Voici les principaux problèmes que nous avons identifiés.
Premièrement, les anciens mineurs ne comprennent plus rien à leur sécurité sociale, par manque d'explications des changements survenus, et à cause de la complexité objective de la situation. Nous-mêmes, qui pensions bien maîtriser les tenants et les aboutissants du régime minier, sommes allés de découverte en découverte lors des auditions. L'enchevêtrement des compétences, difficile à démêler, ne va pas sans conséquence pour les mineurs. En cas de problème, ils ne savent à qui s'adresser, et se retrouvent renvoyés d'un interlocuteur à l'autre. La dématérialisation de l'information et des démarches n'arrange rien. La population des mineurs, en moyenne très âgée, ne dispose en effet que d'un accès limité au numérique.
Une deuxième difficulté vient de la perte progressive, au sein des institutions gestionnaires du régime, de la connaissance de ses spécificités. Lorsqu'un ancien mineur appelle la CNAM, il a affaire à un opérateur généraliste dépourvu de la moindre idée de ce en quoi consiste le régime minier.
Ce problème de méconnaissance institutionnelle se pose avec le plus d'acuité aux derniers mineurs affiliés en activité, au nombre de cent vingt. Ils travaillent à la mine de sel de Varangéville, dans ma circonscription, exploitée par la compagnie des Salins du Midi. Leur situation, que d'aucuns pourraient juger résiduelle, me semble révélatrice des dysfonctionnements du régime minier, liés à l'éparpillement des responsabilités. Ces mineurs, actifs, se retrouvent largement livrés à eux-mêmes lorsqu'ils ont besoin d'informations en lien avec leur sécurité sociale. Normalement, un employeur qui cotise doit être en mesure d'orienter ses salariés. Malheureusement, le service des ressources humaines de la compagnie des Salins du Midi, au fil des renouvellements du personnel, a perdu la connaissance du statut minier, désormais minoritaire au sein de la société. En cas de problème, les mineurs qui relèvent de ce statut à part, faute de disposer d'un interlocuteur dédié, se retrouvent renvoyés, au hasard, d'un service à l'autre.
Récemment s'est posé à eux un problème lié au calcul de leurs points de complémentaire retraite et, en particulier, de leur « raccordement », c'est-à-dire la somme qui complète leur pension minière avant leurs 62 ans. Ce souci, que certains trouveront anecdotique, illustre malgré tout le risque que les droits garantis par le régime minier se résument à une coquille vide, faute d'un mécanisme et de procédures qui en assurent l'effectivité. Ma collègue rapporteure et moi-même nous sommes demandé comment mettre de l'huile dans les rouages, autrement dit, comment garantir que ce régime continuera de fonctionner durant plusieurs décennies encore. Il ne s'éteindra en effet qu'à l'horizon de 2100. En 2040, 40 000 pensionnés relèveront encore du régime minier.
Il nous paraît essentiel de créer des guichets uniques qui centralisent l'information relative au régime minier, orientent les assurés dans leurs démarches et adressent, au besoin, leurs dossiers aux institutions compétentes. La gestion pourrait être confiée à l'ANGDM ou à la Caisse des dépôts et consignations. La question reste à étudier. En tout cas, il faudra y consacrer des moyens spécifiques. L'instauration de guichets uniques, répondant au besoin d'un interlocuteur physique dans les bassins miniers, pourrait s'articuler avec le déploiement des maisons France Services. Il faudrait aussi une ligne téléphonique dédiée, à laquelle répondraient des personnes compétentes, s'appuyant sur une connaissance d'ensemble du régime minier. Il conviendrait aussi d'envisager la création d'un portail internet unique, qui réorienterait les assurés vers les sites des différentes institutions en fonction de leurs demandes.
Nous préconisons en outre de privilégier les options non numériques de communication – l'envoi de documents papier et le contact physique ou téléphonique – avec les assurés miniers, compte tenu de leur âge moyen. En somme, nous devons suivre avec eux la démarche inverse de celle qui s'applique à la population générale, en ne recourant au numérique que si un assuré minier s'y déclare favorable. Faute de quoi les anciens mineurs passeront à côté des informations qui les concernent, comme le laisse déjà présager leur expérience quotidienne.
En troisième lieu, nous ne devons pas renoncer à soutenir les derniers mineurs en activité sous prétexte de leur nombre réduit. Il appartient à leur employeur, au moins sur la question complexe de la retraite minière, d'organiser dans l'entreprise des réunions annuelles d'information rassemblant tous les acteurs concernés : Caisse des dépôts, ANGDM et complémentaires retraite. Cette proposition simple à mettre en œuvre rendrait un grand service aux mineurs.