Intervention de Catherine Pinchaut

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Catherine Pinchaut, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Je vous remercie de votre invitation ce jour pour évoquer le thème du télétravail. Au titre des effets positifs de la crise sanitaire figure le fait d'avoir placé le sujet du télétravail à l'agenda sociétal. En effet, ce mode d'organisation du travail s'est fortement développé depuis un an. Surtout, cette thématique a pu être inscrite à l'agenda social interprofessionnel, comme Mme la présidente l'a rappelé en introduction, avec la conclusion de l'ANI.

Globalement, le télétravail pose différentes questions : la place du travail dans notre vie, son impact dans nos équilibres de vie, la place du travail dans notre société, l'organisation du travail dans l'entreprise, enfin les modalités de mise en place du télétravail sur la base du dialogue social. À ce titre, l'ANI conclu fin 2020 offre un certain nombre d'éléments et de leviers permettant une mise en œuvre réussie du télétravail, tant dans les branches que dans les entreprises. Enfin, le télétravail interroge notre vision d'avenir des territoires comme lieu d'accueil des nouveaux télétravailleurs et pose la question de la réorganisation des territoires souhaitant devenir compétitifs et gagner des emplois de qualité.

Notre rapport au télétravail a fortement évolué depuis le premier confinement. Cette période avait mis en évidence des vécus différents, en fonction des conditions de mises en œuvre du télétravail, parfois subi cinq jours sur cinq dans des logements parfois exigus, et alors que certains devaient en même temps assurer la garde de leurs enfants. Or, ces télétravailleurs étaient globalement perçus comme des salariés relativement chanceux, puisqu'ils pouvaient conserver leur emploi tout en étant protégés du virus.

Un an après le début de la crise sanitaire, le regard porté sur les télétravailleurs a évolué. Sans perspectives visibles concernant la sortie de la crise, nous avons le sentiment que ces salariés sont ceux qui souffrent le plus de la perte du lien social et qu'ils envient parfois les salariés travaillant sur site. Nous observons également un certain nombre de difficultés, qui en réalité sont apparues dès l'automne 2020, notamment l'intensification du travail et la perte du lien social. Des télétravailleurs souhaitent retrouver des relations sociales en retournant sur leur lieu de travail.

Nous donc désormais confrontés à une quadrature du cercle. Le télétravail doit trouver toute sa place, mais se heurte à un nombre croissant de difficultés dans sa mise en œuvre, dès lors que la crise sanitaire perdure. De ce fait, certaines activités considérées comme télétravaillables durant le premier confinement ne le sont plus. Pour autant, le télétravail s'avère accessible à un nombre de salariés bien plus élevé que ce qui était imaginé initialement, à condition toutefois d'observer finement les postes de travail et les activités susceptibles d'être concernés.

Il est important de rappeler que, dans le contexte de sidération ayant caractérisé la première partie de la crise sanitaire, le télétravail a pu être déployé dans de bonnes conditions là où le dialogue social était de bonne qualité. En revanche, là encore depuis le mois d'octobre, le dialogue social semble régresser dans les entreprises, ce qui complique la mise en œuvre du télétravail.

Dans ce contexte, l'ANI signé par la CFDT à la fin de l'année 2020 permet de disposer d'un certain nombre de points de repère. Il liste notamment les éléments à mettre en œuvre en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui auparavant n'était pas pris en compte par la réglementation. Cet accord permet par ailleurs de revisiter et de moderniser l'approche du télétravail en faisant la part belle au dialogue social et à l'organisation du travail. Cet accord, en cours d'extension, offre un cadre aux négociateurs – et plus généralement à tous les acteurs – dans les entreprises. Un certain nombre d'entreprises se sont saisies de ce texte, parfois pour revisiter leurs anciens accords relatifs au télétravail. En revanche, les branches ne se saisissent pas suffisamment de cet accord, qui permettrait pourtant d'offrir un cadre plus précis aux très petites entreprises (TPE) en fonction des secteurs et des activités.

L'ANI permet de notre point de vue d'allier les questions relatives au travail et au dialogue social, qui ont été les deux axes ayant guidé la CFDT durant les négociations. Cet accord comprend des éléments importants concernant l'organisation du travail. Or, les enjeux relatifs à l'hybridation entre travail en présentiel et télétravail devront à l'avenir trouver des réponses concrètes dans les entreprises. En particulier, la question de l'éligibilité des postes et des activités est un élément primordial pour mettre en œuvre le télétravail dans de bonnes conditions.

Enfin, l'équilibre à trouver entre télétravail et travail sur site sera un élément essentiel pour anticiper la sortie de la crise sanitaire. Il sera nécessaire d'échanger afin de procéder à des retours d'expérience. Cette thématique est mentionnée dans l'ANI. Agir ainsi permettra de gagner du temps pour réfléchir aux organisations du travail à mettre en œuvre, intégrant un volet relatif au télétravail pertinent tant pour les salariés que les entreprises. Au demeurant, ces thématiques conduisent à remettre en cause les pratiques managériales. Enfin, l'ANI mentionne un point d'attention fondamental concernant la situation des populations sensibles, en particulier des plus jeunes, et des rapports de ces derniers au travail et au télétravail.

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