Pour répondre à Stéphane Viry, je crois que j'ai dit considérer l'ATI comme une allocation chômage de solidarité. Il ne s'agit pas d'une assurance chômage et je plaide effectivement pour qu'elle ne dépende plus de l'Unédic ou des partenaires sociaux en charge de l'assurance chômage. Je pense que c'est le point faible de l'ATI : avoir demandé au départ aux partenaires sociaux chargés de l'assurance chômage pour les salariés de trouver une solution pour les travailleurs indépendants qui ne cotisent pas. La gêne et l'envie de restreindre au maximum les critères de ces partenaires sociaux sont donc compréhensibles, justement pour garder la primauté d'un financement plutôt alloué aux salariés.
Je pense pourtant que l'ATI a tout son sens, même après la crise. Nous pouvons évidemment nous entendre sur des mesures d'urgence liées à la crise dont la durée sera limitée. Toutefois, au-delà de cette période compliquée, si nous voulons faire vivre une allocation chômage pour les indépendants, il faut que ce dispositif existe en dehors de ces conditions extrêmes.
Une proposition de loi me satisferait évidemment pleinement. Il faut que ce soit l'État qui s'occupe de ce dispositif. Je pense que nous n'avons objectivement pas à craindre un financement compliqué puisque, sur 140 millions d'euros prévus annuellement, nous n'en avons dépensé que 3 millions après quatorze mois. Cela laisse tout de même de la marge et nous pouvons donc assouplir ces critères. Je pense que nous n'aurons pas de problème de débordement après l'assouplissement.
Je ne crains pas les effets d'aubaine. Je pense que nous n'avons pas considéré ce qu'est un entrepreneur. Si quelqu'un cherche vraiment l'aubaine, elle se trouve plutôt dans le RSA, qui est accordé sans limite de durée. Dès lors que nous sommes plutôt dans l'idée du besoin d'un rebond, de redynamiser quelqu'un qui a traversé une période assez compliquée, je crois qu'il faut pour faciliter la vie aux entrepreneurs leur assurer cette allocation de courte durée, mais en accompagnant vraiment le rebond, avec la possibilité d'une formation pour aider à retravailler, éventuellement en cumulant les deux.
Je l'ai précisé : si aujourd'hui nous n'avons pas beaucoup de défaillances, c'est parce que les URSSAF n'assignent plus les entreprises. Lorsque la situation redeviendra normale, nous pouvons craindre de nombreuses cessations d'activité. Nous avons donc tout intérêt à corriger le tir dès aujourd'hui et à permettre le rebond de chefs d'entreprise qui, demain, pourront être en difficulté. Nous espérons pouvoir, à la fin de cette année, passer à autre chose et revivre normalement, mais des entreprises auront tout de même des difficultés à repartir avec très peu de trésorerie.
Isabelle Valentin propose une indemnité sur le modèle de l'activité partielle des salariés, au lieu de l'ATI. Pour répondre dans l'urgence, nous pouvons le faire sous forme d'une telle indemnité, mais l'ATI a pour moi vocation à durer au-delà de cette crise. Que faire lorsqu'une entreprise se trompe de marché, qu'elle ne réussit pas dans ce qu'elle avait pensé être une source de revenus et constate qu'elle est obligée d'arrêter ? Devons-nous attendre qu'elle cesse de payer ses fournisseurs, ce qui est actuellement la condition pour avoir droit à l'allocation ? Je trouve que ce n'est pas respectueux vis-à-vis de ceux qui font tout pour ne pas arriver à cet état de cessation de paiements. Celui qui en arrive à la cessation de paiements a droit à l'allocation, alors que ceux qui prennent aussi des risques parce qu'ils ne veulent pas s'endetter n'auraient droit à rien.
Pour répondre à Bernard Perrut, j'ai essayé dans le rapport d'esquisser les contours d'une évaluation du nombre de bénéficiaires. Nous manquons clairement d'éléments statistiques. Nous avons pris en compte pour l'ATI un certain nombre de critères liés au statut juridique et social du dirigeant, qui ne ressortent pas dans les statistiques de cessation d'activité. Nous avons donc du mal à déterminer ce chiffre. J'ai pris une fourchette beaucoup plus large pour essayer de m'en approcher.
Selon moi, la condition qui permet véritablement d'éviter l'effet d'aubaine est la condition de ressources. Il faut que le chef d'entreprise prouve qu'il a effectivement travaillé pendant deux ans. Je tiens à dire qu'un chef d'entreprise peut travailler et ne pas gagner d'argent ; beaucoup d'entrepreneurs vivent sur leurs économies, veulent réussir et ne se rémunèrent pas pendant un temps. Quand les difficultés arrivent, la situation est simple pour un salarié, puisque l'entreprise lui doit son salaire mais, pour un travailleur indépendant, son salaire est en fait sa dette. Il faut donc en gros pousser la dette au maximum pour avoir droit à une allocation. Ce n'est pas logique et il faut donc prendre en compte le chiffre d'affaires de l'activité pour démontrer que l'activité est réelle, que les personnes ont travaillé, ont facturé, ont payé de la TVA depuis deux ans, de façon régulière. Si cette condition est vérifiée, l'indépendant devrait avoir droit à l'ATI.
Le budget est aujourd'hui de 3 millions d'euros pour 900 bénéficiaires environ, alors que le crédit alloué est de 140 millions d'euros par an depuis bientôt deux ans. Nous serions donc à 280 millions d'euros si nous étions au maximum des prévisions. Nous sommes très loin du compte. Nous pourrions donc très clairement élargir les critères et si, dans deux ans, nous nous apercevons que le financement risque de devenir compliqué, il sera toujours temps de revoir quelques-uns de ces critères.
Je tiens à préciser que nous avons une assiette sociale assez cohérente en ce qui concerne les micro-entrepreneurs. Près de deux millions de micro-entrepreneurs pourraient disposer de l'ATI avec une très faible cotisation. Nous pourrions ainsi imaginer un financement supplémentaire qui serait sans doute accepté par ces entrepreneurs car ils savent que le risque est bien plus fort pour eux que pour des entreprises installées. Je pense en particulier aux travailleurs des plateformes pour lesquels il faut sans doute un mécanisme très différent.