Intervention de Yann-Gaël Amghar

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h00
Commission des affaires sociales

Yann-Gaël Amghar, directeur général d'Urssaf Caisse nationale :

En ce qui concerne les tendances en matière de prélèvements, les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) disposent de deux capteurs avancés de la conjoncture : les montants déclarés et, surtout depuis la crise, les montants des cotisations de chaque échéance mensuelle qui ne sont pas payés, reportés par les employeurs.

Ce que nous constatons confirme le relatif optimisme du directeur de la sécurité sociale. Les restrictions sanitaires liées aux deuxième et troisième vagues ne sont absolument comparables à celles de la première vague en termes d'impact, que ce soit sur les montants déclarés ou sur les reports. L'assiette des cotisations sociales a beaucoup mieux résisté lors des deuxième et troisième vagues. Alors que, en avril 2020, 36 % des cotisations avaient été reportées par environ 46 % des établissements, moins de 4 % de cotisations ont été reportées en avril 2021 et cela concerne 15 % des établissements. L'impact des restrictions mises en place lors de la troisième vague est donc bien plus faible et plus concentré sur de très petites entreprises.

S'agissant de la position de la Cour des comptes sur nos comptes, je précise d'abord qu'il ne s'agit pas techniquement d'un refus de certifier mais d'une impossibilité de certifier. Le refus de certifier aurait signifié que la Cour des comptes considérait qu'il existait des défaillances dans le contrôle interne et dans la maîtrise des risques qui pouvaient affecter la sincérité des risques et leur capacité à donner une image fiable de la situation comptable de la sécurité sociale. L'impossibilité de certifier traduit par contre un niveau d'incertitude élevé, l'incertitude n'étant pas imputable aux mesures prises par les Urssaf mais au contexte économique.

Ainsi, nous provisionnons chaque année des pertes au titre des créances apparues au cours de l'année. Nous le faisons classiquement sur les constats statistiques de non‑recouvrement des créances nées au cours de l'année. Cette hypothèse historique n'était absolument pas applicable au montant des reports de cotisations apparus au cours de l'année 2020 et nous avons donc, de manière partagée avec la Cour des comptes, retenu des hypothèses différentes. La Cour des comptes considère qu'il existe des incertitudes pour savoir si, effectivement, les cotisations reportées en 2020 ne seront pas recouvrées à la hauteur que nous estimons. Il existe évidemment une incertitude et elle est intrinsèque au contexte exceptionnel que nous avons connu.

Concernant le point particulier des travailleurs indépendants évoqué par le directeur de la sécurité sociale, la Cour des comptes aurait souhaité que nous inscrivions dans nos comptes un produit à recevoir lié au fait que les cotisations pour 2020 des travailleurs indépendants, telles qu'elles seront connues après leurs déclarations, ne seront pas nécessairement égales à 50 % de leur valeur en 2019 et donc ne seront pas égales à ce qui a été appelé. Elle aurait aussi voulu que nous appliquions à ce produit à recevoir une dépréciation tenant compte des difficultés de paiement des indépendants.

Nous n'avons jamais procédé ainsi. En accord avec les normes comptables rendues par le Conseil de normalisation des comptes publics, il est acquis de n'inscrire chaque année dans les comptes que les montants certains, c'est-à-dire les montants appelés. Ce qui résulte l'année suivante de la régularisation se retrouve dans l'exercice suivant. Ce point a été acquis au cours de travaux qui ont montré que retenir les régularisations, très variables car très tributaires de l'évolution des revenus des indépendants, aurait créé davantage d'incertitudes dans les comptes. Cela est encore plus vrai pour une année comme 2020 pour laquelle il n'existe aucun moyen sérieux ni aucune source permettant de connaître ce qu'ont été les revenus des indépendants. Nous les connaîtrons à la fin du mois de juin, lorsque la campagne de déclaration des revenus sera terminée.

La position de la Cour des comptes nous surprend donc car elle nous semble ne respecter ni le principe important de permanence des méthodes comptables, ni le principe de prudence. Elle conduirait à introduire dans nos comptes un produit en dérogation flagrante avec tout ce qui a été fait depuis que les comptes de la sécurité sociale existent, sur des bases absolument impossibles à évaluer, tant sur la nature du produit lui-même que sur les risques de dépréciation du fait des difficultés des indépendants. Si nous avions fait ce choix, il aurait dû être considéré comme très hasardeux par la Cour des comptes. Nous maintenons donc cette divergence de position et nous considérons que notre position est la plus conforme aux principes de permanence et de prudence comptables.

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