Intervention de Pr Frank Bellivier

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 9h35
Commission des affaires sociales

Pr Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale :

Je reviendrai sur quelques-unes des interventions, diverses et très riches, de messieurs et mesdames les députés.

La crise sanitaire a mis en grande difficulté l'offre de soins en psychiatrie, historiquement en forte tension et en proie à des problèmes structuraux anciens.

Je ne reviendrai pas sur l'engagement inédit de ce gouvernement en faveur de ce secteur, illustré par la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » qui comprend plusieurs réformes très importantes appelées à se mettre en place cette année : celle des organisations territoriales, des autorisations et du mode de financement.

La crise, tout en aggravant évidemment un certain nombre de tensions dans l'offre de soins, a été l'occasion d'une forte mobilisation et d'une recrudescence de créativité au sein des équipes de psychiatrie. Je citerai à ce propos le développement à marche forcée des équipes mobiles et de l'aller-vers  l'un des points appelés de leurs vœux par plusieurs intervenants.

Certaines équipes mobiles ont été pérennisées grâce à des appels à projets ayant permis leur financement. L'aller-vers, en général, correspond à un axe prioritaire des deux appels à projets visant une remise à niveau de l'offre de soins en pédopsychiatrie, d'une part, et de l'autre, un soutien aux innovations organisationnelles en psychiatrie. Ils ont mobilisé cette année 20 millions d'euros chacun.

La crise a mis en grande difficulté le secteur de la psychiatrie mais l'a aussi amené à évoluer et se réorganiser plutôt dans le bon sens. Certaines des difficultés qui se sont posées au secteur de la psychiatrie en particulier et à la population en général ont pu être anticipées dès les mois de février ou mars, où nous avons commencé à réfléchir à un certain nombre de mesures, dont plusieurs incluses dans le plan Ségur. Je les rappellerai brièvement en réponse aux questions sur les publics vulnérables tels que les jeunes ou les personnes âgées.

D'abord ont été renforcées quarante et une cellules d'urgence médico-psychologique ayant joué un grand rôle d'appui aux soignants et au public éloigné des hôpitaux, en particulier dans les EHPAD. Il a été estimé qu'il fallait les renforcer en raison de la modularité de leur activité particulièrement utile en gestion de crise.

Concernant l'accès aux soins, 160 équivalents temps plein ont été recrutés pour assurer des activités de première ligne au sein des CMP et des centres régionaux de psychotraumatisme. La priorité a été donnée aux centres de consultation pour enfants et adolescents. Les recrutements découlant de la première de ces deux mesures ont été menés à terme ; les autres suivent leur cours.

Une troisième mesure d'importance vise à donner accès à des soins psychologiques, sans reste à charge pour le patient, assurés par des psychologues en binôme avec des médecins généralistes au sein de maisons de santé pluriprofessionnelles et de centres de santé. La diffusion de l'instruction correspondante ne devrait plus tarder. Elle marque une première étape dans ce qui a été identifié aujourd'hui comme un enjeu d'importance pour la population générale : à savoir l'accès aux soins psychologiques de première ligne.

Mentionnons, parmi les autres mesures du plan Ségur en cours de déploiement, la création d'un numéro national unique de prévention du suicide. Au moment même où se met en place la réforme des organisations territoriales au travers des projets territoriaux de santé mentale, un enjeu d'importance a été identifié, notamment pour couvrir les besoins insuffisamment couverts par cette première génération de projets territoriaux : celui de financer des coordonnateurs de projets territoriaux de santé mentale. Ils seront au nombre de cent trois du fait des dimensions le plus souvent départementales de ces projets.

Enfin, des mesures concernent les publics les plus précaires : le renforcement des équipes mobiles « psychiatrie précarité », des équipes de liaison en addictologie et des permanences d'accès aux soins pour les plus vulnérables.

La plupart de ces mesures visent des publics identifiés comme prioritaires : les personnes âgées et les jeunes. Le « chèque psy » destiné aux étudiants relève d'une mesure d'urgence. Nous œuvrons au travers des projets territoriaux de santé mentale, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à trouver les modalités d'accès au droit commun des étudiants. Un certain nombre de campus universitaires ne disposent pas de services de soins. Il faut y organiser cette articulation fonctionnelle avec le droit commun en santé mentale. Cet objectif doit figurer parmi ceux des projets territoriaux de santé mentale.

Le budget de 80 millions d'euros alloué à ces mesures apparaît très insuffisant au vu de l'évolution de la situation parmi la population générale aussi bien que parmi certaines catégories spécifiques. Le ministère de la santé a clairement admis la nécessité de mesures complémentaires. Nous y travaillons actuellement.

Sans préjuger des annonces à venir, puisque nous continuons à réfléchir à ces questions, si nous avions bien identifié un certain nombre de besoins, d'autres sont apparus que nous n'avions pas identifiés. Je songe notamment aux signaux relevés ces derniers mois auprès des moins de 15 ans hospitalisés en pédiatrie ou en pédopsychiatrie. Nous n'avions pas anticipé l'augmentation de la fréquence parmi eux des troubles anxieux graves, des troubles dépressifs, des conduites suicidaires et des troubles des conduites alimentaires. La rareté du phénomène ne justifie pas que l'on parle ici d'épidémie. Son augmentation n'en reste pas moins significative et il faudra y apporter des réponses spécifiques.

Je souscris tout à fait à la remarque de plusieurs intervenants selon laquelle les déterminants de santé n'appellent pas qu'une réponse sanitaire.

Je voudrais insister sur un point soulevé par le député qui a évoqué le monde du travail et les enjeux de santé mentale dont devront se saisir les employeurs, et que devra s'approprier le monde du travail, en lien ou non avec le télétravail. De grands progrès restent à faire dans ce domaine. Cette crise sanitaire sera peut-être l'occasion d'une diffusion plus large d'outils de premiers secours en santé mentale afin d'acculturer et d'outiller les communautés au repérage et à la médiation des soins en santé mentale ; c'est en tout cas ce que proposera le ministère de la santé, en lien avec d'autres ministères.

Je souscris également à l'idée que les réouvertures d'écoles et d'universités exercent sur le public concerné un effet largement supérieur à celui de toutes les réponses sanitaires possibles.

Je n'ai pas de réponse à la question que soulève le recul des naissances. Je ne suis pas sûr que ce signal soit confirmé mais je vais me renseigner.

Le développement de l'aller-vers, des équipes mobiles et des organisations communautaires de la santé mentale maille le territoire d'un réseau d'acteurs sanitaires mais pas seulement. Les projets territoriaux de santé mentale ont, me semble-t-il, donné l'impulsion au mouvement. Une volonté politique forte existe de développer de tels dispositifs, au travers d'appels à projets. Nous en soutenons beaucoup ; d'autres ont vu le jour au cours de la crise, en tant que réponses adaptées à ce que nous imposait la gestion de la crise.

Je n'ai certainement pas été complet mais telles étaient les principales réponses que je souhaitais apporter.

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