Je remercie François Ruffin pour ce « droit de suite » puisqu'il y a quelques semaines, la majorité avait balayé d'un revers de main notre proposition de loi relative à la création d'une aide individuelle à l'émancipation solidaire, instaurant un minimum jeunesse.
En France, on peut aller en prison à 16 ans, on peut se présenter aux élections et voter à 18 ans, mais on devient socialement majeur seulement à 25 ans. C'est un truisme largement partagé, que la majorité fait sien, que la jeunesse doit être un rite initiatique : on doit en baver un peu pour faire des études, pour trouver un premier emploi et un logement. Mais, la réalité est toute autre : la jeunesse s'abîme et son taux de pauvreté est trois fois supérieur à celui des Français de 60 ans. C'est, en outre, une singularité française puisque vingt-trois des vingt-sept pays de l'Union européenne ouvrent des droits sociaux à 18 ans. Nous avons tendance à nous considérer comme plus intelligents que les autres mais, à en croire la chanson de Renaud, un certain roi sur son trône est français, c'est sûr...
Depuis la présentation de notre proposition de loi en séance, nous avons entamé un tour de France, et nous constatons que la misère de la jeunesse vient grossir les files des banques alimentaires. Le plan et la plateforme 1 jeune, 1 solution sont intéressants, mais beaucoup de jeunes restent sans solution ; votre ambition est de porter le nombre de garanties jeunes à 200 000 en 2021, mais plus d'un million de personnes ne sont ni en emploi ni en formation et dans des difficultés criantes.
Vous vous offusquez qu'on puisse le dire, mais le minimum jeunesse existe déjà : il y en a un pour les riches et un pour les pauvres. Ceux d'entre nous qui aident leurs enfants le font sans se poser la question de la désincitation ! Lorsque Bruno Le Maire propose une franchise d'impôt pour transmettre, vous ne vous posez pas non plus de question : cet héritage, entre les mains de quelques-uns, va-t-il désinciter les enfants privilégiés à poursuivre des études ou à trouver un emploi ?
Bien sûr, l'accompagnement est indispensable, et c'était notre proposition, car l'un ne s'oppose pas à l'autre. Bien sûr, la dignité par le travail est préférable, à chaque fois que c'est possible. Si vous faisiez suffisamment confiance à votre plan pour employer ou former les jeunes, vous ne vous inquiéteriez pas du nombre d'allocataires du RSA...
Nous soutiendrons la proposition de loi, car nous sommes convaincus que tout citoyen accompli est parfaitement conscient de ses devoirs sans qu'il soit besoin de les lui faire comprendre à coups de pied dans les fesses. Esther Duflo et d'autres ont montré qu'il n'y a jamais d'effet désincitatif, tout comme les expériences finlandaise ou californienne. Mais vous êtes ce que vous reprochez aux autres, des idéologues. Je vous renvoie à Jaurès : « une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin ».