Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • RSA
  • chômeur
  • jeunesse
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 14 avril 2021

La séance est ouverte à 9 heures 30.

La commission examine la proposition de loi visant à étendre le revenu de solidarité active pour les jeunes de 18 à 25 ans (n° 4014) (M. François Ruffin, rapporteur).

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Je voudrais commencer par un mot de remerciement pour mon équipe parlementaire, pour les bénévoles qui m'entourent et pour l'administrateur de l'Assemblée. Le rapport est dense, complet, et nous avons mené des dizaines d'auditions de jeunes, d'économistes, de sociologues, de syndicats, d'associations et de membres du Gouvernement. Merci à tous pour ce travail invisible. Il faut le savoir, quand nous prenons la parole, quand nous sommes dans la lumière, des gens, dans l'ombre, ont effectué en amont un gros boulot !

Les images ont frappé : des files de jeunes gens, des queues infinies, des centaines de mètres pour aller quérir un colis alimentaire, le soir, dans la rue ou dans un gymnase, à l'occasion d'une distribution caritative. Ces images nous ont tous stupéfaits ; elles ont choqué la presse étrangère, qui a titré « Faim en France ». Qui ne retrouve pas, comme en écho visuel, le souvenir de ces clichés en noir et blanc des soupes populaires aux États-Unis aperçus dans les manuels d'histoire, au chapitre de la grande dépression ? Or il ne s'agit pas des années trente, ni des États-Unis ; il s'agit de la France d'aujourd'hui, et c'est l'avenir de notre nation, sa jeunesse, qui est réduit à la mendicité.

La crise du covid a agi comme un révélateur de la double peine qu'endure la jeunesse, la première étant le confinement. Depuis un an, on la prive de sa vie sociale en fermant les bars, les restaurants ; on la renvoie en distanciel pour ses cours. Pourquoi ? Essentiellement pour protéger les plus anciens. C'est un choix que les jeunes ont accepté. Ils se sont résignés à sacrifier une année de leur jeunesse par solidarité avec le reste du pays. Mais le prix est élevé. D'après l'université de Picardie, 20 % des jeunes ont scénarisé leur suicide. Santé publique France le confirme : un tiers des jeunes se trouve en dépression, la moitié est inquiète pour sa santé mentale, mais aussi sa vie affective.

La double peine, c'est que les jeunes endurent aussi la crise économique, et en payent le prix social : 74 % ont rencontré des difficultés financières ; 40 % ont connu une baisse de leurs revenus ; 50 % auraient peiné à se nourrir. Les statistiques sont incertaines, car la crise est en cours et il est encore difficile d'en tirer un bilan. Ce qui est certain, en revanche, derrière ces chiffres et ces images, ce sont des vies sinon brisées, du moins mal engagées.

Gabrielle, 20 ans, est sortie de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sans rien et s'est débrouillée en travaillant, essentiellement au noir, dans les restaurants comme serveuse, malgré une hémiplégie et un bras paralysé. Avec la crise du covid, elle se retrouve sans revenu, vivant sur ses petites économies, avec l'angoisse de perdre son logement, son seul îlot de sécurité dans une vie bien mouvementée.

Maxime, lui, étudie à l'université d'Amiens, en master de psychologie. Ses stages ne lui laissent pas le temps de prendre un petit boulot pendant l'année ; il compte donc sur son job d'été pour compléter sa bourse de 100 euros, alors qu'il n'est pas aidé par ses parents. Il se prive constamment de nourriture, ne sait pas ce que sont les sorties, n'achète pas de manuels car il n'en a pas les moyens. Pour payer son gîte et son maigre couvert, il compte sur son job d'été comme animateur accompagnant des enfants en situation de handicap. Mais, l'été dernier, tout s'arrête et il n'a plus ce petit revenu complémentaire. Malentendant, il ne peut plus entretenir ses appareils auditifs, non pris en charge par la sécurité sociale du fait de son niveau de surdité, alors qu'il en a d'autant plus besoin que tout le monde porte un masque et qu'il ne peut lire sur les lèvres.

Mehdi est logé et nourri par ses parents. Les petites missions avec La Poste, qui lui avaient permis de mettre le pied à l'étrier, se sont arrêtées l'an dernier. Il passe ses journées avec ses copains en bas des immeubles. Le foot, la boxe, c'est fini pour lui – il n'a pas de quoi payer la licence. Il ne prendra pas de vacances ; il n'en a jamais pris. L'ennui s'installe, le découragement aussi.

Cassandre, qui était étudiante boursière issue d'une famille nombreuse, est diplômée en journalisme culturel. Lors de son dernier stage, on lui avait proposé une embauche, qui est tombée à l'eau pour cause de covid. Elle s'est inscrite sur StaffMe, qui propose des missions d'intérim sous forme d'auto-entreprenariat. Elle a été recrutée pour mettre en rayon des vêtements pour Jacadi. Mais même ce petit boulot a disparu. Elle ne touche plus rien. Heureusement, ses parents peuvent payer son loyer.

Ce ne sont que quelques exemples de destins mal engagés. Et depuis un an, le Gouvernement n'a pas fait le minimum pour eux, c'est-à-dire leur assurer un filet de sécurité : le revenu de solidarité active (RSA) à partir de 18 ans.

Ce n'est pas seulement le Gouvernement, ni les gouvernements depuis trente ans, qui n'ont pas fait ce qu'il faut pour la jeunesse, c'est la société qui choisit de la maltraiter, de l'écraser dans la durée. Il y a quatre fois plus de pauvres chez les jeunes que chez les plus de 65 ans. L'écrasement est également professionnel : galère des stages, des intérims, des contrats à durée déterminée qu'il faut accumuler, même pour les diplômés. À même niveau de qualification, voire à meilleur niveau qu'il y a trente ans, on a de moins bonnes places et de moins bonnes paies.

Un écrasement immobilier s'est également instauré dans la durée : les prix ont explosé et les entrants sur le marché de l'immobilier sont exclus du parc social. Dans les années 1980, il y avait deux fois plus de places dans le parc social pour les jeunes – 25 % contre 13 %. Étant donné que 2 % seulement des étudiants sont logés en résidence universitaire, les autres sont condamnés à se tourner vers le privé, beaucoup plus cher : pour un appartement d'une pièce, le taux d'effort d'un jeune était deux fois plus important que celui d'une personne âgée dans les années 1980 ; il est aujourd'hui le triple.

Pourquoi ce choix ? L'explication est à la fois démographique et politique : pour la première fois dans notre histoire, les plus de 65 ans sont plus nombreux que les jeunes de 18-30 ans, parmi lesquels l'abstention est bien plus forte. L'attention se porte sur la masse et le politique regarde là où on vote... Cela se traduit par le RSA à partir de 25 ans. On peine à comprendre pourquoi, dans ce pays, la majorité politique et pénale est fixée à 18 ans, alors que la majorité sociale demeure à 25 ans. C'est d'autant plus incompréhensible que le RSA est la principale mesure de lutte contre la pauvreté, et que celle-ci se trouve massivement chez les jeunes de 18 à 25 ans. Pourquoi ne pas arroser là où c'est le plus sec ? Je vois là une vision romantique et sadique de la jeunesse, un mélange du principe « il faut en suer » et de La Bohème d'Aznavour. Mais cette misère n'est pas aussi plaisante et les privations sont multiples – nourriture, soins, sport. Au lieu de s'épanouir, la vie de ces jeunes se rétrécit.

Ma proposition n'a rien d'extraordinaire, ce n'est pas un bouleversement. Ce n'est ni un revenu universel, ni un salaire étudiant ; c'est le minimum que réclament les associations et les syndicats, et que recommande France Stratégie. Ce minimum n'a rien d'un idéal : personne ne rêve de vivre avec 497 euros par mois, ni à 18 ans, ni à 25 ou 40 ans. Avec une telle somme, on ne vit pas, on survit. Mais après le confinement, après le distanciel, c'est le minimum que nous devons à la jeunesse.

Je suis de ceux qui pensent qu'on construit sa vie par le travail, par son métier, par un statut et des revenus. Mais quand il n'y a pas encore le travail, ni le statut, ni les revenus, il faut assurer un filet de sécurité. Le versement du RSA à partir de 18 ans permettra d'améliorer des existences comme celle d'Alix, qui a quitté l'école en première et a ensuite enchaîné les petits boulots, dans la restauration ou en intérim dans les usines. Il veut désormais obtenir l'équivalence du baccalauréat, le diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU), pour ensuite se former en alternance en hygiène, sécurité, environnement. Mais la garantie jeunes qui lui est proposée ne dure que douze mois, quand le DAEU en réclame dix-huit. Il attend donc ses 25 ans pour reprendre son projet afin de disposer du RSA comme filet de sécurité et payer son foyer. Anaïs, que j'ai reçue dans ma permanence, m'a fait part de sa perplexité. Elle est en couple et ne comprend pas pourquoi, pour toucher le RSA, elle doit attendre d'avoir 25 ans ou un enfant, selon ce que lui a dit la caisse d'allocations familiales. Comme elle le dit, on ne fait pas un enfant juste pour avoir droit à une allocation minimale !

À l'écoute de tous ces témoignages, j'ai été frappé par le stress et l'inquiétude permanente de cette jeunesse, qui se demande si elle ne va pas tout perdre. Il s'agit de soulager son angoisse, mais aussi de lui adresser un message – quel symbole que cette discrimination à l'entrée dans la majorité ! Je propose donc de faire pour la jeunesse ce que la France a fait pour la vieillesse au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Avant 1945, dans les classes populaires, vieillir était synonyme de misère. On vieillissait aux crochets de ses enfants ou à l'hôpital. Par l'instauration du minimum vieillesse et des retraites, en une génération, on est venu à bout de la fatalité millénaire du vieillissement dans la pauvreté. Le taux de pauvreté des personnes âgées a été divisé par quatre en vingt-cinq ans. Grâce à ces mesures politiques, ce qui apparaissait comme une norme est battu en brèche et on passe d'une solidarité familiale, injuste, à une solidarité sociale nationale.

Nous devons construire le même mouvement de solidarité intergénérationnelle pour sortir de l'épreuve actuelle. La solidarité familiale perdure puisque les familles aident souvent leurs enfants, mais certaines peuvent aider beaucoup et d'autres ne peuvent aider qu'un peu. C'est injuste et il s'agit d'ajouter la solidarité sociale nationale à cette solidarité familiale, afin de sortir d'une maltraitance de la jeunesse installée dans la durée.

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Nous portons la proposition d'un RSA pour les moins de 25 ans depuis très longtemps, car ces jeunes vivent dans un no man's land juridique, alors que rien, dans la Constitution ou dans la Déclaration des droits de l'Homme, n'empêche d'ouvrir les minima sociaux au moins de 25 ans. Au contraire, le Préambule de la Constitution de 1946 vise à garantir des moyens convenables d'existence pour tous les Français. En outre, la France est l'un des seuls pays de l'Union européenne qui exclut les jeunes de ces minima sociaux.

Depuis un an, cette mesure est devenue d'une urgence implacable. Ces images d'une jeunesse qui défile dans les banques alimentaires font froid dans le dos. La jeunesse paie un très lourd tribut, alors que, basculant entre l'enfance et l'âge adulte, elle est privée de liens sociaux, d'autonomie, de tout ce qui permet d'entrer dans cette période qui devrait être celle de l'ouverture au monde. C'est d'une extrême violence. Et, parmi ces jeunes, ceux qui basculent dans la pauvreté, chaque jour plus nombreux, paient un tribut encore plus lourd.

Les pouvoirs publics doivent sécuriser et protéger cette jeunesse en grande souffrance. Comme les images, les chiffres font froid dans le dos : un jeune Français de 18 à 29 ans sur dix est en situation de pauvreté, alors que notre pays est une puissance économique internationale forte et qu'il dispose des moyens de partager les richesses. Aux Restos du cœur, plus de la moitié des bénéficiaires sont des jeunes !

La République en Marche a fait le choix de proposer des prêts de 10 000 euros aux jeunes et de faciliter la transmission de patrimoine. Nous demandons tout simplement la solidarité et la justice. Je termine avec une citation d'Esther Duflo, prix Nobel d'économie : « plus on aide les gens, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté ».

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Vous avez de la suite dans les idées, monsieur le rapporteur, mais nous aussi. Si notre groupe partage vos objectifs de lutte contre la précarité des jeunes, nous considérons qu'il faut privilégier l'accompagnement et l'insertion. Il existe déjà un grand nombre de dispositifs d'accompagnement et une multiplicité d'acteurs sur lesquels nous pouvons nous appuyer et qui répondent à la diversité des besoins et des profils de jeunes.

Dans le contexte de crise que nous connaissons, le Gouvernement a décidé de renforcer ces dispositifs en mettant en œuvre le plan 1 jeune, 1 solution, doté de 9 milliards d'euros. Cette stratégie semble porter ses fruits malgré la crise. Nous ne pouvons pas laisser dire que ce sont des « mesures sparadrap », ni que nous sommes indifférents à la jeunesse de ce pays.

Le RSA jeune existe déjà, mais il est versé en contrepartie d'études ou dans le cadre d'un contrat d'insertion. Il serait irréaliste de penser offrir un accompagnement personnalisé de qualité pour les jeunes qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni stagiaires, en anglais les NEET (Not in education, employment or training), et pour les jeunes précaires dont le nombre est estimé à 1 380 000 en 2020. Ce sont les départements qui ont la charge de l'accompagnement des jeunes touchant le RSA – jeunes actifs, jeunes parents ou en passe de l'être –, or force est de constater que ces jeunes sont souvent peu et mal accompagnés. Le RSA ne joue donc pas son rôle initial d'insertion vers l'emploi.

La mesure que vous proposez est injuste, car elle permettrait aux étudiants des classes supérieures de bénéficier d'une aide de l'État doublée de celle de leurs parents, tandis que d'autres, privés de solidarité familiale, se verraient lésés par ce calcul.

Aider les jeunes financièrement est une évidence, il s'agit de savoir comment les aider au-delà de l'allocation ; comment permettre à chaque jeune d'accéder à la formation, à l'emploi durable et à l'autonomie ; comment éviter les ruptures et les renoncements. Le Gouvernement a proposé de généraliser la garantie jeunes, qui a fait ses preuves, pour en faire une garantie jeunes universelle. La ministre du travail consulte en ce moment même les acteurs, en particulier le réseau des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Contrat d'engagement réciproque, accompagnement global, renforcement du suivi, parcours sans couture et allocation accordée aux jeunes en situation de privation, telles sont nos propositions, plus efficaces qu'un RSA jeunes. Notre groupe ne soutiendra pas votre proposition de loi.

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La crise du covid-19 a largement frappé les personnes en situation de fragilité, les personnes âgées, les demandeurs d'emploi, mais aussi les jeunes. Ceux âgés de 18 à 29 ans constituent la majorité des personnes en situation de pauvreté et de précarité en France. Dans les territoires, les élus locaux et les associations caritatives tirent la sonnette d'alarme : les jeunes représentent presque la moitié des personnes ayant recours aux banques alimentaires et aux services sociaux, et les demandes de RSA explosent. Leur sentiment de mal-être est particulièrement préoccupant. Les étudiants, coupés de liens sociaux, de cours en présentiel et, pour la plupart d'entre eux, de travail, sont dans un état psychologique grave. Comme chaque année, 700 000 jeunes vont arriver sur le marché du travail, et beaucoup d'entre eux ne trouveront pas de premier emploi.

Oui, les jeunes ont besoin d'aide. Mais est-ce en permettant aux 18-25 ans d'avoir accès au RSA sans condition que nous lutterons efficacement contre la pauvreté des jeunes ? Nous ne le croyons pas. Plutôt que de créer de nouveaux droits dès 18 ans, nous devons nous attacher à créer de nouvelles chances. Nous sommes convaincus qu'il faut créer les conditions d'une meilleure insertion sociale et professionnelle, mais aussi mieux les considérer et les accompagner, dans leurs études ou vers l'emploi et la formation.

Il nous semble plus pertinent de renforcer les dispositifs qui ont fait leurs preuves et d'en faciliter l'accès aux jeunes. Ainsi la garantie jeunes fonctionne-t-elle bien : il faut amplifier son déploiement. La logique de contractualisation sur laquelle elle repose est adaptée aux enjeux actuels. Il est important de proposer aux jeunes un accompagnement de proximité. En retour, ils doivent s'engager à retrouver un parcours de formation ou un emploi. De même, l'apprentissage doit être intensifié.

Le travail, l'insertion professionnelle, l'apprentissage et le maintien des liens sociaux sont fondamentaux ; nous ne pouvons transiger sur ces points. C'est pourquoi nous voterons contre la proposition de loi.

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François Ruffin dresse le constat que nous faisons tous, de façon transpartisane : dans nos circonscriptions, dans nos entourages, les jeunes souffrent. Mais ils ne sont pas les seuls et il ne faut pas opposer les uns aux autres.

L'ouverture d'un nouveau droit social à 18 ans est un débat ancien. Pour nous, le RSA jeunes n'est pas la bonne réponse. Jeune élu local, je m'étais beaucoup occupé des permanences d'accueil d'insertion et d'orientation puis, plus récemment, d'une mission locale. L'essentiel, c'est l'accompagnement. Je ne suis pas persuadé que recevoir un peu moins de 500 euros par mois est ce que les jeunes veulent. Ils veulent surtout une chance pour se construire dans un parcours, c'est vrai, difficile – mais qui n'a pas eu dans sa jeunesse des moments difficiles ?

La garantie jeunes offre tout de même quelques motifs de satisfaction, surtout lorsqu'elle est contractualisée en lien avec le tissu local. Elle doit être cousue main, mais pas décidée depuis Paris – chaque parcours est différent et les réponses doivent donc être différentes. Il peut s'agir d'un problème de mobilité – c'est le cas chez moi – ou de l'accès à un centre de formation ou à un logement. Ce dernier souci est majeur. J'espère que les élections départementales et régionales prévues en juin nous permettront d'y apporter une réponse vigoureuse. Dans ma région du Centre-Val de Loire, il manque 10 000 logements pour les jeunes !

Les petits boulots ont disparu, c'est vrai. Mais, par exemple, la semaine prochaine, la commune dont j'ai eu la chance d'être le maire pendant quelques années va aider à financer le permis de conduire, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ou le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur de vingt et un jeunes. Il faut leur offrir cette chance et cet accompagnement.

Un système qui permet de disposer d'un revenu à 18 ans, quoi qu'il arrive, n'est pas une bonne solution, d'autant qu'il n'est pas décent de vivre avec 500 euros par mois.

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Je remercie François Ruffin pour ce « droit de suite » puisqu'il y a quelques semaines, la majorité avait balayé d'un revers de main notre proposition de loi relative à la création d'une aide individuelle à l'émancipation solidaire, instaurant un minimum jeunesse.

En France, on peut aller en prison à 16 ans, on peut se présenter aux élections et voter à 18 ans, mais on devient socialement majeur seulement à 25 ans. C'est un truisme largement partagé, que la majorité fait sien, que la jeunesse doit être un rite initiatique : on doit en baver un peu pour faire des études, pour trouver un premier emploi et un logement. Mais, la réalité est toute autre : la jeunesse s'abîme et son taux de pauvreté est trois fois supérieur à celui des Français de 60 ans. C'est, en outre, une singularité française puisque vingt-trois des vingt-sept pays de l'Union européenne ouvrent des droits sociaux à 18 ans. Nous avons tendance à nous considérer comme plus intelligents que les autres mais, à en croire la chanson de Renaud, un certain roi sur son trône est français, c'est sûr...

Depuis la présentation de notre proposition de loi en séance, nous avons entamé un tour de France, et nous constatons que la misère de la jeunesse vient grossir les files des banques alimentaires. Le plan et la plateforme 1 jeune, 1 solution sont intéressants, mais beaucoup de jeunes restent sans solution ; votre ambition est de porter le nombre de garanties jeunes à 200 000 en 2021, mais plus d'un million de personnes ne sont ni en emploi ni en formation et dans des difficultés criantes.

Vous vous offusquez qu'on puisse le dire, mais le minimum jeunesse existe déjà : il y en a un pour les riches et un pour les pauvres. Ceux d'entre nous qui aident leurs enfants le font sans se poser la question de la désincitation ! Lorsque Bruno Le Maire propose une franchise d'impôt pour transmettre, vous ne vous posez pas non plus de question : cet héritage, entre les mains de quelques-uns, va-t-il désinciter les enfants privilégiés à poursuivre des études ou à trouver un emploi ?

Bien sûr, l'accompagnement est indispensable, et c'était notre proposition, car l'un ne s'oppose pas à l'autre. Bien sûr, la dignité par le travail est préférable, à chaque fois que c'est possible. Si vous faisiez suffisamment confiance à votre plan pour employer ou former les jeunes, vous ne vous inquiéteriez pas du nombre d'allocataires du RSA...

Nous soutiendrons la proposition de loi, car nous sommes convaincus que tout citoyen accompli est parfaitement conscient de ses devoirs sans qu'il soit besoin de les lui faire comprendre à coups de pied dans les fesses. Esther Duflo et d'autres ont montré qu'il n'y a jamais d'effet désincitatif, tout comme les expériences finlandaise ou californienne. Mais vous êtes ce que vous reprochez aux autres, des idéologues. Je vous renvoie à Jaurès : « une fois émancipé, tout homme cherchera lui-même son chemin ».

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Depuis un an que sévit la crise du covid, elle frappe particulièrement et dramatiquement les plus jeunes. Chaque groupe parlementaire, de l'opposition comme de la majorité, a fait des propositions pour lutter contre la pauvreté et en faveur de la jeunesse, même si les approches sont différentes. Vous n'avez donc pas le monopole en la matière, monsieur le rapporteur. En réalité, vous arrivez même presque en dernier !

À titre personnel, je rejoins mon collègue Vallaud : par fidélité à la Déclaration des droits de l'Homme, au principe républicain et au modèle universaliste d'égalité des droits, nous devrions ouvrir le débat des droits sociaux à 18 ans. À cet âge, on devrait pleinement bénéficier de tous ses droits.

Pour sa part, le groupe Agir ensemble a proposé une version inédite du revenu universel : le socle citoyen, qui répond à cet impératif de garantir à chacun un filet de sécurité dès 18 ans. C'est une proposition extrêmement étayée, issue d'années de travail et de recherches, notamment au sujet du financement. Celle de nos collègues socialistes sur le revenu de base repose également sur une analyse approfondie du financement. Or la vôtre, monsieur Ruffin, étend, en quelques lignes, le RSA aux moins de 25 ans pour un coût de 5 milliards d'euros. Où les trouvez-vous ? Sur tous les bancs de l'Assemblée, des parlementaires ont sérieusement réfléchi à la question, et vous y consacrez une ligne. Cela me gêne un peu ! Encore un effort pour faire des propositions soutenables, y compris sur le plan budgétaire !

J'ai voté l'extension du RSA proposée par notre collègue Boris Vallaud, car elle était bornée dans le temps : elle visait à faire face à l'urgence et c'était un premier pas vers le revenu universel. Ce n'est pas du tout ce que vous proposez.

Enfin, je préfère un mécanisme universel, car je n'aime pas trop l'idée d'opposer les vieux et les jeunes. Ce n'est pas conforme à notre idéal républicain de solidarité nationale. C'est aussi pour cette raison que nous voterons contre la proposition de loi.

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La crise socio-économique que nous traversons depuis près d'un an est brutale et violente, mais elle a aussi exacerbé une précarité qui s'était développée depuis trop longtemps. Alors qu'ils sont particulièrement concernés, les jeunes restent exclus de certaines prestations. L'urgence est donc d'abord de répondre à l'explosion de la pauvreté et de la précarité pour ces publics fragiles. Depuis le début de la crise, notre groupe ne cesse d'interpeller le Gouvernement pour éviter à tout prix une génération sacrifiée. À maintes reprises, nous avons soutenu l'extension du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, refusée par le Gouvernement. En situation d'urgence, il nous paraît plus aisé de mobiliser un dispositif efficace et connu de tous, plutôt que de créer un nouveau mécanisme.

Certes, la garantie jeunes que le Gouvernement souhaite mobiliser est un outil intéressant, mais elle ne répond pas à toutes les situations d'urgence, loin de là. Surtout, la méconnaissance du dispositif et le non-recours qui en résulte montrent la nécessité d'aller vers les jeunes. En 2019, alors que plus de 900 000 jeunes hors études, sans emploi, ni formation luttaient au quotidien pour survivre, ils étaient seulement 93 000 à bénéficier de la garantie jeunes. Même si le Gouvernement met en avant son projet de l'universaliser, l'élargissement des conditions d'accès est loin d'être à la hauteur de l'ambition affichée et de l'urgence de la situation dégradée d'une partie des 18-25 ans.

Par ailleurs, agir sur le seul terrain de l'emploi et de l'insertion ne suffit pas. C'est maintenant qu'il faut agir. Il est urgent de repenser nos politiques de lutte contre la pauvreté pour qu'elles deviennent vecteurs d'égalité des chances. Même le comité d'experts de France Stratégie, chargé d'évaluer la stratégie de lutte contre la pauvreté, a fait part de son incompréhension quant à l'exclusion des moins de 25 ans du dispositif d'aides sociales, et plaide pour la mise en place d'un revenu garanti pour eux.

Notre groupe soutiendra cette proposition de loi.

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L'épidémie a passé notre société au révélateur, mettant au jour les vulnérabilités sociales préexistantes ; durant la crise, les inégalités continuent de se creuser. Dans le contexte économique morose, la jeunesse est particulièrement affectée, prise dans une situation insupportable, invivable parfois, ne voyant pas bien par quelle porte entrer dans la vie sociale – à quelle place, pour quel projet, quel bonheur ?

La crise a pesé deux fois plus sur le revenu des jeunes de 20 à 25 ans que sur la moyenne des Français et, à ces difficultés matérielles, s'ajoute une déprime psychologique croissante. Tels sont les constats qui ressortent de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, dont la rapporteure était notre collègue Marie-George Buffet. Dans les conclusions rendues en décembre 2020, soixante-cinq propositions, votées à l'unanimité de la commission, ont été formulées. L'une d'entre elles concernait l'ouverture du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Considérons-les comme des citoyens majeurs à part entière !

Depuis un an, force est de constater que le Gouvernement n'a pas pris la mesure du choc, se contentant d'aides ponctuelles de 150 euros et d'un plan jeunes insuffisant. Les jeunes sont trop largement hors des radars, souvent inéligibles à l'assurance chômage faute d'avoir suffisamment travaillé – et cela ne va pas s'arranger avec la réforme – et exclus du RSA en raison de leur âge. En outre, la jeunesse se trouve face à une crise économique majeure qui lui ferme les portes du marché du travail. Nous devons donc agir, et c'est pourquoi nous abordons avec grand intérêt la proposition de loi portée par François Ruffin sur l'extension du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans.

Nous devons inventer des dispositifs pérennes de soutien à la jeunesse pour lui assurer un revenu garanti et une continuité des droits sociaux. Non, il n'est pas utile de galérer pour construire sa vie, notamment quand on est issu d'un milieu populaire – c'est même tout l'inverse. Nous prônons, depuis de nombreuses années, l'instauration d'un revenu étudiant ou d'une allocation d'autonomie permettant de garantir l'autonomie financière durant la formation. Il faut également réfléchir à l'élargissement de l'assurance chômage, tout en renforçant les moyens des structures d'accompagnement dédiées à la jeunesse. Toutes les associations de jeunesse le réclament et la situation sociale l'impose. C'est notre responsabilité si nous ne voulons pas que la « génération covid » soit sacrifiée.

La jeunesse est particulièrement délaissée dans notre pays : protégeons-la !

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Les jeunes de 18 à 29 ans constituent la plus grande partie des personnes en situation de pauvreté en France. La crise du covid-19, qui les fragilise encore plus, fait peser sur la nation le risque d'une génération sacrifiée. Plus de 700 000 jeunes risquent de ne pas trouver un emploi lorsqu'ils arriveront pour la première fois sur le marché du travail. La crise actuelle est la cause d'une nouvelle précarité chez les étudiants : on parle de mal-être, de privation de liens sociaux, d'état psychologique préoccupant, de dépendance accrue à une aide financière attribuée par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Je ne peux que partager le constat que vous avez dressé, monsieur le rapporteur : les jeunes ont besoin de notre aide.

Néanmoins, le dispositif que vous proposez m'interpelle. Le nombre de bénéficiaires du RSA a déjà augmenté fortement en 2020, ce qui pose évidemment la question du coût. Des évaluations ont été faites, notamment par le groupe de travail sur le revenu universel d'activité, qui avait chiffré une hypothèse intégrant les étudiants, dans un périmètre assez large : le coût, pour 4,5 millions de jeunes adultes, pourrait s'élever à 13 milliards d'euros par an. D'autres évaluations faisaient état de 16 milliards d'euros annuels. Comment expliquer ces écarts ? Vous proposez de remplacer les bourses. Quelles estimations avez-vous faites ?

Par ailleurs, comment s'assurer que le dispositif ne produira pas des effets d'aubaine ? Le RSA jeunes, introduit par la loi de finances pour 2010, a au moins l'avantage d'accompagner concrètement les bénéficiaires dans la recherche d'un travail et d'une insertion professionnelle, du fait de ses conditions d'attribution – il faut avoir travaillé pendant deux ans au cours des trois années précédentes.

Nous sommes très attachés à la notion de travail, qui est une valeur cardinale. Nous considérons qu'il faut aider les jeunes grâce à l'insertion dans le marché du travail. C'est dans cet état d'esprit que le groupe Les Républicains a formulé des propositions visant à lutter contre la pauvreté dont toute une partie est centrée sur les jeunes. Je pense en particulier à la création des « jobs pour la nation » qui seraient financés par l'État sur le modèle du chômage partiel, d'une manière limitée dans le temps, le but étant d'insérer les jeunes, de les conduire vers le travail, et non pas simplement de leur donner des moyens chaque mois, sans qu'il y ait un engagement de leur part.

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Si le RSA sortait de la pauvreté, cela se saurait depuis longtemps ! Ceux qui entrent dans ce dispositif sont souvent dans la même situation quatre ou cinq ans plus tard.

S'agissant de la crise liée à la covid, le RSA ne suffirait pas, de toute façon. Le Gouvernement a déployé plus de 6 milliards d'euros pour aider les jeunes dans la période particulière que nous traversons.

Je suis un peu étonnée : j'avais cru comprendre, quand il a été question du revenu de base, que La France insoumise était très sceptique. L'argument alors avancé était que les entreprises ne s'investiraient plus dans la question des salaires. Tout le monde a le droit de changer d'avis, mais je veux tout de même rappeler quelle était votre position.

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Nous partageons le constat de la pauvreté des jeunes. La différence entre nous est que vous souhaitez traiter ce problème par une allocation alors que nous voulons apporter des solutions adaptées. C'est un choix. Par ailleurs, nous espérons voir l'activité reprendre et la relance sociale se faire en même que la relance économique et la transition écologique.

S'agissant des jeunes étudiants, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Des mesures ont été prises pour ceux qui en avaient le plus besoin, en particulier les étudiants boursiers. Il y a eu le gel des loyers universitaires, les repas à 1 euro pour tous, depuis le mois de janvier, des aides exceptionnelles pour ceux qui travaillent en plus de leurs études pour pouvoir vivre – des mesures adaptées ont été adoptées en cas de perte d'emploi ou de stage rémunéré –, des aides d'urgence et, pour ceux qui le souhaitent, un renforcement des prêts étudiants garantis par l'État, sous un plafond de 15 000 euros : cela permet d'envisager l'avenir pendant cette période difficile.

Il y a également d'autres catégories de jeunes, en dehors des étudiants, dont il faut s'occuper. C'est l'objet du grand plan 1 jeune, 1 solution qui a été rappelé par notre porte‑parole : 9 milliards d'euros sont sur la table, ce n'est pas rien.

Voilà les raisons pour lesquelles nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

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Il y a un élément qui manque dans les propos tenus par la majorité et par ceux qui rejettent cette proposition de loi : personne n'a expliqué pourquoi le RSA commence à 25 ans et non à 18 ans.

Je ne prétends pas être le précurseur de quoi que ce soit. Je ne dirai pas depuis quand je défends cette mesure, qui me paraît de bon sens et que le groupe Socialistes avait déjà proposée... Elle est très largement partagée, depuis longtemps, par pas mal d'acteurs. Ce n'est absolument pas original et cela devrait même aller de soi.

Nous ne proposons pas de bornage dans le temps puisqu'il s'agit d'un principe : à 18 ans, on a la majorité politique et pénale ; on doit aussi avoir la majorité sociale.

Si je n'ai pas souhaité poser la question du financement, c'est pour que le débat ne s'écarte pas du principe selon lequel on doit avoir, à 18 ans, les mêmes droits que tout le monde. J'aurais pu proposer, par exemple, de rétablir un véritable impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de revenir en arrière s'agissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et pour l'emploi. En une année, les milliardaires de notre pays ont vu leur fortune augmenter de 130 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 55 %. Des idées pour assurer une redistribution en faveur de la jeunesse pauvre, il y en aurait beaucoup à développer !

La majorité avance que cette proposition de loi serait injuste parce que les étudiants riches ou les enfants de personnes aisées auraient le droit d'en bénéficier. Il faudrait donc ne pas aider les pauvres par crainte d'aider les riches ? En réponse à cette critique, de gauche, nous avons réalisé une projection : les 10 % les plus riches, le dernier décile, y perdraient, puisqu'ils n'auraient plus de demi-part fiscale supplémentaire et les aides alimentaires seraient déduites. Les autres, grosso modo, seraient gagnants. Du reste, dans notre société, les grands progrès se produisent quand on adopte quelque chose d'universel. La sécurité sociale ne dépend pas du fait qu'on est riche ou pauvre, alors qu'on a les moyens de payer si on est riche. Il en est de même pour la retraite. Une protection pour les pauvres devient vite une pauvre protection – il faut l'éviter.

Ce que nous proposons n'éliminera pas la pauvreté, j'en suis bien d'accord, mais elle la tempérera. C'est démontré par des rapports. Chez les jeunes, la vraie frontière, la ligne de partage, le clivage se trouve entre ceux qui sont aidés par leur famille et ceux qui ne le sont pas : cela ressort de tous nos entretiens. Il y a une immense injustice sur laquelle je tiens à vous alerter. Je sais bien que vous n'adopterez pas cette proposition de loi, je ne me fais pas d'illusions, mais il faut prendre conscience du fait que ce que certains chercheurs appellent la familialisation produit, à ce moment-là de la vie, une injustice éclatante.

Je vous épargnerai les témoignages, qui sont très clairs, mais je veux vous montrer un graphique qui nous a été fourni par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). C'est dans le premier décile que le taux d'effort des familles, c'est-à-dire la part des revenus consacrés aux jeunes adultes dont l'âge est compris entre 18 et 24 ans, est le plus élevé : il est de 13 %. Bien qu'ils aient peu de revenus, les plus pauvres acceptent d'en donner 13 % à leurs enfants. Dans le dernier décile, le taux d'effort est de 8 %. Bien qu'ils aient davantage de marge de manœuvre, les plus riches donnent un moindre pourcentage de leurs revenus. Néanmoins, la différence est telle qu'on donne à peine 1 000 euros par an dans le premier décile et plus de 7 000 dans le dernier. Cela montre bien l'injustice de la familialisation des aides à la jeunesse. Il faut que la société agisse pour rééquilibrer la balance, en passant d'une stricte solidarité familiale à une solidarité sociale.

Les mesures du Gouvernement s'inscrivent dans une tradition à l'égard de la jeunesse qui est la multiplication des dispositifs : la garantie jeunes, le parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie, l'accompagnement intensif des jeunes, le parcours emploi compétences, l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi, la prépa apprentissage, etc. Rien n'est universel. On voit qu'un problème de pauvreté se pose entre 18 et 25 ans, mais que fait-on depuis des années ? On ajoute par-ci par-là des petits bouts supplémentaires de mesures, en fonction de tas de critères concernant l'âge, le statut ou les revenus. Cela produit un maquis qui rend la situation complètement illisible pour les spécialistes qu'on a consultés, pour les travailleurs sociaux – ils sont parfois incapables de dire aux jeunes en face d'eux quels sont leurs droits – et plus encore pour les jeunes eux‑mêmes, en particulier les plus éloignés de ces dispositifs.

L'idée, derrière « 1 jeune, 1 solution » – ou plutôt des jeunes, des solutions –, qui est de faire du sur-mesure, s'inscrit dans une continuité : on multiplie encore les dispositifs, au lieu de se dire qu'il faudrait créer un filet de sécurité universel tout en faisant de la dentelle en matière d'accompagnement, du sur-mesure. Cette mesure de protection sociale dont chacun doit pouvoir bénéficier, simplement, doit être distinguée des mille et un dispositifs actuels, qui sont incompréhensibles.

La garantie jeunes universelle n'aura rien d'universel, les associations nous alertent sur ce point : des critères d'attribution demeureront et il y aura toujours un quota. Certes, il doublera, de 100 000 à 200 000 jeunes, mais il y a 1,5 million de NEET en France, dont 500 000 en situation de grande précarité, selon la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Deux catégories sont, par ailleurs, laissées de côté : ceux qui sont très éloignés des dispositifs, à qui on demande un retour très rapide à l'emploi alors que ce n'est pas possible, car il faut commencer par le logement et les problèmes de santé, et tous les étudiants. Cela revient à oublier le haut et le bas du tableau. Ensuite, le dispositif ne sera pas compris par tout le monde. On n'aura donc pas un « bouclier », comme l'a dit la secrétaire d'État Sarah El Haïry, mais une passoire.

Je crois, moi aussi, en la valeur travail, mais il y a un mythe de la désincitation : des études et des enquêtes prouvent qu'elle n'existe pas à 25 ans, à l'entrée dans le RSA. Par ailleurs, votre majorité a contribué à faire monter en puissance la prime d'activité, qui avait été créée par le Gouvernement précédent et qui a été efficace, puisqu'elle a supprimé les trappes à inactivité. Quand on se met à travailler et qu'on touche le RSA dès la première heure, on gagne un peu plus qu'avant et il y a une augmentation constante du revenu. Enfin, vous demandez un retour à l'emploi immédiat, sans permettre aux jeunes de se construire et de se demander par où ils veulent commencer, par exemple s'ils doivent passer leur permis de conduire. Ce n'est pas toujours par l'emploi que les parcours doivent débuter.

Il faudrait évidemment que le « A » de RSA désigne aussi l'accompagnement. On sait à quel point il y a des défaillances dans les départements. L'accompagnement est parfois inexistant, parce que cela coûte de l'argent. Un accompagnement est encore plus nécessaire pour les jeunes, qui entrent dans un temps d'incertitude, marqué par l'ouverture de droits, par exemple en matière de santé et de logement, mais c'est considéré comme secondaire.

J'en veux pour preuve l'évaluation du coût que nous avons récupérée auprès de la DREES – il serait d'environ 16 milliards d'euros et de 13 milliards sans les bourses. Il manque dans le tableau une ligne concernant l'accompagnement, qui n'est pas pensé. Or un véritable accompagnement se chiffrerait en milliards d'euros. On pourrait prévoir un accompagnant pour cinquante jeunes, comme dans les missions locales. Ce serait un véritable investissement. ATD Quart Monde propose des référents traitants en la matière, comme il existe des médecins traitants. Ces référents, dont on pourrait changer, ne seraient pas uniquement placés auprès des missions locales mais aussi auprès d'associations. Je crois qu'on pourrait faire du « sur-mesure » dans ce cadre.

Je redis que je suis favorable à un filet de protection général pour les jeunes comme pour tout le monde, mais qu'il faudrait faire de la dentelle, du sur-mesure en matière d'accompagnement. Ce qui est réalisé depuis un an contribue à maintenir une multiplicité de dispositifs qui rend les choses illisibles pour les jeunes eux-mêmes.

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Ce qui nous sépare vraiment, c'est que vous voulez un filet de sécurité financier alors que nous prévoyons un chapeau qui est le droit à l'accompagnement : c'est lui qui doit être universel, et il doit être global. Il y a des jeunes qui ne sont pas prêts à l'emploi et que nous avons besoin d'accompagner, plus ou moins longtemps. Il faut lever des freins périphériques qui peuvent être liés au logement, à la santé, à la mobilité ou à l'accès au droit. L'enjeu, c'est l'information sur les droits – je vous rejoins sur ce point – et le repérage des « invisibles ».

L'accompagnement doit être universel. Peu importe que les dispositifs ne soient pas lisibles pour les jeunes à partir du moment où ils savent qu'ils peuvent frapper à la bonne porte. Ce sont les conseillers en insertion professionnelle qui doivent être informés. Il leur revient d'établir les diagnostics, de suivre les jeunes, de coconstruire avec eux les parcours, de sécuriser ces derniers et de proposer des dispositifs d'intensité et de durée différentes.

Ce qui nous différencie également, c'est que nous demandons des contreparties. Il existe, depuis un certain nombre d'années, des parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie – tout est dit.

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Nous attendons toujours la concrétisation des annonces du Président de la République : le revenu universel d'activité et le service public de l'accompagnement devaient voir le jour en 2020, mais cela n'a pas été le cas. Merci pour les promesses et les engagements, mais la crise économique a lieu maintenant.

Je rappelle que nous avions proposé en février dernier de réaliser une expérimentation concernant le RSA. Philippe Vigier a regretté que le Premier ministre n'ait pas accepté de le faire pendant la durée de la crise : nous aurions pu en tirer des conclusions utiles pour la suite.

Il ne s'agit pas de mettre en vis-à-vis l'emploi et l'existence d'un filet de sécurité, ou alors, par cohérence, il faudrait supprimer le RSA pour tout le monde, quel que soit l'âge.

L'accompagnement est une nécessité. Il faut prendre exemple sur ce que font les missions locales dans le cadre de la garantie jeunes, avec un accompagnement à 360 degrés.

S'agissant des contreparties, vous en demandez aux uns et pas aux autres. Je pense à l'augmentation de la franchise de droits de succession et à la suppression de l'ISF : vous n'avez pas demandé de contreparties à ceux qui en bénéficient. Il y a une vérité pour les riches et une autre pour les pauvres.

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Je revendique aussi le droit à l'accompagnement. Là, on se retrouve, monsieur Ruffin : l'accompagnement est insuffisamment réalisé sur le terrain. Il faudrait voir comment on pourrait récupérer celles et ceux qui restent parfois sur le carreau.

S'agissant du critère de l'âge, vous savez dans quelles conditions le revenu minimum d'insertion a été créé. Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler son histoire.

J'ai été boursier : cela m'a permis de me bâtir un avenir. J'aimerais bien qu'on soit capable d'aborder également ce sujet. Les bourses ne sont pas un gros mot. Il y a une vraie question concernant notamment les restes à charge pour les jeunes, toujours plus nombreux à renoncer à se soigner.

Je comprends ce que vous voulez, mais la réponse, pour moi, n'est pas un filet consistant à donner de l'argent : c'est l'émancipation et l'accompagnement. Il faut montrer qu'on peut avancer, qu'on peut continuer même si on a mal démarré. Il doit y avoir une main qui se tend et quelqu'un qui guide.

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Le débat sur la jeunesse est fondamental. C'est l'avenir de notre nation qui est en jeu. Néanmoins, on ne peut pas résumer dans une proposition de loi tous les enjeux. Les jeunes que je rencontre n'attendent pas une aide tout de suite : ils veulent avoir enfin des perspectives. Quand pourront-ils de nouveau étudier normalement, accéder normalement à des jobs étudiants, construire un parcours, un projet de vie ? La liberté de construire sa vie, d'entreprendre est essentielle, car c'est un moteur.

Nos jeunes veulent un avenir. Ils sont déprimés par la situation actuelle : ils ne savent pas quand ils pourront être vaccinés et retrouver une vie normale. Ce sont vraiment les réponses qu'on attend du Gouvernement. J'espère qu'il pourra les apporter lorsque cette proposition de loi sera examinée dans l'hémicycle : les jeunes espèrent être libérés et ne pas être éternellement confinés.

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Je ne prétends pas que l'ouverture du RSA dès 18 ans permettrait d'atteindre un idéal. Cela ne réglerait pas tout, loin de là. Pour moi, je le répète, ce serait une espèce de minimum.

On nous dit, du côté de la majorité, qu'il faut penser à un accompagnement, que c'est ce qui doit primer. Mais où se trouve, dans le budget que nous avons adopté l'an dernier, la montée en puissance de l'accompagnement ? Combien de centaines de milliers de postes comptez-vous créer pour que ce soit possible ? Rien ne prévoit, dans la loi, qu'il y ait un accompagnement et un référent à partir de 18 ans.

Les travailleurs sociaux eux-mêmes ne s'y retrouvent pas dans les dispositifs existants. Il faudrait simplifier la situation en créant un droit universel, au lieu d'épaissir encore le millefeuille. J'ai cité tout à l'heure le cas de Cassandre. Cette jeune étudiante, qui s'est retrouvée auto-entrepreneure en utilisant StaffMe, voulait bénéficier de l'aide aux anciens boursiers qui a été rétablie l'an dernier, mais on lui a dit que ce n'était pas possible à cause de son statut. Voilà ce qui se passe quand on multiplie les dispositifs assortis de différents critères. Quant à Lucas, qui a bénéficié d'une bourse versée dix mois par an quand il était à l'université, il a appris des années plus tard qu'il avait le droit de l'obtenir sur douze mois parce qu'il était passé par l'ASE, mais il aurait fallu que le CROUS, lui-même perdu, soit au courant de la situation. Il n'y a pas d'interlocuteur unique : les acteurs sont multiples, du côté des départements, des missions locales et ainsi de suite.

Boris Vallaud a parlé de ce qui a été fait pour les riches. S'agissant des entreprises, on a tissé immédiatement, au début de la crise, un filet de sécurité universel – les prêts garantis par l'État et le chômage partiel, pour les entreprises et les salariés. C'était, grosso modo, une bonne chose, mais on crée un filet de protection pour toutes les entreprises et on s'y prend au cas par cas pour les jeunes. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait pour les entreprises et pourquoi demande-t-on des contreparties aux uns mais pas aux autres ?

Je vous rejoins, monsieur Vigier, en ce qui concerne les bourses. Deux solutions sont possibles : soit on universalise, et il n'y a plus de bourses mais un droit nouveau pour tous, soit on fait un vrai travail – qui n'est pas réalisé par la majorité – pour revaloriser les bourses et pour regarder qui doit les avoir ou non. Une très faible part des étudiants parvient à en bénéficier à l'heure actuelle. Si on généralise, comme je le préconise, un filet de protection qui vaudrait pour toute la jeunesse, cela produirait une redistribution entre les générations mais aussi entre les classes. Si on utilise les deux leviers que sont les aides aux jeunes en recherche d'emploi, en galère, et les bourses pour les étudiants, pour l'instant, il n'y a rien.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Créer un RSA ouvert aux 18-25 ans

La commission rejette l'article 1er.

Article 2 : Supprimer le RSA « jeunes actifs »

La commission rejette l'article 2.

Après l'article 2

La commission est saisie de l'amendement AS2 de M. Boris Vallaud.

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Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d'un revenu de base, disponible dès 18 ans.

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C'est une position de repli au carré, mais pourquoi pas un rapport...

J'insiste sur les situations d'urgence que j'ai rencontrées. On a créé du jour au lendemain, pour les entreprises, des prêts garantis par l'État et on a mis en place le chômage partiel mais, un an plus tard, il n'y a toujours pas de droit sécurisant Safia, qui se demande si elle perdra son logement du CROUS cet été parce qu'elle n'a pas de boulot permettant de le payer pendant ces deux mois. Il y a une angoisse qui monte dans le pays !

Je pense que le temps n'est pas à la remise de rapports. Il faut créer un filet de protection généralisé, au moins de manière temporaire mais je préconise qu'on le fasse durablement.

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Nous avons voté, le 26 novembre dernier, dans l'hémicycle, pour le lancement d'un débat public et citoyen sur un mécanisme de revenu universel. L'amendement, de bon sens, qui nous est proposé serait utile : nous avons besoin d'évaluations et d'éléments factuels pour débattre d'une façon démocratique.

Pardon d'être un peu redondante, mais nous allons le créer, le revenu universel. C'est le sens de l'histoire – on le voit aux États-Unis.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 : Gage

La commission rejette l'article 3.

Titre

La commission est saisie de l'amendement AS1 de M. Boris Vallaud.

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C'est un amendement rédactionnel : le texte concernerait, en réalité, les jeunes entre 18 et 24 ans. On peut déjà obtenir le RSA à partir de 25 ans.

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Sagesse. Il s'agit d'étendre ce droit jusqu'à l'âge de l'âge de 24 ans, 364 jours, 23 heures et 59 secondes. Vous voyez l'ampleur de notre divergence, monsieur Vallaud !

Nous nous sommes plongés dans le débat qui a précédé la création du RMI. Rien n'indiquait, dans les travaux préparatoires, qu'il fallait qu'il débute à 25 ans plutôt qu'à 18, d'autant que les dispositifs d'insertion allaient jusqu'à 26 ans. Rien ne correspondait à ce seuil qui semble, depuis, être une frontière infranchissable.

Je rappelle aussi que la France fait partie des quatre derniers pays de l'Union européenne qui prévoient un âge différent pour la majorité sociale et pour la majorité politique.

J'ai présenté, il y a quelque temps, une proposition de loi concernant les vols aériens. On m'a alors traité, en gros, de « khmer vert ». On m'a dit que c'était insensé, impensable, impossible, alors qu'il s'agissait d'une proposition de bon sens, qui vient d'être reprise par la majorité, sous une forme atténuée, dans le projet de loi relatif au climat.

Reste que je n'ai toujours pas entendu la moindre explication, dans cette salle, de la divergence entre la majorité politique et la majorité sociale, l'une étant fixée à 18 ans et l'autre à 25. L'idée que c'est incompréhensible va monter de plus en plus dans notre pays, et vous finirez par porter un regard différent sur cette question – j'espère que cela arrivera très vite.

La commission rejette l'amendement.

L'ensemble des articles et l'amendement portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée par la commission.

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. Je laisserai la conclusion à ATD Quart Monde : « Nous ne voulons plus répondre aux demandes du Gouvernement. Nous lui avons tout dit, redit, et re‑redit. Nous en avons parlé avec Véronique Fayet, la présidente du Secours catholique, qui partage notre attitude. Cela ne m'est jamais arrivé en quinze ans d'exercice au sein d'ATD. Ils savent tout ce qu'il faut faire. Maintenant, c'est à eux d'agir. » Ce matin, vous choisissez de nouveau de ne pas agir.

Puis elle examine la proposition de loi établissant la garantie d'emploi par l'État employeur en dernier ressort (n° 4017 rect.) (Mme Danièle Obono, rapporteure).

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Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'accueillir au sein de la commission des affaires sociales, et de remercier également les administrateurs de l'Assemblée, qui m'accompagnent avec beaucoup d'efficacité et de bienveillance, ainsi que mes collaborateurs et collaboratrices et toute l'équipe des ateliers des lois de La France insoumise.

La proposition de loi établissant la garantie d'emploi par l'État employeur en dernier ressort, déposée par notre collègue Jean-Hugues Ratenon, est le produit d'un travail collectif au long cours, le fruit d'une réflexion sans cesse enrichie par l'éclairage de celles et ceux – économistes, sociologues, responsables associatifs, militants et militantes, citoyens et citoyennes – qui, comme les membres du groupe La France insoumise, appellent de leurs vœux la mise en œuvre d'une politique radicalement différente dans le domaine de la lutte contre le chômage, en particulier de longue durée.

Les chiffres du chômage sont catastrophiques. Notre pays compte aujourd'hui près de 6 millions de chercheurs et chercheuses d'emploi, toutes catégories confondues, et la crise économique ne manquera pas d'aggraver les choses. La proportion structurelle des personnes durablement privées d'emploi en France est élevée et ne cesse d'augmenter depuis des années. Au quatrième trimestre 2020, ils et elles étaient près de 2 900 000, selon les chiffres de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de Pôle emploi. Cela doit nous préoccuper autant que nous obliger, en tant que citoyens et citoyennes, et surtout en tant que législateurs et législatrices.

Les effets du chômage de longue durée sur le retour à l'emploi sont dévastateurs. Les chômeurs et chômeuses exclus du marché du travail, ou auto-exclus du fait de la baisse de leurs capacités productives, se retrouvent disqualifiés par les employeurs, qui redoutent une perte de compétence et une détérioration de leur capital humain. Mais les conséquences sont aussi sociales et économiques, et toutes sont absolument dramatiques.

Combattre ce chômage est un enjeu sanitaire à part entière, tant il contribue à détériorer la santé des personnes privées d'emploi. Le chômage de longue durée multiplie par trois le risque de mortalité, ce qui en fait un facteur aussi aggravant que le tabagisme, et par deux le risque d'accident cardiovasculaire. Plus d'un tiers des personnes ayant fait l'expérience du chômage de longue durée connaissent un épisode dépressif. Au total, en France, entre 10 000 et 14 000 décès par an seraient imputables au chômage. Dans un pays où l'attachement au travail et à sa dimension sociale est fort, en être privé exclut et isole. Ce phénomène de désaffiliation, bien identifié par le sociologue Robert Castel, va très certainement s'aggraver avec la crise que nous traversons, qui distend les liens entre les individus.

Sur le plan économique, le chômage a un coût : entre 16 000 et 19 000 euros par an et par demandeur et demandeuse d'emploi, selon l'évaluation de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » réalisée par l'association ATD Quart Monde. En termes macroéconomiques, ce sont plus de 65 milliards d'euros qui sont consacrés chaque année aux politiques actives et passives en faveur de l'emploi, hors exonérations fiscales et allégements de cotisations sociales. Dans le même temps, près d'un tiers des personnes privées d'emploi n'ont plus aucun droit à indemnisation et survivent grâce aux minima sociaux. Aujourd'hui, un quart des personnes au chômage vivent sous le seuil de pauvreté.

La situation dans laquelle se trouve notre société est celle-ci que des dizaines de milliards d'euros sont dépensés tous les ans dans des politiques qui manquent cruellement d'efficacité, alors que les besoins des personnes les plus éloignées de l'emploi sont de moins en moins bien couverts.

Reconnaissons que les recettes libérales privilégiées depuis des années – réduction du coût du travail et flexibilisation du marché au premier chef – n'ont pas eu les effets annoncés par leurs promoteurs et promotrices. Et les réformes engagées depuis le début du quinquennat – la prétendue réorganisation du dialogue social et économique dans l'entreprise issue des ordonnances de 2017, ou la définition d'un nouveau cadre pour l'assurance chômage, moins protecteur et moins juste – ne produiront pas plus de résultats positifs que les politiques conduites jusqu'à maintenant. Au-delà des désaccords idéologiques sur les mesures imaginées par les décideurs et décideuses d'un temps, légitimes et naturels dans une démocratie, nous partageons tous depuis longtemps le constat que ces politiques n'ont jamais permis d'éradiquer le chômage de longue durée, ni même de le faire reculer significativement de manière durable.

Ce constat ne doit pas pour autant nous faire oublier que le chômage n'est pas une fatalité. Des dispositifs intéressants pour améliorer la situation de l'emploi ont été mis en place, et d'autres mécanismes peuvent être imaginés. Les propositions qui sont faites méritent d'être examinées attentivement, et non d'être balayées d'un revers de la main au motif qu'elles n'émanent pas des rangs de l'actuelle majorité. L'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016 et récemment prorogée avec le soutien de notre groupe, doit nous encourager. Elle a montré que la lutte contre le chômage n'était pas qu'une question budgétaire et qu'avec la mobilisation de tout un territoire, il est possible de proposer un emploi à toutes les personnes qui en sont durablement privées et souhaitent en retrouver un.

Il faut à présent aller plus loin. Dans le contexte économique, il nous faut faire preuve d'un volontarisme sans faille si l'on veut se donner les moyens de remporter la bataille de l'emploi, du moins la mener avec des armes aussi efficaces que possible, pour éviter que des milliers de personnes supplémentaires ne basculent dans la pauvreté. Avec le texte que nous présentons, le groupe La France insoumise, fidèle au programme « L'avenir en commun » et aux engagements de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017, apporte une réponse concrète au défi posé par le chômage de longue durée en proposant la mise en place d'une garantie d'emploi pour les personnes qui en sont durablement privées. Cette proposition repose sur l'idée, théorisée dans les années 1970 par l'économiste étatsunien Hyman Minsky, qu'une lutte efficace contre le chômage suppose que l'État s'engage à fournir un emploi à toutes celles et tous ceux qui sont prêts à travailler au salaire minimum, et éventuellement au‑delà, en fonction des qualifications requises pour les emplois proposés. L'État assume, ce faisant, le rôle d'employeur en dernier ressort.

Contrairement à une idée parfois avancée, le travail ne manque pas dans notre pays. Au contraire, les domaines dans lesquels les besoins de la société ne trouvent qu'une satisfaction partielle sont nombreux : préservation de l'environnement, aide aux personnes âgées, aux enfants et aux malades, amélioration de la vie urbaine, animation en milieu scolaire, activités artistiques. Les opportunités pour l'emploi sont donc bien réelles aujourd'hui et, les économistes que nous avons interrogés l'ont rappelé, elles le seront davantage encore demain. Il ne fait guère de doute que la reconstruction écologique dans laquelle notre pays est encore trop timidement engagé induira nécessairement une hausse significative de la demande d'emplois dits « verts », tirée par l'émergence puis l'affermissement d'un modèle économique décarboné. Parallèlement, les métiers du lien, qui s'exercent dans le champ médico-social, dans celui de l'aide à domicile au bénéfice des personnes âgées ou de l'entretien des espaces publics, seront évidemment appelés, eux aussi, à occuper une place de plus en plus centrale dans notre société.

Voilà l'objet du dispositif imaginé par les rédacteurs et rédactrices de la proposition de loi : favoriser partout sur le territoire la création d'emplois ayant vocation à pourvoir à des besoins insatisfaits à ce jour, identifiés à l'échelon local de manière démocratique et transparente, et présentant une utilité sociale et écologique immédiatement perceptible pour la collectivité. Ces besoins ne sont pas imaginaires ; ils existent bel et bien, dans l'Hexagone et dans les territoires ultramarins, notamment dans le domaine sanitaire, pour ces derniers, en raison de la résurgence de certaines maladies.

La garantie d'emploi telle qu'elle est imaginée ici s'inscrit pleinement dans l'objectif de la bifurcation écologique et solidaire que les députés du groupe La France insoumise appellent de leurs vœux et qui implique une réorientation immédiate de l'ensemble des moyens de production, d'échange et de consommation afin que la société garantisse des conditions de travail dignes et des possibilités de survie collective. C'est l'une des composantes d'un ambitieux programme national, d'une formidable aventure collective, d'un gigantesque défi civilisationnel : la construction d'une société plus juste et solidaire, qui favorise l'harmonie entre les êtres et garantit la préservation de l'écosystème qui rend la vie humaine possible.

Les attentes sont fortes : les auditions préparatoires à l'examen du texte l'ont démontré. La réflexion est riche, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. À présent, il est temps d'en venir aux actes.

Une garantie d'emploi aurait un impact positif sur la relance économique et l'indispensable bifurcation écologique de notre pays. Oui, sa mise en œuvre aurait un coût pour les finances publiques. Mais elle serait aussi source d'économies pour l'assurance chômage et le système de protection sociale dans son ensemble, et tirerait à la hausse une consommation plus vertueuse des ménages. Qui peut sérieusement contester l'idée que les sommes versées au titre de l'indemnisation du chômage seraient mieux employées si elles servaient à la rémunération d'un travail ?

Une garantie d'emploi serait vectrice de progrès social, car un chômage moindre réduirait la pression à la baisse sur les salaires de la part des détenteurs et détentrices du capital. Elle donnerait une traduction concrète à la promesse de générations de révolutionnaires qui ont édifié la République et la rêvaient pleinement sociale. Cette promesse est formulée au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel chacun et chacune a « le droit d'obtenir un emploi ». Force est de reconnaître que, faute de revêtir un caractère opposable, ce principe demeure largement incantatoire en dépit de sa valeur constitutionnelle.

Cette proposition de loi s'articule autour de trois articles, mais nous espérons qu'elle sera enrichie pour permettre son adoption. L'article 1er confie au service public de l'emploi une nouvelle mission consistant à octroyer et financer un emploi à toute personne qui en est durablement privée. Il est important de redonner la plénitude de ses moyens à ce service public et de l'inscrire dans cette stratégie nationale, pour que sa structure soit mise au service de ce nouveau mécanisme. L'article 2 expose les principales caractéristiques du contrat conclu entre la personne en demande d'emploi et l'association d'emploi chargée du pilotage du nouveau dispositif à l'échelon territorial. L'article 3 définit la gouvernance du dispositif au plan national ainsi qu'au plan local.

Je forme le vœu que nous puissions débattre sereinement, de manière riche et constructive, d'un sujet qui revêt, aux yeux des députés insoumis et des députées insoumises, une importance capitale, à plus forte raison dans le contexte économique actuel. La représentation nationale se voit offrir aujourd'hui la possibilité de se montrer à la hauteur de l'enjeu.

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Nous partageons, évidemment, l'objectif de lutter prioritairement contre le chômage de longue durée. Il est question de 1 200 000 personnes avant la crise du covid, potentiellement 1 600 000 aujourd'hui, ce qui donne la mesure du travail à mener. Mais nous ne sommes pas d'accord sur le chemin à emprunter. Nous ne croyons pas que l'État puisse devenir l'employeur de l'ensemble des demandeurs d'emploi.

Notre objectif est d'offrir aux entreprises un contexte économique et juridique favorable pour créer de l'emploi durable pour tous. Preuve en est apportée par le travail que nous avons mené en commun, puisque nous avons adopté à l'unanimité des groupes politiques la proposition de loi pour renforcer l'insertion par l'activité économique et étendre à cinquante territoires supplémentaires l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette loi, adoptée en fin d'année 2020, comporte plusieurs dispositifs. Je pense aux parcours d'insertion, dont le nombre de places va augmenter de 25 %, et aux contrats passerelles qui faciliteront l'intégration dans une entreprise en restant salarié d'une structure d'insertion.

Vous renvoyez à la responsabilité de l'État ; il a été proposé que, dans la commande publique, les critères sociaux soient placés au même niveau que les critères environnementaux. L'État sera donc exemplaire sur la qualité des emplois auxquels il sera fait appel pour répondre à sa commande. Les Républicains, le MoDem et le Parti socialiste ont soutenu ces amendements, qui ont été adoptés. Nous avons été jusqu'à indiquer un pourcentage des contrats qui pourraient être confiés à des structures favorisant la réinsertion des chômeurs de longue durée.

Le coût de la mesure proposée dans ce texte est un vrai problème. J'ai tenté de réaliser un chiffrage rapide : j'aboutis à environ 80 milliards d'euros, sans compter tous les renouvellements que vous prévoyez. C'est presque le coût du plan de relance.

Nous ne soutiendrons pas ce texte dont les mesures ne sont pas chiffrées, et nous privilégions d'autres chemins pour lutter contre le chômage de longue durée.

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Nous sommes, évidemment, d'accord pour reconnaître que l'emploi est un enjeu essentiel pour la population. Mais il y a beaucoup de divergences entre nous sur les moyens de lutter contre le chômage de masse.

Vous invoquez le Préambule de la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Le Conseil constitutionnel a tranché sur ce point : ces textes ne créent pas d'obligation de résultat pour l'État, mais une obligation de moyens. Or les moyens sont mis en œuvre, même si on peut toujours considérer qu'ils sont insuffisants. D'ailleurs, plusieurs lois ont été votées ces derniers temps, de façon assez consensuelle, pour accorder un maximum d'éléments allant dans ce sens.

Le système que vous proposez aboutit à fonctionnariser une partie de la population. Ce n'est pas du tout notre conception de l'emploi. Nous considérons que c'est au secteur privé de créer et développer l'emploi, et au secteur public, dans le cadre de ses fonctions régaliennes, de créer l'environnement nécessaire pour que la société fonctionne bien et que les entreprises puissent se développer, par exemple en apportant la sécurité juridique par le code du travail.

Votre dispositif oblige les collectivités à embaucher des personnes éloignées de l'emploi. Des systèmes permettent déjà à beaucoup de collectivités de le faire.

Vous proposez des contrats de douze mois renouvelables trois fois, donc trente-six mois, au niveau de rémunération antérieure, sans prévoir de limite. On ne sait pas quels emplois seraient donnés à ces personnes. Et si certains avaient des salaires importants, comment fera la collectivité pour les rémunérer ?

Même si cette proposition peut sembler généreuse, elle risque, au contraire, d'affaiblir le système, et le travail cesserait d'être une valeur telle que nous la concevons aujourd'hui. Nous voterons contre cette proposition.

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Cette proposition de loi instaure le principe d'un État employeur en dernier ressort. Concrètement, il s'agirait que l'État s'engage à embaucher toute personne qui le souhaite, au salaire minimum, par un contrat à durée déterminée d'au moins douze mois renouvelable deux fois. Cette conception, qui s'apparente à une nationalisation de l'emploi, est à l'exact opposé des valeurs défendues par le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ; même les Soviétiques n'ont pas osé !

Ce texte écarte totalement les entreprises du processus de dynamisation du marché du travail. Pire encore, il les dédouane de tout objectif de création et de maintien de l'emploi, puisque l'État incarnerait le pompier de service. Cela me fait penser à l'expérience malheureuse des Ateliers nationaux, destinés à fournir du travail aux chômeurs après la révolution de février 1848. Cette expérience sociale n'avait duré que trois mois, pour un résultat catastrophique. La comparaison avec le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n'est pas pertinente, puisque celui-ci constitue une solution d'appoint à l'échelle microéconomique pour les territoires clairement identifiés comme durablement sinistrés. Il ne s'agit en aucun cas de généraliser un tel principe sur le plan macroéconomique. Si votre proposition était sérieuse, vous proposeriez un chiffrage, mais il n'en est rien.

Face à la crise, nous préférons déployer des mécanismes efficaces d'aide et de soutien aux entreprises afin de les inciter à conserver l'emploi et à en créer de nouveaux. C'est ce que s'efforcent de faire le Gouvernement et la majorité avec les dispositifs protecteurs pour les entreprises, pour garantir les emplois, les salaires et développer de nouvelles industries pour la création de nouveaux emplois. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe MoDem s'opposera fermement à cette proposition de loi.

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Il y a quelques mois, nous étions nombreux à défendre la généralisation de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », et non son seul élargissement. Cette proposition de loi explore un champ voisin et s'approche de réflexions menées par un certain nombre de think tanks autour de l'emploi vert garanti, sujet que nous étudions avec beaucoup d'organisations non gouvernementales et d'autres partis politiques, ainsi que des réflexions en cours aux États-Unis sur les ateliers nationaux. Certaines inspirations peuvent être intéressantes.

Cette proposition se fonde sur l'idée que nul n'est inemployable. C'est une promesse républicaine qu'il faut tenir et dont Territoires zéro chômeur de longue durée nous a convaincus. Elle part aussi du fait que le manque d'emplois n'est pas le manque de travail, et qu'il faut réfléchir aux possibilités de valoriser le travail hors emploi, le travail gratuit, l'engagement. Au fond, seuls les grands chefs d'entreprise ont d'autres façons de se rémunérer que le salaire, et beaucoup de gens sont renvoyés au bénévolat, à l'amateurisme, pour remplir des missions qui sont pourtant essentielles.

Cette proposition ouvre aussi une réflexion sur le coût de la pauvreté et celui des politiques de lutte contre la pauvreté. Certains soulèvent la question du chiffrage, mais qui peut dire combien coûte la pauvreté ? Je prétends qu'il coûte moins cher de lutter contre la pauvreté que de l'accepter. ATD Quart Monde en a fait la démonstration à plusieurs reprises. Le coût de la mesure doit être évalué sous cet angle, et nos homologues belges, qui veulent expérimenter le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », ont démontré que le coût net de cette mesure était positif.

Comme la précédente proposition de loi examinée en première partie de cette réunion, celle-ci nous rappelle la centralité du travail, mais du travail digne, porteur de sens, qui n'abîme pas, qui émancipe. En examinant le texte dans le détail, nous trouvons un certain nombre de points de désaccord et des éléments qui méritent un débat approfondi. Je souhaite que nous puissions en discuter dans l'hémicycle et que cette proposition de loi prospère. C'est pourquoi nous la soutiendrons.

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À la lecture de ce texte, plusieurs points de vigilance sont à souligner. Si le concept de garantie d'emploi peut paraître séduisant en théorie, sa mise en pratique semble inadaptée au marché de l'emploi et risquée pour l'équilibre des finances publiques.

L'article 1er prévoit que l'octroi et le financement d'un emploi doivent correspondre aux qualifications, à la formation et au parcours professionnels de la personne en recherche d'emploi. En partant du postulat que le marché de l'emploi doit s'adapter aux spécificités des personnes au chômage, vous désolidarisez le chômage de l'employabilité des actifs, et donc de la formation initiale et continue. Or nous estimons que le marché du travail est éminemment évolutif, en pleine mutation, suivant l'évolution des secteurs d'avenir. Cloisonner les chômeurs à leurs compétences acquises et à leur formation nuira considérablement à l'évolution professionnelle des futurs actifs, à leur émancipation, ainsi qu'au dynamisme de notre système économique.

Vous n'évoquez pas le ressort géographique de l'offre. Dans quel périmètre devrait-elle s'inscrire ? D'un point de vue pragmatique, aucune disposition ne définit concrètement la suite de la garantie d'emploi : qu'advient-il une fois dépassé le quota des douze mois renouvelables deux fois ? Cette lacune nuit à la compréhension de l'objectif de votre proposition de loi et pourrait induire un leurre, celui de l'embauche définitive.

Nous manquons d'éléments chiffrés pour évaluer l'impact réel et global de cette proposition sur l'équilibre de nos finances publiques et de celles des collectivités locales. Il n'est pas concevable de naviguer à vue sur un tel sujet. Notre groupe ne votera pas ce texte.

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Depuis le début de l'épidémie de covid-19, les chiffres de l'emploi sont très préoccupants. Selon le groupe Libertés et Territoires, dans un tel contexte de crise et d'incertitude, alors que la précarité s'amplifie et que les difficultés à trouver un emploi sont décuplées, il est incompréhensible que le Gouvernement poursuive sa réforme de l'assurance chômage. Si certains des objectifs étaient partagés, comme la lutte contre les contrats courts, d'autres dispositifs ne se justifient plus. D'importants effets pervers sont à craindre, en particulier sur les jeunes et les plus précaires, alors même qu'ils sont les plus vulnérables face à la crise.

Au-delà du chômage conjoncturel, renforcé par cette crise, cette proposition de loi a le mérite de soulever le problème du chômage structurel, dit de longue durée. Les échecs des politiques qui se sont succédé ces dernières années montrent que d'autres pistes doivent être creusées. La flexibilisation du marché du travail a montré ses limites. Qu'il s'agisse des baisses de cotisations ou du crédit d'impôt pour la compétitivité des entreprises, les embauches n'ont pas été au rendez-vous. Surtout, ces politiques se sont parfois menées au détriment de la sécurité des Français, de celle des travailleurs et des plus fragiles, notamment des jeunes.

Nous partageons les arguments de la rapporteure sur le coût que représente le chômage de longue durée : perte d'employabilité et de sociabilité, difficultés d'accès aux soins et coût important en termes de dépenses sociales. C'est pourquoi notre groupe s'est toujours prononcé en faveur de la poursuite et de l'extension de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », dont la proposition de loi semble s'inspirer assez largement. Il importe que cette expérimentation soit menée à son terme et évaluée afin de tirer les enseignements de la première phase. Il nous paraît essentiel que l'initiative vienne des territoires. Surtout, si nous encourageons son extension, il est nécessaire que les comités locaux chargés de l'accompagnement soient mieux dotés financièrement. Or la participation de l'État prévue pour 2021 est très insuffisante au regard des objectifs fixés par l'exécutif.

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Pour nous, l'emploi est le commencement de tout, et d'abord de l'autonomie individuelle. L'emploi est d'ailleurs un droit proclamé dans la Constitution : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Il en découle la nécessité que l'État et son gouvernement concourent à rendre ce droit effectif en mobilisant tous leurs moyens. Nous pensons que c'est un échec absolu.

Sans parler des destructions d'emplois malgré les aides versées par l'État, avant même la crise, 80 % des embauches se faisaient sous contrats courts. Les quelque 300 000 emplois non pourvus souvent évoqués ne font pas le poids en comparaison des 7 millions de chômeurs disponibles. D'ailleurs, les statistiques du chômage – dont une personne peut être exclue à la faveur d'un contrat extrêmement court – cachent une réalité sociale brutale. Le chômage est une souffrance, pourtant, c'est sur le dos des chômeurs que ce gouvernement entend réaliser 2,3 milliards d'euros d'économie avec sa réforme de l'assurance chômage.

Nous portons donc l'ambition d'éradiquer le chômage et d'atteindre le plein emploi, au moyen de trois leviers essentiels.

Le premier est le partage du temps de travail. Le nombre de demandeurs d'emploi augmente plus vite que le nombre d'emplois créés, car le temps de travail est bloqué en France depuis 2002, malgré les gains de productivité. On produit plus avec moins de main‑d'œuvre, pourtant on ne partage pas le travail entre tous. Partager le temps de travail, travailler moins pour travailler tous et travailler mieux, est une solution efficace pour lutter contre le chômage.

Le deuxième levier est la planification de la bifurcation écologique. Outre l'impérieuse nécessité de faire face au changement climatique, cette planification se traduirait en millions d'emplois créés.

Le troisième levier est la garantie d'emploi, dont nous débattons aujourd'hui. Nous voulons sortir de l'utilisation du chômage pour exercer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. Nous ne partageons pas l'idée selon laquelle le travail va manquer ; compte tenu de toutes les tâches à accomplir pour réaliser la bifurcation écologique, nous affirmons que nous ne manquons pas de travail, mais d'emplois. L'État, qui doit concourir à garantir le droit à l'emploi proclamé dans la Constitution, ne doit plus dépendre du bon vouloir du marché de l'emploi et de l'utilisation volontaire du chômage. Avec la garantie d'emploi, l'État s'engage à proposer ou à financer un emploi à tout chômeur qui souhaite travailler, au salaire de base du secteur public ou davantage. Ces emplois pourraient également assurer la réalisation de travaux indispensables qui ne sont pas pris en charge : entraide, emplois verts, métiers du lien.

Voilà une proposition dont le potentiel est maximal. Elle devrait faire réfléchir celles et ceux qui prétendent défendre la valeur travail mais n'ont aucune autre solution au chômage de masse que des cadeaux fiscaux sans contrepartie et une pénalisation détestable des personnes touchées par le chômage.

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La proposition de loi que vous présentez a le mérite de valoriser le travail en tant que droit, mais aussi en tant que devoir pour tous nos concitoyens, comme le prévoient le Préambule de la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Cependant, l'État n'a pas une obligation de résultat, mais de moyens, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel. L'État doit faire son possible afin que chacun puisse avoir un emploi, à travers l'organisation du marché de l'emploi, de Pôle emploi, de divers dispositifs et d'aides aux entreprises.

Le travail dépend des travailleurs, de leur formation, de leur volonté, et bien évidemment des entreprises, c'est-à-dire de l'offre d'emploi dans notre pays. Avez-vous pu estimer le volume d'emplois à créer, pour quels métiers, et vers quelles formations aller ? Comment correspondrait-il au nombre de chômeurs ?

En cas d'utilisation de votre dispositif, comment assurer le retour à l'emploi « traditionnel » des personnes après les douze mois renouvelables que vous préconisez ? Quel accompagnement à la réinsertion professionnelle prévoyez-vous ? C'est essentiel, parce que nous ne pouvons fonctionnariser à vie tous les chômeurs actuels pour des missions dont nous ne connaissons pas la teneur ni l'utilité réelle.

Vous proposez la création d'une énième instance, puisque vous souhaitez installer des comités des partenaires dans chaque agence locale de Pôle emploi, c'est-à-dire une nouvelle usine à gaz qui serait seule décisionnaire.

Enfin, le financement n'est évoqué que par l'expression « l'argent ne manque pas ». Sachant que l'épidémie de covid-19 va coûter quelque 420 milliards d'euros aux finances publiques entre 2020 et 2022, nous percevons les limites de l'exercice. J'aimerais entendre la rapporteure à ce sujet. Il n'est pas crédible que l'État puisse subvenir à la création de ces emplois sans condition, et il est regrettable que vous n'abordiez pas ce sujet dans votre texte. Sans moyens financiers, nous ne pouvons pas aller plus loin.

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Je conçois que nos différentes conceptions du travail et de l'emploi obèrent les possibilités d'amender une proposition de loi dont vous ne partagez pas la philosophie.

Je tiens à vous rassurer : il ne s'agit pas de fonctionnariser tout le monde, ni d'aller plus loin que les Soviétiques. Nous nous référons plutôt à Roosevelt, puisque ce dispositif fait partie de ceux qui ont été mis en place dans le cadre du New Deal et qui sont actuellement envisagés aux États-Unis. Point n'est donc besoin d'évoquer l'Union soviétique. Du reste, ces dispositifs existent dans d'autres pays, comme l'Inde et l'Argentine, sous des formes différentes, qui n'impliquent pas nécessairement la fonctionnarisation. La forme retenue en Argentine est très décentralisée.

Nous trouvons aussi des exemples dans l'histoire. Les Ateliers nationaux que vous évoquez peuvent être considérés comme une forme primaire d'assurance chômage. Ils ont, en tout cas, permis de faire émerger l'idée d'une responsabilité de l'État. D'autres s'en sont inspirés pour élaborer les dispositifs qui ont constitué notre système de protection sociale ; ne les balayons pas d'un revers de la main. Nous partageons l'idée que la collectivité, la puissance publique, a une responsabilité.

Certains collègues considèrent que c'est aux entreprises qu'incombe la responsabilité de créer des emplois. Je considère que leur objectif premier est de faire des profits – c'est consubstantiel à leur nature, dans la logique même du capitalisme. C'est pour cela qu'elles n'ont aucune difficulté à détruire de l'emploi si cela participe de leur stratégie. La création d'emplois n'est donc pas une conséquence automatique de la bonne marche des entreprises ; souvent, la destruction d'emplois leur est bien plus profitable.

La doxa en vigueur depuis un demi-siècle, selon laquelle il faut aider les entreprises à créer des emplois, est un échec puisque la France et d'autres pays se sont installés dans un chômage de masse. Cet échec est même théorisé par le non-accelerating inflation rate of unemployment (NAIRU), qui postule la nécessité d'un niveau de chômage optimal pour la bonne marche de l'économie. Le maintien d'un chômage structurel est considéré comme un élément nécessaire au système économique.

Nous considérons que ce n'est pas le maintien du chômage de masse qui devrait constituer un stabilisateur pour l'économie, mais la garantie de l'emploi. Je vous renvoie aux travaux de Pavlina R. Tcherneva et aux simulations de mise en place d'un système de garantie d'emploi réalisées aux États-Unis : ils démontrent que cette mesure a des effets macroéconomiques positifs, notamment par la consommation, au-delà des bénéfices sociaux apportés aux personnes qui retrouvent un travail.

L'initiative parlementaire ne nous fournit pas les moyens d'effectuer ce type de travaux. Il serait d'ailleurs utile de réfléchir aux moyens dont disposent les parlementaires pour obtenir des données et réaliser des simulations et des études d'impact. En tout cas, des arguments macroéconomiques et monétaires existent en faveur de cette mesure ; il ne s'agit pas de mener l'État à la banqueroute.

Par ailleurs, la situation actuelle montre que s'il n'y a pas d'argent magique, on sait trouver les moyens. De fait, l'État assure aujourd'hui une garantie d'emploi en finançant le chômage partiel ; l'État est employeur en dernier ressort du fait de la crise. Nous ne devrions pas avoir besoin de ces circonstances pour penser autrement la responsabilité de l'État. Si nous nous accordons à considérer le chômage de masse comme une catastrophe sociale, économique et sanitaire dont les effets sont dévastateurs, équivalents à ceux d'un virus pour le corps social, alors le rôle de l'État doit être renforcé pour inscrire la lutte contre le chômage dans une stratégie globale de relance de l'activité par la bifurcation écologique et solidaire, en se fixant l'objectif du plein emploi.

Le dispositif que nous proposons s'inspire de ce qui existe déjà. Nous pensons qu'il est nécessaire de généraliser et de systématiser ce qui se fait, et nous proposons une déclinaison du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Le redéveloppement d'un certain nombre de services publics – donc le financement de nouveaux services publics – mais aussi le recours à la commande publique pour relancer le secteur privé permettent de dessiner une politique globale. Le périmètre concerné n'est ni le secteur public ni le secteur privé, mais celui de l'économie sociale et solidaire. Il permet aux personnes privées d'emploi de contribuer par leur travail au bien-être de la collectivité, puis d'évoluer professionnellement et de se tourner ensuite vers l'emploi public ou privé. Les personnes n'auront pas vocation à se maintenir dans ce système, dont nous avons une vision dynamique. Comme c'est le cas pour les dispositifs existants, nous prévoyons un volet de formation et de requalification important. Ce sera notamment le rôle du service public de l'emploi, dont les moyens devront être augmentés pour assurer ces missions.

Notre proposition n'est pas du tout contradictoire avec la volonté de notre assemblée d'étendre le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous avons l'ambition d'aller plus loin, sachant qu'il faudra penser différemment dans les mois à venir. L'année dernière, pendant le premier confinement, il a souvent été question du monde d'après, du « quoi qu'il en coûte », et de penser autrement notre rapport au travail. Nous nous inscrivons dans cette démarche : éradiquer le chômage de longue durée ne sera pas possible en étendant tous les cinq ou dix ans un dispositif en place. Ces dispositifs perdent les qualités qui font leur intérêt si l'on n'y consacre pas les moyens permettant de les appliquer sur l'ensemble du territoire national. Cette démarche s'inscrit dans une réflexion partagée au niveau international.

J'ai déposé quelques amendements afin de préciser certains points, et je vous invite à déposer vos propres amendements en séance publique pour contribuer à ce débat parlementaire. Nous souhaitons qu'il permette la mise en œuvre de véritables politiques de l'emploi usant des outils les plus efficaces qui soient pour éradiquer le chômage de longue durée. Nous espérons que le dispositif que nous vous proposons y contribuera.

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Les politiques de soutien aux entreprises, dites-vous, ont échoué. Selon la DARES, le taux de chômage – 7,6 % – était en 2019 le plus bas jamais atteint depuis des dizaines d'années et nous avons créé 500 000 emplois. Notre politique a donc porté ses fruits, hélas réduits à néant par la crise du covid.

Nous avons également poursuivi la politique des emplois subventionnés avec le plan 1 jeune, 1 solution, et cela fonctionne : jamais nous n'avons eu autant d'apprentis et autant de jeunes accédant à leur premier contrat à durée indéterminée.

Nous travaillons, au sein de cette commission, sur le financement de l'emploi : ce sont plus de 13 milliards d'euros qui sont consacrés à l'accompagnement de ces mesures, 12 milliards supplémentaires ont été débloqués cette année dans le cadre du plan de relance, soit 600 millions de plus que l'an dernier, et plus de 2,5 milliards sont exclusivement consacrés à l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Nous n'empruntons certes pas le même chemin que vous, mais nous sommes très impliqués dans la question du chômage de longue durée.

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Je préfère que l'on s'attache à résoudre les problèmes de chômage par l'emploi plutôt que par l'allocation. Si la prolongation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » a été adoptée à l'unanimité, c'est bien que nous sommes d'accord sur un principe : l'activation des dépenses passives, selon laquelle il est préférable d'affecter les 18 000 euros que coûte par an l'indemnisation d'un chômeur de longue durée à la rémunération d'un emploi. Or, selon les rapports d'évaluation, 5 000 euros seulement sont en fait activés. L'écart est immense, sauf à considérer que les dépenses publiques, donc les impôts, peuvent encore augmenter.

De plus, il ne me paraît pas opportun d'en appeler systématiquement au droit à l'emploi, alors que le Préambule de la Constitution – on l'oublie trop souvent – dispose d'abord : « Chacun a le devoir de travailler ».

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Sans doute le coût du chômage est-il sous‑estimé et devrait-il tenir compte de ses conséquences en termes éducatifs, sanitaires et sociaux. Des évaluations plus précises s'imposent. Le problème, en effet, n'est pas tant le coût du dispositif que nous proposons que celui du chômage et de ses conséquences directes et indirectes pour l'ensemble de la société.

Certes, des dispositifs d'aide à l'emploi existent, mais je rappelle que ce gouvernement a réduit le nombre de contrats aidés, y compris pour les associations, qui en sont considérablement pénalisées. Les responsables des associations Emplois Verts de La Réunion, par exemple, nous ont assuré que le nombre de parcours emploi compétences (PEC) est insuffisant à combler un tel déficit.

Par ailleurs, nous atteignons peut-être les limites de ce type de dispositifs d'accompagnement, même s'il n'est pas question pour nous de faire table rase du passé. Il faut tenir compte de leurs enseignements, notamment pour la jeunesse, afin de les faire évoluer, d'en garder le meilleur et de les généraliser, mais il faut également accomplir un saut qualitatif. C'est précisément ce que nous proposons.

Enfin, l'opposabilité est une garantie pour les personnes qui veulent exercer ce droit à l'emploi, et se situe aux antipodes des discours stigmatisant les chômeurs ou prônant le renforcement des mesures de contrôle et de police. Il y va de notre responsabilité collective, y compris pour nous, en tant que parlementaires : jusqu'ici, nous avons tous failli à notre obligation de moyens et nous devons maintenant nous montrer à la hauteur.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article 1er

La commission est saisie de l'amendement AS1 de la rapporteure.

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L'amendement vise à proclamer solennellement l'engagement de l'État à l'égard des demandeurs et demandeuses d'emploi de longue durée. Il est primordial que notre pays agisse et finance ce dispositif ambitieux qu'est la garantie d'emploi de droit opposable.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Principes généraux de la garantie d'emploi de droit opposable

La commission est saisie de l'amendement AS2 de la rapporteure.

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L'amendement répond en partie à des demandes que des collègues viennent de formuler. Dans la lignée de notre proposition de résolution déclarant la nécessité d'une bifurcation écologique et solidaire pour aller vers les jours heureux, cet amendement vise à préciser le caractère « vert » des emplois qui seront proposés. La garantie d'emploi permettrait de répondre à des besoins localement identifiés, sociaux et écologiques, qui ne sont pas satisfaits parce que non rentables pour le secteur privé, ce qui serait bénéfique à la fois pour les personnes sans emploi et pour la collectivité.

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Nous voterons contre cet amendement mais nous nous rejoignons à propos des métiers liés à la transition écologique. C'est d'ailleurs tout le sens du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : augmentation du nombre de clauses environnementales et inclusion des clauses sociales dans les contrats, sécurisation des capacités budgétaires qui y sont consacrés dans les clauses de concession. Accroître le nombre d'emplois dans le domaine de la transition écologique, oui, créer une obligation d'embauche, non !

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Je m'interroge sur le terme de « bifurcation », qui suppose de choisir entre deux voies. Quelles sont-elles dans le domaine écologique ?

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De plus, un tel fléchage exclut des personnes de l'emploi plus qu'il ne les inclut : outre l'indéfinition de ce terme, tout le monde ne peut ni ne veut opter pour ce type d'emplois.

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Nous préférons, en effet, le terme de « bifurcation » à celui de « transition », car nous sommes confrontés à un défi civilisationnel : c'est l'ensemble de nos modes de production, de consommation et d'échange qu'il convient de changer, ce qui implique des ruptures et pas une simple évolution linéaire à travers des incitations. La transition vers un monde plus responsable écologiquement ne saurait être naturelle. Si tel était le cas, nous y serions parvenus tant nous connaissons depuis longtemps les conséquences de nos activités économiques et industrielles. Or aucun changement notable n'est constaté et nous sommes au pied du mur. Nous devons donc opter pour un changement radical.

Le dispositif que nous proposons n'exclut personne. Encore une fois, il s'agit de s'inscrire dans une stratégie de plein emploi et de relance de l'activité, y compris en redynamisant le secteur privé grâce à la puissance publique. Nous avons en vue une dynamique globale.

Je répète également que le service public de l'emploi ne se réduit pas à ce dispositif et qu'il continuera à accompagner un certain nombre de personnes en fonction de leurs qualifications. Il disposera, de surcroît, de moyens plus importants, alors que Pôle emploi en manque pour accomplir ses missions.

Je précise, enfin, que la garantie d'emploi par l'État employeur « en dernier ressort » vise essentiellement la solvabilité de ce dispositif, son pilotage relevant du plan local et des structures existantes.

La commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CS3 de la rapporteure.

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L'amendement clarifie la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux dans l'application de la garantie d'emploi. Il ne s'agit pas d'amoindrir le rôle de la région mais de rappeler que la participation des départements et des communes est tout aussi essentielle. À la suite des expérimentations en cours, il convient de favoriser l'auto‑organisation et l'auto‑administration à l'échelle locale, à partir des besoins du terrain.

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Je vais me permettre une bifurcation... Si la majorité a diminué le nombre de contrats aidés, c'est en raison de leur utilisation, bien souvent plus profitable à la structure qu'à l'insertion des personnes. Toutefois, depuis le début de la crise sanitaire, nous les avons renforcés : les PEC ont joué leur rôle, de même que les contrats initiatives emploi dans le secteur marchand. On ne peut pas dire que le Gouvernement n'a rien fait ! Tout le problème est de parvenir à mobiliser les collectivités et les associations pour que les PEC soient effectivement utilisés, en faveur de l'insertion.

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Je ne peux pas laisser passer de tels propos ! Vous avez mis en difficulté un nombre considérable de structures et de personnes en considérant qu'il est préférable d'avoir de vrais chômeurs plutôt que de faux emplois, puisque c'est ainsi que vous les considérez. Il ne faut pas raconter n'importe quoi – et tant mieux si vous avez réactivé les emplois aidés pendant cette crise !

Votre ministre déléguée chargée de l'insertion, lorsqu'elle présidait un conseil départemental, avait proposé que le versement du revenu de solidarité active (RSA) soit conditionné à l'exercice d'une activité, ce que le Conseil d'État avait d'ailleurs invalidé. Il y a donc bien deux philosophies du travail, du devoir, de l'effort, qui nous opposent profondément.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'amendement rédactionnel CS4 de la rapporteure.

Enfin, elle rejette l'article 1er.

Article 2 : Caractéristiques du contrat de travail conclu entre le demandeur ou la demandeuse d'emploi et la structure chargée du pilotage de la garantie d'emploi de droit opposable au plan local

La commission est saisie de l'amendement CS5 de la rapporteure.

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Cet amendement, qui clarifie la rédaction de l'alinéa 4, poursuit deux objectifs : d'une part, indiquer expressément que toute personne durablement privée d'emploi sera éligible au dispositif de la garantie d'emploi, lequel devra lui permettre d'obtenir un emploi répondant à un besoin local identifié par une structure nouvelle, l'association d'emploi chargée de piloter le dispositif à l'échelon territorial ; d'autre part, prévoir que la personne éligible au dispositif conclura, avec l'association d'emploi en question, un contrat de travail qui définira notamment la ou les missions qui lui seront confiées.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette successivement les amendements rédactionnels CS6 et CS7 de la rapporteure.

Elle en vient à l'amendement CS10 de la rapporteure.

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L'amendement clarifie la rédaction de l'alinéa 8 pour prévoir que le contrat conclu dans le cadre du nouveau dispositif de garantie d'emploi devra porter la mention « contrat de droit opposable » et qu'y sera annexée la convention tripartite conclue entre Pôle emploi, l'association d'emploi qui pilotera le dispositif sur le plan local et la personne intéressée. Cette convention arrêtera les modalités de mise en œuvre dudit dispositif : missions de Pôle emploi et de l'association d'emploi, droits et obligations du bénéficiaire, caractéristiques du contrat de travail...

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Vous octroyez de nouvelles compétences à Pôle emploi alors que, dans votre rapport, vous en critiquez le fonctionnement. Pôle emploi fait un travail difficile et ne peut pas tout réussir mais son action est remarquable et ses agents doivent être salués.

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Nous pointons les limites de cette structure, comme le font d'ailleurs eux-mêmes les agents de Pôle emploi. Les difficultés qu'ils rencontrent – augmentation de la charge de travail, suivi des dossiers – s'expliquent par les choix politiques qui ont été faits depuis la fusion de métiers différents qui a présidé à la création de cet organisme.

Il n'en reste pas moins que l'application du dispositif que nous proposons impliquera de donner plus de moyens à Pôle emploi, notamment en matière de formation. Loin de nous l'intention de critiquer le service public de l'emploi : nous voulons, au contraire, qu'il bénéficie de tous les moyens nécessaires afin que ses agents ne soient plus en souffrance. C'est à l'État de garantir les bonnes conditions de cet exercice.

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J'ai évoqué tout à l'heure un certain nombre d'éléments budgétaires, dont les 600 millions d'euros supplémentaires. Nous avons augmenté les effectifs de Pôle emploi, bien avant la crise, précisément parce que cela s'imposait pour faire face à la charge de travail.

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Les emplois que vous avez supprimés à Pôle emploi depuis le début du quinquennat n'ont pas été rétablis.

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Je ne suis, en revanche, pas comptable des suppressions d'emplois qui ont été décidées avant...

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette successivement les amendements CS8, de correction, et CS9, de précision, de la rapporteure.

Enfin, elle rejette l'article 2.

Après l'article 2

La commission est saisie de l'amendement CS11 de la rapporteure.

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L'amendement consacre le caractère opposable du droit à l'emploi et ouvre à la demandeuse ou au demandeur d'emploi dont la demande aurait été indûment rejetée ou n'aurait pas été traitée dans un délai de deux mois la faculté d'introduire un recours devant la juridiction administrative aux fins qu'il soit ordonné à l'État de lui proposer un ou plusieurs emplois correspondant à sa qualification, sa formation et son parcours professionnel et tenant compte de ses besoins et contraintes.

La personne concernée pourra se faire assister par une association agréée par le représentant de l'État dans le département intervenant dans le champ de l'aide à l'insertion ou dans celui de la défense des personnes en situation d'exclusion.

Le tribunal, qui statuera dans un délai de deux mois, pourra ordonner à l'État de proposer à la personne intéressée un emploi s'il constate que les conditions autorisant le bénéfice de la garantie d'emploi sont réunies et qu'il ne lui a pas été proposé un emploi correspondant à sa qualification, sa formation et son parcours professionnel et tenant compte de ses besoins et contraintes.

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Le demandeur d'emploi, qu'il soit ou non syndiqué, peut très bien se faire assister par les partenaires sociaux. Des conseillers sont d'ailleurs chargés de le faire savoir. Quel intérêt à surajouter de nouvelles structures qui n'apporteront pas un service supplémentaire ? De plus, si je ne conteste pas la qualité de l'association en question, elle sera sans doute moins efficace qu'un syndicaliste.

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Il n'y a aucune restriction. Il s'agit simplement, par cet amendement, de préciser la procédure de recours.

La commission rejette l'amendement.

Article 3 : Création de nouvelles structures nationales et locales pour coordonner la mise en œuvre de la garantie d'emploi

La commission est saisie de l'amendement CS12 de la rapporteure.

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L'amendement précise les missions du Conseil national de la garantie d'emploi, qui a la responsabilité in fine de la bonne application du dispositif de la garantie d'emploi sur tout le territoire. Cette instance n'a pas pour vocation d'administrer étroitement ce dernier puisque, dans notre esprit, il doit être élaboré au plus près du terrain, sur un plan local. En revanche, ce Conseil administrerait le fonds et l'évaluation de ce dispositif. Il remettrait un rapport annuel au Parlement et opèrerait ainsi un contrôle ex-post des activités.

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Finalement, vous prévoyez de fonctionnariser des millions de personnes, qui relèveraient certes de contrats à durée déterminée, dans le respect du revenu antérieur. Je crains que les salaires, dans le secteur privé, soient un peu plus élevés que dans la fonction publique, et je me demande comment une telle disparité de traitements serait gérée : des personnes intègreraient la fonction publique et seraient mieux rémunérées que des fonctionnaires titulaires qui ont passé des concours, etc.

Par ailleurs, considérez-vous que le RSA, qui joue un peu le rôle du dispositif que vous proposez, quoique son montant soit relativement inférieur, devrait être conditionné à l'exercice d'une activité ?

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Bien sûr que non, puisque ces revenus seraient de nature différente : un minimum social n'est pas un salaire. En l'occurrence, il s'agit de dégager un salaire, qui ouvre des droits à la retraite, etc.

Par ailleurs, il n'est pas question de fonctionnariser tout le monde mais de favoriser l'emploi à travers des associations locales. L'État, quant à lui, finance le fonds, est le garant de sa solvabilité, mais il n'est pas l'employeur direct.

En revanche, les personnes qui ont pu bénéficier d'une formation et qui s'intéressent aux concours de la fonction publique doivent pouvoir intégrer cette dernière. D'ailleurs, des passerelles existent déjà. Il n'y a donc ni fonctionnarisation, ni concurrence déloyale.

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Quid de l'avenir du RSA dans ces conditions, nul n'étant a priori inemployable – vous prenez à juste titre l'exemple de Territoires zéro chômeur de longue durée ? Votre travail n'est pas abouti.

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Les contrats aidés ou le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » n'ont pas entraîné la suppression du RSA, dont il pourrait être d'ailleurs utile de discuter de la nature et des finalités. Je le répète, nous parlons d'un salaire, contrepartie d'un travail, pas d'un revenu de solidarité, quoique l'un n'empêche pas l'autre ni ne s'y substitue. La solidarité de la nation vis-à-vis des plus démunis ne doit pas exiger un travail en contrepartie.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 3.

Article 4 : Gages financiers

La commission rejette l'article 4.

L'ensemble des articles de la proposition de loi et des amendements portant articles additionnels ayant été rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée par la commission.

La séance s'achève à 12 heures 05.