Intervention de Jean-Carles Grelier

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier, rapporteur :

Professeur, je vous remercie des propos sur l'éthique que vous venez de tenir devant notre commission. J'aimerais que nous puissions consacrer plus de temps à ce sujet. Comment ne pas regretter que le projet de loi relatif à la bioéthique ait été examiné l'an passé au cœur de l'été, et qu'il le sera vraisemblablement cette année encore ? Comment ne pas regretter que des questions aussi essentielles que celles relatives à la fin de vie ne trouvent aucune place au sein de notre ordre du jour, sinon dans une niche parlementaire ?

L'éthique, car il ne s'agit pas uniquement de bioéthique, niche au cœur de la vie. Elle est ce qui renvoie les hommes à leur condition humaine, un petit supplément d'âme aux confins du droit et de la morale, un combat du bien contre le bien, pour reprendre la belle définition qu'en donne Jean Leonetti. Même si je conçois que l'exercice n'est pas facile, il serait intéressant que la représentation nationale connaisse la vôtre, qu'elle vous entende sur la part du bien contre le bien et du bien contre le mal que vous attribuez à la bioéthique et à l'éthique en général.

Sous cet angle, il est incontestablement pertinent d'ouvrir le champ de l'éthique à l'intelligence artificielle, au numérique et aux sujets environnementaux. Par ailleurs, votre belle institution ne pourrait que gagner en indépendance, quand bien même cela ne relève pas de votre compétence, en ouvrant le champ des nominations de ses membres au-delà de la seule sphère gouvernementale. J'ai cru comprendre, lorsque vous avez évoqué l'organisation territoriale du CCNE, que tel est votre souhait.

À tous égards, le CCNE a vocation à éclairer la nuit de nos incertitudes et de nos questionnements. Il est impératif que ses avis, longuement mûris, apportent une pierre d'angle parfaitement polie au débat. Dès lors, comment expliquer ses revirements au sujet de l'extension du champ de la procréation médicalement assistée (PMA) ? Comment expliquer que les avis émis par les Français dans le cadre des états généraux de la bioéthique semblent rayés d'un trait de plume dans l'avis n° 129 du CCNE, alors même que les temps sont à la multiplication des consultations citoyennes et au respect de l'avis de nos concitoyens ? Êtes-vous certain d'avoir respecté, dans cette circonstance, la lettre et l'esprit des textes qui fondent votre action ? Êtes-vous certain de vous être placé au-dessus de la mêlée, comme la loi vous y invite ?

Comment ne pas s'interroger également sur le cumul des responsabilités pesant sur vos épaules depuis le mois de mars 2020, qui a donné à plusieurs reprises le sentiment que vous êtes juge et partie, alors même que de nombreuses questions d'éthique ont été soulevées par la crise sanitaire ? Votre double présidence n'a pas contribué à rendre suffisamment audible la voix du CCNE, dans une période où on aurait aimé l'entendre fortement, notamment sur le tri des patients au seuil des services de réanimation, sur la privation de visites des patients en fin de vie, sur l'abandon des rites funéraires, sur l'exclusion des patients hospitalisés à domicile des campagnes de vaccination dans de nombreux départements, ainsi que sur les restrictions imposées aux libertés individuelles et collectives et sur la pénalisation de leur non-respect. Dans les débats pseudo-scientifiques qui agitent les médias depuis des mois, la voix du CCNE aurait été utile. Elle aurait dû se faire entendre plus fortement et plus fermement, ce qui aurait peut-être permis de faire taire les théories fantaisistes qui ont essaimé dans l'opinion.

Vous me permettrez de formuler, dans l'hypothèse du renouvellement de votre mandat, des vœux de succès. Celui-ci ne sera au rendez-vous, me semble-t-il, que si vous parvenez – je crois que c'est votre souhait – à imposer plus qu'aujourd'hui la voix du CCNE dans le débat public. Comme le disait Confucius, la conscience est la lumière de l'intelligence pour distinguer le bien du mal. C'est dans la lumière, au cœur de l'intelligence et de la conscience, que réside la place du CCNE. Alors, bon vent, professeur !

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