Intervention de le commissaire européen

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 9h45
Commission des affaires sociales

le commissaire européen :

Les questions posées sont au cœur des préoccupations de la Commission européenne comme elles sont au cœur de vos propres préoccupations et elles sont également au centre de notre plan d'action.

Je crois que la formation est notre objectif commun. Effectivement, beaucoup d'États membres sont très en retard au niveau de la formation. Nous avons des difficultés pour l'adéquation de la formation par rapport à l'évolution économique et à l'évolution des besoins des entreprises et du monde du travail. Une autre difficulté provient des jeunes qui sortent des systèmes éducatifs sans diplôme, sans formation claire. C'est un souci capital puisque c'est à la fois une faiblesse de notre économie et un problème pour l'avenir, pour tous ceux qui ne savent pas trouver leur place sur un marché du travail en évolution très rapide. Les conséquences en sont la précarisation et le chômage structurel dans lequel un certain nombre de personnes risquent de se retrouver.

Nous partageons complètement cette analyse et avons lancé plusieurs initiatives. La première est un agenda des compétences : nous avons fixé des objectifs, comme celui des 60 %, mais pas uniquement. Comment promouvoir les compétences ? Cette question est en étroite relation avec la question des systèmes éducatifs, dont une collègue est chargée pour aider les États membres à adapter leurs systèmes éducatifs dans ce contexte de transformation.

Nous savons tous que la formation ne s'arrête pas avec l'école et que le besoin de formation continue est plus grand que jamais. C'est à ce niveau que nous devons investir. Il faut d'abord savoir comment et avec quels moyens. Nous disposons d'un Fonds social dont une grande partie doit précisément être consacrée à la formation continue, à la requalification et à une meilleure qualification. Nous devons définir avec les États membres comment sont utilisés les moyens du Fonds social, qui s'élèvent à 88 milliards d'euros sur sept ans.

Le deuxième levier, nouveau et important, provient des plans nationaux qui doivent mettre en œuvre le plan de relance européen. Une partie des moyens de ces plans nationaux peut et même devrait être consacrée à la formation, à la qualification et à une politique d'emploi active pour permettre aux personnes de s'adapter aux nouvelles donnes sur le marché du travail. Il faut identifier ces moyens dans les plans nationaux ; le sujet est lié à la digitalisation et au numérique ainsi qu'à la transformation verte puisque de nouveaux métiers apparaissent et qu'il faut verdir des métiers ce qui nécessite des compétences nouvelles. Les moyens prévus dans les plans de relance et de résilience peuvent y être en partie consacrés.

Chaque pays a ses fragilités. La formation professionnelle a été beaucoup mise en avant par la Commission européenne car nous pensons que la formation duale ne doit pas être limitée à certains métiers. Elle peut s'étendre à des formations de niveau élevé y compris universitaire. Il ne faut pas hiérarchiser les formations et la formation professionnelle ne doit pas être un pis-aller. Je constate avec plaisir que la France a fait beaucoup de progrès sur ce sujet, avec beaucoup de contrats professionnels ou d'apprentissage signés, y compris pendant la crise. Nous devons soutenir les entreprises, adapter nos systèmes de formation à l'apprentissage et à la formation professionnelle et donner à la jeunesse le goût de l'apprentissage. Je travaille d'ailleurs avec un ancien parlementaire français sur l'Erasmus pour les apprentis. Il faut donner à ces jeunes la possibilité d'être traités de façon similaire à ceux qui poursuivent un cursus universitaire.

Nous présenterons à la fin de l'année un plan d'action sur l'économie sociale. Je sais, pour avoir eu de nombreux échanges avec votre ministre chargée de l'économie sociale, que c'est un secteur porteur, créateur d'emplois. Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » a été mentionné. Je crois que se trouvent là des gisements d'emplois si nous créons les structures, l'environnement et les écosystèmes favorables au développement de ces activités. Je travaille très étroitement sur ces points avec le commissaire Breton pour identifier les besoins dans ces écosystèmes en matière de formation et savoir comment soutenir avec nos moyens financiers le développement de ces écosystèmes et les transformations en cours.

Le projet d'un compte individuel de formation est une petite révolution puisque nous avons créé un droit nouveau. Il faut travailler à ce que les gens se saisissent de ce droit et y voient une nouvelle possibilité de mieux s'affirmer pour évoluer dans leur vie professionnelle. C'est un changement important dans les mentalités ; il faut guider et aider comme cela est dans le compte individuel de formation en France.

J'ai bien sûr suivi dans ma fonction précédente comment ce compte a été mis en place et a évolué. Nous ferons cette année des propositions concernant ce compte individuel car nous pensons que c'est une bonne formule pour tous les pays membres. Bien sûr, nous ne prescrirons pas de façon précise son fonctionnement ; il doit être adapté à chaque contexte particulier. Le contexte français n'est pas celui de l'Allemagne, de l'Autriche ou de la Bulgarie. Il est donc exact que, dans ce domaine, la subsidiarité joue un rôle, la différence des pratiques des États devant être pleinement prise en compte.

Je crois néanmoins que nous avons besoin de plus de convergence sociale. Les économies européennes ne peuvent pas évoluer sur une sorte de sentier commun, avec le développement des échanges et un renforcement du marché intérieur, sans faire évoluer en même temps le social avec un renforcement de la dimension sociale et une convergence sociale vers le haut. Nous ne pouvons pas construire une économie de l'avenir et du savoir sur des salaires extrêmement bas. Les responsables se plaignent d'ailleurs beaucoup de problèmes démographiques : beaucoup de jeunes partent parce qu'ils ne voient pas de perspective, notamment au niveau des salaires. Les propositions que nous avons faites sur le salaire minimum et les conventions collectives nous paraissent donc aller dans le sens d'une convergence sociale qui respecte les systèmes sociaux mais essaie de les pousser vers le haut, vers une meilleure protection sociale et une plus grande justice sociale.

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