Intervention de Céline Gauer

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 9h45
Commission des affaires sociales

Céline Gauer, directrice générale, responsable de la task force pour la relance et la résilience (RECOVER) :

Madame Firmin Le Bodo, il ne s'agit effectivement pas d'avoir une coopération intense actuellement, lors de l'élaboration des plans, et de ne plus rien faire après. La coopération entre les États membres sera continue durant toutes les années de mise en œuvre des plans. Elle sera, je pense, de nature un peu différente selon les États membres car tous ne sont pas dans la même situation. Certains États ont besoin d'aide pour mettre en œuvre les plans, pour développer les efforts nécessaires et pour, tout simplement, mettre en œuvre les investissements. Cela concerne généralement les États dont les administrations publiques sont les moins développées. Ces États ont besoin d'un soutien très opérationnel de notre part et nous le leur apporterons évidemment.

Pour les États qui ont moins besoin de cette aide très concrète, cela ne signifie pas que le dialogue ne continuera pas. Il devra continuer non seulement pour mesurer la performance et assurer les paiements réguliers mais également pour assurer la meilleure articulation possible entre l'ensemble des sources de financement afin d'obtenir les résultats souhaités sur les politiques publiques, tant au niveau national qu'européen. Très concrètement, des crédits importants sont prévus à l'échelon national, des crédits importants viennent de la politique de cohésion et des mécanismes de gestion de crise, et l'enveloppe du plan de relance s'y ajoute. L'ensemble de ces éléments doivent être coordonnés de manière à obtenir le maximum de synergies. Cette coopération continuera durant toute la mise en œuvre du programme.

Vous avez mentionné la nécessité de développer des infrastructures de production en Europe pour les produits de santé et notamment les vaccins. Nous la retrouvons dans un certain nombre de plans de relance de manière très opérationnelle, avec des investissements tout à fait concrets. Nous avons vu les limites de la mondialisation. Cela ne signifie pas qu'il faut à nouveau tout produire au niveau domestique. Il faut voir les chaînes de valeur à l'échelon mondial mais avoir suffisamment d'autonomie pour gérer de telles crises est une priorité.

En ce qui concerne l'articulation entre le plan national français et le plan européen, le plan national a effectivement pris en compte le plan européen dès le premier jour. Cela se voyait jusque dans le slogan et le logo de ce plan, qui étaient à mon sens une très bonne opération de communication. Les plans français et européen sont donc intégrés depuis le départ.

Tout ce qui est financé par le plan français ne peut pas être financé par le plan européen. Par exemple, les dépenses courantes – dépenses budgétaires, coûts opérationnels, salaires... – ne sont pas des investissements à proprement parler donc ne peuvent pas être prises en charge par le plan européen. Pourtant, ce sont des coûts très souvent utiles pour mettre en œuvre les investissements en infrastructures financés par le plan européen. Nous avons donc une grande complémentarité entre les parties financées par le budget français et celles financées par le budget européen. Le plan intégré français avec sa composante européenne a été pensé ainsi depuis le début.

S'agissant des plans des autres États membres, nous avons reçu des éléments de plan de vingt‑six États membres, dont la France, donc de vingt‑cinq autres pays. Les Pays-Bas ne nous ont encore rien transmis du fait de leur calendrier électoral. Certains plans sont aussi avancés que le plan français, qui est certainement l'un des plus avancés et celui dont nous attendons la notification parmi les premiers. D'autres plans sont plus en retard, soit parce que les enveloppes étaient plus considérables, soit parce que les ressources administratives pour les mettre en œuvre étaient plus limitées, soit simplement parce que le calendrier électoral a fait que les gouvernements n'ont pu s'y atteler que plus tardivement. Globalement, nous observons une grande convergence dans les priorités et dans la démarche de ces plans. Nous voyons beaucoup de similarités.

Le financement du plan se fait par la dette et la Commission contractera donc des emprunts sur les marchés pour le compte de l'Union. Or, pour avoir l'autorisation de le faire, la décision sur les ressources propres doit être ratifiées par tous les Etats membres. Tant que nous ne pouvons pas emprunter, nous ne pouvons pas financer. Même si les plans sont approuvés par le Conseil, aucun paiement ne pourra être effectué tant que la décision ressources propres n'aura pas été ratifiée par tous les États membres et que la Commission n'aura pas pu emprunter sur les marchés, tout simplement parce que l'argent n'est pas disponible.

Nous sommes néanmoins optimistes ; la décision devrait être ratifiée rapidement. Dix-sept États membres l'ont déjà fait et la plupart des autres sont en bonne voie. Le point d'interrogation qui reste encore est l'affaire pendante devant la Cour constitutionnelle. En l'absence de bons arguments juridiques contre la décision ressources propres, nous sommes tout à fait confiants mais le calendrier judiciaire est ce qu'il est et il n'est pas en notre pouvoir de l'influencer.

Lorsque la décision ressources propres aura été ratifiée et lorsque la Commission aura été en mesure d'emprunter sur les marchés, donc si tout va bien en juin ou juillet ou en septembre si les délais sont un peu plus importants, les paiements pourront être faits immédiatement dans la limite des capacités d'emprunt, puisqu'il est prévu un préfinancement de 13 % de l'ensemble du montant.

La transition démographique est un point extrêmement important pour l'ensemble de nos États membres. Elle est au cœur d'ailleurs de beaucoup de plans, de manière différenciée. Le premier élément concerne les réformes des marchés du travail, particulièrement les pensions de retraite. Certains États membres essaient de traiter dans leur plan la question des retraites, par exemple l'allongement de la durée de cotisation, mais encore plus d'États prévoient des incitations pour encourager les salariés à rester actifs plus longtemps de façon à accroître la durée de cotisation sans aller jusqu'à une modification de la durée légale. Il s'agit de rendre soutenables et finançables à long terme les régimes de retraite qui ne le sont pas encore. La problématique n'est pas la même dans tous les États membres. Dans certains, le souci est le niveau des retraites qui n'est pas suffisamment élevé pour que les retraités soient au-dessus du seuil de pauvreté. Dans d'autres, il s'agit de savoir comment financer.

Un aspect important dans beaucoup d'États provient des soins d'hébergement et de santé pour les personnes âgées, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mais aussi le maintien à domicile et l'intégration des soins sociaux et des soins de santé pour permettre la prise en charge du grand âge. Il faut prendre en compte les situations particulières car certains États ont déjà une institutionnalisation importante et l'effort se porte alors vers la désinstitutionnalisation, tandis que d'autres peuvent avoir besoin de créer un minimum de structures.

La comparaison avec le plan américain est intéressante. Les montants donnent un peu le vertige mais nous comparons en fait des choses qui ne sont pas comparables. Les États‑Unis ont amalgamé dans ce qu'ils appellent le plan de relance des mesures de gestion de crise et des mesures de relance proprement dites. Lorsque nous parlons des 672 milliards d'euros du plan de relance, nous ne parlons que de mesures d'investissement et de réformes, donc vraiment de relance et non de gestion de crise. Ce plan vient en plus des milliards déjà déployés et qui continueront d'être déployés par les fonds structurels, par les programmes tels que React EU qui permettent de gérer la crise. Cette distinction entre crise et relance n'est pas faite aux États‑Unis.

Le second point important est que cette dépense fédérale ne vient pas s'ajouter à une dépense importante et comparable des États fédérés. Le mécanisme est inverse du mécanisme européen, dont les chiffres français sont une bonne illustration : en France, le plan de relance de 100 milliards d'euros est financé à hauteur de 40 milliards d'euros par le budget « fédéral ». Aux États-Unis, la proportion est complètement différente. Les États fédérés ont très peu de capacités de soutien. Ils ne disposent pas des 60 milliards d'euros que la France peut mettre dans son plan de relance. Il ne faut donc pas comparer les 2 000 milliards de dollars aux 672 milliards d'euros mais à beaucoup plus en prenant en compte les gigantesques plans français, allemand et des autres États membres.

Faut-il déjà un deuxième plan de relance ? Pour le moment, la décision ressources propres est limitée au plan de relance tel que nous le connaissons aujourd'hui. Si nous devions avoir un nouveau plan de relance ou prolonger l'approche retenue dans le futur, nous devrions revenir à une nouvelle décision ressources propres qui nécessiterait à nouveau la ratification par l'ensemble des parlements nationaux. C'est la garantie du soutien démocratique à notre plan de relance. Nous n'avons pas un chèque en blanc, une possibilité de décider de nouveaux programmes sans consulter les parlements nationaux.

Mettons donc en avant celui-ci qui constitue déjà un enjeu considérable, pour la France comme pour beaucoup d'autres États membres. Finaliser ces plans, les approuver et les mettre en œuvre est déjà une tâche monumentale. Pour l'instant, nous avons suffisamment d'argent pour l'ensemble des mesures. Une fois que nous aurons montré que nous pouvons réussir, nous pourrons rouvrir la discussion, avec les verrous démocratiques nécessaires, pour voir s'il est ou non opportun de renouveler l'expérience. La clef est d'abord de réussir ce plan.

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