COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 12 mai 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
M. Thibault Bazin et Mme Hélène Zannier, rapporteurs, présentent à la commission une communication sur le régime de sécurité sociale des mines.
À l'occasion de l'examen pour avis des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite du projet de loi de finances pour 2021, notre collègue Hélène Zannier avait défendu en commission, puis en séance publique, un amendement destiné à remédier aux difficultés rencontrées par l'action sanitaire et sociale dans le régime des mines. Il n'a pas été adopté mais le bureau de notre commission a décidé de créer une mission d'information au régime de sécurité sociale des mines. La dernière mine en activité dans notre pays se situe dans la circonscription de notre collègue Thibault Bazin qui, avec Mme Zannier, s'est finalement intéressé à d'autres aspects encore de ce régime spécial de sécurité sociale. Ils nous présentent aujourd'hui la conclusion de leurs travaux.
M. Bazin et moi-même avons souhaité éclairer la commission sur le régime de sécurité sociale des mines, rarement évoqué malgré son importance indéniable, notamment pour les élus des bassins miniers.
Ce régime résulte d'un pacte conclu entre l'État et les mineurs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le charbon apparaissait alors indispensable au redressement de notre pays. Il fallait attirer de la main-d'œuvre vers les métiers pénibles et dangereux de la mine. Les éboulements et les coups de grisou ne relevaient pas de simples mythes, pas plus que les maladies de l'amiante ou la silicose, qui touchent nombre d'anciens mineurs. Le régime de sécurité sociale des mines a été conçu comme une contrepartie des vicissitudes de la profession.
Instauré en 1946 et géré par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), ce régime complet s'occupe aussi bien des risques vieillesse et invalidité que des accidents du travail et des maladies professionnelles. Particulièrement protecteur, à proportion des risques encourus par ses bénéficiaires, il permettait aux mineurs, qui commençaient souvent à travailler dès un très jeune âge, de prendre leur retraite à 55 ans, voire dès 50 ans pour les mineurs de fond, grâce à des majorations liées aux périodes de travail au fond des mines. Le régime minier prend en charge la totalité des frais de santé des travailleurs des mines et de leurs ayants droit – conjoint et enfants jusqu'à leurs 18 ans. Enfin, ceux-ci bénéficient d'une offre de santé exclusive et complète grâce à des structures dédiées : les œuvres minières.
La fermeture, en 2004, de la dernière mine de charbon en Moselle a entraîné la mise en extinction du régime minier, effective depuis 2011. Tous les salariés recrutés à compter de cette date dans le cadre du code minier, notamment dans les ardoisières, les mines de sel et de bauxite, relèvent du régime général. Lors de la mise en extinction du régime minier, l'État s'est fermement engagé à garantir les droits acquis des mineurs, aussi longtemps qu'il restera un ayant droit en vie.
Naturellement, cette persistance des droits acquis a dû passer par une organisation adaptée, en raison de la diminution rapide du nombre de cotisants et des pensions à verser. La gestion du régime minier a été progressivement transférée aux institutions de droit commun. La Caisse des dépôts et consignations s'occupe désormais des risques retraite et invalidité, tandis que le risque maladie relève de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). Enfin, l'action sanitaire et sociale du régime a été confiée à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), créée en 2004 afin, justement, de pérenniser les engagements des Charbonnages de France après leur dissolution. L'ANGDM se charge aussi de l'application du droit au logement et au chauffage.
Les réorganisations que je viens d'évoquer ne devaient pas, en principe, impacter les mineurs, dont la CANSSM reste officiellement la caisse de sécurité sociale, bien que le transfert de la plupart de ses missions originelles la cantonne à un simple rôle de façade. C'est l'étude des conséquences concrètes de ce transfert qui a motivé notre mission.
Nous recevons quotidiennement des témoignages d'anciens mineurs désemparés par les difficultés qu'ils rencontrent pour faire valoir leurs droits. Nous ne mettons pas en cause une institution en particulier. Le problème vient plutôt, selon nous, de l'absence d'une vision d'ensemble de ce régime, liée à l'éclatement des compétences entre différentes institutions, qui élaborent d'ailleurs en ce moment une nouvelle convention d'objectifs et de gestion. Nous souhaitons, par notre rapport, infléchir ou conforter certaines de ses orientations.
Voici les principaux problèmes que nous avons identifiés.
Premièrement, les anciens mineurs ne comprennent plus rien à leur sécurité sociale, par manque d'explications des changements survenus, et à cause de la complexité objective de la situation. Nous-mêmes, qui pensions bien maîtriser les tenants et les aboutissants du régime minier, sommes allés de découverte en découverte lors des auditions. L'enchevêtrement des compétences, difficile à démêler, ne va pas sans conséquence pour les mineurs. En cas de problème, ils ne savent à qui s'adresser, et se retrouvent renvoyés d'un interlocuteur à l'autre. La dématérialisation de l'information et des démarches n'arrange rien. La population des mineurs, en moyenne très âgée, ne dispose en effet que d'un accès limité au numérique.
Une deuxième difficulté vient de la perte progressive, au sein des institutions gestionnaires du régime, de la connaissance de ses spécificités. Lorsqu'un ancien mineur appelle la CNAM, il a affaire à un opérateur généraliste dépourvu de la moindre idée de ce en quoi consiste le régime minier.
Ce problème de méconnaissance institutionnelle se pose avec le plus d'acuité aux derniers mineurs affiliés en activité, au nombre de cent vingt. Ils travaillent à la mine de sel de Varangéville, dans ma circonscription, exploitée par la compagnie des Salins du Midi. Leur situation, que d'aucuns pourraient juger résiduelle, me semble révélatrice des dysfonctionnements du régime minier, liés à l'éparpillement des responsabilités. Ces mineurs, actifs, se retrouvent largement livrés à eux-mêmes lorsqu'ils ont besoin d'informations en lien avec leur sécurité sociale. Normalement, un employeur qui cotise doit être en mesure d'orienter ses salariés. Malheureusement, le service des ressources humaines de la compagnie des Salins du Midi, au fil des renouvellements du personnel, a perdu la connaissance du statut minier, désormais minoritaire au sein de la société. En cas de problème, les mineurs qui relèvent de ce statut à part, faute de disposer d'un interlocuteur dédié, se retrouvent renvoyés, au hasard, d'un service à l'autre.
Récemment s'est posé à eux un problème lié au calcul de leurs points de complémentaire retraite et, en particulier, de leur « raccordement », c'est-à-dire la somme qui complète leur pension minière avant leurs 62 ans. Ce souci, que certains trouveront anecdotique, illustre malgré tout le risque que les droits garantis par le régime minier se résument à une coquille vide, faute d'un mécanisme et de procédures qui en assurent l'effectivité. Ma collègue rapporteure et moi-même nous sommes demandé comment mettre de l'huile dans les rouages, autrement dit, comment garantir que ce régime continuera de fonctionner durant plusieurs décennies encore. Il ne s'éteindra en effet qu'à l'horizon de 2100. En 2040, 40 000 pensionnés relèveront encore du régime minier.
Il nous paraît essentiel de créer des guichets uniques qui centralisent l'information relative au régime minier, orientent les assurés dans leurs démarches et adressent, au besoin, leurs dossiers aux institutions compétentes. La gestion pourrait être confiée à l'ANGDM ou à la Caisse des dépôts et consignations. La question reste à étudier. En tout cas, il faudra y consacrer des moyens spécifiques. L'instauration de guichets uniques, répondant au besoin d'un interlocuteur physique dans les bassins miniers, pourrait s'articuler avec le déploiement des maisons France Services. Il faudrait aussi une ligne téléphonique dédiée, à laquelle répondraient des personnes compétentes, s'appuyant sur une connaissance d'ensemble du régime minier. Il conviendrait aussi d'envisager la création d'un portail internet unique, qui réorienterait les assurés vers les sites des différentes institutions en fonction de leurs demandes.
Nous préconisons en outre de privilégier les options non numériques de communication – l'envoi de documents papier et le contact physique ou téléphonique – avec les assurés miniers, compte tenu de leur âge moyen. En somme, nous devons suivre avec eux la démarche inverse de celle qui s'applique à la population générale, en ne recourant au numérique que si un assuré minier s'y déclare favorable. Faute de quoi les anciens mineurs passeront à côté des informations qui les concernent, comme le laisse déjà présager leur expérience quotidienne.
En troisième lieu, nous ne devons pas renoncer à soutenir les derniers mineurs en activité sous prétexte de leur nombre réduit. Il appartient à leur employeur, au moins sur la question complexe de la retraite minière, d'organiser dans l'entreprise des réunions annuelles d'information rassemblant tous les acteurs concernés : Caisse des dépôts, ANGDM et complémentaires retraite. Cette proposition simple à mettre en œuvre rendrait un grand service aux mineurs.
Nous avons déjà brièvement évoqué tout à l'heure notre quatrième préconisation, au sujet de la silicose et des maladies professionnelles liées à l'amiante. Ces pathologies constituent un problème tout sauf résiduel. 100 000 des 221 000 pensionnés du régime minier souffrent d'une maladie professionnelle reconnue. De telles maladies se déclarent très longtemps, parfois plusieurs décennies, après l'exposition aux risques, donc à un âge avancé. De nombreux témoignages attestent l'extrême, voire l'excessive longueur de la procédure de reconnaissance de ces pathologies en tant que maladies professionnelles. Le nombre des lieux d'accueil physique des anciens mineurs a décru, au point que ces derniers peinent à trouver un interlocuteur capable de les conseiller. Il n'est pas rare qu'ils doivent renvoyer des documents à plusieurs reprises. Il appartient selon moi à la CNAM d'employer tous les moyens à sa disposition pour accélérer et améliorer cette procédure de reconnaissance des maladies professionnelles, notamment en assurant un accueil physique au plus près de la population, en dispensant des informations tout au long de la procédure et en assurant l'accès à des experts et des spécialistes. Il n'est pas tolérable que les mineurs en soient réduits à se demander s'ils obtiendront la reconnaissance de leur maladie professionnelle avant leur mort.
L'année 2004 a marqué le regroupement, sous la marque Filieris, ouverte à la population générale, des anciennes œuvres du régime minier, aujourd'hui encore gérées par la CANSSM. Sa mission principale, offrir des soins, s'avère assez inhabituelle pour une caisse de sécurité sociale. Filieris accusait, au début des années 2010, des déficits annuels récurrents de l'ordre de 40 millions d'euros. Des efforts ont permis de restructurer son offre de santé et de ramener son déficit à 14 millions d'euros en 2020. Le Gouvernement envisage de supprimer la CANSSM et de transférer la marque Filieris à l'Union pour la gestion des établissements des caisses de l'assurance maladie (UGECAM), relevant du régime général de la sécurité sociale, à une échéance encore inconnue à ce jour. Un arbitrage est attendu ces prochaines semaines.
Nous sommes convaincus que toute décision sur la question doit obéir à un seul et unique impératif : maintenir une offre de soins de qualité dans les bassins miniers. Ceux-ci font bien souvent figure de déserts médicaux. Filieris y joue un rôle fondamental en tant qu'acteur de la santé. Nous préconisons donc, en cinquième lieu, de préserver l'infrastructure de Filieris, voire de l'étoffer. Beaucoup d'anciens mineurs nous ont confié que, quoiqu'ayant droit à des soins gratuits, ils ne trouvent plus de spécialistes, ni parfois même de généralistes pour s'occuper d'eux. Ce problème remet en cause le droit des mineurs à la santé. D'autres populations se trouvent d'ailleurs confrontées aux mêmes difficultés.
Nous estimons également nécessaire de préserver les crédits d'action sanitaire et sociale du régime minier, voire de les abonder, pour faire face à la fragilité croissante du public concerné. Depuis trois ans, j'attire l'attention de la représentation nationale, lors des débats sur les projets de loi de finances, sur la réduction de ces crédits bénéficiant aux anciens mineurs, gérés par l'ANGDM. Bien qu'il ait été prévu de les réduire de 5 % par an, au rythme du recul de la population des mineurs, un décrochage, en 2018, a entraîné une diminution des prestations. J'estime que le Gouvernement doit préserver, au cours des prochaines années, ces crédits d'action sanitaire et sociale, quitte à ne pas s'aligner sur la baisse annuelle de 5 % de la population des mineurs. De plus en plus âgée, celle-ci nécessite des interventions au coût croissant, en lien, notamment, avec son maintien à domicile et l'adaptation des logements. J'ai personnellement constaté des actions novatrices dans ce domaine, à même de servir de modèles au bénéfice de la population générale. Ces crédits d'action sociale et sanitaire, selon moi bien employés, doivent être maintenus sur la base d'une planification, par l'ANGDM, des besoins au cours des prochaines années. À ce jour, 97 000 anciens mineurs et leurs ayants droit bénéficient de ces crédits, d'un montant de 30 millions d'euros.
Voilà, en substance, le résultat de nos travaux sur ce régime minier, qui n'occupe plus vraiment le cœur de l'actualité de notre commission. Pour cette raison, nous sommes heureux de le rappeler à votre souvenir. Il nous semblerait opportun d'instaurer à son sujet un groupe de travail composé de parlementaires. Sa création se justifierait d'autant plus que d'autres difficultés nous ont été signalées, tels des affaissements de terrain mettant en péril des habitations acquises par d'anciens mineurs. De telles problématiques, dépassant le cadre de notre mission, devraient alimenter des réflexions futures.
Nous avons émis, au sujet du régime de sécurité sociale des mines, des préconisations de simple bon sens, dont la mise en œuvre ne requiert certainement pas de moyens extravagants. Le constat que la gestion de ce régime en extinction suit pour l'heure une logique d'alignement des moyens sur le plafond des bénéficiaires ne laisse pas de nous préoccuper.
Nous devons aux anciens mineurs, qui se sont sacrifiés pour redresser la France, de pousser plus avant la réflexion et de mettre en place des mesures à même d'améliorer leur quotidien.
Nous tenons à remercier chaleureusement l'administratrice qui nous a prêté son concours lors de cette mission ainsi que les très nombreuses personnes qui, spontanément, ont tenu à éclairer notre réflexion par leur témoignage.
Je tiens, moi aussi, à remercier l'administratrice qui nous a accompagnés, du début à la fin de cette mission. Nos premières auditions, passionnantes, en ont suscité d'autres, dans une logique d'évaluation des politiques publiques, par la confrontation des témoignages, y compris d'acteurs de terrain. Nous espérons voir nos préconisations suivies d'effet, afin d'améliorer la prise en compte des mineurs de notre pays.
Je remercie nos collègues de s'être saisis d'une question qui touche tout de même plus de 220 000 retraités et un peu plus d'un millier d'actifs. En tant que Messin, je confirme qu'il s'agit là d'un sujet sensible sur nos anciens territoires miniers. Près de ma permanence se dresse encore le siège de l'ancienne caisse nationale des mineurs.
En 2050, il ne restera toutefois plus que quelques dizaines de cotisants au régime minier et moins de 4 000 pensionnés. L'extinction de ce régime d'ici à 2100 nous place dans une période charnière. Nous devons, dans le même temps, amorcer la fin de ce régime, et garantir les droits acquis par les retraités actuels et futurs. L'enjeu apparaît de taille.
Votre rapport met en lumière les principales difficultés auxquelles se heurtent les assurés nécessitant des informations sur leur régime. Des quantités de raisons l'expliquent : la multiplication des interlocuteurs, la numérisation croissante des démarches administratives et la perte progressive de la connaissance du régime au sein même des organismes de gestion actuels. Les compétences demeurent présentes au sein de la CNAM et de ses délégations, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de Moselle et d'Artois. Seulement, les bénéficiaires du régime minier ne disposent pas d'un accès direct aux détenteurs des informations sur leur statut.
J'estime dans notre intérêt collectif de soutenir la création de guichets uniques destinés à orienter les assurés. Je m'interroge sur la possibilité de déployer de tels guichets dans le cadre des maisons France Services. En avez-vous discuté avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires ? Certains de nos compatriotes ont durement travaillé dans les mines, des années durant, en s'exposant à des risques majeurs pour leur santé. En contrepartie, ils ont cotisé à un régime leur donnant un accès gratuit aux soins. Nous devons tout mettre en œuvre pour que leur droit aux soins gratuits s'exerce pleinement. Cela passera par le maintien et le développement de l'offre de soins, déjà mise à mal dans les bassins miniers.
L'éventuelle reprise de Filieris par l'UGECAM vous paraît-elle en mesure de répondre à cet enjeu fondamental ? Si le projet d'instauration d'un régime universel de retraite devait revenir à l'ordre du jour, que proposeriez-vous pour qu'il remédie aux difficultés mises en lumière par votre rapport ?
Le régime minier de sécurité sociale marque la reconnaissance de l'exercice d'un métier difficile et de l'engagement d'une profession au service de notre pays et de son redressement. Aucun des droits attachés au régime minier ne saurait être remis en cause. Ce régime lui-même nécessite d'être préservé. Vous avez évoqué un certain nombre de difficultés, notamment les suppressions d'activités de soins, constatées par les syndicats et les usagers, en raison de l'obligation pour la CANSSM d'atteindre un équilibre financier.
La dernière convention d'objectifs et de gestion a raboté le budget d'action sanitaire et sociale propre aux mines. Nous nous demandons avec inquiétude comment garantir aux bénéficiaires du régime minier un accès gratuit à des soins de qualité. Vous avez alerté sur l'opacité et les dysfonctionnements répétés de ce régime minier, à l'origine d'une grande incompréhension des ayants droit, souvent âgés et désorientés face à l'éparpillement de leurs interlocuteurs. Vous proposez de créer un guichet unique d'information et d'orientation, et de lutter contre la dématérialisation des démarches. Nous y sommes très favorables, considérant l'âge moyen des pensionnés, qui est de 79 ans. Comment mettre en place concrètement vos préconisations ? Comment mieux accompagner ces bénéficiaires du régime minier ?
J'aimerais vous interroger sur l'inégalité de traitement entre les mineurs atteints de silicose et les autres victimes de l'amiante, soumises à un barème différent d'indemnisations, versées par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Il apparaît nécessaire, par souci de justice et d'équité, d'appliquer à tous un barème identique. Comment satisfaire cet impératif de traiter équitablement les victimes de ces maladies professionnelles ? Nous comptons sur vous, chers collègues, pour prendre en considération ces mineurs, parfois éloignés des préoccupations de ceux qui habitent des territoires dépourvus de mines. Nous devons nous montrer tous solidaires, notamment des élus concernés.
Le rapport de M. Bazin et de Mme Zannier apparaît essentiel pour nombre de nos territoires. Ma circonscription a hérité d'un lourd passé minier. Loin d'être relégué dans la mémoire collective, il occupe encore notre actualité. Vous avez rappelé la longue histoire du régime de sécurité sociale des mines, lié au rôle majeur des mineurs dans l'après-guerre. À la Libération, la France a eu besoin d'acier et de charbon. Pendant la reconstruction, les mineurs sont apparus comme les héros de leur époque. Alors qu'au cours de la semaine écoulée, nous avons commémoré trois dates de portée fort différente, je tiens à rendre hommage, à travers ce rapport, aux centaines de milliers d'hommes qui ont permis à notre pays de se relever au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de devenir ce qu'il est. Parfois, c'est à travers des questions comme celles que soulève le régime minier que nous rendons hommage aux oubliés de l'histoire. Gardons présent à l'esprit que celle-ci se construit surtout grâce à des anonymes industrieux.
Un aspect du rapport en particulier a suscité mon intérêt. Le modèle minier peut apporter des réponses aux problèmes d'aujourd'hui comme de demain. Je songe notamment aux œuvres minières. La désertification médicale s'explique par des causes multiples. Les jeunes praticiens, dont beaucoup sont aujourd'hui des femmes, aspirent à des postes salariés, regroupés, aux aspects administratifs déjà pris en charge. Dans les territoires, Filieris s'est montré capable de remédier au manque d'attractivité des postes à pourvoir. Son savoir-faire pourrait donc, à l'avenir, contribuer à fournir une offre de soins à tous.
Je soutiens, en conclusion, l'ensemble de vos préconisations. J'aimerais vous interroger sur les sujets plus vastes que cette mission vous a donné l'occasion d'appréhender. Comment souhaiteriez-vous que nous y travaillions en tant que parlementaires ?
Même si le régime minier ne concerne plus que quelques dizaines de milliers de personnes, il témoigne d'une activité essentielle de notre histoire économique. Native d'Hayange, j'ai grandi dans le bassin minier, face à l'usine Sacilor de Wendel. Le régime minier de sécurité sociale marque la reconnaissance de l'exercice d'un métier harassant, difficile et risqué. Je reste vigilante quant à son avenir, qui m'inquiète quelque peu.
La question des mines a été d'actualité jusqu'au début des années 2000, notamment dans la région Grand Est. Depuis plusieurs années, les parlementaires alertent le Gouvernement sur l'état de ce régime minier, censé garantir à ses bénéficiaires un accès à des soins de qualité, ainsi que sur ses dysfonctionnements constatés, signalés par votre rapport.
Vous évoquez la restructuration majeure de Filieris, mise en œuvre en 2009 pour des raisons de maîtrise des déficits. Quel bilan en tirez-vous en termes d'efficacité ? Comment évaluez-vous les bénéfices qui en ont résulté au regard de l'offre de soins ? Quelles garanties encadrent le processus de réflexion sur l'avenir de Filieris ? Comment éviter, en cas de reprise de Filieris par l'UGECAM, tout coup de rabot aux prestations dont bénéficient aujourd'hui les anciens mineurs ?
Je soulignerai d'abord l'intérêt de porter attention à la situation des femmes et des hommes relevant du régime minier. La mine a été un lieu d'exploitation particulièrement intense du travail humain au cours du siècle dernier et du précédent, mais aussi un lieu de conquête sociale pour le mouvement ouvrier, ayant débouché sur la création des institutions qui nous occupent ce matin. C'est tout à l'honneur de la République que d'assurer la permanence et la continuité des droits acquis par les anciens mineurs. J'apprécie l'état d'esprit dans lequel vous avez abordé le sujet.
Je m'interroge toutefois sur la mise en place d'un guichet unique. J'en perçois tout à fait la nécessité pour accompagner les bénéficiaires du régime minier dans leurs démarches. Je garde néanmoins un doute sur la possibilité pour les maisons France services de se révéler, de ce point de vue, du moindre secours.
Votre mission a suscité de l'intérêt, de l'espoir, mais aussi de l'inquiétude quant au maintien de la CANSSM et du régime minier. Certes, vous répondez à cette inquiétude. Reste néanmoins la question des œuvres sociales et sanitaires gérées au sein de l'ANGDM. Il faut absolument qu'elles perdurent. Certains centres de santé sont fréquentés à 70 % par des personnes non bénéficiaires du régime minier. Ils assurent un service d'intérêt général indispensable. Nous devons veiller sur ces centres de santé pour qu'ils répondent aux besoins de tout un territoire.
Faut-il pour autant en enlever la gestion à ceux et celles qui l'assument pour l'heure ? Je ne suis pas de cet avis. Des missions d'intérêt général pourraient tout à fait leur être déléguées dans ce cadre. Le Gouvernement réfléchit en ce moment à l'avenir de Filieris. Comment va s'organiser sa gestion ? Des organisations syndicales ont proposé une fusion de l'ANGDM avec la CANSSM, par souci de cohérence dans leur gestion. Qu'en pensez-vous ? Je tenais en tout cas à manifester ma volonté que perdure une forme de démocratie sociale dans la gestion de ces œuvres sanitaires et sociales.
Je tenais à féliciter les rapporteurs pour la clarté de leur exposé et la justesse de leurs préconisations. Je suis, moi aussi, convaincue de l'importance de préserver la solidarité nationale jusqu'au dernier mineur vivant et sa veuve. Il en va de la parole de l'État et du respect pour le travail si pénible accompli par les ouvriers des mines. Je n'ignore pas l'importance des mineurs dans la culture ouvrière du nord de la France. Nous ne devons pas oublier que les mines ont marqué notre histoire ouvrière et sociale.
Le sujet me touche d'autant plus que mon département abrite la plus grande mine d'or d'Europe et a jadis été le premier producteur mondial d'arsenic. La mine de Salsigne a été exploitée, cent vingt années durant. L'emploi et la prospérité économique ont été favorisés, au détriment de l'environnement, de la santé des mineurs et de leurs familles. Dès 1930, la réalité des risques du travail à la mine était admise. En 1970, les cancers bronchiques primitifs ont été reconnus comme une conséquence de ce travail. Cependant, les mineurs meurent en silence, alors qu'ils méritent notre attention et qu'il était de notre devoir de les soutenir. Le site de Salsigne n'a fermé qu'en 2004. Cette mine marque notre territoire comme le charbon marque le Nord. Une stèle mémorielle a été inaugurée en 2019. À la suite des inondations de 2018, l'État a mis en sécurité le site, où les précédents gouvernements n'avaient pas entrepris de travaux sérieux.
Nous devons néanmoins aller plus loin et garantir définitivement l'avenir des assurés du régime minier. Vous souhaitez préserver son action sanitaire et sociale. L'ANGDM a fermé ses bureaux dans l'Aude en janvier 2018 et supprimé, au 1er janvier 2019, le poste de l'assistante sociale qui intervenait au domicile des mineurs. À l'instar des mineurs du Nord, ceux de l'Audois ont besoin que l'État tienne parole. Il faut donc promouvoir le guichet unique. Qu'en sera-t-il dans mon département ?
Je tiens à saluer le travail de contrôle indispensable, fourni par nos collègues rapporteurs, de ce régime de sécurité sociale des mines. Le nombre de personnes concernées, bien qu'en diminution, demeure significatif. Nous gardons une dette collective envers la contribution des mineurs au redressement de notre pays.
Je salue les propositions pragmatiques de nos collègues, que j'estime tout à fait possible à mettre en œuvre. Vous proposez de former un groupe de travail pour en assurer le suivi. Je m'offre à en faire partie. Se pencher sur ce sujet me semble utile et surtout à même de nous inspirer dans le traitement d'autres problématiques. En tant qu'élue du Nord, je mesure parfaitement l'impact qu'exercera l'avenir du régime minier sur nombre de familles du département.
Je souhaite attirer votre attention sur la question du grand âge. Le problème de la dépendance se pose aux bénéficiaires vieillissants du régime des mines. Quelles mesures l'ANGDM met-elle en place pour maintenir à domicile et accompagner la dépendance des ayants droit âgés du régime des mines ? Avez-vous identifié des bonnes pratiques ou, à l'inverse, des manques auxquels nous devrions remédier ?
À l'heure actuelle, monsieur Belhaddad, rien ne laisse présumer que les guichets uniques verraient spécifiquement le jour dans les maisons France Services. Nous n'évoquons ces dernières dans nos préconisations qu'à titre d'exemple. En toute franchise, je préférerais que chaque territoire se penche sur la question. Ces guichets pourraient se constituer dans les mairies sous forme de permanences, telles qu'il en existe pour la caisse d'allocations familiales, ou dans les bureaux de l'ANGDM encore ouverts, comme dans l'est de la Moselle. Il convient en tout cas de se montrer pragmatique en adaptant les solutions retenues aux besoins des territoires.
Vous avez abordé la reprise potentielle de Filieris, simple marque gérée par la CANSSM. Son ouverture aux bénéficiaires du régime général devait pallier des déficits financiers mais aussi relatifs à l'offre de soins sur les territoires miniers n'attirant pas assez de professionnels de la santé. Nous devrons, collectivement, rester vigilants et exercer notre droit de regard et de contrôle sur les budgets, par le biais de la convention d'objectifs et de gestion. Je proposais de créer un groupe de travail car, plus nombreux et mieux organisés, nous exercerions une influence majeure.
Une éventuelle réforme des retraites ne changerait rien, selon moi, au régime minier, de toute façon garanti et donc impossible à remettre en cause, malgré son extinction effective en 2011.
Les guichets uniques doivent avant tout assurer un service humain de proximité. Leur lieu d'implantation m'apparaît secondaire par rapport à la possibilité qu'ils offriraient aux ayants droit du régime minier d'y rencontrer un interlocuteur compétent. Dans le bassin salifère, la labellisation d'une maison France Services n'a pas encore abouti. Je partage l'avis de M. Dharréville : les bénéficiaires du régime minier ne se tourneront peut-être pas spontanément vers ce type de structure.
Par ailleurs, garantir des droits n'équivaut pas automatiquement à en assurer la pérennité dans la pratique. La question des moyens d'y parvenir s'avère complexe. Comment éviter que les ayants droit du régime minier ne se retrouvent laissés pour compte, alors même que leur nombre est appelé à diminuer ? En cas de réforme des retraites, comment s'assurer que perdurent les spécificités négociées dans le cadre de la démocratie sociale ? Un défi se pose manifestement.
Nous devons tirer des enseignements du régime minier. Les dysfonctionnements concrets qui y sont apparus doivent nous mettre en garde, au cas où l'on s'acheminerait vers un régime unique. La qualité de la prise en charge des bénéficiaires risquerait d'en pâtir. Malgré les bonnes intentions de nos interlocuteurs, leur éparpillement pose problème. Lorsque la transmission d'informations relatives à des indemnités de raccordement accuse un retard, parce qu'elles ne figurent pas dans les bases de données habituelles, c'est le pouvoir d'achat de retraités aux maigres pensions qui en souffre.
La question des barèmes et de leur injustice relève davantage du domaine réglementaire, à moins d'étendre, par une loi, les indemnisations versées par le FIVA aux victimes de la silicose.
Nous pourrons sans doute nous appuyer sur notre expérience de la fin du régime minier pour éviter certains dysfonctionnements, si nous nous acheminons, comme je le souhaite, vers un régime de retraite universel.
Le format « flash » de notre mission nous a quelque peu frustrés. Synthétiser en quatre ou cinq pages la quantité de témoignages qui nous sont parvenus présentait un sérieux défi.
Les problèmes découlant des différences entre les barèmes d'indemnisation nous ont bien été signalés. Le traitement des victimes manque d'équité. Notre mission ne s'est pas vraiment penchée sur le sujet. Nous interrogerons toutefois l'État à ce propos, puisque c'est lui qui a repris la dette des charbonnages de France suite à leur dissolution.
Je remercie Mme Chapelier de son hommage aux mineurs. L'un de mes grands-pères est mort d'un coup de grisou, l'autre a perdu une main à la mine. Mon père lui-même, très tôt orphelin, a commencé à y travailler dès 14 ans. Rappelons, ce qu'on oublie parfois, que l'Europe s'est construite à partir de la Communauté européenne du charbon et de l'acier.
J'ai cru comprendre que Filieris fonctionnait assez bien dans le Sud. Nous pourrions nous appuyer sur son savoir-faire.
Madame Wonner, nous avons demandé à la CANSSM de nous communiquer un bilan chiffré de la restructuration de Filieris. Nous allons en poursuivre l'analyse en assumant un rôle de contrôle et d'évaluation. Ce bilan s'avère mitigé selon les territoires. Sur certains, plus attractifs, les mineurs, davantage épaulés, accèdent assez facilement aux soins. Dans l'est de la Moselle, en revanche, il s'avère difficile de recruter des généralistes.
La restructuration de Filieris a permis de réduire son déficit mais aussi de conserver des offres de soins grâce à l'ouverture de celles-ci à d'autres bénéficiaires. La présence d'un généraliste ne se serait pas justifiée, sinon, dans certains territoires. Nous devrons collectivement veiller, au cas où l'UGECAM reprendrait Filieris, à ce que les garanties fournies aux bénéficiaires du régime minier demeurent les mêmes. Il faut en tout cas que les offres de soins répondent aux besoins spécifiques des différents territoires.
Monsieur Dharréville, les maisons France Services ne constituent pas l'unique solution au problème du guichet unique, surtout quand elles se situent en un chef-lieu éloigné d'un bassin minier. Nous préconisons une réponse de proximité, qu'il conviendra d'adapter aux territoires, y compris pour ce qui est des durées de permanence. La mise en place de guichets uniques ne nécessitera pas de moyens extraordinaires. Je connais beaucoup de communes qui se réjouiraient de céder un bureau à cet effet.
Le maintien de la CANSSM a suscité des inquiétudes. Je n'ai eu vent, jusqu'ici, d'aucune proposition de fusion entre la CANSSM et l'ANGDM. L'idée reste selon moi à creuser. La CANSSM et l'ANGDM disposent actuellement chacune de son propre conseil d'administration. La CANSSM vote des crédits attribués à d'autres organisations. Il faudra en tout cas réfléchir à son avenir et fluidifier la gestion commune de la CANSSM et de l'ANGDM, dans l'intérêt des ayants droit.
Madame Robert, nous partageons vos préoccupations. Dans ma circonscription également, le guichet physique de l'ANGDM a fermé, ce pour quoi nous préconisons l'instauration d'une structure à même d'accueillir le plus grand nombre possible de bénéficiaires.
Madame Parmentier-Lecocq, vous avez tout à fait raison de considérer l'ANGDM comme un laboratoire de mesures expérimentales. L'ANGDM gère, d'une part, le logement et le chauffage, avec les bailleurs sociaux et, d'autre part, via un budget de la CANSSM, l'action sanitaire et sociale. Celle-ci recouvre des prestations telles que les visites à domicile d'assistantes sociales et l'organisation de cures thermales, ou de vacances.
Pour ce qui est du logement, l'ANGDM propose un budget au ministère de l'écologie. En Moselle, ont été créés de nombreux « papy lofts », de petits pavillons individuels groupés, au bénéfice des anciens mineurs, à proximité des magasins et des soins. Une assistante sociale et un ergothérapeute se déplacent chez les anciens mineurs propriétaires de leur logement pour compléter avec eux un dossier en vue de l'adaptation de leur intérieur à leur vieillissement. Dans le sud, une entreprise d'insertion qui entretient des potagers apporte des légumes à des personnes âgées isolées. De multiples exemples de cet ordre peuvent nourrir notre réflexion future sur le grand âge.
Je reviendrai sur la question des centres de santé soulevée par M. Dharréville. Un certain nombre d'établissements jouent dans les territoires un rôle qui ne bénéficie pas seulement aux cotisants du régime minier. Nous avons observé, à l'occasion de tables rondes, un dialogue exigeant et un souci remarquable de mener des actions de proximité. Il faut en tirer des leçons adaptables à d'autres dispositifs, encore à imaginer, dans l'optique d'une décentralisation de la démocratie sociale.
La nécessité d'un guichet unique et d'une ligne téléphonique dédiée illustre les besoins d'une population vieillissante, qu'elle relève ou non du régime minier. Vos préconisations doivent nous amener à réfléchir à l'offre de soins que nous proposons à notre population dans son ensemble. Toutes les générations éprouvent en réalité le besoin d'une présence physique. Je soutiens vos recommandations, que l'on pourrait à mon avis étendre à d'autres populations.
Je m'interroge sur la faisabilité d'une transmission des compétences de Filieris à l'UGECAM, et sur le risque que celles-ci se perdent. Sur mon territoire, déserté par les professions médicales, Filieris apporte une véritable offre de soins, grâce à son savoir-faire acquis au fil d'un demi-siècle consacré aux œuvres minières. Filieris s'avère le seul organisme encore capable d'amener des médecins à la population de certains territoires.
Le basculement de Filieris, simple marque de la CANSSM, vers l'UGECAM n'a été pour l'instant qu'évoqué. Aucune échéance n'a été fixée. Un tel transfert, si jamais il advient, ne saurait en tout cas porter atteinte aux dispositifs existants. Nous ne devons pas refaire les mêmes erreurs que par le passé. Lorsque les agents de la CANSSM ont rejoint la CPAM, leurs connaissances pointues des spécificités du régime minier et de certaines maladies se sont perdues.
Voilà pourquoi il me paraît important de travailler ensemble et de partager les informations. Nous devons contribuer à ce que la transition entre Filieris et l'UGECAM, si elle se confirme, s'effectue dans les meilleures conditions, au bénéfice de nos territoires. Dans certains, les œuvres minières, à savoir quelques pharmacies, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et d'anciens hôpitaux, appartenant jadis aux exploitants des mines et récupérés depuis par la CANSSM, sont les seules à proposer encore une offre de soins. Quoi qu'il en soit, nous devrons rester vigilants, notamment à propos de la convention d'objectifs et de gestion en cours de finalisation.
La séance s'achève à dix heures trente-cinq.