Intervention de Jean-François Foucard

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Jean-François Foucard, secrétaire national de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) en charge des parcours professionnels emploi formation :

Il me semble que les débats doivent bien distinguer le télétravail en période de confinement et en période normale, car les deux situations sont très différentes.

Par ailleurs, puisque nous nous exprimons devant des députés, je veux rappeler que, d'un point de vue juridique, depuis les « ordonnances Macron », un accord conclu au niveau d'une branche ou au niveau interprofessionnel a, en application du principe de subsidiarité, une valeur normative par défaut. D'ailleurs, dans un certain nombre de domaines, par exemple en matière d'emploi, l'accord d'entreprise prime. Conclure un accord au niveau d'une branche ne pourrait donc pas interdire à une entreprise d'agir comme elle l'entend, excepté concernant les dispositions d'ordre public inscrites dans la loi. Ne pas prendre en compte cet élément conduit à prendre ses désirs pour des réalités.

Je rappelle par ailleurs que le télétravail est un simple mode d'organisation permettant aux salariés de gagner en souplesse en leur évitant de se déplacer. Une logique comparable avait été suivie lors de la mise en place des trente‑cinq heures en 2000, avec la création des horaires variables permettant aux salariés de mieux concilier les contraintes personnelles et les contraintes professionnelles. Pour autant, les salariés en télétravail restent obligés de travailler et de respecter le collectif de travail. Le défi consiste à intégrer cette contrainte sans pénaliser l'efficience du collectif. Or, la situation est extrêmement hétérogène selon les entreprises, voire même selon les différents services d'une même entreprise. Enfin, il convient d'avoir conscience que, dans un mode hybride dans lequel seule une partie des salariés aura recours au télétravail, les salariés travaillant dans les locaux de l'entreprise se retrouveront de facto dans une situation équivalente au télétravail dès lors que les autres salariés de son équipe travailleront depuis leur domicile.

Je souhaite ensuite confirmer le propos d'un précédent intervenant en soulignant que la CFE-CGC privilégie la négociation d'accords à l'édiction de chartes unilatérales. En effet, la thématique du télétravail concerne l'organisation du travail et de son impact sur la vie des gens. Il est donc important que ces derniers puissent s'exprimer par la voix de leurs représentants.

Concernant la situation spécifique des jeunes embauchés et des alternants, il est essentiel que les tuteurs disposent de temps d'interaction identifiés. Ces périodes doivent prioritairement se dérouler sur le lieu de travail dans les premiers temps du contrat des intéressés, qui ne disposent pas encore des compétences leur permettant de télétravailler. En revanche, dès lors que leurs responsables estiment que ces nouveaux salariés ont acquis les capacités requises, ils pourront télétravailler au même titre que les autres salariés.

Les débats ont ensuite porté sur la question des salaires, des transports et des lieux de travail. Il convient de préciser que les accords déjà négociés stipulent que les salariés ne peuvent pas travailler depuis l'étranger, afin de ne pas être confrontés à des problématiques de délocalisations pour des raisons fiscales. La question des transports a pour sa part déjà été traitée, puisque les entreprises sont obligées de prendre en charge les frais de transport collectif de leurs salariés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Or, dans le cas d'un salarié francilien partant télétravailler depuis Aix-en-Provence, l'obligation de prise en charge par l'entreprise couvrira le trajet entre l'Île-de-France et Aix-en-Provence. Les entreprises seront donc assez prudentes sur ce sujet. Enfin, la question de l'impact du télétravail sur le niveau de la rémunération commence à émerger, puisque le salaire des cadres franciliens est en moyenne 10 % plus élevé que la moyenne nationale afin de compenser le surcoût du logement en Île-de-France.

Concernant la thématique du nombre de jours de télétravail dans un mode hybride, travailler à son domicile plus de deux jours par semaine pose des problèmes pour le salarié, mais aussi pour l'entreprise. À ce sujet, il convient d'être attentif à ne pas imposer un trop grand nombre de contraintes aux entreprises, car un certain nombre d'entre elles commencent à envisager de transformer le contrat de travail qui les lie à un salarié en un contrat commercial, voire d'externaliser certaines activités pour diminuer leurs coûts.

Le droit à la déconnexion sera l'un des sujets susceptibles de favoriser le télétravail. Or, ce droit doit non seulement permettre de délimiter les périodes dédiées au travail et les périodes dédiées à la vie personnelle, mais aussi d'identifier des périodes durant lesquelles des salariés doivent pouvoir ne pas être dérangés afin de pouvoir se concentrer sur leur travail. Certes, cette problématique peut également concerner le travail dans les locaux de l'entreprise, mais elle est renforcée dans le cadre du télétravail, car il n'est alors pas possible de vérifier d'un simple regard si un collègue de travail est occupé.

Je reprends par ailleurs à mon compte les éléments qui ont été évoqués concernant l'égalité entre hommes et femmes au travail. Pour autant, je souhaite rappeler que le travail à domicile n'est pas une obligation, mais aussi qu'il ne faut pas confondre télétravail et garde d'enfant. En effet, ce sujet renvoie généralement à la problématique du travail à temps partiel. Ainsi, au sein de mon entreprise, je négocie actuellement un accord télétravail dans le cadre duquel la thématique de l'environnement du travail à domicile – espace dédié, capacité à ne pas être dérangé... – est fortement développée. En revanche, la problématique de garde d'enfants renvoie au télétravail forcé que nous avons connu au mois de mars 2020, dans le cadre duquel nos demandes étaient bien moins exigeantes.

Concernant la représentation syndicale, le sujet majeur correspond aux contacts avec les salariés et aux communications en destination de ces derniers. Or, une grande partie de ces contacts se déroulent de manière informelle dans les locaux d'une entreprise. En revanche, à l'avenir, les salariés en télétravail pourront uniquement être contactés durant le temps de travail formel. Par ailleurs, lorsqu'ils se rendront dans les locaux de l'entreprise, il sera difficile d'identifier du temps de travail informel afin d'échanger avec des salariés dont les journées seront sans doute très chargées.

Enfin, nous n'avons pas enregistré d'alertes particulières concernant des modifications de contrats de travail. Cependant, il convient de rappeler qu'il est possible que le contrat de travail d'un salarié permette de télétravailler quatre jours par semaine, alors que l'accord collectif dont il relève prévoit de limiter ce temps de télétravail à deux jours par semaine.

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