Intervention de Pr Nicolas Franck

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 9h35
Commission des affaires sociales

Pr Nicolas Franck, chef de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier :

Mme de Vaucouleurs m'a interpellé au sujet des addictions, ce qui m'incite à formuler la proposition suivante : il me semble important de développer l'éducation à la santé, en cette période de confinement ou de restrictions, pour rendre les personnes capables de prendre soin d'elles-mêmes.

Nous pourrions y parvenir en donnant accès à des ressources en ligne comme en Angleterre. Santé publique France a commencé à mettre en ligne quelques ressources mais une campagne plus large me semble nécessaire.

Le problème qui se pose en santé mentale vient de ce qu'un bon nombre des personnes en difficulté – souffrant d'addictions mais pas seulement, victimes aussi de troubles anxieux ou précédant l'apparition d'une dépression – n'en ont pas conscience et ne sont donc pas en demande de soins. Je suis favorable au « chèque psy », qui me paraît une bonne initiative. Nous aiguillons vers des psychothérapeutes beaucoup de personnes se heurtant à des difficultés de financement. Je songe néanmoins à tous ceux qui ne viennent pas nous voir.

Il faut aller vers eux à travers une campagne de communication pour éviter que leur situation ne s'aggrave et qu'ils ne se décident à consulter que dans un état encore plus préoccupant, voire catastrophique. Je suis pour une vaste campagne de communication traitant la question des addictions mais aussi de la manière de prendre soin de soi en période d'épidémie, comme Jean-Luc Roelandt l'a évoqué tout à l'heure.

Concernant la ruralité, un certain nombre d'agriculteurs ont répondu à notre enquête. Je n'en ai pas parlé tout à l'heure en raison de leur faible nombre, un peu plus de cent. Ils correspondaient à la catégorie au bien-être mental le plus faible. Nous avons formulé l'hypothèse que ce qui garantit le mieux le bien-être mental n'est autre que le sentiment d'utilité, qu'éprouvent les soignants, les professions intellectuelles supérieures encore au travail, etc. Le bien-être des agriculteurs apparaissait toutefois fortement altéré, dans les mêmes proportions que d'habitude, malgré leur utilité indéniable, puisqu'ils nourrissent la France. Les chiffres étaient frappants.

M. Ramadier s'est interrogé sur le télétravail. J'ai noté des personnes en forte difficulté, et des burn-out résultant du mélange des temps privé et professionnel lors du premier confinement. Pour certains, le télétravail excessif représente un péril. Beaucoup se sont plaint, sans aller jusqu'au burn-out, d'un manque de contacts sociaux et d'un travail factuel à l'extrême, difficile psychologiquement. D'autres, au contraire, s'y sont bien retrouvés. Je crois que tout est ici question de proportion et qu'il faudrait peut-être innover en termes d'organisation pour définir des emplois du temps à la carte et favoriser ainsi la productivité. L'idéal serait un télétravail sur mesure pour garantir des contacts sociaux, de toute façon nécessaires.

Mme Chapelier a parlé de la population âgée, fortement affectée par la crise. Certaines personnes âgées ne sont pas sorties depuis un an. Elles ont perdu leurs contacts sociaux, ainsi que de la masse musculaire et se retrouvent dans une situation très difficile. Je pense qu'il faut aller vers cette population, l'encourager à sortir et l'accompagner car je crains que certaines personnes âgées ne récupèrent jamais.

Les facteurs de résilience font partie de la communication envisagée. On dénombre parmi eux les contacts sociaux, la construction d'un quotidien valorisant, la solidarité ; autant d'éléments qui préservent le bien-être mental, comme l'a mis en évidence l'enquête dont j'ai tout à l'heure évoqué les résultats. Je pense en conclusion qu'il faut communiquer massivement en direction de la population.

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