Intervention de Éric Courpotin

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Éric Courpotin, secrétaire confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), chef de file emploi chômage :

De très nombreuses questions, toutes plus intéressantes et pertinentes les unes que les autres, ont été posées. Je ne sais pas si je parviendrai à y répondre, mais je vais essayer d'y apporter un maximum de réponses.

En premier lieu, il a été demandé si les différentes organisations syndicales convergeaient en matière de propositions relatives au télétravail. Je tiens à préciser que, dans le cadre de la négociation de l'ANI, nous avons beaucoup échangé et partagé nos différentes propositions. C'est pourquoi la CFTC approuve toutes les propositions qui ont été faites.

Par ailleurs, je souligne qu'il ne faut pas confondre le télétravail de crise et le télétravail choisi, dans la mesure où ces deux situations sont totalement différentes. En effet, le télétravail de crise est subi. Dans ce contexte, chacun fait un effort pour la collectivité et la société, afin de tenter d'endiguer au plus vite la pandémie en respectant au maximum les consignes gouvernementales. En particulier, dans le cadre du télétravail de crise, nous prenons acte des consignes gouvernementales imposant un « télétravail à 100 % », mais nous soulignons qu'en aucun cas une telle organisation ne pourrait se pérenniser.

En revanche, le télétravail choisi s'applique dans un contexte différent et induira forcément des négociations dans les entreprises, afin de cadrer ce mode d'organisation, mais aussi et surtout afin que les partenaires sociaux puissent s'assurer du respect des dispositions de l'ANI.

Vous l'avez compris, la CFTC n'est pas favorable à un « télétravail à 100 % ». Cette position repose notamment sur des études de l'ANACT, mais aussi sur les auditions menées dans le cadre de différents diagnostics réalisés avant le début de la négociation de l'ANI, démontrant que le bon compromis consistait à télétravailler trois jours par semaine. Un tel schéma permet notamment d'éviter qu'une entreprise se vide de sa substance de ressources humaines. En effet, le télétravail pourrait conduire à transférer des postes en dehors du bassin d'emploi, voire à des milliers de kilomètres. Conserver un lien entre l'entreprise et ses salariés permet donc d'éviter que des entreprises perdent leurs compétences.

Il convient ensuite de rappeler que le droit à la déconnexion s'impose à tous, y compris aux télétravailleurs. Or, dans un environnement de travail très différent, il est désormais bien plus difficile de contrer certaines dérives. Là encore, négocier un accord permettra d'encadrer de manière précise les horaires de travail, y compris en prévoyant des horaires de travail décalés par rapport à une journée de travail classique en entreprise. Une telle démarche contribuera à limiter le risque d'un « télétravail gris » négocié de gré à gré entre un salarié et son employeur.

Par ailleurs, nous avions demandé que la négociation des accords relatifs au télétravail permette de prendre en compte la thématique de la garde des enfants, dans la mesure où télétravailler tout en assumant la garde d'enfants en bas âge dans son logement est difficilement conciliable. Or, nous savons parfaitement que, pour certains ménages, notamment des adultes vivant seuls, garder des enfants tout en travaillant est un moyen de faire des économies au niveau des frais de garde, ce qui renvoie à la thématique plus générale des salaires. Il s'agit d'un autre débat que je ne peux pas développer davantage ce jour.

Je rappelle ensuite que l'ANI comprend des dispositions relatives aux alternants. Nous avions proposé que toute entreprise recevant des alternants et des stagiaires se dote d'un référent capable de suivre leur intégration dans le cadre du travail dans les locaux de l'entreprise et en télétravail. Il est cependant plus facile d'appliquer cette préconisation dans le cadre d'entreprises d'une certaine taille que dans des TPE. Quoi qu'il en soit, il est évident que le télétravail pose problème pour les alternants et les stagiaires.

Nous sommes par ailleurs favorables à l'évolution des missions des inspecteurs du travail, notamment afin que ces derniers puissent vérifier les conditions de travail au domicile des télétravailleurs. Nous sommes néanmoins conscients qu'il ne serait pas évident de réaliser de tels contrôles. Surtout, nous savons très bien que les effectifs des inspections du travail sont insuffisants pour envisager des évolutions trop importantes de leurs missions, à moins de se cantonner à quelques contrôles très ponctuels.

La négociation avait également été l'occasion d'évoquer le cas des salariés exclus du télétravail, que l'on peut appeler travailleurs de deuxième ligne. Nous avions proposé que ces travailleurs obligés de venir travailler dans les locaux de leur entreprise en période de pandémie puissent bénéficier de compensations, à l'image de celles dont peuvent bénéficier les télétravailleurs. Cependant, une telle demande ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord consacré au télétravail et l'attribution d'une telle compensation dépend du bon vouloir des employeurs.

Les débats ont également permis d'évoquer l'éventualité de légiférer sur la question du télétravail. Pour ma part, je considère que la priorité consiste à étendre, voire à élargir, l'ANI.

Enfin, il est exact que l'activité des organisations syndicales est perturbée par le télétravail. En effet, il n'est pas évident de contacter les salariés dans ces conditions. Surtout, la situation diffère selon l'équipement informatique de chaque entreprise et il n'est pas toujours possible pour les organisations syndicales d'organiser des visioconférences avec les salariés. Il est indéniable que les organisations syndicales vont devoir s'adapter à ce nouveau contexte.

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