Commission des affaires sociales

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 9h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 15 avril 2021

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

La commission s'entretient, en visioconférence, avec des représentants de la Commission européenne :

● Accueil et présentation par M. Baudouin Baudru, chef de la représentation de la Commission européenne à Paris ;

● M. Wolfgang Philipp, chef de l'unité « Réaction sanitaire d'urgence et vaccins » à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire, sur la réaction européenne à la crise sanitaire du coronavirus ;

● M. Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l'emploi et des droits sociaux, sur le plan d'action du socle européen des droits sociaux ;

● Mme Céline Gauer, directrice générale, responsable de la task force pour la relance et la résilience (RECOVER), sur le plan de relance européen.

La commission s'entretient d'abord avec M. Wolfgang Philipp, chef de l'unité « réaction sanitaire d'urgence et des vaccins » à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire, sur la réaction européenne à la crise sanitaire du coronavirus ;

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Baudouin Baudru, chef de la représentation de la Commission européenne à Paris

Nous souhaitions organiser cette visite depuis longtemps mais la covid est venue bouleverser tous nos plans. Nous avons toutefois pu organiser cette rencontre, certes virtuelle, avec l'aide du service des visites à Bruxelles. Nous avons l'expérience des visites virtuelles des parlements nationaux et elles fonctionnent très bien, même si nous préférons toujours une rencontre physique qui permet des échanges informels.

Je vous souhaite la bienvenue et je souligne l'importance que la Commission européenne attache depuis longtemps aux relations avec les parlements nationaux. Le président Barroso avait créé ce qu'il appelait le dialogue politique entre la Commission européenne, ses membres, les services et les parlements nationaux. Au fur et à mesure des modifications du traité, les parlements nationaux ont acquis un rôle de plus en plus important dans ce dialogue politique et dans l'inspiration qu'ils apportent aux autorités européennes, notamment dans leurs travaux législatifs. Nous vivons donc par cette rencontre un moment important de démocratie européenne.

Le principal sujet de cette rencontre est l'Europe sociale qui, à juste titre, est revenue au centre des priorités politiques européennes et nationales. La crise sanitaire nous a rappelé l'importance de notre système social européen mais aussi sa fragilité. Début mars, à l'initiative du commissaire européen Nicolas Schmit, la Commission a présenté un plan d'action pour la mise en œuvre intégrale du socle européen des droits sociaux. La présidence portugaise a décidé d'organiser un sommet social les 7 et 8 mai à Porto. Ces actions soulignent l'importance accordée au social. Les transitions climatique et numérique, qui sont des priorités importantes de la Commission von der Leyen et de l'ensemble de l'Union européenne, ne pourront être couronnées de succès que si ces transitions et la relance pour sortir de la crise sanitaire sont justes et inclusives.

L'année dernière, le nombre de personnes fréquentant les banques alimentaires ou les Restaurants du cœur en France est passé de 5,5 à 8 millions. Les nouveaux venus sont des étudiants, des personnes qui vivaient de petits boulots et les ont perdus... Cette situation est dramatique et il faut absolument y apporter une réponse forte.

Nous aborderons aujourd'hui trois sujets et trois orateurs interviendront. Nous parlerons d'abord de la réaction de l'Union européenne à la crise sanitaire. Wolfgang Philipp, chef d'unité pour les réactions sanitaires d'urgence et les vaccins à la direction générale de la santé, vous présentera la situation, la stratégie mise en place et les derniers développements, notamment les travaux de la task force pilotée par Thierry Breton que nous voyons heureusement beaucoup dans les médias.

Le deuxième entretien portera sur le plan d'action du socle européen des droits sociaux, avec le commissaire européen Nicolas Schmit, chargé de l'emploi et des droits sociaux.

Enfin, nous aborderons comme troisième sujet le plan de relance européen avec Céline Gauer, directrice générale de la task force pour la relance et la résilience. Ce plan de relance aura évidemment une dimension sociale importante puisque la relance se doit d'être juste et inclusive.

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Nous vous savons gré de cette matinée de travail en commun. Malgré le contexte et les conditions dans lesquelles ces échanges auront lieu, nous n'oublions pas que vous avez pris l'initiative de cette invitation et nous nous en réjouissons. Notre seul regret est de n'avoir pu répondre présent à cette invitation en nous rendant à Bruxelles pour ces trois entretiens. Ce n'est peut-être que partie remise, rien ne remplaçant le contact humain.

Dans notre pays, les attentes sont légitimement fortes à l'égard de l'Europe. Au sein de cette Assemblée, nous sommes nombreux, issus de multiples groupes politiques, à exprimer un attachement très fort à la construction européenne dont il est habituel de dire qu'elle fait partie de notre ADN.

À la place qui est la sienne, notre commission des affaires sociales veille toujours à la dimension européenne dans le cadre de ses travaux. C'est en particulier le cas chaque automne avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire le budget de la protection sociale, qui s'inscrit dans le cadre financier européen au travers du programme de stabilité et des trajectoires d'évolution des déficits publics, notamment des déficits sociaux. C'est aussi le cas dans les très nombreux champs de compétences confiés à notre commission : emploi et travail, formation professionnelle, santé et solidarité, personnes âgées, personnes handicapées, famille, protection sociale, insertion, égalité des chances.

La plupart de ces sujets relèvent également, à des degrés divers, de l'Union européenne. Des échanges entre notre commission et les institutions européennes s'imposent donc. En outre, les modalités de fonctionnement de notre Assemblée font qu'une commission est spécialement dédiée aux affaires européennes mais, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une commission permanente, elle est composée de membres appartenant à toutes les commissions permanentes. Les représentants de la commission des affaires sociales n'y ont pas été inactifs, bien au contraire, en particulier notre collègue Carole Grandjean. Elle a présenté des rapports d'information sur le socle européen des droits sociaux et sur la protection des travailleurs des plateformes numériques ainsi que des communications sur des textes européens relatifs à l'évaluation des technologies de la santé et aux salaires minimaux.

Ces trois entretiens que nous vous remercions vivement d'avoir organisés correspondent donc parfaitement aux compétences et aux attentes de notre commission. Cela vaut d'abord pour l'entretien avec M. Philipp sur la réaction européenne à la crise sanitaire du coronavirus. La crise sanitaire est au cœur des préoccupations de notre commission, notamment depuis que la mission d'information commune et la commission d'enquête de l'Assemblée ont conclu leurs travaux. Nous avons entrepris de nombreuses auditions et plus de trente heures de réunion qui nous ont permis d'envisager différents aspects, à commencer par le lancement de la vaccination mais aussi la santé mentale de la population. Nous nous intéresserons très bientôt au passeport sanitaire qui s'invite dans les débats.

Dans le même esprit, nous ne perdons pas de vue que cette crise présente bien d'autres dimensions que la dimension proprement sanitaire. Je pense à la lutte contre la pauvreté ou au développement du télétravail. C'est pourquoi notre troisième entretien avec Mme Gauer sur le plan de relance européen s'inscrira très utilement dans nos travaux.

Enfin, nous sommes très sensibles au fait que le commissaire Schmit ait souhaité s'entretenir avec nous sur le plan d'action du socle européen des droits sociaux. La situation sanitaire, si prégnante soit-elle, ne doit pas nous éloigner d'un objectif de la construction européenne qui doit encore être développé et approfondi : l'Europe sociale, une Europe sociale très attendue par nos concitoyens. Nous sommes donc très impatients de passer à la première intervention de M. Wolfgang Philipp.

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Wolfgang Philipp, chef de l'unité « Réaction sanitaire d'urgence et vaccins » à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire

La menace sanitaire est apparue depuis plus de quinze mois maintenant. Nous avons mis une alerte dès le 9 janvier dans notre système d'alerte précoce. Nous avons eu une première vague d'infections au printemps 2020, la situation s'est améliorée pendant l'été puis la deuxième et la troisième vagues sont revenues avec une force inconnue.

Nous sommes maintenant dans une situation très grave qui ne semble pas s'améliorer malgré l'accélération de nos campagnes de vaccination. Nous sommes menacés par des mutations plus agressives et plus transmissibles du virus, qui posent des problèmes à une population plus jeune que ce que nous avons vu lors de la première vague.

Notre travail a une base légale sur laquelle nous nous appuyons pour coordonner la préparation de l'alerte rapide, l'évaluation des risques et la réponse aux crises au niveau européen face à des menaces graves pour la santé. Cela ne concerne pas seulement les maladies transmissibles mais aussi des menaces chimiques, environnementales ou inconnues.

La Commission travaille avec les États membres ainsi qu'avec la Norvège, le Liechtenstein et l'Islande mais aussi dans le contexte GHSI avec les pays du G7 et le Mexique. Le but est de mieux répondre globalement, de mieux échanger les informations et de travailler plus intensément la préparation aux crises sanitaires. Plusieurs agences nous aident au niveau européen comme le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'Agence européenne des médicaments (EMA) à Amsterdam mais nous travaillons aussi avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Plusieurs éléments constituent le cadre de la sécurité sanitaire au niveau européen. Nous avons d'abord un système d'alerte précoce et d'intervention qui permet aux États membres de communiquer en permanence afin de s'alerter et d'évaluer le risque mais aussi de communiquer les plans de réaction prévus dans les différents pays et de s'informer des mesures prises avant qu'elles soient communiquées dans les médias.

Le deuxième élément est le comité de sécurité sanitaire auquel participent des États membres, des pays observateurs voisins mais aussi l'OMS et d'autres organismes invités en cas de besoin. Sa fonction est de coordonner la réponse aux menaces graves pour la santé.

Nous travaillons aussi entre les crises pour améliorer la préparation. Les États membres informent régulièrement la Commission sur leurs plans de préparation et sur les changements de planification et d'intervention pour répondre à une menace sanitaire. Il existe depuis 2014 des possibilités de passation conjointe de marchés parmi les contremesures médicales. Tous les États membres ont signé ce traité qui a été utile pour la réponse au niveau européen. Depuis la crise de la covid, un nombre de pays voisins a aussi signé ce contrat et bénéficient des achats en communs.

Nous travaillons ensemble dans le cadre du Health Security Committee (HSC) avec l'appui de toutes les agences. En particulier, l'ECDC a pour rôles d'évaluer rapidement le risque pour proposer des mesures de réponse, de rédiger des rapports techniques et d'aider à la mise à jour des propositions légales. Elle donne aussi des avis scientifiques, par exemple pour prioriser les mesures de réponse.

Nous avons utilisé l'instrument des marchés conjoints depuis le début de la crise de la covid, dès le mois de février, afin de mettre en place des contrats d'achat d'équipements de protection, de médicaments essentiels aux soins intensifs, de vaccins, de tests rapides... Nous avons aussi utilisé le soutien d'urgence pour financer le transport d'articles médicaux essentiels, de médicaments et de matériel médical. Nous avons acheté des masques assez tôt et dernièrement des tests antigéniques rapides pour les mettre à disposition des États membres.

Jusqu'à présent, un seul traitement spécifique de la covid-19 existe mais n'a pas vraiment changé le cours de l'épidémie. Beaucoup d'expériences sont en cours, particulièrement dans la classe des anticorps monoclonaux, et jusqu'à présent un médicament, le remdesivir, un médicament antiviral, est approuvé au niveau européen. Un contrat-cadre a été passé avec l'entreprise pour assurer que les États membres puissent acheter ce médicament s'ils le souhaitent et la Commission avait acheté un grand nombre de doses afin de les distribuer aux pays membres intéressés.

Le point clef pour retrouver une vie normale est donc la vaccination. En juin dernier, la Commission a présenté une stratégie de vaccination pour accélérer la fabrication et le déploiement des vaccins contre la covid-19. Afin d'assurer l'efficacité et la sécurité des vaccins, tous les vaccins mis sur le marché européen doivent être approuvés par l'EMA. Notre stratégie proposait de travailler ensemble afin de garantir un accès rapide et équitable à tous les États membres et leurs populations. Il s'agissait de sécuriser la production des vaccins grâce à des accords d'achat anticipé avec différents producteurs pour assurer que suffisamment de vaccins soient mis à disposition des États le plus tôt possible. Nous avons par ailleurs utilisé la flexibilité réglementaire existante pour accélérer le développement, l'autorisation et la disponibilité de ces vaccins.

Depuis août 2020, environ 2,6 milliards de doses de vaccin ont été commandées auprès de six producteurs. Nous sommes toujours en négociation avec deux autres entreprises, Valneva et Novavax, qui produisent des vaccins utilisant une autre technologie et restons en contact avec d'autres entreprises qui développent des produits prometteurs.

La Commission a aussi proposé, lors d'une communication en octobre 2020, des éléments clefs à prendre en considération afin de créer des stratégies de vaccination contre la covid-19. Cette communication insistait sur l'utilité et l'urgence de prioriser les groupes de population. En janvier 2021, une troisième communication liée à la vaccination indiquait des buts à atteindre, par exemple que des professionnels de santé soient vaccinés assez rapidement et que 80% des personnes âgées 80 ans ou plus soient vaccinés. Il faut aussi qu'un certain pourcentage de la population adulte européenne soit vacciné afin d'atteindre un niveau de protection suffisant.

Depuis la fin de l'année 2020, des variants du virus SARS-CoV-2 se sont propagés dans le monde. Différentes souches sont devenues dominantes, comme la souche isolée au Royaume-Uni en 2020. Ils posent de gros problèmes car ils ont des caractéristiques biologiques légèrement différentes de la souche d'origine (Wuhan). La transmission est plus rapide, plus agressive et ces variants occupent vraiment le terrain dans tous les États membres de l'Union européenne. Nous pensons donc que le séquençage pour détecter ces variants devrait être augmenté le plus vite possible afin d'avoir un dépistage plus efficace et plus détaillé.

Durant l'année dernière, nous n'avons peut-être pas travaillé de manière optimale sur plusieurs points., mais il faut prendre en compte qu'il s'agit d'une pandémie complexe et sans précédents. Il est vraiment important de tirer des leçons de la pandémie afin de corriger ce qui peut l'être. Au mois de septembre 2020, la Présidente von der Leyen a proposé de construire une Union européenne de la santé plus forte, de renforcer la préparation et la réponse de l'Union européenne aux graves menaces sanitaires transfrontalières et de mettre en place une nouvelle structure pour faire avancer la recherche biomédicale et soutenir nos capacités de préparation et de réponse aux crises sanitaires. Dans ce contexte, la Commission a présenté un paquet de propositions législatives en novembre 2020, en particulier le renforcement du rôle des agences principales de l'Union européenne, l'ECDC et l'EMA.

Comme la collaboration n'a pas très bien fonctionné à l'échelon de l'Union européenne, il faut mettre en place des propositions fortes mais il faut aussi travailler pour avoir des systèmes de santé plus résilients et être mieux préparés aux futures crises qui se produiront certainement. Il faut que nos interventions soient mieux anticipées, que nous ayons une meilleure base d'informations, surtout en ce qui concerne la prévision et la surveillance, que nous ayons de meilleurs systèmes de dépistage et de suivi des contacts puisque cela pose toujours problème au-delà d'un certain niveau d'épidémie. Nous devons être mieux préparés à tous les niveaux, pas seulement au niveau sanitaire. La coopération doit être améliorée à l'échelon national mais aussi à l'échelon européen. Surtout, nous devons éviter le manque d'équipements de protection et de produits critiques de réponse

Il a aussi été proposé de renforcer les agences européennes, en particulier l'ECDC et l'EMA. Ces propositions sont en cours de négociation entre les États membres au Conseil mais nous avons sans conteste besoin d'une meilleure coopération au sein de l'Union européenne. La création d'une agence de préparation de la réponse aux urgences sanitaires a été proposée. Nous développons actuellement une proposition de la Commission dans ce sens.

Cette nouvelle autorité devrait s'occuper de tous les éléments importants en cas de crise, à commencer par l'amélioration du développement des médicaments, des vaccins et des solutions biomédicales pour mieux répondre aux urgences sanitaires. Elle devrait être capable de produire et développer des solutions, à la fois sur le plan médical et sur le plan non médical. Cette nouvelle autorité, qui sera nommée HERA (Health Emergency Response Authority) si sa création est acceptée, succèdera à la structure HERA Incubator destinée à contrôler les variants. Les objectifs sont donc, dans l'immédiat, de faire face à la menace des variants et d'intensifier la production industrielle des vaccins et, à plus long terme, de disposer d'un précurseur de la future autorité européenne de réponse en cas d'urgence sanitaire, HERA.

Nous travaillons actuellement sur les moyens d'intensifier la détection des variants, surtout des trois variants qui circulent le plus mais aussi des variants inconnus. La Commission va y consacrer 200 millions d'euros.

Nous agissons aussi ensemble pour avoir des vaccins adaptés, qui fonctionnent bien y compris contre les variants.

Même si nous n'en sommes pas sûrs, nous avons des indications selon lesquelles la covid-19 deviendra endémique, c'est-à-dire que le virus restera parmi nous, provoquera peut‑être des crises temporaires et exigera d'avoir des vaccinations de rappel régulières. Il apparaîtra également de nouveaux variants. Il faut donc rester vigilant et continuer à investir dans la production et le développement des vaccins et des traitements, et dans le même temps, respecter des mesures sociales et de santé publique.

Il faut aussi investir plus dans la numérisation, pour le dépistage mais aussi dans toutes sortes de communications entre les différents secteurs de préparation et de réponse. Nous devons également investir dans nos capacités à être mieux préparés aux futures crises sanitaires. Cela se fait par une meilleure anticipation mais surtout par une meilleure coopération à tous les niveaux pour que nous soyons plus rapides et plus forts dans les réponses, de façon à éviter des conséquences aussi graves que celles que nous voyons aujourd'hui avec la covid-19.

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Je vous remercie, ainsi que vos équipes, pour votre participation à une situation particulièrement complexe, urgente et exigeante qui nécessite d'être à la fois dans la réactivité, dans la construction de réponses avec beaucoup d'agilité et dans la prospective sur la future organisation à mettre en place pour cette Europe de la santé.

Les citoyens ont de nombreuses questions sur le rôle joué par la Commission européenne dans la lutte contre la pandémie, particulièrement sur la stratégie vaccinale. Par rapport à d'autres pays dans le monde, nous avons observé un retard pour mettre en place une stratégie de vaccination massive. Nous avons besoin d'en comprendre les raisons mais surtout de savoir comment la Commission européenne anticipe pour remédier à ces dysfonctionnements. Il est maintenant nécessaire, comme vous l'avez dit, de tirer les leçons de cette expérience.

Nous connaissons des difficultés avec les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson. La stratégie initiale est-elle encore tenable ? Quelles évolutions prévoyez-vous ? Quelle réaction envisagez-vous vis-à-vis des laboratoires qui ont fait défaut dans les livraisons ? Comment faire évoluer les relations contractuelles entre les laboratoires et l'Union européenne pour éviter ces futures défaillances ? Quel rôle la Commission européenne a‑t‑elle dans la recherche, la surveillance des variants et la production des vaccins de seconde génération ? Comment la Commission européenne prépare-t-elle les prochaines campagnes de vaccination de masse avec ces vaccins de seconde génération ?

Nous souhaitons également avoir des précisions sur les traitements permettant d'éviter les formes graves qui pourraient être un complément dans la réponse à cette pandémie. Quelle politique de soutien et de diffusion de ces traitements contre les formes graves pourrait compléter utilement l'offre vaccinale ? Comment la Commission européenne agit-elle pour permettre la diffusion de ces traitements ?

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Les compétences de l'Union européenne en matière de santé paraissent limitées à la lecture du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne puisqu'il s'agit d'appuyer et de coordonner les actions des États membres, qui restent chargés de la politique de santé. Toutefois, la Commission européenne a abordé la pandémie de covid‑19 en cherchant à favoriser une réponse coordonnée et solidaire.

Même si ces actions ont pu être bénéfiques dans la gestion de la crise, leurs limites amènent à s'interroger sur le rôle de l'Union à l'avenir en matière de santé, notamment face à des menaces qui peuvent frapper plusieurs États membres. Si l'évolution des traités ne semble pas à l'ordre du jour, l'Union devrait utiliser toutes les opportunités pour améliorer la coordination et la coopération entre États membres. Elle propose de créer un programme « Union européenne pour la santé » qui pourrait être doté d'un budget de plus de 10 milliards d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Quel impact aurait eu concrètement la mise en place d'un tel programme sur la réaction européenne à la crise sanitaire ? Comment s'appuierait-il pour la réalisation des objectifs du programme sur les États et sur les collectivités territoriales qui ont été précieuses dans la gestion de la crise sanitaire ?

Je voudrais vous interroger plus spécialement sur les précisions apportées hier par la Présidente de la Commission européenne. Elle a confirmé que l'Union européenne négocie avec Pfizer-BioNTech pour commander 1,8 milliard de doses de vaccin contre les variants. La livraison de ces doses supplémentaires commencerait dès avril. Pouvez-vous nous le confirmer ? Par ailleurs, Bruxelles a ouvert des négociations formelles avec BioNTech-Pfizer pour commander 1,8 milliard de doses supplémentaires de vaccin dit de deuxième génération mais dont les livraisons ne sont prévues, semble-t-il, qu'en 2022 et 2023. Elles s'ajouteront aux 2,6 milliards de doses qui doivent être livrées aux vingt‑sept pays cette année et l'an prochain. Quels sont les moyens pour faire face à cet objectif d'anticiper la vaccination de masse des enfants et des adolescents et, surtout, pour faire face à l'émergence de variants contre lesquels les vaccins actuellement administrés pourraient se révéler impuissants ? Cela exigerait des formules modifiées en conséquence.

Pouvez-vous me confirmer que, face à l'important retard de livraison des laboratoires, ce nouveau contrat prévoira une obligation de livraison avec un calendrier mensuel et non trimestriel ? Pouvez-vous aussi nous indiquer comment seront produits ces vaccins et quels seront leurs composants ? Mme la Présidente de la Commission européenne a dit hier que la production devra être basée en Europe.

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Vendredi dernier, le laboratoire AstraZeneca a annoncé qu'il ne livrerait que la moitié des doses, soit 1 300 000 doses sur les 2 600 000 initialement prévues. Ce n'est pas la première fois que les pays de l'Union ne sont pas livrés dans les délais par ce laboratoire. Le sentiment donné est que l'Union européenne serait la variable d'ajustement des retards de production, alors même que l'Europe est déjà très en retard dans la vaccination de sa population comparativement à des pays comme le Royaume‑Uni ou les États-Unis. Pouvez-vous nous indiquer quelle voix la France compte faire entendre au sein de l'Union européenne pour que les pays membres n'aient plus à essuyer seuls les retards de production d'AstraZeneca ?

Récemment, l'EMA préconisait que le vaccin AstraZeneca ne soit pas administré aux personnes de moins de 55 ans. S'est alors posée la question des personnes de moins de 55 ans qui avaient déjà reçu une première dose et devaient en recevoir une seconde. Vendredi dernier, les autorités sanitaires indiquaient que ces 533 000 personnes pourraient recevoir une seconde dose avec Pfizer ou Moderna. Nos concitoyens s'interrogent quant à la possibilité de recevoir deux vaccins différents. Pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet afin que nous-mêmes puissions rassurer nos concitoyens dans nos circonscriptions ?

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Comment, institutionnellement, la Commission européenne a‑t‑elle développé des plans de crise organisant son intervention ? Dans quelle mesure ces plans ont-ils été utiles depuis le début de la crise du covid-19 ?

Comment la Commission peut-elle évoluer avec les règles actuelles pour améliorer la réponse collective ? Corollairement, sera-t-il nécessaire de d'adapter le droit européen pour faire face de manière plus efficace à de telles crises ?

D'un point de vue budgétaire, quels sont les leviers dont vous disposez ? Comme vos prérogatives s'articulent-elles avec d'autres matières traitées, notamment le plan de relance ou les assouplissements budgétaires accordés aux États membres en période de covid‑19 ?

Plus généralement sur la question de la solidarité, notre collègue députée européenne Véronique Trillet‑Lenoir travaille sur le traité international contre les pandémies. Quelle est votre position concernant ce traité qui garantirait un accès universel et équitable aux vaccins, aux traitements et aux diagnostics en cas de pandémie ?

En ce qui concerne plus spécifiquement la France, la présidence française de l'Union européenne de 2022 approche. Quelles sont les attentes et les propositions que la Commission entend pousser d'ici là et à l'occasion de cette présidence française ?

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Wolfgang Philipp, chef de l'unité « Réaction sanitaire d'urgence et vaccins » à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire

En ce qui concerne la vaccination et les dysfonctionnements des contrats conclus avec les entreprises, il faut se rappeler que la Commission fait ce travail avec les États membres et pour les États membres. Nous étions ensemble dès le début pour discuter et prendre des décisions sur les différentes technologies des vaccins en développement. Au printemps de l'année dernière, un grand nombre d'entreprises commençaient à développer des vaccins, soit avec des technologies connues, soit avec des technologies encore jamais utilisées pour le vaccin humain. La technologie à ARN messager est maintenant la principale technologie pour assurer la vaccination de la population européenne.

Les contrats avec AstraZeneca et Johnson & Johnson doivent être distingués. AstraZeneca a reçu une autorisation au début de l'année mais a eu des problèmes de livraison dès le début. Tous les États membres souffrent de cette situation pour leur campagne de vaccination mais il s'agit de produits biologiques, avec une forte concurrence sur le marché des produits industriels pour produire le vaccin final. Nous ne sommes effectivement pas contents d'AstraZeneca ; de nombreuses discussions sont en cours pour trouver comment améliorer la situation et augmenter les livraisons. Nous sommes nous-mêmes surpris à chaque fois que des chiffres montrent que les livraisons sont réduites, semaine après semaine. Ce n'est pas acceptable et nous avons des discussions très sérieuses avec l'entreprise, à tous les niveaux, y compris pour trouver des solutions légales.

Le vaccin Johnson & Johnson a été autorisé récemment, au mois de mars. Des vaccins devraient être livrés à l'Union européenne cette semaine. L'EMA doit donner un avis la semaine prochaine et nous verrons pour quels groupes les vaccins peuvent être utilisés. La priorité est la sécurité des vaccins, pas seulement leur disponibilité.

S'agissant de la deuxième génération de vaccins pour une vaccination de masse, des contrats ont été négociés entre la Commission et chacune des entreprises, avec l'accord des États membres. Il n'est pas facile de négocier les clauses des contrats, pendant une pandémie et pour un produit qui n'est pas sur le marché. Il faut trouver un bon équilibre entre les intérêts publics et privés. Nous avons passé avec six entreprises des contrats qui assurent la livraison de 2,6 milliards de doses. Je pense que c'est un grand succès. Le fait qu'AstraZeneca ne livre pas comme prévu est un gros problème qui freine les efforts des États membres. Nous négocions actuellement avec les entreprises qui peuvent livrer des vaccins de deuxième génération, peut-être plus efficaces contre les variants, pour assurer les vaccinations dans les années à venir.

En ce qui concerne les traitements, le seul médicament actuellement approuvé au niveau européen est le remdesivir de Gilead. Un contrat-cadre a été passé pour assurer que tous les États membres qui souhaitent acheter ce produit puissent le faire. À l'époque, il s'agissait d'un produit rare par rapport aux besoins. Entre-temps, d'autres contrats-cadres ont été conclus, par exemple pour des anticorps monoclonaux qui vont arriver sur le marché. Un premier contrat a été conclu avec Roche, d'autres sont en cours de négociation. Il s'agit de nouveau d'assurer que tous les États membres aient la possibilité de commander ces produits quand ils le veulent. Nous négocions donc ces contrats-cadres pour les États membres qui passent eux‑mêmes commande.

La livraison des doses supplémentaires de BioNTech-Pfizer – jusqu'à 1,8 milliard de doses – devrait avoir lieu dès que possible, dès que ces vaccins de deuxième génération adaptés aux variants seront disponibles. Ces commandes assurent la livraison de l'Union européenne au minimum pour les deux prochaines années. Nous verrons quels contrats sont conclus dans les semaines à venir pour des vaccins d'autres technologies avec d'autres entreprises.

D'un point de vue légal, l'article 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne donne des compétences limitées à l'Union européenne en matière de santé. Nous essayons par nos propositions légales d'améliorer certains éléments, par exemple d'avoir des plans de préparation réalistes dans tous les États membres, avec des ressources humaines et financières en place. Je vous invite à regarder nos propositions pour une régulation plus prononcée en regard des maladies graves transfrontalières. Si elles sont acceptées par les États membres, cela devrait assurer une meilleure préparation et améliorer nos capacités en communs à répondre à une crise sanitaire dans le futur.

Les informations scientifiques montrent qu'il faut étudier plus en détail s'il est possible de vacciner avec une première dose d'AstraZeneca et une seconde dose d'un autre vaccin. Cela est à voir, les décisions sont à prendre par les autorités nationales. Cela peut poser un problème en ce qui concerne les stocks de doses mais la Présidente von der Leyen a négocié avec BioNtech-Pfizer l'accélération de la livraison de 50 millions de doses, initialement prévue à la fin de l'année. Cette livraison aura lieu dès le mois d'avril ; c'est un grand succès, qui aidera les États membres à remplacer certaines doses non livrées d'AstraZeneca.

Nous espérons par nos propositions disposer d'une meilleure base législative pour la préparation de la réponse aux crises sanitaires à l'échelon européen. Plus de 5 milliards d'euros sont déjà consacrés à la santé par le nouveau programme européen de la santé, dont une grande partie sera utilisée pour améliorer la préparation de la réponse aux crises sanitaires.

Pendant la présidence française, nous espérons avoir le soutien de la France pour permettre le développement et la mise en œuvre de l'HERA afin de disposer d'une autorité forte qui puisse vraiment résoudre certains problèmes constatés dans la coordination de la réponse à la crise actuelle.

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Je vous transmets la question de ma collègue Martine Wonner au sujet du vaccin chinois. Les Européens peuvent-ils bénéficier de ce vaccin, moins efficace sur le virus mais dont les effets secondaires ont été mieux évalués ?

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Wolfgang Philipp, chef de l'unité « Réaction sanitaire d'urgence et vaccins » à la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire

Les produits médicaux doivent être autorisés, soit au niveau national, soit au niveau européen. Actuellement, aucun vaccin chinois n'a été approuvé au niveau européen. Si la France ou d'autres pays décident d'approuver ce vaccin ou un autre vaccin à l'échelon national, le vaccin en question pourrait être utilisé à l'échelon national.

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Je vous remercie pour vos réponses, qui n'auront pas manqué d'éclairer les commissaires.

La commission s'entretient ensuite avec M. Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l'emploi et des droits sociaux, sur le plan d'action du socle européen des droits sociaux.

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Carole Labbé, conseillère économique à la représentation de la Commission européenne à Paris et membre de la task force pour la relance et la résilience

Monsieur le commissaire Nicolas Schmit, nous sommes ravis de vous accueillir pour cet échange avec la commission des affaires sociales au sujet de l'Europe sociale et plus précisément du socle des droits sociaux récemment adopté par la Commission.

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Notre commission est fortement mobilisée par la crise sanitaire. Ses compétences en matière de santé, d'emploi, de travail et de solidarité le justifient amplement mais l'actualité sanitaire, si prégnante soit-elle, ne doit pas nous éloigner d'un objectif de la construction européenne qui doit encore être développé et approfondi : celui de l'Europe sociale. L'Europe sociale est attendue par l'ensemble de nos concitoyens européens. Nous en parlons depuis des années et nous sommes particulièrement heureux d'échanger avec vous ce matin sur le plan d'action du socle européen des droits sociaux.

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Nicolas Schmit, commissaire européen chargé de l'emploi et des droits sociaux

Sans me lancer dans une longue description historique, je rappelle que l'adoption du socle des droits sociaux est un moment important, peut-être plus important aujourd'hui qu'au moment où il a été adopté. Une véritable relance de l'Europe sociale a suivi cette adoption en 2017 à Göteborg, après une grave crise économique, financière et sociale. Le besoin de relancer l'Europe sociale s'est alors clairement fait ressentir, cette crise ayant fortement frappé certains pays et, de façon générale, un peu tous les pays de l'Union.

Les vingt principes du socle constituent l'ADN du modèle social européen et sont des chantiers importants sur lesquels nous devons travailler. Ces chantiers sont affectés par les changements profonds qui ont lieu dans nos économies, à la fois du fait de la révolution technologique à laquelle nous assistons et de l'intégration de plus en plus poussée de l'économie européenne. Nous avons bien vu durant cette crise que nos chaînes de valeur sont liées entre elles au-delà des frontières dans le cadre du marché intérieur.

Ces vingt principes ne doivent pas rester que des principes. Ils doivent être traduits en des politiques concrètes. La convergence économique en Europe est essentielle, notamment dans le contexte d'une crise. La crise touche tous les pays mais les touche de manière variable. Tous n'ont pas les mêmes moyens de résister à ce choc et il est très important que l'Europe fasse preuve de solidarité et travaille à la reconstruction de l'économie européenne.

L'après-crise et la relance de l'économie européenne ne sont pas un simple retour en arrière. Il s'agit d'une relance transformatrice car nous sommes confrontés à des transitions importantes. Elles ont un effet sur nos économies nationales et sur le monde du travail mais ont aussi un impact sur la place de l'Europe dans le monde. La globalisation changera après cette pandémie mais restera ; il est important que l'Europe affirme sa place dans cette nouvelle économie globalisée qui dépendra beaucoup de la maîtrise technologique.

La première grande transition est la transition numérique qui a déjà envahi tous les secteurs de nos économies, de nos entreprises grandes et petites mais aussi de nos sociétés en général. La deuxième grande transition à laquelle nous devons faire face est la transition écologique. Nous savons que le changement climatique ne s'est pas arrêté avec la pandémie même si les émissions ont été un peu réduites. Le grand projet de cette Commission est de construire un nouveau modèle économique dans le contexte du changement climatique : c'est le fameux Green Deal. Nous devons travailler à ces transformations, notamment par des investissements importants, mais aussi par des investissements dans nos systèmes sociaux.

La pandémie a accéléré un certain nombre de phénomènes. En matière de transformation du monde du travail, nous avons soudain vu, d'un jour à l'autre, le nombre de personnes en télétravail augmenter très sensiblement. De 5 % à peu près avant la crise, nous avons atteint 40 % voire plus de 50 % de personnes en télétravail. Le télétravail est une nouvelle donne qui comporte des avantages mais pose aussi des questions sur l'organisation du travail.

La numérisation a été accélérée ; la preuve en est que nous avons tous les jours une série de réunions virtuelles et cela ne s'arrêtera pas, même après la fin de la pandémie. Cette transformation touche aussi l'industrie, les services, les petites et moyennes entreprises et nous devons inventer les bonnes réponses à cette numérisation, sur le plan social et sur la préparation des travailleurs à cette nouvelle économie numérique.

Dans ce contexte, nous savons tous que la pandémie a aussi eu un impact sur nos tissus sociaux. Une crise sociale s'est ouverte ; elle affecte un certain nombre de catégories, particulièrement les jeunes puisque le chômage des jeunes a augmenté beaucoup plus que le chômage en général, qui reste relativement stable avec une petite hausse. Tous ceux qui avaient des emplois précaires ont été beaucoup affectés en perdant leur emploi. Nous avons besoin d'investissements dans nos structures sociales, dans la formation, dans l'éducation, dans la santé ainsi que dans la protection des personnes âgées et des enfants.

Ce volet social doit être au cœur de la relance de l'économie et au cœur de la transformation économique. Notre objectif est donc de traduire ces vingt principes dans le contexte de cette mutation plus générale et d'ancrer la dimension sociale dans les différentes politiques, européenne et nationales, puisque beaucoup de compétences en matière sociale restent des compétences nationales.

Nous avons fixé trois grands objectifs. Le premier est l'emploi. Même si le chômage n'a pas pour le moment augmenté autant que nous aurions pu le craindre et que nous l'avons vu dans d'autres régions du monde, nous pensons qu'il faut travailler sur l'emploi et sur le taux d'emploi, notamment sur le taux d'emploi des femmes. Il reste, surtout dans certains pays, un énorme écart entre les taux d'emploi des hommes et des femmes.

La formation est liée à l'emploi et nous avons fixé un objectif sur la formation, notamment sur la formation tout au long de la vie. Il est de bon ton de dire que, dans l'avenir, chacun devra changer plusieurs fois de métiers. Pour préparer les travailleurs à ces changements profonds, il faut leur donner des moyens. La France a introduit un instrument important, le compte individuel de formation. Nous travaillons à en faire un instrument à l'échelle européenne. Investir dans la formation et élargir l'accès à la formation est donc pour nous important. L'objectif est que 60 % des travailleurs aient au moins une occasion par an de se requalifier ou de mieux se qualifier.

Le numérique est au centre de cette préoccupation puisqu'il s'agit de l'un des secteurs où des centaines de milliers d'emplois sont vacants. Les entreprises se heurtent aujourd'hui au manque de personnes ayant des formations dans ce domaine. Je salue d'ailleurs les efforts faits en France sur les nouvelles formes de formation, notamment sur le numérique.

Le troisième point fondamental est la lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons pas reconstruire une économie en excluant en moyenne une personne sur cinq, puisqu'une personne sur cinq en Europe est concernée par le risque de pauvreté. C'est socialement injuste, cela augmente les inégalités et c'est économiquement un grand problème. Nous aurons besoin de personnes qualifiées, bien formées et nous savons tous que la pauvreté et l'exclusion sont le contraire de cette égalité des chances qui constitue un pilier à promouvoir.

La Commission a aussi fait des propositions pour la mobilité sur le marché du travail. Nous avons besoin de mobilité ; nous avons sauvé beaucoup d'emplois grâce à des instruments de chômage partiel mais nous arrivons maintenant à un stade où il faut aussi encourager et accompagner la mobilité. La formation en est un élément mais il faut aussi permettre aux travailleurs de changer d'emploi, de secteur ou d'occuper de nouvelles fonctions dans l'entreprise sans passer par la case chômage. La France a adopté pour encourager cette mobilité sur le marché du travail des solutions qui nous ont paru intéressantes. Elles nous ont inspirés pour formuler des recommandations en matière de politique d'emploi.

Ce plan d'action s'insère aussi dans le contexte de politiques économiques, notamment de la réindustrialisation de l'Europe. Une des conclusions à tirer de cette pandémie est que l'Europe – certains pays plus que d'autres peut-être – a négligé son industrie. Cette Commission, avec le commissaire Thierry Breton, est très engagée en faveur de la promotion de l'industrie, notamment dans le contexte de la transition verte. Paradoxalement, cette transition doit nous donner l'opportunité de réinvestir le champ industriel et de développer de nouvelles activités industrielles.

Par exemple, l'industrie automobile est une industrie clef pour certains pays européens et plus généralement pour l'Europe. Nous avions complètement négligé l'industrie de la batterie alors que c'est la batterie qui est au cœur même de la mobilité électrique. L'Europe a lancé un grand projet sur l'industrie de la batterie ; c'est un projet européen comparable au projet aéronautique avec Airbus.

Il s'agit de combler nos retards car la dépendance de l'Europe à certaines productions nous handicape, comme nous le voyons aujourd'hui avec les composants électriques qui manquent alors que la production européenne est insuffisante. Reconstruire une souveraineté industrielle aura un impact sur la globalisation future. D'autres pays veulent agir comme l'Europe prévoit de le faire et nous allons dans le même sens que les efforts annoncés aux États-Unis.

En résumé, nous souhaitons créer des moyens pour l'emploi, utiliser la relance pour transformer nos économies mais aussi veiller à la justice sociale, à la dimension sociale en Europe en investissant dans la formation et en luttant contre la pauvreté, notamment la pauvreté infantile. La Commission a adopté voici deux semaines une garantie pour les enfants. De façon plus générale, la jeunesse est un point essentiel. Préparer la jeunesse aux changements sur le marché du travail nous paraît extrêmement important.

L'avenir du travail est un grand sujet. Les plateformes numériques se développent, ce qui n'est a priori pas une mauvaise chose. La technologie transforme les modèles économiques mais, souvent, la technologie va plus vite que nos capacités à insérer ces changements dans un contexte légal et social. Nous travaillons donc sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes. Cette question préoccupe tous les États membres et même au-delà. Quelles sont les garanties de protection sociale dont doivent absolument bénéficier ceux qui travaillent sur les plateformes ? La Commission a lancé une consultation sur ce sujet avec les partenaires sociaux dont la première phase est conclue ; une seconde phase aura lieu. Nous discutons beaucoup avec les États membres et avec les plateformes elles-mêmes ainsi qu'avec ceux qui travaillent pour les plateformes. Nous proposerons un cadre pour les conditions de travail et la protection sociale de ces travailleurs.

Le dialogue social est un point fondamental. Le modèle social européen, tel qu'imaginé par Jacques Delors, était fortement fondé sur un dialogue social actif, sur un rôle actif des partenaires sociaux. Ce dialogue social a façonné les différentes politiques économiques mais aussi les politiques sociales. Il est capital de le renforcer au niveau européen mais aussi au niveau national. En période de grandes réformes, de grands changements, associer les partenaires sociaux est capital et la Commission a préconisé que les partenaires sociaux soient associés à l'élaboration des différents plans nationaux de relance.

Nous préparons maintenant le sommet social de Porto qui doit être un moment important, notamment pour construire la confiance des citoyens européens dans le projet européen et dans sa capacité à englober la dimension sociale. Il ressort d'un sondage effectué récemment dans tous les États membres que 88 % des citoyens européens jugent l'Europe sociale importante, pour eux personnellement. Notre mission est d'intégrer pleinement la dimension sociale dans nos politiques à l'échelle européenne comme à l'échelle nationale, de nous mobiliser pour une Europe plus juste permettant de reconstruire une économie qui travaille pour tous, selon la formule de la Présidente de la Commission.

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La France est pleinement mobilisée pour mettre en œuvre le plan d'action du socle européen des droits sociaux. Je dirais même qu'elle est motivée, et plus encore, au sein de notre commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale.

L'Europe a un grand rôle à jouer pour améliorer l'accès à l'emploi et réduire la pauvreté dans chacun des États membres. Les mesures de soutien actif à l'emploi (EASE) doivent pouvoir y contribuer. Dans le groupe majoritaire de La République en Marche, nous misons beaucoup sur les trois axes que vous avez rappelés, notamment sur la formation professionnelle et l'insertion par l'activité économique.

Pour illustrer l'innovation française en la matière, j'évoquerai l'application « Mon compte formation », qui concrétise un droit individuel à la formation tout au long de la vie. L'étendre à l'échelle européenne est une bonne chose. La France a aussi expérimenté le dispositif « Territoires zéro chômeur longue durée » qui fait débat mais a fait à deux reprises l'objet d'un vote à l'unanimité du Parlement sans pour autant répondre à toutes les questions.

Les politiques de transition professionnelle et d'insertion dans l'emploi demeurent difficiles à mettre en œuvre malgré des dispositifs fortement subventionnés. L'une des raisons, me semble-t-il, est la difficulté de professionnaliser les structures de formation et d'insertion dans tous nos territoires.

Comment jugez-vous l'implication et les initiatives françaises visant l'objectif EASE, au-delà des exemples cités ? Quels sont, selon vous, les points de fragilité à améliorer ? Comme pouvons-nous, en tant que parlementaires, améliorer l'opérationnalité et l'évaluation de ces aides européennes ? Je pense en effet que l'Europe devrait davantage aider à l'opérationnalité des structures et de l'entreprenariat social. Les budgets nationaux seraient ainsi plus efficaces pour accompagner les personnes.

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Je vois pour ma part dans ce socle européen des droits sociaux l'occasion de combiner le développement économique avec le renforcement des progrès sociaux et de la cohésion sociale.

Toutefois, ce socle s'apparente plus à une grille de lecture qu'à un texte contraignant conduisant à une véritable convergence sociale européenne. Il s'agit d'un premier pas qu'il convient de saluer tout en envisageant les moyens de le rendre plus concret.

La convergence sociale européenne ne peut être synonyme d'une harmonisation motivée par la seule fluidification du marché intérieur. Toute action dans ce domaine doit respecter le principe de subsidiarité et l'équilibre trouvé par les traités en matière de répartition des compétences.

La Commission européenne a présenté le 4 mars 2021 un plan d'action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux ainsi qu'une recommandation sur un soutien actif et efficace à l'emploi à la suite de la crise de la covid-19. Comment favoriser la création d'emplois dans la reprise et inciter à l'embauche dans un tel contexte ? Comment accompagner les transitions vers les secteurs porteurs ? Comment aider les jeunes, durement touchés par les retombées économiques de la crise sanitaire ?

La transformation et l'élévation des compétences apparaissent comme un enjeu essentiel, un défi majeur pour l'avenir de l'Europe. Pourtant, moins de 40 % des adultes de l'Union européenne suivent une formation chaque année tandis que certaines entreprises, en particulier dans les technologies de l'information et de la communication, peinent à recruter. L'enjeu n'est-il pas de construire une véritable Europe des compétences qui sera au fondement de l'économie européenne de demain ?

À ce titre, la France peut se féliciter de disposer d'un dispositif inédit : le compte personnel de formation. La France est en effet le pays de l'Union européenne le plus avancé dans la concrétisation d'un droit individuel à la formation tout au long de la vie. Ne serait-il pas envisageable, monsieur le commissaire, de proposer une initiative sur les comptes individuels de formation à travers ce socle européen des droits sociaux ? Qu'en pensez-vous ? C'est bien dans ce domaine que nous pourrions avancer tous ensemble.

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La Commission européenne a présenté le 4 mars dernier un plan d'action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux. Ce plan a pour ambition de construire une Europe sociale forte en mettant l'accent sur les emplois, les compétences et la protection sociale. Ce plan définit des objectifs conjoints des États membres avec la participation active des partenaires sociaux et de la société civile.

Le plan d'action fixe à l'Union européenne trois grands objectifs à atteindre d'ici 2030. Au moins 78 % des personnes âgées de 20 à 64 ans devraient avoir un emploi. Au moins 60 % des adultes devraient participer à des activités de formation chaque année. Enfin, le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale devrait diminuer d'au moins 15 millions.

Ma question portera sur la formation. Celle-ci est fondamentale pour se maintenir en emploi. L'adaptation et la montée en compétences apparaissent comme un enjeu essentiel. Pourtant, moins de 40 % des adultes de l'Union européenne suivent une formation chaque année. Rappelons que ce socle européen des droits sociaux n'a pas de valeur juridique contraignante. Cependant, la Commission européenne peut fixer des normes sociales minimales communes et inciter à l'action grâce à des financements européens. Monsieur le commissaire, pouvez-vous nous en dire plus sur les moyens que vous mettrez en œuvre pour atteindre ces objectifs ?

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le commissaire européen

Les questions posées sont au cœur des préoccupations de la Commission européenne comme elles sont au cœur de vos propres préoccupations et elles sont également au centre de notre plan d'action.

Je crois que la formation est notre objectif commun. Effectivement, beaucoup d'États membres sont très en retard au niveau de la formation. Nous avons des difficultés pour l'adéquation de la formation par rapport à l'évolution économique et à l'évolution des besoins des entreprises et du monde du travail. Une autre difficulté provient des jeunes qui sortent des systèmes éducatifs sans diplôme, sans formation claire. C'est un souci capital puisque c'est à la fois une faiblesse de notre économie et un problème pour l'avenir, pour tous ceux qui ne savent pas trouver leur place sur un marché du travail en évolution très rapide. Les conséquences en sont la précarisation et le chômage structurel dans lequel un certain nombre de personnes risquent de se retrouver.

Nous partageons complètement cette analyse et avons lancé plusieurs initiatives. La première est un agenda des compétences : nous avons fixé des objectifs, comme celui des 60 %, mais pas uniquement. Comment promouvoir les compétences ? Cette question est en étroite relation avec la question des systèmes éducatifs, dont une collègue est chargée pour aider les États membres à adapter leurs systèmes éducatifs dans ce contexte de transformation.

Nous savons tous que la formation ne s'arrête pas avec l'école et que le besoin de formation continue est plus grand que jamais. C'est à ce niveau que nous devons investir. Il faut d'abord savoir comment et avec quels moyens. Nous disposons d'un Fonds social dont une grande partie doit précisément être consacrée à la formation continue, à la requalification et à une meilleure qualification. Nous devons définir avec les États membres comment sont utilisés les moyens du Fonds social, qui s'élèvent à 88 milliards d'euros sur sept ans.

Le deuxième levier, nouveau et important, provient des plans nationaux qui doivent mettre en œuvre le plan de relance européen. Une partie des moyens de ces plans nationaux peut et même devrait être consacrée à la formation, à la qualification et à une politique d'emploi active pour permettre aux personnes de s'adapter aux nouvelles donnes sur le marché du travail. Il faut identifier ces moyens dans les plans nationaux ; le sujet est lié à la digitalisation et au numérique ainsi qu'à la transformation verte puisque de nouveaux métiers apparaissent et qu'il faut verdir des métiers ce qui nécessite des compétences nouvelles. Les moyens prévus dans les plans de relance et de résilience peuvent y être en partie consacrés.

Chaque pays a ses fragilités. La formation professionnelle a été beaucoup mise en avant par la Commission européenne car nous pensons que la formation duale ne doit pas être limitée à certains métiers. Elle peut s'étendre à des formations de niveau élevé y compris universitaire. Il ne faut pas hiérarchiser les formations et la formation professionnelle ne doit pas être un pis-aller. Je constate avec plaisir que la France a fait beaucoup de progrès sur ce sujet, avec beaucoup de contrats professionnels ou d'apprentissage signés, y compris pendant la crise. Nous devons soutenir les entreprises, adapter nos systèmes de formation à l'apprentissage et à la formation professionnelle et donner à la jeunesse le goût de l'apprentissage. Je travaille d'ailleurs avec un ancien parlementaire français sur l'Erasmus pour les apprentis. Il faut donner à ces jeunes la possibilité d'être traités de façon similaire à ceux qui poursuivent un cursus universitaire.

Nous présenterons à la fin de l'année un plan d'action sur l'économie sociale. Je sais, pour avoir eu de nombreux échanges avec votre ministre chargée de l'économie sociale, que c'est un secteur porteur, créateur d'emplois. Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » a été mentionné. Je crois que se trouvent là des gisements d'emplois si nous créons les structures, l'environnement et les écosystèmes favorables au développement de ces activités. Je travaille très étroitement sur ces points avec le commissaire Breton pour identifier les besoins dans ces écosystèmes en matière de formation et savoir comment soutenir avec nos moyens financiers le développement de ces écosystèmes et les transformations en cours.

Le projet d'un compte individuel de formation est une petite révolution puisque nous avons créé un droit nouveau. Il faut travailler à ce que les gens se saisissent de ce droit et y voient une nouvelle possibilité de mieux s'affirmer pour évoluer dans leur vie professionnelle. C'est un changement important dans les mentalités ; il faut guider et aider comme cela est dans le compte individuel de formation en France.

J'ai bien sûr suivi dans ma fonction précédente comment ce compte a été mis en place et a évolué. Nous ferons cette année des propositions concernant ce compte individuel car nous pensons que c'est une bonne formule pour tous les pays membres. Bien sûr, nous ne prescrirons pas de façon précise son fonctionnement ; il doit être adapté à chaque contexte particulier. Le contexte français n'est pas celui de l'Allemagne, de l'Autriche ou de la Bulgarie. Il est donc exact que, dans ce domaine, la subsidiarité joue un rôle, la différence des pratiques des États devant être pleinement prise en compte.

Je crois néanmoins que nous avons besoin de plus de convergence sociale. Les économies européennes ne peuvent pas évoluer sur une sorte de sentier commun, avec le développement des échanges et un renforcement du marché intérieur, sans faire évoluer en même temps le social avec un renforcement de la dimension sociale et une convergence sociale vers le haut. Nous ne pouvons pas construire une économie de l'avenir et du savoir sur des salaires extrêmement bas. Les responsables se plaignent d'ailleurs beaucoup de problèmes démographiques : beaucoup de jeunes partent parce qu'ils ne voient pas de perspective, notamment au niveau des salaires. Les propositions que nous avons faites sur le salaire minimum et les conventions collectives nous paraissent donc aller dans le sens d'une convergence sociale qui respecte les systèmes sociaux mais essaie de les pousser vers le haut, vers une meilleure protection sociale et une plus grande justice sociale.

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L'adhésion à l'Europe commence dès le plus jeune âge, notamment avec le dispositif Erasmus pour les étudiants et apprentis. J'ai enseigné moi-même pendant longtemps en centre de formation d'apprentis et je pense qu'il faut faciliter la mobilité des jeunes, notamment des jeunes apprentis. Cela demande un travail plus spécifique car même si les chefs d'entreprise sont convaincus, il n'en demeure pas moins des difficultés. Lorsqu'ils laissent leur jeune salarié partir pendant deux, trois semaines ou un mois, cela peut mettre en difficulté les entreprises, notamment les petites. Essayez-vous d'accompagner ces entreprises, particulièrement les très petites entreprises ? J'ai vu des jeunes partir, par exemple des bacheliers professionnels en mécanique automobile ou des étudiants en restauration. Cela se fait mais c'est vraiment le parcours du combattant alors que le rayonnement de l'Europe passe aussi par les futurs citoyens européens. Ils ne demandent qu'à pouvoir voyager, faire rayonner l'Europe et le savoir-faire européen.

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le commissaire européen

Je suis pleinement d'accord avec vous. J'ai eu des contacts dans ce sens et j'en aurai encore. Je suis conscient des difficultés. Dans notre système universitaire, les échanges fonctionnent très bien grâce aux unités de compte du système universitaire.

En revanche, pour les jeunes en apprentissage, il faut voir comment faciliter le processus puisque ces jeunes sont en partie salariés, que les rétributions changent beaucoup et qu'il s'agit souvent de petites entreprises qui ont des difficultés même simplement parfois pour gérer le côté administratif de ces échanges. C'est aussi compliqué du fait de la diversité au niveau de la sécurité sociale, car le jeune doit avoir une sécurité sociale, avec le problème des rétributions variables d'un pays à l'autre.

Je pense que c'est faisable. C'est un enjeu professionnel pour revaloriser ce type de formation dont nous aurons de plus en plus besoin car les emplois seront créés aussi dans ces domaines. Nous aurons toujours besoin de bons cuisiniers, de bons plombiers, de bons électriciens... et ils ne seront pas remplacés par l'intelligence artificielle ou d'autres robots.

J'essaierai de trouver des solutions pratiques avec les États membres pour faciliter cette mobilité qui a à la fois une dimension économique, sociale et politique en termes de citoyenneté européenne. Nous nous sommes fixés des objectifs modestes. Aujourd'hui, moins de 5 % des jeunes en apprentissage profitent de la mobilité. Nous souhaitons doubler leur nombre, ce qui ne fait pas beaucoup, puisque cela resterait bien inférieur au taux dans le monde universitaire.

Je crois que la fin de la pandémie doit être une invitation adressée aux jeunes pour leur permettre de bouger. Les jeunes souffrent beaucoup de la pandémie, psychologiquement et en termes de mobilité. C'est un beau projet, sur lequel nous continuerons à travailler.

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Merci, monsieur le commissaire. Nous comptons sur vous car pouvoir partir est pour beaucoup de ces jeunes une expérience inouïe, souvent une première. Pour faire en sorte que ces jeunes adhèrent à l'Europe et au projet européen, il faut impérativement faciliter leur mobilité.

Enfin, la commission s'entretient avec Mme Céline Gauer, directrice générale, responsable de la task force pour la relance et la résilience (RECOVER), sur le plan de relance européen.

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Carole Labbé, conseillère économique à la représentation de la Commission européenne à Paris et membre de la task force pour la relance et la résilience

Céline Gauer est directrice générale au secrétariat général de la task force montée en juillet-août dernier pour travailler avec les États membres aux plans de relance et faciliter la relance et la résilience (RECOVER). Pour ce qui est de la France, le plan France Relance a été présenté en septembre dernier et environ 40 milliards d'euros provenant de l'Europe seront dévolus à ce plan pour faciliter les réformes et préparer la relance et la résilience.

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Madame la directrice générale, nous vous remercions vivement pour le temps d'échange que vous consacrez ce matin à notre commission des affaires sociales malgré les contraintes de la période actuelle.

La crise sanitaire est au cœur de nos préoccupations et, dès le mois de mars 2020, l'Assemblée nationale a créé une mission d'information commune devenue ensuite une commission d'enquête sur tous les aspects sanitaires, sociaux, économiques et internationaux de la crise sanitaire. Depuis que cette commission d'enquête a conclu ses travaux, la commission des affaires sociales a repris la plénitude de ses compétences sur ces sujets. Elle a entrepris de très nombreuses auditions, a tenu plus de trente heures de réunions pour envisager différents aspects de la crise : le lancement de la vaccination, la santé mentale de la population et bientôt le passeport vaccinal qui est au cœur du débat actuellement.

Nous ne perdons cependant pas de vue que la crise sanitaire présente bien d'autres dimensions que la dimension proprement sanitaire comme la lutte contre la pauvreté ou le développement du télétravail. Le plan de relance a une forte composante sociale. C'est pourquoi cet échange sur le plan de relance européen s'inscrira très utilement dans nos travaux.

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Céline Gauer, directrice générale, responsable de la task force pour la relance et la résilience (RECOVER)

La dimension sociale est, comme vous l'avez souligné, un élément extrêmement important du plan européen de relance, ou plus exactement des plans nationaux puisque le plan européen est une combinaison de plans nationaux.

La crise sanitaire s'est très rapidement transformée en une crise sociale que les politiques publiques ont tenté de gérer et d'endiguer au mieux. Elle n'est pas finie ; il faut s'attendre à ce que ses effets s'accroissent encore dans les semaines à venir d'où l'importance d'intégrer fortement la dimension sociale dans les plans de relance.

Nous observons dans l'ensemble des États de l'Union l'impact de la crise sur les systèmes de santé et la fragilité de nos systèmes de santé, même dans les États que nous pensions les mieux équipés pour faire face à ce type de crise.

Un autre aspect de la crise est un effet très variable sur les différentes catégories de travailleurs, selon le type de contrat dont ils bénéficiaient et selon leur secteur d'activité. Les employés qui bénéficiaient d'un contrat temporaire ont été frappés de plein fouet et ont vu leur taux d'activité chuter très significativement tandis que les travailleurs ayant un contrat de longue durée, à plein temps ou à temps partiel, ont été beaucoup moins touchés, surtout lorsque les États membres ont mis en place des systèmes de chômage partiel, aidés en cela par le programme européen SURE (Support to mitigate unemployment risks in an emergency). Nous avons également vu et nous continuons de constater une augmentation des inégalités selon que les personnes rentrent tout juste sur le marché du travail ou sont en fin de carrière, selon le niveau de formation initiale et le niveau de compétences, selon que les gens sont d'origine étrangère et ont éventuellement des difficultés linguistiques, selon le sexe et selon le secteur d'activité.

Enfin, nous constatons aussi que l'impact est très différent selon les systèmes d'éducation, ce qui est inquiétant pour l'avenir. Les élèves scolarisés dans les écoles les plus favorisées et issus de familles dont le niveau d'éducation est le plus élevé ont moins de difficultés à faire face à l'enseignement à distance et sont mieux équipés d'un point de vue numérique que les élèves scolarisés dans des établissements moins favorisés. Du fait d'une période prolongée de scolarisation à distance, ceci risque d'avoir un effet à terme sur le développement de ces enfants et plus généralement de ces jeunes.

Face à ce constat, l'Union a immédiatement réagi. Cette rapidité de réaction est une des rares bonnes nouvelles de cette crise. Par rapport à ce que nous avions observé suite à la crise financière, la rapidité de notre réaction collective face à cette crise est vraiment extrêmement élevée.

Les premières semaines et les premiers mois de la crise ont été consacrés à la gestion de crise à proprement parler avec la mobilisation de tous les fonds disponibles pour soutenir le secteur de la santé, pour renforcer le filet de sécurité sociale, les mécanismes de soutien au travail temporaire avec la création en seulement quelques semaines d'un système européen de refinancement du chômage partiel. Nous avons également conduit une opération très pratique sur le matériel médical, sur la coordination de la gestion des stocks et sur les vaccins.

Après cette gestion de crise, nous sommes passés assez rapidement à la relance, dès le mois de mai 2020. Nous avions espéré que cette relance viendrait plus rapidement et que nous aurions moins de vagues de contamination successives mais les outils pour la relance ont en tout cas été très rapidement mis en place, avec une proposition au mois de mai, un accord de principe au mois de juillet par les chefs d'État et de gouvernement et l'instrument juridique qui permettra son développement a été approuvé par les colégislateurs à la fin de l'année 2020.

Le fonctionnement du plan de relance européen est fondé sur les plans nationaux. Chaque État membre s'est vu attribuer une allocation déterminée en fonction de l'impact de la crise et de son niveau de développement économique, à charge pour les États de développer des plans nationaux combinant des réformes et des investissements afin d'accroître la résilience des économies et de favoriser la relance.

Le montant total disponible est de 672,5 milliards d'euros, ce qui est considérable. Cette somme se répartit entre des subventions et des prêts. Une autre caractéristique est la rapidité d'exécution : tous les plans devront être finalisés et tous les engagements devront être pris avant la fin de l'année 2022 pour 70 % de l'allocation et la fin de l'année 2023 pour le reste. Tous les prêts devront être demandés avant le 31 août 2023. Le paiement se fera par tranches en fonction de la réalisation des objectifs inscrits dans les plans ; ils n'iront pas au-delà de 2026 et l'action sera donc extrêmement concentrée dans le temps.

Quels critères les plans doivent‑ils remplir ? Un premier élément très important est que ces plans ne sont pas un carcan, qu'ils ne suivent pas un modèle unique. Les États membres disposent d'une grande flexibilité pour définir des plans qui répondent au mieux à leurs besoins propres, tout en respectant un certain nombre de points d'ancrage communs. Ces points d'ancrage sont l'équilibre entre les différentes composantes sociale, environnementale et numérique.

À la suite de la crise financière, nous avions vu beaucoup d'investissements aller vers des énergies fossiles ou des investissements nocifs pour le climat. Nous avons donc cette fois un principe fondamental : ne pas causer de dommage à l'environnement et au climat. Les plans ne doivent pas comporter une seule mesure négative pour le climat ou l'environnement.

Un système d'audit et de contrôle très rigoureux est prévu puisque ce plan de relance représente énormément d'argent, dépensé en très peu de temps, avec une grande liberté donnée aux États membres pour ces dépenses. La responsabilité et la solidarité entre les différents États membres requièrent que les systèmes d'audit et de contrôle soient particulièrement rigoureux.

En ce qui concerne la dimension sociale, il est demandé aux États membres d'avoir un processus très inclusif, fondé sur des consultations publiques avec les partenaires sociaux et avec toutes les forces vives de la société pour que ceux-ci puissent faire valoir leur point de vue dans l'élaboration du plan. Par ailleurs, l'équilibre global du plan doit se voir à la lumière du socle européen des droits sociaux et du principe d'égalité de manière générale. Il ne s'agit pas seulement de l'égalité entre les hommes et les femmes mais de l'égalité pour tous, particulièrement de l'inclusion des personnes d'origine étrangère et des personnes porteuses de handicap.

Enfin, il ne suffit pas de mettre la dimension sociale dans les plans au départ, il faut aussi la mettre en œuvre et suivre cette mise en œuvre. Une méthodologie de suivi des dépenses sociales sera donc prévue pour voir comment cette dimension sociale évoluera au fur et à mesure du développement et de la mise en œuvre du plan. Toutefois, alors que nous avons des objectifs chiffrés pour la dimension digitale qui doit représenter au moins 20 % des dépenses et la dimension environnementale qui doit représenter au moins 37 % des dépenses, il n'est pas prévu de minimum pour la dimension sociale. Cela dépendra des choix faits par les États membres.

Actuellement, vingt‑six des vingt‑sept plans sont à l'état de projet ; aucun n'a été formellement soumis à notre évaluation mais nous avons une bonne vue d'ensemble de ces plans. Nous constatons que la dimension sociale est extrêmement présente et satisfait l'exigence de répondre aux recommandations adressées aux États membres dans le cadre du semestre européen. Ces recommandations ont toujours une importante composante sociale.

Nous voyons des mesures en faveur de l'emploi. Certaine sont des réformes visant à mieux intégrer toutes les populations sur le marché du travail, particulièrement les jeunes ou les personnes âgées, afin d'allonger autant que possible la durée d'activité des travailleurs, ainsi que les travailleurs nécessitant une attention particulière. D'autres mesures sont destinées à inciter au recrutement des populations plus vulnérables.

Les plans contiennent aussi beaucoup d'éléments sur la formation professionnelle, notamment sur la formation professionnelle continue, avec des mesures de reformation et de requalification pour les travailleurs de secteurs en perte de vitesse. C'est une composante très importante pour l'industrie automobile ou les industries fondées sur les énergies fossiles. Il en existe encore beaucoup, notamment à l'est de l'Europe.

Tous les plans comportent des éléments importants sur les systèmes de santé, des investissements classiques pour la modernisation du système hospitalier mais aussi une attention particulière aux soins de proximité dont nous avons vu et continuons de voir à quel point ils sont essentiels.

Beaucoup d'investissements sont également programmés dans l'accueil des jeunes enfants et dans les structures de soin de long terme pour les personnes atteintes d'une maladie de longue durée ou d'un handicap. Ces éléments sont importants, non seulement pour le bien‑être de ces populations mais aussi pour l'activité des femmes. Nous savons que le manque de système de soins intégré est souvent la cause de taux d'activité inférieur chez les femmes et du fait qu'elles ont plus d'emplois à temps partiel ou moins bien rémunérés.

Les systèmes d'éducation sont décisifs pour les enfants, suivant qu'ils sont bien scolarisés dans des établissements bénéficiant d'investissements importants ou non. Nous constatons dans les plans un grand effort consacré à la numérisation des systèmes d'éducation et à l'équipement des écoles mais également à la formation des professeurs pour leur permettre d'utiliser ces équipements.

Le dernier aspect présent dans énormément de plans concerne le logement social et la lutte contre la pauvreté énergétique par des mesures de rénovation et d'isolation thermique. L'isolation thermique est l'un des meilleurs moyens de lutter contre la pauvreté énergétique.

Ces éléments ne sont pas exhaustifs. Ils ne sont pas tous présents dans tous les plans mais ils sont très récurrents.

Que se passera-t-il concrètement maintenant ? Nous attendons dans les jours qui viennent la notification formelle des premiers plans. Pourquoi seulement maintenant puisque les États membres pouvaient notifier dès le mois de février leur plan de relance ? Je crois qu'il ne faut pas sous-estimer la difficulté de l'exercice. Planifier pour des montants aussi considérables des investissements et des réformes pour les six années à venir est une tâche objectivement difficile et lourde pour tous les États membres, surtout alors que tous étaient en lutte contre la pandémie. Il est donc normal que les États membres aient pris le temps de définir leur plan de manière adéquate.

Nous disposerons de deux mois pour examiner ces plans en détail. Une grande partie de cet examen se fait au début, contrairement à ce qu'il se passe avec les fonds structurels, dont la mise en œuvre comporte toujours une vérification très exacte et précise, qui prend beaucoup de temps, de l'ensemble des coûts, des dépenses et des factures présentées par les États membres. L'approche choisie ici par le législateur est différente : nous regardons les coûts une fois pour toutes au début du plan et les États membres ont ensuite la responsabilité de les mettre en œuvre. La mise en œuvre sera donc beaucoup plus facile mais cela suppose que l'examen des plans soit fait dans le détail, notamment pour être sûr que le contribuable européen en aura pour son argent, qu'aucune des mesures ne créera de dommage au climat et que l'ensemble des exigences réglementaires seront respectées.

Le Conseil aura ensuite un mois pour approuver et, sous réserve de la ratification de la décision ressources propres par l'ensemble des parlements nationaux – ratification à laquelle le Parlement français a déjà procédé –, le plan pourra commencer à être mis en œuvre et les premiers versements pourront être effectués. Jusqu'en 2026, les États membres rendront compte deux fois par an des progrès réalisés dans la mise en œuvre de leur plan et recevront les versements correspondants au fur et à mesure. Cette action coordonnée et solidaire à l'échelon européen est un progrès considérable.

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Nous voyons bien que l'engagement pris est important. Cette coordination et cette facilitation du plan de relance sont essentielles mais comment cela pourra-t-il perdurer ? L'objectif est en effet également que cette coopération et cette facilité pour les États membres ne soient pas opérantes uniquement maintenant mais aussi dans les années à venir. C'est un exemple qui doit perdurer pour faire adhérer un maximum de nos concitoyens à cette belle idée qu'est l'Europe et à ce que l'Europe peut apporter.

Je pense en particulier au domaine de la souveraineté européenne en ce qui concerne la production de produits de santé, notamment de médicaments. C'est sans doute un enjeu fort pour les mois et les années à venir.

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Je vous remercie, madame la directrice générale, pour cette rencontre. Ces entretiens sont rares mais précieux car il est important pour nous d'avoir ces explications, de pouvoir expliquer le lien entre nos différentes institutions et l'impulsion collective que nous voulons donner. C'est tout particulièrement important en cette période de crise mondiale qui met à rude épreuve notre système de santé, notre économie et nos solidarités.

Le plan de relance de l'Union européenne approuvé par les États membres s'élève à 750 milliards d'euros, dont 390 milliards de subventions. La France a quant à elle proposé un plan de relance national à hauteur de 100 milliards d'euros, dont 40 milliards seront financés par le plan européen. Nous mesurons avec ces chiffres la hauteur des enjeux et les opportunités procurées à nos entreprises, à nos concitoyens et à nos administrations. C'est un effort budgétaire historique, un investissement inédit pour de nombreux secteurs.

Pour notre système de santé par exemple, le « Ségur » prévoit 19 milliards d'euros, un investissement qui dépasse largement les précédents plans. Pour les sujets qui concernent notre commission, il faut aussi souligner près de 15 milliards d'euros pour la formation, l'accompagnement et le maintien dans l'emploi et 700 millions d'euros en soutien aux personnes précaires.

J'aimerais vous interroger sur l'articulation entre le plan de relance européen et notre plan national. Je voulais en particulier vous demander des éléments de calendrier sur les échéances à venir mais vous les avez déjà présentés. J'aimerais savoir où en sont les autres pays et quand les premiers versements seront faits.

Je souhaite en savoir davantage sur les priorités définies au niveau européen pour le versement des subventions. En plus de la transition écologique et de la transition numérique dont nous parlons souvent, je pense qu'il ne faut pas oublier la transition démographique. Le vieillissement est un enjeu de taille dans tous les pays européens, avec des enjeux de logement, de transport, de prévention, de prise en charge. 2 milliards d'euros sont d'ailleurs consacrés à l'investissement dans les établissements et les services médico‑sociaux, ce dont je me réjouis.

Pouvez-vous nous préciser quelles sont les orientations données ? Quelles réformes pourront être lancées dans le cadre de ce plan ? Pourriez-vous nous citer des exemples concrets d'initiatives qui seront financées par des crédits européens ?

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Dimanche dernier, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Clément Beaune, a déploré que le processus de ratification du plan de relance européen dans les vingt‑sept parlements nationaux soit, selon lui, un peu long. M. Beaune a également souhaité qu'un nouveau plan de relance d'un même montant soit de nouveau négocié. Les propos du secrétaire d'État s'inscrivent dans un contexte particulier. En effet, les États-Unis ont annoncé le 31 mars dernier la mise en place d'un plan de relance colossal de 2 000 milliards de dollars dans des infrastructures destinées à lutter contre le dérèglement climatique et à tenir tête à la Chine.

L'Union européenne est prise entre la nécessité d'un plan de relance ambitieux pour rester compétitive entre les superpuissances américaine et chinoise et la nécessité de ne pas accroître une pression fiscale qui pèserait trop lourdement sur des économies déjà fortement impactées par la crise. Dans ce contexte, que pouvez-vous nous dire sur un hypothétique deuxième volet du plan de relance européen ?

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Céline Gauer, directrice générale, responsable de la task force pour la relance et la résilience (RECOVER)

Madame Firmin Le Bodo, il ne s'agit effectivement pas d'avoir une coopération intense actuellement, lors de l'élaboration des plans, et de ne plus rien faire après. La coopération entre les États membres sera continue durant toutes les années de mise en œuvre des plans. Elle sera, je pense, de nature un peu différente selon les États membres car tous ne sont pas dans la même situation. Certains États ont besoin d'aide pour mettre en œuvre les plans, pour développer les efforts nécessaires et pour, tout simplement, mettre en œuvre les investissements. Cela concerne généralement les États dont les administrations publiques sont les moins développées. Ces États ont besoin d'un soutien très opérationnel de notre part et nous le leur apporterons évidemment.

Pour les États qui ont moins besoin de cette aide très concrète, cela ne signifie pas que le dialogue ne continuera pas. Il devra continuer non seulement pour mesurer la performance et assurer les paiements réguliers mais également pour assurer la meilleure articulation possible entre l'ensemble des sources de financement afin d'obtenir les résultats souhaités sur les politiques publiques, tant au niveau national qu'européen. Très concrètement, des crédits importants sont prévus à l'échelon national, des crédits importants viennent de la politique de cohésion et des mécanismes de gestion de crise, et l'enveloppe du plan de relance s'y ajoute. L'ensemble de ces éléments doivent être coordonnés de manière à obtenir le maximum de synergies. Cette coopération continuera durant toute la mise en œuvre du programme.

Vous avez mentionné la nécessité de développer des infrastructures de production en Europe pour les produits de santé et notamment les vaccins. Nous la retrouvons dans un certain nombre de plans de relance de manière très opérationnelle, avec des investissements tout à fait concrets. Nous avons vu les limites de la mondialisation. Cela ne signifie pas qu'il faut à nouveau tout produire au niveau domestique. Il faut voir les chaînes de valeur à l'échelon mondial mais avoir suffisamment d'autonomie pour gérer de telles crises est une priorité.

En ce qui concerne l'articulation entre le plan national français et le plan européen, le plan national a effectivement pris en compte le plan européen dès le premier jour. Cela se voyait jusque dans le slogan et le logo de ce plan, qui étaient à mon sens une très bonne opération de communication. Les plans français et européen sont donc intégrés depuis le départ.

Tout ce qui est financé par le plan français ne peut pas être financé par le plan européen. Par exemple, les dépenses courantes – dépenses budgétaires, coûts opérationnels, salaires... – ne sont pas des investissements à proprement parler donc ne peuvent pas être prises en charge par le plan européen. Pourtant, ce sont des coûts très souvent utiles pour mettre en œuvre les investissements en infrastructures financés par le plan européen. Nous avons donc une grande complémentarité entre les parties financées par le budget français et celles financées par le budget européen. Le plan intégré français avec sa composante européenne a été pensé ainsi depuis le début.

S'agissant des plans des autres États membres, nous avons reçu des éléments de plan de vingt‑six États membres, dont la France, donc de vingt‑cinq autres pays. Les Pays-Bas ne nous ont encore rien transmis du fait de leur calendrier électoral. Certains plans sont aussi avancés que le plan français, qui est certainement l'un des plus avancés et celui dont nous attendons la notification parmi les premiers. D'autres plans sont plus en retard, soit parce que les enveloppes étaient plus considérables, soit parce que les ressources administratives pour les mettre en œuvre étaient plus limitées, soit simplement parce que le calendrier électoral a fait que les gouvernements n'ont pu s'y atteler que plus tardivement. Globalement, nous observons une grande convergence dans les priorités et dans la démarche de ces plans. Nous voyons beaucoup de similarités.

Le financement du plan se fait par la dette et la Commission contractera donc des emprunts sur les marchés pour le compte de l'Union. Or, pour avoir l'autorisation de le faire, la décision sur les ressources propres doit être ratifiées par tous les Etats membres. Tant que nous ne pouvons pas emprunter, nous ne pouvons pas financer. Même si les plans sont approuvés par le Conseil, aucun paiement ne pourra être effectué tant que la décision ressources propres n'aura pas été ratifiée par tous les États membres et que la Commission n'aura pas pu emprunter sur les marchés, tout simplement parce que l'argent n'est pas disponible.

Nous sommes néanmoins optimistes ; la décision devrait être ratifiée rapidement. Dix-sept États membres l'ont déjà fait et la plupart des autres sont en bonne voie. Le point d'interrogation qui reste encore est l'affaire pendante devant la Cour constitutionnelle. En l'absence de bons arguments juridiques contre la décision ressources propres, nous sommes tout à fait confiants mais le calendrier judiciaire est ce qu'il est et il n'est pas en notre pouvoir de l'influencer.

Lorsque la décision ressources propres aura été ratifiée et lorsque la Commission aura été en mesure d'emprunter sur les marchés, donc si tout va bien en juin ou juillet ou en septembre si les délais sont un peu plus importants, les paiements pourront être faits immédiatement dans la limite des capacités d'emprunt, puisqu'il est prévu un préfinancement de 13 % de l'ensemble du montant.

La transition démographique est un point extrêmement important pour l'ensemble de nos États membres. Elle est au cœur d'ailleurs de beaucoup de plans, de manière différenciée. Le premier élément concerne les réformes des marchés du travail, particulièrement les pensions de retraite. Certains États membres essaient de traiter dans leur plan la question des retraites, par exemple l'allongement de la durée de cotisation, mais encore plus d'États prévoient des incitations pour encourager les salariés à rester actifs plus longtemps de façon à accroître la durée de cotisation sans aller jusqu'à une modification de la durée légale. Il s'agit de rendre soutenables et finançables à long terme les régimes de retraite qui ne le sont pas encore. La problématique n'est pas la même dans tous les États membres. Dans certains, le souci est le niveau des retraites qui n'est pas suffisamment élevé pour que les retraités soient au-dessus du seuil de pauvreté. Dans d'autres, il s'agit de savoir comment financer.

Un aspect important dans beaucoup d'États provient des soins d'hébergement et de santé pour les personnes âgées, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mais aussi le maintien à domicile et l'intégration des soins sociaux et des soins de santé pour permettre la prise en charge du grand âge. Il faut prendre en compte les situations particulières car certains États ont déjà une institutionnalisation importante et l'effort se porte alors vers la désinstitutionnalisation, tandis que d'autres peuvent avoir besoin de créer un minimum de structures.

La comparaison avec le plan américain est intéressante. Les montants donnent un peu le vertige mais nous comparons en fait des choses qui ne sont pas comparables. Les États‑Unis ont amalgamé dans ce qu'ils appellent le plan de relance des mesures de gestion de crise et des mesures de relance proprement dites. Lorsque nous parlons des 672 milliards d'euros du plan de relance, nous ne parlons que de mesures d'investissement et de réformes, donc vraiment de relance et non de gestion de crise. Ce plan vient en plus des milliards déjà déployés et qui continueront d'être déployés par les fonds structurels, par les programmes tels que React EU qui permettent de gérer la crise. Cette distinction entre crise et relance n'est pas faite aux États‑Unis.

Le second point important est que cette dépense fédérale ne vient pas s'ajouter à une dépense importante et comparable des États fédérés. Le mécanisme est inverse du mécanisme européen, dont les chiffres français sont une bonne illustration : en France, le plan de relance de 100 milliards d'euros est financé à hauteur de 40 milliards d'euros par le budget « fédéral ». Aux États-Unis, la proportion est complètement différente. Les États fédérés ont très peu de capacités de soutien. Ils ne disposent pas des 60 milliards d'euros que la France peut mettre dans son plan de relance. Il ne faut donc pas comparer les 2 000 milliards de dollars aux 672 milliards d'euros mais à beaucoup plus en prenant en compte les gigantesques plans français, allemand et des autres États membres.

Faut-il déjà un deuxième plan de relance ? Pour le moment, la décision ressources propres est limitée au plan de relance tel que nous le connaissons aujourd'hui. Si nous devions avoir un nouveau plan de relance ou prolonger l'approche retenue dans le futur, nous devrions revenir à une nouvelle décision ressources propres qui nécessiterait à nouveau la ratification par l'ensemble des parlements nationaux. C'est la garantie du soutien démocratique à notre plan de relance. Nous n'avons pas un chèque en blanc, une possibilité de décider de nouveaux programmes sans consulter les parlements nationaux.

Mettons donc en avant celui-ci qui constitue déjà un enjeu considérable, pour la France comme pour beaucoup d'autres États membres. Finaliser ces plans, les approuver et les mettre en œuvre est déjà une tâche monumentale. Pour l'instant, nous avons suffisamment d'argent pour l'ensemble des mesures. Une fois que nous aurons montré que nous pouvons réussir, nous pourrons rouvrir la discussion, avec les verrous démocratiques nécessaires, pour voir s'il est ou non opportun de renouveler l'expérience. La clef est d'abord de réussir ce plan.

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Je vous remercie, madame la directrice générale, ainsi que tous les intervenants de cette matinée qui confirme que l'avenir des États membres dépend de l'Union européenne. L'Europe doit être forte, réactive, proactive et bien sûr résiliente pour répondre aux nombreux défis qui l'attendent, tant sur le plan économique que sur les plans sanitaire et social.

La séance s'achève à douze heures quarante-cinq.