Je salue tout d'abord la capacité de réaction de l'INSEE et des services statistiques ministériels pour fournir des indicateurs qui permettent d'apprécier la situation et, plus généralement, de documenter un certain nombre de répercussions.
Quelles leçons pouvez-vous tirer de cette période sanitaire que nous venons de vivre ? Comment garantir l'information nécessaire en temps de crise ? Quelles adaptations du cadre technique et juridique sont-elles à prévoir ?
La crise a aussi révélé certaines fragilités et des lacunes, en premier lieu en matière de statistiques sanitaires. Quelles recommandations formuleriez-vous ? Le covid-19 est responsable de près de 108 000 décès en France, un peu plus d'un an après le début de l'épidémie. Ce bilan dramatique pour des dizaines de millions de familles ne correspond cependant pas exactement au nombre réel de patients décédés du covid-19 puisque le nombre total de décès, mis à jour quotidiennement par les autorités sanitaires, cumule les décès enregistrés à l'hôpital et ceux en EHPAD ou en établissements médico‑sociaux à travers deux systèmes de remontée d'information différents, tandis que les morts à domicile ne sont pas pris en compte de la même façon. Savez-vous quelle est la proportion de ces décès ?
Le centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès de l'INSERM analyse les certificats de décès reçus par courrier, par mail ou par papier avec plusieurs mois de retard. Qu'en est-il de la prise en compte de ces décès en temps réel ? Avant la crise, il n'existait pas d'outil de décompte de décès en EHPAD au jour le jour. Si leur remontée se faisait vite entre l'EHPAD et la mairie, il fallait parfois plusieurs mois pour que l'information remonte jusqu'aux services à l'échelon national. En mode de fonctionnement normal, il faut un an et demi à deux ans pour avoir les vrais chiffres de la mortalité en EHPAD.
Par ailleurs, monsieur, nous savons que tous ces décès ne sont pas directement dus au covid-19. À l'hôpital, l'expression « patient covid décédé » a été utilisée pour désigner des malades ayant perdu la vie alors qu'ils étaient porteurs du virus. En EHPAD, la situation est encore plus compliquée puisque des résidents décédés ont parfois été catégorisés parmi les morts du covid sans avoir été testés positifs, simplement parce qu'ils présentaient les symptômes de la maladie. Pensez-vous que cela ait conduit à une surévaluation de la mortalité covid, notamment au début, lorsque toute personne qui mourait avec de la fièvre ou des difficultés respiratoires était qualifiée « covid » par le médecin ? Sur l'ensemble de l'année, les statistiques sont-elles bien le reflet de la réalité ? Tel est le sens des questions que je voulais vous poser aujourd'hui.