Intervention de Béatrice Clicq

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Béatrice Clicq, secrétaire confédérale Force Ouvrière (FO) en charge de l'égalité et du développement durable :

Je vais tenter de regrouper au mieux différentes thématiques dans mon intervention.

Tout d'abord, afin de répondre à Mmes Nicole Trisse, Agnès Firmin Le Bodo et Monique Limon, ainsi qu'à MM. Alain Ramadier et Gérard Cherpion, concernant la thématique du télétravail à l'avenir, je souhaite rappeler que nous vivons une situation exceptionnelle qui n'a pas vocation à se pérenniser, même si nous éprouvons des difficultés pour savoir avec précision quand nous sortirons de la pandémie. Dans ce contexte, il est important d'anticiper la transition qu'il sera nécessaire de mener, notamment en prévoyant les modes de retour dans l'entreprise pour des salariés ayant travaillé durant des mois à leur domicile. Surtout, FO estime que le retour à un mode de vie classique ne devra pas conduire des salariés à continuer de travailler intégralement depuis leur domicile, alors qu'un tel mode de fonctionnement a montré ses limites, en particulier en matière d'isolement et de difficulté à s'inscrire dans un collectif de travail.

À nos yeux, le télétravail doit se pratiquer au maximum deux à trois jours par semaine. Un tel cadre permet en effet de recréer des liens et de travailler dans un cadre collectif, donc de renforcer le sentiment d'appartenance à l'entreprise qui a tendance à se déliter dès lors que les salariés sont éloignés.

Par ailleurs, la situation des jeunes a été abordée dans le chapitre 4 de l'ANI. Concernant les alternants, il est exact qu'il convient d'adapter les règles relatives au télétravail afin de garantir les liens avec leur tuteur et faire en sorte de garantir un suivi de qualité.

Ces différentes thématiques imposent de négocier. Cependant, afin de répondre à MM. Bernard Perrut, Marc Delatte et Philippe Vigier, je veux rappeler que l'ANI permet déjà de cadrer les choses. En effet, alors que certains estiment que cet accord n'est ni normatif, ni prescriptif, il convient de préciser qu'un accord signé contient par nature des normes. Ainsi, l'ANI contient des éléments importants concernant le formalisme à respecter afin de mettre en œuvre le télétravail, la notion de réversibilité, ou encore la prise en charge des frais. Par ailleurs, un chapitre entier est consacré au télétravail exceptionnel. Enfin, l'ANI évoque la thématique de la santé. Cependant, afin de répondre à un point particulier soulevé par M. Bernard Perrut, je souhaite souligner que le patronat a tenté de minimiser le champ des accidents du travail en situation de télétravail. Il convient donc de fixer un cadre clair afin d'éviter un risque de remise en cause de la notion de présomption d'accident de travail en situation de télétravail.

Il est important que la négociation soit ouverte en première intention dès lors que le télétravail doit être organisé dans une entreprise. Cette démarche doit alors permettre d'aborder l'ensemble des thèmes évoqués dans l'ANI, afin d'apporter des réponses adaptées au contexte de chaque entreprise. Dans ce cadre, le formalisme est indispensable. Il est en effet important de disposer d'un accord écrit pour définir des règles pour protéger les salariés, mais également les patrons.

Ce nouveau contexte impose de réinventer le rôle des organisations syndicales et des représentants du personnel. Ce travail a été lancé il y a un an, puisque nous avons réussi à conserver un lien avec les salariés, même si les entreprises ne facilitent pas toujours les choses. Des moyens doivent donc être accordés aux représentants du personnel pour que ces derniers puissent pleinement jouer leur rôle.

Concernant la question des bassins d'emploi, évoquée par Mme Michèle de Vaucouleurs et par M. Guillaume Chiche, la migration de salariés suivant un mouvement inverse à l'exode rural va impacter les territoires où des entreprises sont actuellement implantées. Cependant, nous souhaitons souligner que le télétravail est également susceptible de faire apparaître un risque de délocalisation. En effet, dans le cadre d'un « télétravail à 100 % », rien n'interdit à des entreprises dont les salariés travaillent à 400 kilomètres de ses locaux de faire appel à des salariés travaillant à 4 000 kilomètres. Cette problématique doit être encadrée dans le cadre d'un accord afin d'éviter des conséquences trop négatives sur le marché de l'emploi national.

Je souhaite ensuite évoquer la thématique de la situation spécifique des femmes, évoquée par Mme Mireille Robert et M. Guillaume Chiche. Je souhaite tout d'abord rappeler que, même si les écoles et les crèches sont restées ouvertes depuis la fin du premier confinement, la situation n'est pas toujours simple à gérer. En effet, dès qu'un enfant enregistre une petite augmentation de température, il est demandé aux parents de le retirer de l'école ou de la crèche afin de limiter le risque de propagation du virus. Ces mesures génèrent une progression des absences imprévues au travail. Par ailleurs, de nombreux établissements scolaires sont uniquement ouverts à mi-temps, parfois à des moments différents pour les enfants d'une même famille. Cette situation est une source majeure de complication.

Surtout, dans le cadre d'un retour à la normale à l'issue de la pandémie, il sera nécessaire d'être attentif à ce que la conservation d'une part de télétravail n'aboutisse pas « remettre les femmes à la maison ». En effet, une telle situation rendrait les femmes invisibles et serait de nature à contrarier les progrès attendus en matière d'égalité salariale et de progression de carrière.

Enfin, concernant la thématique du télétravail flexible, nous avons observé durant le premier confinement que certaines entreprises avaient tenté de déployer certaines mesures destinées aux parents, par exemple de conserver leur rémunération tout en travaillant à 70 % D'autres ont proposé aux salariés concernés de respecter une coupure dans l'après-midi tout en reprenant le travail en fin de journée. Cependant, ces solutions doivent uniquement être envisagées durant un confinement. En effet, pérenniser un temps de travail prévoyant une coupure au milieu de la journée reviendrait à renforcer la problématique de la double journée de travail des femmes. C'est pourquoi la réponse doit à nos yeux relever du partage des tâches entre les membres d'un même foyer, notamment au moyen du congé parental, mais aussi et surtout viser à développer les modes de garde d'enfants, alors que les places en crèche sont insuffisantes.

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