Intervention de Marc Canaple

Réunion du mardi 23 mars 2021 à 17h15
Commission des affaires sociales

Marc Canaple, responsable du pôle représentation nationale des entreprises de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Paris-Ile de France :

Je reviens sur la question du choix entre l'accord de branche et l'accord d'entreprise. Pour des raisons pragmatiques, je crois qu'il faut privilégier l'accord d'entreprise dans le cadre du dialogue social en son sein, plutôt que l'accord de branche. L'accord de branche permet certes une forme d'harmonisation dans la branche mais le sujet du télétravail appelle tout de même une analyse fine des conditions de travail dans l'entreprise, des besoins des salariés et de l'activité.

La deuxième raison qui me fait privilégier l'accord d'entreprise est que l'articulation des sources de droit dans le code du travail donne la primauté à l'accord d'entreprise, qu'il soit plus ou moins favorable que l'accord de branche. De toute façon, même si un accord de branche est signé, même s'il est étendu et donc applicable à toutes les entreprises de la branche, un accord d'entreprise pourra toujours prévoir des modalités différentes. Je pense donc qu'il faut directement privilégier la voie de l'accord d'entreprise, plus que la charte d'ailleurs : pour un télétravail réussi, il faut aboutir à un accord qui trouve l'assentiment des syndicats majoritaires dans l'entreprise et de l'employeur.

L'impact du télétravail sur les inégalités entre femmes et hommes, au détriment des femmes, est un phénomène avéré, notamment en ce qui concerne la séparation entre vie professionnelle et vie personnelle et l'alourdissement des tâches domestiques.

Comment encadrer juridiquement le télétravail ? Je crois que de nombreux instruments juridiques existent déjà et je ne vois pas quel nouvel instrument juridique serait utile. Nous sommes dans une situation où l'on sort de l'entreprise pour aller au foyer des salariés. Il faut bien sûr continuer à faire évoluer les mentalités mais je n'identifie personnellement pas d'instrument juridique pertinent pour aller dans ce sens.

J'ai relevé la question sur la nécessité de légiférer pour assurer un droit au télétravail. Les entreprises que nous représentons veulent que tout soit sécurisé et clair. Les ANI et le code du travail indiquent déjà que le télétravail n'est pas seulement une nouvelle modalité d'exécution du contrat mais constitue, sur le plan juridique, une véritable modification du contrat. Il supposera donc toujours l'accord des deux parties, le double consentement du salarié et de l'employeur dans les conditions qui auront été définies.

Des questions ont été posées sur le droit à la déconnexion. Je vous rejoins totalement sur ce sujet qui fait d'ailleurs l'objet de notre sixième recommandation aux entreprises. Cela reste compliqué en pratique, notamment parce qu'une partie des télétravailleurs voient comme intérêt dans le télétravail cette fracture du rythme de travail avec des périodes travaillées différentes de celles pratiquées habituellement dans l'entreprise : travailler tôt le matin puis s'occuper des enfants avant de travailler tard le soir après le dîner, avec des durées de travail qui s'allongent parfois sans même que l'on s'en rende compte. Juridiquement, je ne vois pas quel instrument pourrait être utilisé. Il s'agit plutôt d'un dialogue entre le salarié, son manager et son employeur, d'un dialogue entre l'employeur et les représentants des salariés, du rôle du CSE dans sa dimension de délégation unique du personnel pour vérifier que les droits des salariés sont bien respectés, et dans sa dimension de successeur du CHSCT.

Même si les entreprises ont accueilli favorablement en 2017 la création d'une instance unique, elles regrettaient la disparition du CHSCT et demandaient d'ailleurs le maintien au moins d'une commission santé et sécurité. Le rôle du CHSCT en termes d'accompagnement de l'employeur a toujours été reconnu et il faut espérer que le CSE pourra suivre cette voie.

J'ai noté aussi le renforcement de l'obligation de sécurité de l'employeur dans le cadre du télétravail. Je rappelle que l'obligation de sécurité de l'employeur, même si elle n'est plus depuis 2015 du fait de la jurisprudence une obligation de résultat, reste tout de même une obligation de moyens renforcée.

L'accident qui survient dans le cadre du télétravail reste aujourd'hui un accident du travail. L'employeur n'a pas accès au domicile du salarié – sauf si celui-ci l'y autorise – pour vérifier les conditions de sécurité de l'exécution du travail. Renforcer l'obligation de sécurité de l'employeur me paraît donc extrêmement compliqué.

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