publique reste efficace dans son rôle d'amortisseur.
Je suis convaincu qu'il faut un délégué interministériel, et pas seulement ministériel, à la santé mentale et à la psychiatrie. L'éducation nationale au premier chef, mais aussi la justice, la police, les pompiers et l'aide sociale sont concernés. La preuve en est fournie au niveau local, où les CLSM arrivent à mettre en synergie l'ensemble des acteurs concernés. Il faut qu'il en aille de même à l'échelon national. Cela relève selon moi d'une évidence en termes de politique de santé.
En second lieu, comme l'a évoqué M. Tzourio, une quantité de mesures de droit commun pourraient améliorer la santé mentale de la population. C'est une réalité connue puisque ces mesures font partie des 80 % des réponses en santé ne relevant pas des soins.
Un rapport fort intéressant de la Cour des comptes s'appuyait récemment sur deux exemples, ceux du Royaume-Uni et des Pays‑Bas. Ces deux pays ont mis en place des équipes mobiles de psychiatrie dans tous les services, de lutte contre la précarité mais aussi de soins à domicile, de soins intensifs en ville ou de continuité. Une telle mesure relève de la politique d'ensemble d'un État qui généralise un dispositif, mis en place à titre de test, pour en récolter les résultats.
La démarche d'aller-vers réglerait le problème de l'hospitalocentrisme encore important en France, tout en mettant des soins à disposition dans la communauté, sachant que 99 % des patients sont en ville et non à l'hôpital.
Sans une adéquation des moyens de la psychiatrie avec les besoins en ville, le problème ne se réglera pas. Le rapport de la Cour des comptes indique en outre, de même que toutes les enquêtes, qu'un premier échelon de réponse aux troubles mentaux implique la famille et les amis, et aussi la médecine générale et tout ce qu'englobent le système de santé et le système social. Faute de mettre en place ce premier échelon incluant des psychologues, peut-être dans les cabinets de médecins généralistes groupés, la psychiatrie ne parviendra pas à résoudre des problèmes auxquels il n'est peut-être d'ailleurs pas légitime qu'elle réponde systématiquement. Sa légitimité est ailleurs et il convient de réfléchir à une graduation du système de soins.
Enfin, les CLSM ont prouvé la valeur et l'intérêt du savoir expérientiel de la population. La remarque vaut aussi pour les étudiants, qui se sont auto-organisés. Il faudrait arriver à mieux les former et mettre en place un réseau de sentinelles de la santé mentale un peu partout.
L'initiative « premiers secours en santé mentale » a porté ses fruits dans d'autres pays. Il est possible de mettre en place des actions simples dans le même esprit qui, pour un coût modique, amélioreraient l'ensemble de la situation.
Il faut en somme améliorer l'accès aux soins, tenir compte des connaissances et de l'expérience de ceux qui ont connu l'enfermement ou la maladie et amener à collaborer les ministères.