Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 6 avril 2021 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 6 avril 2021

La séance est ouverte à 17 heures 20.

La commission examine le rapport d'information sur l'allocation des travailleurs indépendants dans le contexte de la crise de la covid-19 (M. Dominique Da Silva, rapporteur).

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Dans le cadre des travaux de suivi de la crise sanitaire et sociale dans toutes ses dimensions, notre commission s'est saisie de l'importante question de l'allocation des travailleurs indépendants (ATI) pendant la crise. Elle a procédé à un cycle d'auditions au cours du mois de mars, dont la préparation a été confiée au rapporteur Dominique Da Silva, que je remercie pour son implication et la qualité du travail mené.

M. Da Silva présente aujourd'hui les conclusions de ces travaux et les propositions qu'il formule pour remédier aux difficultés rencontrées dans la mise en place de cette nouvelle allocation, instaurée le 1er novembre 2019. Les différentes auditions ont permis d'entendre, notamment, Pôle emploi, l'Unédic, les représentants des travailleurs indépendants et le ministre chargé des petites et moyennes entreprises. Elles ont mis en évidence un nombre de bénéficiaires effectifs de cette allocation très en deçà des prévisions initiales et des critères d'éligibilité probablement trop restrictifs.

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Qui sont les travailleurs indépendants ? Ce sont 3,3 millions d'entrepreneurs, soit 10 % de la population active, qui n'ont aucune protection sociale au titre du chômage. Il existe deux statuts : un statut de travailleur salarié, bien protégé, et un statut de travailleur non salarié ou assimilé salarié, c'est-à-dire, en fait, des salariés qui ont une protection sociale sans assurance chômage.

Plus de 800 000 entreprises sont créées chaque année et 2020 a été une année record, avec plus de 848 000 créations d'entreprises, soit 4 % de plus qu'en 2019. C'est un paradoxe, mais c'est un fait.

L'ATI fait suite à une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron. Elle est entrée en vigueur le 1er novembre 2019, en application de la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel. À l'époque, un sondage BVA- La Tribune stipulait que 86 % des Français et 91 % des indépendants approuvaient cette allocation chômage pour les indépendants. Elle est déjà en place dans six autres pays européens : le Danemark, l'Espagne, la Finlande, le Luxembourg, le Portugal et la Suède.

L'élaboration du dispositif est fondée sur une mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF), qui a établi un rapport en octobre 2017, portant sur ce qui était alors appelé l'ouverture de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants. La mission rappelait en conclusion la nécessité de définir le risque à assurer avec prudence, quitte à faire évoluer le dispositif dans le temps une fois que davantage de données auraient été collectées. Nous disposons maintenant de ces données et nous pouvons avoir une autre analyse.

Le Gouvernement avait retenu un texte assez conforme à l'esprit de prudence de la mission. L'étude d'impact du dispositif prévoyait pourtant 29 300 bénéficiaires potentiels et un coût de 140 millions d'euros, avec des mesures jugées assez restrictives.

Le dispositif en vigueur consiste en une allocation de 800 euros par mois pendant six mois, sous condition de cinq critères d'éligibilité cumulatifs : figurer dans une liste d'activités qui donnent droit à l'ATI ; avoir cessé son activité suite à une liquidation judiciaire ou à un redressement judiciaire ; avoir exercé son activité pendant au moins deux ans sans interruption et au titre d'une seule et même entreprise ; avoir généré au moins 10 000 euros de revenu d'activité par an au titre de l'activité non salariée ; disposer de ressources personnelles inférieures au montant du revenu de solidarité active (RSA).

Un premier bilan, un an après la mise en place de l'allocation, a montré qu'environ 800 dossiers, sur 2 352 demandes déposées, avaient abouti au versement de l'allocation en novembre 2020. Lors de son audition, Pôle emploi nous avait donné le chiffre de 911 bénéficiaires, correspondant à 3 millions d'euros engagés à la fin de l'année 2020. Seize mois après l'entrée en vigueur du dispositif, le bilan est donc très maigre, comparé aux près de 30 000 bénéficiaires attendus, pour un coût prévu de 140 millions d'euros.

D'où provient ce décalage ? Ce n'est pas un problème de mise en œuvre puisque Pôle emploi semble avoir fait le nécessaire. Il existe un site dédié et une recherche sur Google avec les mots-clés « allocation indépendants » ou « chômage indépendants » renvoie ce site en première page. La communication sur Internet est donc bien présente. Pôle emploi s'engage à détecter les publics dès leur inscription. Il existe également des questionnaires et je pense que nous ne pouvons pas incriminer un problème de mise en œuvre.

La difficulté provient des conditions d'accès, bien trop restrictives. Nous constatons d'abord une cause de rejet positive : celle qui donne droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE). En effet, un certain nombre d'entrepreneurs ont été salariés au cours des trois dernières années et peuvent donc se saisir des droits liés à leur ancien contrat de travail. Cela montre aussi que beaucoup d'entreprises ne passent pas le cap des trois ans puisque cette situation concerne 23 % des dossiers, donc un nombre assez significatif.

Les motifs de rejet de l'allocation des travailleurs indépendants sont les suivants : le seuil de revenu d'activité minimal de 10 000 euros en moyenne par an, qui explique 74 % des refus ; la cessation d'activité par procédure judiciaire, liquidation judiciaire ou redressement judiciaire, pour 10 % des cas ; les ressources personnelles supérieures au RSA, dans 9 % des cas. Les autres critères ne motivent le rejet que pour 7 % des dossiers et ne sont pas essentiels.

Comme je l'ai dit, 2020 est une année paradoxale puisque nous recensons un net recul, de 37,5 %, des procédures collectives par rapport à 2019, selon les chiffres du bilan national des greffes de tribunaux de commerce, avec 27 645 procédures, contre 44 000 environ l'année précédente. Les raisons en sont les aides de l'État – les mesures d'urgence et de soutien – mais aussi, comme cela m'a été rapporté par un président de tribunal de commerce, le fait que les créanciers, notamment les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), n'assignent pas. Il est logique, en cette période, de ne pas aggraver la situation des gens et cela explique ce décalage.

Toutefois, en appliquant ce même taux de 37,5 % au bilan de l'ATI, nous constatons que nous ne sommes en fait qu'à 4 % des prévisions. La crise n'explique donc pas ce bilan. Les personnes auditionnées sont unanimes pour souligner que les critères d'éligibilité sont trop restrictifs.

Pour l'Unédic et les partenaires sociaux, la question de l'élargissement pose la question du financement. Leur point de vue est donc un peu différent. Cette ligne de fracture est nette, entre les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance chômage autour de la table de l'Unédic et tous les autres acteurs qui accompagnent les chefs d'entreprise au quotidien, sans être concernés par le financement. Les positions des uns et des autres sont clairement différentes, tout simplement parce que certains sont chargés du financement et les autres non.

La liste des activités devrait être étendue. Il faudrait ouvrir le dispositif aux associés ; en effet, un certain nombre de dirigeants d'entreprise sont actuellement exclus du dispositif et, notamment, les associés, les gérants majoritaires, c'est-à-dire les principaux dirigeants des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) et des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL). Ils n'ont pas droit à l'ATI même s'ils remplissent les conditions. Les micro-entrepreneurs ne sont pas exclus a priori du dispositif mais n'y ont pas accès en pratique puisqu'ils ne passent pas par une liquidation judiciaire.

En ce qui concerne les travailleurs des plateformes, la possibilité de considérer comme une cessation involontaire d'activité la déconnexion d'une plateforme est évoquée, avec le risque de tomber dans une forme d'intermittence en cas de déconnexions assez régulières. L'Union des entreprises de proximité (U2P) considère cela comme la création d'un troisième statut, dans sa contribution écrite.

S'agissant de la cessation d'activité définitive et dite « involontaire », le conseil des greffiers des tribunaux de commerce propose d'englober dans ce critère la liquidation amiable, idée que partagent les experts-comptables et l'Union des indépendants. Je soutiens également cette proposition. L'U2P ne la partage pas mais est à la table de l'assurance chômage qui finance le dispositif et peut craindre que cet élargissement mette à mal le financement.

La durée minimale d'activité, fixée à deux ans, ne fait pas débat. Il faut effectivement que l'activité ait une réalité dans le temps. Par contre, la question des revenus d'activité constitue un vrai sujet. Les greffiers des tribunaux de commerce considèrent qu'un abaissement du seuil serait bienvenu, tandis que le Syndicat des indépendants (SDI) propose de l'abaisser à 5 000 euros.

La condition de ressources personnelles est peu remise en cause. Les experts-comptables et le SDI proposent la suppression de cette condition, éventuellement au-delà de cinq ans, mais cette question n'a pas été énormément discutée.

Beaucoup d'acteurs partagent le constat de la nécessité d'un renforcement de l'information, avec des nuances. Le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, au cœur du système, suggère la centralisation de l'information sur une plateforme. L'Association de la garantie sociale des chefs d'entreprise (GSC) souhaite que soit instaurée une obligation légale d'informer à différentes étapes de la vie de l'entreprise.

La question du financement est un point d'achoppement pour l'Unédic et les partenaires sociaux qui redoutent l'élargissement du champ de l'allocation. Pour l'U2P, l'ATI devrait relever du régime de solidarité, un point que je partage évidemment. Compte tenu des modalités du dispositif, c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui.

Beaucoup sont favorables à des aides supplémentaires en période de crise, notamment les experts-comptables. Si une cessation d'activité est liée à la crise sanitaire, ils souhaitent que l'allocation soit prolongée durant douze mois. La GSC propose aussi un dispositif d'urgence jusqu'en juin 2022. Les autres recommandations reprennent le prolongement du versement à douze mois et l'augmentation de l'ATI au seuil de pauvreté de 1 069 euros.

L'ATI doit, je pense, être assumée comme une allocation chômage de solidarité, et non comme une assurance chômage, puisqu'il n'existe pas de cotisation. Il semble donc assez logique que ce soit une allocation forfaitaire.

Il faut s'entendre sur le rôle de l'ATI qui, à mon avis, sert à aider au rebond d'un travailleur modeste ayant perdu son outil de travail et son activité. Elle doit s'adresser à tous les travailleurs qui sont dans cette situation, quel que soit leur statut, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il faut définir plus précisément à qui s'adresse l'ATI et combien de bénéficiaires seraient visés. Il m'apparaît que nous sommes loin d'atteindre le niveau des 29 300 bénéficiaires envisagés au départ, même en élargissant le dispositif.

Il faut réévaluer les cinq conditions, et d'abord la liste des activités. Certains travailleurs indépendants ont été exclus sans raison valable. Entre une entreprise individuelle et un gérant majoritaire, je ne vois pas quelle est la différence, dès lors qu'une cessation d'activité se produit via une liquidation judiciaire. Pourtant, l'un a droit à l'ATI et pas l'autre ; cela me semble assez cocasse.

Alors que les micro-entrepreneurs ne sont pas exclus sur le papier, nous savons bien qu'ils ne passent pas par la liquidation judiciaire pour arrêter leur activité. Ils ont donc en théorie droit à l'ATI mais n'y ont pas droit dans les faits.

Il faut aussi lever le doute concernant les pluriactifs : une très large majorité des micro-entrepreneurs – 71 % – sont des monoactifs et n'ont que leur activité d'indépendant, mais 29 % sont également salariés. Pour ces personnes, l'INSEE indique que la part salariée prend très largement le dessus. Si un pluriactif venait à se trouver sans emploi, il bénéficierait de toute façon de l'ARE, et non de l'ATI. Cette crainte de voir des gens demander l'ATI alors qu'ils tirent l'essentiel de leurs revenus de leur salaire n'a donc pas lieu d'être.

Le dispositif exige une cessation d'activité par liquidation judiciaire ou redressement judiciaire, ce qui est trop laborieux, trop lent ; d'une certaine façon, c'est aussi encourager la cessation d'activité pour avoir droit à l'allocation chômage. C'est un effet quelque peu pervers. Celui qui arrête son activité en limitant ses revenus pour ne pas créer de dettes est exclu de l'allocation des travailleurs indépendants, alors que celui qui se rémunère et fait faillite peut y prétendre. Je pense que c'est un non-sens, qu'il faut lever.

Pour moi, la notion de cessation involontaire d'activité est un point à redéfinir. Si un modèle économique n'est plus efficient et que la personne n'a pas les moyens de rebondir, il est de toute façon préférable d'arrêter, et d'arrêter sans créer de dettes. Je pense aussi qu'il est normal d'aider la personne à rebondir et de lui accorder l'allocation des travailleurs indépendants. Cette exigence d'un revenu d'activité d'au moins 10 000 euros est donc presque un non-sens, puisqu'elle oblige à creuser la dette. Au final, comme une liquidation judiciaire est exigée, des revenus qui viennent payer le travailleur sont des dettes qu'il faut assumer. Tout ceci est assez contradictoire.

La condition portant sur les ressources personnelles est essentielle pour éviter les effets d'aubaine. Nous voulons aider des travailleurs qui se retrouvent dans une situation difficile et c'est cet élément qui, de mon point de vue, est le critère important à apprécier au plus juste. Pour autant, je pense qu'il est bon d'éviter un effet de seuil au-dessus du RSA.

En reprenant le bilan national des entreprises (BNE) publié tous les ans par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, nous avons le détail – même s'il manque de précision – par statut juridique et nous pouvons en déduire approximativement le public-cible des travailleurs qui pourraient être concernés par l'ATI.

Dans le champ des redressements et des liquidations judiciaires, nous arrivons d'après mes calculs à 25 102 bénéficiaire potentiels. Il faut ensuite appliquer les critères, dont le droit à l'ARE ; celui-ci concerne 23 % des entrepreneurs qui sont d'anciens salariés et peuvent bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi. Bon nombre d'entreprises n'atteignent même pas les deux ans d'activité ; j'évalue à partir des éléments du BNE leur nombre à 17 %. En partant de l'hypothèse haute selon laquelle un entrepreneur sur deux a moins de 10 000 euros de revenus la dernière année avant la liquidation de son entreprise, j'en arrive à des résultats qui me semblent assez cohérents et sont très en-deçà des prévisions de l'étude d'impact. J'arrive en effet à 8 000 cessations d'activité dans le champ des procédures judiciaires et à 26 800 dans le champ plus étendu des dissolutions judiciaires, ou liquidations, ce qui reste inférieur à la cible initiale de 29 300. Il faut y ajouter des critères que je ne peux pas évaluer précisément sur la réalité économique de l'entreprise.

L'élargissement de l'ATI au-delà des procédures judiciaires, en évitant de passer par la condition d'un revenu minimal, mais plutôt par une preuve de l'existence d'activité, ne fait donc pas craindre une explosion du nombre de bénéficiaires. En tout cas, entre le RSA sans limite de durée et une ATI limitée à six mois pour 250 euros de plus, je pense que l'effet d'aubaine éventuel n'est pas avec l'ATI mais plutôt du côté du RSA.

Je pense donc que nous pouvons élargir l'ATI et je formule plusieurs propositions. En premier lieu, je propose de l'élargir à tous les statuts de travailleur indépendant non-salarié et assimilé salarié, excepté de rares cas à préciser. Le site de Pôle emploi est peu lisible et je suggère plutôt d'accepter a priori tous les indépendants en précisant quels sont les cas non acceptés. En deuxième lieu, je propose d'élargir la condition de cessation d'activité involontaire et définitive à la liquidation amiable, dès lors qu'elle vise vraiment à anticiper un état de cessation de paiement. En troisième lieu, je propose que nous nous basions sur le chiffre d'affaires des deux dernières années, en considérant que, entre 10 000 et 50 000 euros de chiffre d'affaires, l'entreprise est en grande difficulté pour dégager un revenu correct. La personne qui arrête son activité avec un tel chiffre d'affaires peut donc être considérée comme quelqu'un qui anticipe une cessation de paiements. Je suggère de remplacer la condition de revenu d'activité par une condition de chiffre d'affaires, avec plusieurs possibilités : la déclaration de résultats que toutes les entreprises n'ont pas ou la déclaration de chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs ou les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La plupart des entreprises doivent faire une déclaration de TVA à partir de laquelle il est possible de retrouver le chiffre d'affaires réalisé.

En quatrième lieu, je propose de relever le niveau de ressources au seuil de pauvreté, en prenant en compte l'ensemble des revenus en présence. Aujourd'hui, le seuil est fixé au RSA, en prenant en compte uniquement les revenus autres que les revenus d'activité. Je propose de remonter la limite à 1 000 euros mais en comptant tous les revenus sur les douze derniers mois avant la cessation définitive d'activité.

Ma cinquième proposition est destinée à prévenir un risque moral, pour ne pas encourager les cessations tous les deux ans. Je propose un délai de carence de cinq ans, comme c'est le cas pour accorder le droit au chômage à un salarié démissionnaire.

S'agissant de la diffusion de l'information sur le dispositif, je propose que les entrepreneurs soient informés du dispositif dès la déclaration de cessation d'activité. Il faut également informer tous ceux qui accompagnent le chef d'entreprise – experts-comptables, conseils… – de l'existence de l'ATI en cas de risque de cessation d'activité.

Je suggère également que l'ATI soit prolongée en cas de formation agréée par Pôle emploi, notamment en cas de préparation opérationnelle à l'emploi. Cela permettrait de former un entrepreneur qui a perdu son activité pour qu'il puisse rebondir dans un travail de salarié.

Je propose aussi d'autoriser le cumul avec l'allocation pendant la durée de six mois de l'allocation, et non pendant trois mois comme actuellement.

Il faut repenser le financement. C'est la principale question pour les partenaires sociaux et l'Unédic. Je crois que l'État devrait entièrement prendre en charge l'ATI et la sortir de l'assurance chômage. Cela pourrait se faire à travers la compensation de la contribution sociale généralisée (CSG), puisque l'État a reversé une partie de la CSG à l'Unédic justement pour prendre en charge cette allocation chômage, du fait qu'il n'existe pas de cotisation. L'Unédic juge que la compensation n'a de toute façon pas été totale en intégrant l'ATI mais, à travers cette fraction de CSG, nous pourrions sans doute permettre aux deux parties de s'entendre.

L'ATI est pour les travailleurs indépendants ce que l'allocation de solidarité spécifique (ASS) est pour les salariés en fin de droits. Nous pourrions donc étendre à cinq ans la durée durant laquelle un travailleur indépendant peut réactiver des droits. Avec trois ans, nous avons vu que 23 % des gens peuvent réactiver leurs droits et je pense que, en allongeant le délai à cinq ans, plus de personnes pourraient récupérer des droits. Il s'agirait en fait de s'accorder sur la franchise de deux ans.

Enfin, ma dernière proposition est de simplifier et de sécuriser les liquidations amiables, dès lors qu'elles visent à anticiper un état de cessation de paiements. Lorsqu'une entreprise a très peu de chiffre d'affaires et que le salarié ne peut plus en tirer un revenu, je pense qu'il faut faire en sorte que la liquidation amiable puisse se faire à moindre coût, avec simplement une déclaration sur l'honneur de reprise de dettes à titre personnel, s'il existait des dettes cachées. C'est la seule façon de rendre le système simple et rapide.

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Je salue le travail effectué par notre collègue Dominique Da Silva et surtout l'intérêt de mettre ce sujet au cœur des débats de notre commission. Nous ne pouvons concevoir un centre-ville sans vitalité et ce sont notamment les commerçants, les travailleurs indépendants qui font la vitalité d'un centre-ville. C'est dire que ce sujet est majeur.

La question du rebond de ces commerçants ou de ces travailleurs lorsqu'ils rencontrent des difficultés s'impose et je suis de ceux qui considèrent qu'il faut davantage raisonner en fonds exceptionnel qu'en système d'assurance chômage. À mon avis, celui-ci n'est pas le bon mécanisme intellectuel.

Il faut le dire : l'ATI ne marche pas car les critères sont trop restrictifs et ne correspondent pas aux situations que vivent les commerçants ou les travailleurs. Les critères ne correspondent pas aux besoins et le champ d'application est trop restreint. L'ATI est donc mal ciblée.

Comment réinventer l'ATI, plutôt que de chercher à la modifier un peu ? Je pense qu'un faux message a été adressé aux travailleurs indépendants ; le message politique ne s'est pas traduit dans les faits par un dispositif à la hauteur des enjeux et des besoins. Le dire n'est pas critiquer, c'est simplement reconnaître qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier.

Je considère que la crise sanitaire que subissent les travailleurs indépendants aura des conséquences majeures. Ils rencontrent des difficultés qui ne résultent pas de leurs choix de gestion, mais de décisions administratives extérieures. Je ne conçois pas un instant que l'État ne soit pas au rendez-vous pour répondre.

Cher collègue, vous faites treize propositions que je peux comprendre sur le fond ; toutefois, je crois qu'il vaut mieux remettre complètement à plat le dispositif plutôt que de chercher à « bricoler » des aménagements. Ne pensez-vous pas qu'il faut mettre davantage d'argent public sur la table ? C'est une question de solidarité nationale. Ne faudrait-il donc pas passer par la voix législative, plutôt par les partenaires sociaux ? Nous ne sommes pas dans un concept d'assurance chômage mais dans une autre réponse, sociétale.

Je sais que le Gouvernement travaille à un plan de relance pour les indépendants. Je considère que ce plan de relance doit être à court terme, et non à moyen terme. Ne faudrait-il pas travailler davantage par des propositions de loi que le Gouvernement ou vous-même, cher collègue, pourriez entreprendre à partir de vos travaux ?

Voici mes remarques suite à la présentation de votre travail que je salue mais dont je considère qu'il mérite une réponse plus musclée.

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La crise du covid-19 a mis en exergue le statut très fragile de nos travailleurs indépendants, qu'il s'agisse des commerçants, des professions libérales ou des artisans. Ils sont nettement moins protégés que les autres acteurs économiques et ne bénéficient pas tous des mêmes aides gouvernementales.

Le dispositif d'activité partielle de longue durée mis en place pendant la crise ne leur est pas ouvert. L'assurance chômage à laquelle ils peuvent prétendre est soumise à des conditions très restrictives et est plafonnée à 800 euros durant six mois.

Avec le confinement et la troisième fermeture administrative, j'ai constaté dans ma circonscription que beaucoup d'entre eux étaient désespérés. Les associés et les gérants sont totalement exclus de ces aides et se retrouvent depuis plus d'un an sans revenu pour certains. C'est très injuste car ils n'ont pas commis de faute de gestion ni de faute d'appréciation dans la gestion de leur commerce. Ils sont simplement victimes de décisions administratives justifiées par une crise sanitaire. Les demandes d'inscription au RSA d'artisans et de commerçants se multiplient.

L'ATI élargi à tous les statuts juridiques de travailleur indépendant n'est peut-être pas la meilleure solution pour leur permettre de traverser cette mauvaise passe. Elle me semble un peu compliquée, assez longue à mettre en place et je rejoins l'avis de mon collègue Stéphane Viry. Je pense qu'il faudrait faire bénéficier nos dirigeants d'entreprise d'une indemnité pour couvrir leur perte de rémunération. Cette indemnité serait une aide complémentaire du fonds de solidarité qui sert, de son côté, à payer les frais généraux et l'entité.

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Les travailleurs indépendants sont nombreux en France : 3,2 millions de personnes ont une activité non salariée. Cela recouvre une multitude de situations sur le territoire et une grande disparité de revenus. Nous voyons avec la crise sanitaire combien ces indépendants sont vulnérables.

Vous avez eu le mérite, monsieur le rapporteur, de faire un bilan de l'allocation des travailleurs indépendants et vous nous avez associés à des auditions. Nous avons vu combien le nombre de bénéficiaires était décevant, en raison de la méconnaissance de cette allocation et, surtout, de conditions trop restrictives ainsi que d'une certaine inadaptation de ce dispositif. Votre rapport d'information documente très bien les défauts d'un dispositif qui mélange les mécanismes de l'assurance chômage avec les règles des minima sociaux.

Vous proposez de modifier le dispositif afin de l'élargir et nous ne pouvons qu'approuver. Au terme de l'élargissement que vous proposez, à combien de personnes estimez-vous que l'ATI pourrait bénéficier et pour quel budget ? Craignez-vous un effet d'aubaine, crainte qui fut d'ailleurs la raison de ces restrictions ?

Comment revoir les critères générateurs ? Vous évoquez les liquidations à l'amiable. Connaissez-vous le nombre d'entreprises concernées ? Lors de vos auditions, des solutions de remplacement crédibles ont-elles été présentées ?

Enfin, vous proposez de faire financer le dispositif de l'ATI par l'État, à la manière de l'allocation spécifique de solidarité. Ce sujet a-t-il été évoqué avec des représentants du Gouvernement ? Peuvent-ils vous suivre dans cette démarche ? En un mot, une proposition de loi a-t-elle des chances d'aboutir ? Arriverons-nous à un résultat, dans l'intérêt de tous ces commerçants, artisans et indépendants ?

Le ministre Alain Griset avait dit en décembre dernier que la situation évoluerait. Rien n'a été fait. Peut-être, monsieur le rapporteur, la solution est-elle entre vos mains.

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Je félicite notre collègue Dominique Da Silva pour la qualité de son rapport et des auditions qu'il a organisées, sur une thématique qui concerne 3,2 millions de nos concitoyens, soit un travailleur sur dix. Ces travailleurs non-salariés ne peuvent pas prétendre aux allocations chômage en cas d'échec de leur activité professionnelle. S'ils travaillent bien souvent dans des secteurs fortement impactés par les conséquences de la crise actuelle, ils ne bénéficient pourtant pas toujours des mêmes aides gouvernementales que les autres acteurs économiques.

Seize mois après son entrée en vigueur, vous dressez un bilan inquiétant de l'efficacité de ce dispositif d'ATI. Seuls 900 bénéficiaires de l'ATI sont aujourd'hui recensés, alors que les prévisions faisaient état de près de 30 000 bénéficiaires annuels.

Vous indiquez que le premier motif de rejet de l'ATI est le seuil de revenu d'activité d'au moins 10 000 euros par an, en moyenne sur les deux dernières années. Vous proposez de remplacer ce critère par une justification de déclaration de résultat, de chiffre d'affaires ou de TVA selon le régime fiscal de l'entreprise.

Si nous parvenons à l'objectif d'assouplir les conditions d'accès à l'ATI, pourriez-vous nous indiquer comment éviter le risque d'effet d'aubaine que pourrait engendrer une telle modification ? Avez-vous fait une étude d'impact sur les mesures que vous proposez ? Surtout, avez-vous une idée de la rapidité et de l'effectivité de ces mesures ?

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Pour répondre à Stéphane Viry, je crois que j'ai dit considérer l'ATI comme une allocation chômage de solidarité. Il ne s'agit pas d'une assurance chômage et je plaide effectivement pour qu'elle ne dépende plus de l'Unédic ou des partenaires sociaux en charge de l'assurance chômage. Je pense que c'est le point faible de l'ATI : avoir demandé au départ aux partenaires sociaux chargés de l'assurance chômage pour les salariés de trouver une solution pour les travailleurs indépendants qui ne cotisent pas. La gêne et l'envie de restreindre au maximum les critères de ces partenaires sociaux sont donc compréhensibles, justement pour garder la primauté d'un financement plutôt alloué aux salariés.

Je pense pourtant que l'ATI a tout son sens, même après la crise. Nous pouvons évidemment nous entendre sur des mesures d'urgence liées à la crise dont la durée sera limitée. Toutefois, au-delà de cette période compliquée, si nous voulons faire vivre une allocation chômage pour les indépendants, il faut que ce dispositif existe en dehors de ces conditions extrêmes.

Une proposition de loi me satisferait évidemment pleinement. Il faut que ce soit l'État qui s'occupe de ce dispositif. Je pense que nous n'avons objectivement pas à craindre un financement compliqué puisque, sur 140 millions d'euros prévus annuellement, nous n'en avons dépensé que 3 millions après quatorze mois. Cela laisse tout de même de la marge et nous pouvons donc assouplir ces critères. Je pense que nous n'aurons pas de problème de débordement après l'assouplissement.

Je ne crains pas les effets d'aubaine. Je pense que nous n'avons pas considéré ce qu'est un entrepreneur. Si quelqu'un cherche vraiment l'aubaine, elle se trouve plutôt dans le RSA, qui est accordé sans limite de durée. Dès lors que nous sommes plutôt dans l'idée du besoin d'un rebond, de redynamiser quelqu'un qui a traversé une période assez compliquée, je crois qu'il faut pour faciliter la vie aux entrepreneurs leur assurer cette allocation de courte durée, mais en accompagnant vraiment le rebond, avec la possibilité d'une formation pour aider à retravailler, éventuellement en cumulant les deux.

Je l'ai précisé : si aujourd'hui nous n'avons pas beaucoup de défaillances, c'est parce que les URSSAF n'assignent plus les entreprises. Lorsque la situation redeviendra normale, nous pouvons craindre de nombreuses cessations d'activité. Nous avons donc tout intérêt à corriger le tir dès aujourd'hui et à permettre le rebond de chefs d'entreprise qui, demain, pourront être en difficulté. Nous espérons pouvoir, à la fin de cette année, passer à autre chose et revivre normalement, mais des entreprises auront tout de même des difficultés à repartir avec très peu de trésorerie.

Isabelle Valentin propose une indemnité sur le modèle de l'activité partielle des salariés, au lieu de l'ATI. Pour répondre dans l'urgence, nous pouvons le faire sous forme d'une telle indemnité, mais l'ATI a pour moi vocation à durer au-delà de cette crise. Que faire lorsqu'une entreprise se trompe de marché, qu'elle ne réussit pas dans ce qu'elle avait pensé être une source de revenus et constate qu'elle est obligée d'arrêter ? Devons-nous attendre qu'elle cesse de payer ses fournisseurs, ce qui est actuellement la condition pour avoir droit à l'allocation ? Je trouve que ce n'est pas respectueux vis-à-vis de ceux qui font tout pour ne pas arriver à cet état de cessation de paiements. Celui qui en arrive à la cessation de paiements a droit à l'allocation, alors que ceux qui prennent aussi des risques parce qu'ils ne veulent pas s'endetter n'auraient droit à rien.

Pour répondre à Bernard Perrut, j'ai essayé dans le rapport d'esquisser les contours d'une évaluation du nombre de bénéficiaires. Nous manquons clairement d'éléments statistiques. Nous avons pris en compte pour l'ATI un certain nombre de critères liés au statut juridique et social du dirigeant, qui ne ressortent pas dans les statistiques de cessation d'activité. Nous avons donc du mal à déterminer ce chiffre. J'ai pris une fourchette beaucoup plus large pour essayer de m'en approcher.

Selon moi, la condition qui permet véritablement d'éviter l'effet d'aubaine est la condition de ressources. Il faut que le chef d'entreprise prouve qu'il a effectivement travaillé pendant deux ans. Je tiens à dire qu'un chef d'entreprise peut travailler et ne pas gagner d'argent ; beaucoup d'entrepreneurs vivent sur leurs économies, veulent réussir et ne se rémunèrent pas pendant un temps. Quand les difficultés arrivent, la situation est simple pour un salarié, puisque l'entreprise lui doit son salaire mais, pour un travailleur indépendant, son salaire est en fait sa dette. Il faut donc en gros pousser la dette au maximum pour avoir droit à une allocation. Ce n'est pas logique et il faut donc prendre en compte le chiffre d'affaires de l'activité pour démontrer que l'activité est réelle, que les personnes ont travaillé, ont facturé, ont payé de la TVA depuis deux ans, de façon régulière. Si cette condition est vérifiée, l'indépendant devrait avoir droit à l'ATI.

Le budget est aujourd'hui de 3 millions d'euros pour 900 bénéficiaires environ, alors que le crédit alloué est de 140 millions d'euros par an depuis bientôt deux ans. Nous serions donc à 280 millions d'euros si nous étions au maximum des prévisions. Nous sommes très loin du compte. Nous pourrions donc très clairement élargir les critères et si, dans deux ans, nous nous apercevons que le financement risque de devenir compliqué, il sera toujours temps de revoir quelques-uns de ces critères.

Je tiens à préciser que nous avons une assiette sociale assez cohérente en ce qui concerne les micro-entrepreneurs. Près de deux millions de micro-entrepreneurs pourraient disposer de l'ATI avec une très faible cotisation. Nous pourrions ainsi imaginer un financement supplémentaire qui serait sans doute accepté par ces entrepreneurs car ils savent que le risque est bien plus fort pour eux que pour des entreprises installées. Je pense en particulier aux travailleurs des plateformes pour lesquels il faut sans doute un mécanisme très différent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour le travail que vous avez mené sur ce sujet de l'ATI. Il nous a permis de revenir sur la situation difficile que traversent bon nombre de travailleurs indépendants et d'étudier la façon dont nous pourrions les accompagner.

En l'absence d'objection, ce rapport d'information sera publié conformément à l'article 145 alinéa 7 du règlement.

La séance s'achève à 18 heures 15.