COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 25 mai 2021
La séance est ouverte à dix-huit heures dix.
Dans le cadre du Printemps social de l'évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes, à l'affiliation et à l'équilibre général de la sécurité sociale réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Amélie Verdier, directrice du budget, et M. Yann-Gaël Amghar, directeur général d'Urssaf Caisse nationale.
Le Printemps social de l'évaluation a été expérimenté pour la première fois en 2019. Cette démarche a été enrichie l'an dernier et le bureau de notre commission a décidé de poursuivre en ce sens. Le format demeure similaire mais nous commençons cette année nos travaux en mai, selon un calendrier qui correspond ainsi davantage à son titre printanier.
Le Printemps social de l'évaluation a cette année vocation à trouver un aboutissement en séance publique, et c'est une première, dans le cadre d'un débat conjoint avec la commission des finances durant la semaine du 14 juin.
Depuis 2020, le rapporteur général et les coprésidents de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ont proposé d'aménager les modalités de ce Printemps social dans le cadre d'un recentrage des activités de la MECSS sur la raison d'être de sa création : évaluer et contrôler l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Plusieurs collègues membres de la MECSS se sont donc consacrés à l'évaluation de certaines dispositions des lois de financement des années précédentes.
Nous aborderons successivement ces évaluations au cours de trois séances tout en les intégrant dans un ensemble thématique plus large : celui de l'équilibre général et des recettes cet après-midi, celui de l'offre de soins demain matin et enfin celui de l'autonomie et de la famille demain après-midi. Je remercie l'ensemble des rapporteurs et les administrations qui ont répondu à nos questions et travaillé avec nos collègues.
Je me réjouis de la présence de la direction de la sécurité sociale, de la direction du budget et de l'Urssaf Caisse nationale, nouvelle dénomination de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour évoquer les enjeux du financement de la sécurité sociale. Nous ne dirons jamais assez combien ce sujet essentiel conditionne l'ensemble des ambitions que nous pouvons avoir dans les différentes politiques de sécurité sociale.
En ce qui concerne la situation financière de la sécurité sociale, le déficit 2020 a été moins élevé que prévu et c'est une bonne nouvelle. La direction de la sécurité sociale et la direction du budget pourront peut-être nous rappeler ce qui explique cette relativement bonne surprise. Elle semble tirée essentiellement par les recettes.
Je souhaite vous interroger principalement sur deux points assez différents. Le premier est un point d'actualité : comment expliquez-vous le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche recouvrement dans un rapport publié la semaine dernière ? Quelle est la tendance en matière de recettes pour l'année 2021 alors que les prévisions de croissance ont été révisées ? Sachant que les cotisations et autres prélèvements sociaux sont particulièrement sensibles à la masse salariale, devons-nous craindre de mauvaises surprises ou en espérer de bonnes ? Quel sera l'effet du maintien partiel des mesures d'accompagnement sur les recettes de la sécurité sociale ?
En prolongeant cette interrogation à plus long terme ce qui constitue un exercice plus difficile, à quel horizon voyez-vous une perspective de retour à l'équilibre des comptes sociaux ? Nous n'en étions pas si loin avant la crise, notamment au regard des dernières prévisions présentées dans le programme de stabilité.
Les mesures de soutien aux entreprises ayant un impact sur les prélèvements sociaux ont été mises en œuvre dès le début de la crise avec une grande efficacité comme nous l'avions évoqué lors de la précédente édition du Printemps social. Elles ont été continûment adaptées, complétées et renforcées en 2020 et 2021. Où en sommes-nous en ce qui concerne le report de cotisations, l'exonération et les aides au paiement dans les secteurs les plus touchés ainsi que les effets du chômage partiel sur les cotisations sociales ? De quelle façon pouvons-nous envisager une sortie en douceur de ces dispositifs ?
S'agissant des grandes mesures adoptées en recettes l'année dernière, je souhaite faire un point plus précis avec vous sur la taxe sur les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM), sur laquelle je m'étais engagé à revenir cette année. Avez-vous des éléments permettant de confirmer que la marge retenue était suffisante pour éviter de fragiliser la situation financière des OCAM en 2021 tout en respectant l'objectif de participation équitable de l'ensemble des acteurs de la protection sociale à l'effort collectif ? Sinon, faudra-t-il y revenir lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Cette contribution exceptionnelle s'est-elle traduite par une augmentation des primes à la charge des assurés ?
Enfin, cette fin de législature est propice à dresser le bilan de l'exercice « loi de financement de la sécurité sociale » (LFSS), de ses forces – comme rapporteur général, j'en vois beaucoup – et de ses faiblesses. Il existe des faiblesses mais je suis intimement persuadé que nous pourrons les corriger. J'ai moi-même fait une proposition de révision de la loi organique relative aux LFSS qui permettrait d'avancer sur des sujets maintes fois identifiés comme perfectibles : l'amélioration du calendrier d'examen, l'extension de l'information disponible à la fois sur le champ actuel des régimes obligatoires et sur des périmètres plus larges, le renforcement d'un cycle d'évaluation au premier semestre, la clarification des rôles respectifs de la LFSS et des autres textes sur les niches sociales... Vous avez probablement eu l'occasion de prendre connaissance de cette proposition de révision depuis son dépôt et je souhaite connaître votre réaction technique, éventuellement en lien avec l'initiative parallèle conduite par le président Woerth et mon homologue Laurent Saint-Martin sur les lois de finances ou avec les travaux très riches et assez concourants conduits sur ces sujets dans différents cénacles tels que le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), la Cour des comptes, la commission des affaires sociales du Sénat et d'autres.
La tenue de cette troisième édition du Printemps social de l'évaluation montre que celui-ci est désormais bien installé dans notre programme de travail et est devenu un rendez-vous incontournable de nos activités de contrôle et d'évaluation. Ce Printemps se tient cette année dans un calendrier plus conforme à son titre ce qui permettra de donner à nos travaux un prolongement en séance publique au cours de la semaine du contrôle du 14 juin, dans le cadre d'un débat commun avec la commission de finances sur nos printemps de l'évaluation respectifs. Je rappelle que, depuis juin 2019, le Règlement de l'Assemblée nationale prévoit très précisément dans son article 146-1-1 la possibilité d'organiser une semaine de séance prioritairement consacrée au contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.
Comme l'année dernière, la MECSS a préparé en amont ce Printemps social de l'évaluation en étroite concertation avec le rapporteur général, en retenant dès le début de cette année plusieurs articles des LFSS pouvant faire l'objet de travaux d'évaluation. Sept articles des dernières LFSS ont ainsi été retenus et confiés à des rapporteurs.
Ce rendez-vous constitue l'occasion d'exercer le cœur de mission de la MECSS : le contrôle et l'évaluation des lois de financement. Ces travaux doivent permettre d'identifier les difficultés ou les retards dans la mise en œuvre des dispositions que nous votons, de mesurer précisément leur efficacité, leurs conséquences et, le cas échéant, leur coût qui n'est pas toujours bien estimé à l'origine ainsi que de formuler des propositions pour alimenter nos débats lors des prochaines lois de financement.
Comme l'an dernier, les rapporteurs de la MECSS ont auditionné différents acteurs et parties prenantes concernés par les articles choisis. Ils vous présenteront leurs premières conclusions et interrogeront les administrations présentes aujourd'hui et demain sur les enjeux et difficultés qu'ils ont identifiés lors de leurs travaux. Je vous remercie, mesdames et messieurs les directeurs, de vous présenter aujourd'hui devant nous.
Ces différentes évaluations viennent s'inscrire dans les trois thématiques du Printemps social de l'évaluation. S'agissant du financement de la sécurité sociale, le rapporteur général présentera une évaluation de l'article 23 sur le régime social des artistes‑auteurs. Demain matin, dans le cadre de la table ronde consacrée à l'offre de soins, les rapporteurs de la MECSS vous présenteront leurs travaux sur la vaccination obligatoire des enfants, sur les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé et sur le suivi du reste à charge zéro pour les soins dentaires, les aides auditives et l'optique. Enfin, demain après-midi, lors de la table ronde consacrée à l'autonomie et à la famille seront présentées les conclusions des évaluations menées sur la revalorisation prévue par la LFSS 2021 du salaire des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées, sur le congé parental et sur l'intermédiation financière pour les pensions alimentaires.
En sus de ces études précises sur des articles de LFSS, la MECSS a souhaité enrichir ses activités de contrôle en procédant à un recensement des rapports demandés au Gouvernement dans le cadre des LFSS, afin de s'assurer que ces rapports sont remis au Parlement dans les délais prévus et d'identifier le cas échéant ceux qui n'auraient pas été transmis. Nous avons donc décompté les rapports demandés dans le cadre des quatre dernières lois de financement de la sécurité sociale. Ils sont au nombre d'une dizaine par an, soit un total de quarante‑deux rapports demandés. Le délai de remise n'est pas encore passé pour plus de la moitié d'entre eux – vingt‑six –, soit parce que la date fixée se situe après mai 2021, soit parce qu'il s'agit de rapports portant sur des mesures expérimentales encore en cours.
Pour les seize rapports restants, seuls six ont été reçus. Dix n'ont pas encore été remis et nous pouvons penser que certains ne le seront pas du tout. C'est le cas du rapport sur les dépenses d'indemnités journalières, qui devait être déposé en juin 2018. C'est aussi le cas des rapports qui étaient prévus en juin 2019 sur les fraudes patronales aux cotisations sociales et sur les conséquences de la réforme du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu.
D'autres rapports, qui devaient être remis en 2020 ou au début de l'année 2021, pourraient l'être avec retard puisque nous pouvons penser que la crise sanitaire a eu un impact sur les travaux menés. Ainsi, le rapport sur le financement des hôpitaux en outre-mer et en Corse était prévu en janvier 2021. Le rapport sur les dépenses d'assurance maladie ayant trait aux remboursements de dispositifs médicaux devait être rendu en juin 2020, le rapport sur l'utilisation du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) en septembre 2020.
Avec moins de la moitié des rapports demandés effectivement reçus, ce premier bilan plaide en tout cas en faveur d'un meilleur respect par le Gouvernement des demandes de rapport pour le Parlement.
Par ailleurs, ce travail a permis de constater que les commissaires aux affaires sociales ne sont pas nécessairement informés de la remise au Parlement des rapports demandés dans le cadre des lois qu'ils votent. Ils n'ont pas forcément accès à ces rapports. En termes d'organisation interne, il me semblerait utile d'améliorer le suivi et l'information des députés sur les rapports qu'ils demandent.
J'ajoute que la MECSS a également souhaité assurer un suivi sur la mise en œuvre des propositions qu'elle a formulées depuis le début de la législature, qu'il s'agisse de ses travaux sur la démarche qualité dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sur la politique d'achat des hôpitaux, sur le dossier médical partagé ou sur la chirurgie ambulatoire. Je remercie les administrations concernées de nous avoir fait parvenir des éléments de réponse sur ces sujets mais ceux-ci nous sont arrivés trop tard et il nous en manque encore. Nous ne pourrons donc pas dresser ce bilan dans le cadre de ce Printemps de l'évaluation. Nous y reviendrons plus tard, le suivi des propositions faites dans le cadre des travaux de la MECSS me semblant essentiel pour que ces travaux ne restent pas lettre morte.
Le rapporteur général a qualifié de relativement bonne surprise la situation financière de la sécurité sociale en 2020. C'est une bonne surprise par rapport à la LFSS puisque, en effet, nous avons eu davantage de recettes et que la croissance 2020 a été supérieure à celle retenue en septembre lors de la préparation du texte. En dépit d'une amélioration d'environ 10 milliards d'euros par rapport à la LFSS, cela reste historiquement, avec 38 milliards d'euros, le pire déficit de la sécurité sociale, et très loin.
Ce déficit de 38,7 milliards d'euros s'explique par les pertes de recettes liées à la crise pour une trentaine de milliards d'euros et par un dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 14 milliards d'euros.
Votre deuxième question portait sur le refus de certification de la Cour des comptes pour les comptes de la branche recouvrement. Ce refus de certification a fait l'objet de nombreux échanges entre la Cour des comptes, la direction de la sécurité sociale et l'ACOSS. Nous avons une divergence d'appréciation. Il s'agit pour l'essentiel de savoir comment comptabiliser les cotisations qui n'ont pas été payées par les travailleurs indépendants en 2020.
Le Gouvernement a en effet fait le choix en 2020 d'abattre les cotisations des travailleurs indépendants. Elles n'ont pas été prélevées durant le premier confinement et, à partir de l'été, il a été décidé d'abaisser les cotisations de 50 %. Si nous ne l'avions pas fait, les cotisations non payées pendant le premier confinement auraient dû être payées à la fin de l'année par les travailleurs indépendants. Ils auraient dû payer en quatre ou cinq mois tout ce qu'ils n'avaient pas payé pendant le premier confinement. Ils auraient donc payé des cotisations bien supérieures à d'habitude puisque ce sont des cotisations mensuelles, payées tout au long de l'année et faisant l'objet d'une régularisation l'année suivante au moment de la déclaration de revenus.
Nous avons décidé que ces cotisations seraient uniquement de 50 %. La divergence avec la Cour des comptes provient de ce qu'elle a considéré qu'il aurait fallu passer les produits à recevoir dans les comptes de l'ACOSS au titre des cotisations non appelées. Nous n'avons pas voulu le faire parce que nous n'avons pas la visibilité sur les revenus des travailleurs indépendants en 2020. Ceux-ci les déclarent encore actuellement, jusqu'au mois de juin. Ce n'est qu'à l'issue de ces déclarations que nous connaîtrons réellement ces revenus. Nous avons donc préféré appliquer un principe de prudence, comme nous le faisons toujours dans ce cas, et considérer que les cotisations qui seront à payer à partir de 2021 seront rattachées à l'année 2021, au moment des régularisations. Nous avons ainsi appliqué la règle habituelle. La Cour des comptes avait une divergence sur ce point.
S'agissant de la tendance en matière de recettes, nous verrons dans la LFSS quelles seront les hypothèses du Gouvernement sur la croissance et les recettes. Il se produit un effet base du fait que les recettes 2020 ont été supérieures à ce qui était attendu dans la LFSS. Nous devrions donc avoir plutôt de bonnes surprises sur les recettes mais, par ailleurs, nous avons des dépenses supplémentaires sur l'ONDAM.
Il existait une provision pour l'ONDAM dans le budget 2021, provision qui est revue à la hausse. Il est donc encore trop tôt pour dire quel sera l'effet cumulé de ces différentes tendances sur les comptes 2021. Ce sera présenté lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale dans les prochaines semaines.
Les mesures d'accompagnement et d'exonération n'ont pas d'effet sur les recettes de la sécurité sociale puisqu'elles sont compensées par l'État à la sécurité sociale. Début mai, ces déclarations d'exonérations et d'aides au paiement pour les employeurs représentent 5,2 milliards d'euros. Ces 5,2 milliards d'euros d'aides et d'exonérations bénéficient aux employeurs et sont compensés par l'État à la sécurité sociale. 40 % de ces aides concernent des entreprises ayant moins de dix salariés ou relevant des secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Ce sont donc des aides très ciblées sur les entreprises qui en avaient le plus besoin.
Par ailleurs, il existe des exonérations pour les travailleurs indépendants mais, comme je le disais, nous ne connaissons pas encore les chiffres puisque nous n'avons pas les déclarations de revenus des travailleurs indépendants. Ces chiffres seront arrêtés dans les prochaines semaines ou cet été.
La contribution des OCAM se montait à 1 milliard d'euros en 2020 et 500 millions d'euros en 2021. Cette contribution de 1,5 milliard d'euros avait été ajustée de manière à être inférieure à ce que nous considérions comme la sous-exécution des dépenses de ces organismes complémentaires, que nous estimions à 2 milliards d'euros. Selon nos dernières estimations, cette sous-exécution des dépenses des complémentaires est même plus élevée, probablement plus proche de 2,5 milliards que de 2 milliards d'euros. Toutefois, nous ne disposons pas des comptes des complémentaires. Cette somme est ce que nous estimons sur la base du panier de soins remboursés par l'assurance maladie. Les organismes complémentaires ont par ailleurs d'autres dépenses que nous ne connaissons pas : des frais de gestion, les chambres particulières...
Les comptes des complémentaires ne seront connus que cet été ou en septembre. Nous considérons en tout cas que les marges apparues l'année dernière sont largement confirmées et que des augmentations de prime des complémentaires au titre de cette contribution ne seraient pas justifiées. Je crois d'ailleurs qu'aucun organisme complémentaire n'a annoncé avoir opéré des hausses de cotisation du fait de cette contribution. Ce chiffre de 2 milliards d'euros, sans doute même un peu plus, n'est pas discuté par les organismes complémentaires.
Enfin, les mesures figurant dans la proposition de loi organique que vous portez, monsieur le rapporteur, s'inscrivent effectivement dans les mesures portées par la sphère sociale, notamment par le HCFiPS et par la Cour des comptes. Elles nous semblent aller vraiment dans le bon sens, à la fois sur l'information du Parlement, sur le calendrier et sur l'évaluation.
Madame la co-présidente, nous entendons bien votre interpellation sur les rapports. Il est vrai que l'année 2020 a été chahutée. Nous faisons le maximum pour reprendre un rythme plus normal. Certains des rapports que vous avez cités ne relèvent pas de la direction de la sécurité sociale mais nous faisons le maximum pour ceux qui en relèvent, comme celui sur le RNCPS, qui sera bien remis cet été.
Nous enregistrons en 2020 un déficit que je n'ose qualifier de « meilleur que prévu » mais plutôt de « moins mauvais ». L'activité économique n'a finalement reculé que de 8,3 % du produit intérieur brut (PIB) alors que nous avions craint pire. C'est une bonne chose et, peut-être aussi, une illustration de la prudence qui a toujours été la nôtre au milieu d'une crise qui reste marquée par beaucoup d'incertitudes. La situation de 2021 reste assez incertaine.
Franck Von Lennep a donné les grands éléments et souligné le fait que le déficit constaté en 2020 est moins élevé que prévu du fait des recettes. En revanche, pour ce qui est des dépenses, nous avons des surcoûts liés à la crise, de l'ordre de 13,5 milliards d'euros sur l'ONDAM. Je souligne devant votre commission que l'État a pris sa part, c'est‑à‑dire l'essentiel du coût de la crise et des mesures discrétionnaires mises en place pour y faire face. Chacun a pris sa perte sur le rendement des recettes et l'État a supporté une très large part des dépenses d'urgence. Je crois que la Cour des comptes devrait très prochainement confirmer notre estimation ou la préciser : l'État a pris en charge environ les deux tiers du coût des dépenses d'urgence et de soutien. Il a notamment pris en charge la compensation des exonérations et aides au paiement des charges sociales instaurées durant la crise sanitaire.
Nous sommes dans un environnement complètement inédit. Nous avons quasiment doublé le déficit de l'État par rapport à l'estimation de la loi de finances initiale en passant de 93 milliards à 178 milliards d'euros exécutés.
L'effet de l'effondrement du PIB devrait, nous l'espérons, être rattrapé rapidement. Nous serons attentifs en 2021 et pour la suite de la trajectoire à mettre en exergue ce qui est l'effet de la crise et ce qui provient de décisions de dépenses pérennes. Certaines dépenses concernent l'État et d'autres la sécurité sociale, notamment avec les accords du Ségur de la santé. Ces derniers éléments montent en puissance.
Je n'ai pas d'information supplémentaire sur 2021. Nous n'avons pas de raison d'être inquiets par rapport à la dernière prévision de croissance du Gouvernement, revue à 5 % au lieu des 6 % initialement envisagés pour tenir compte du troisième confinement. Comme l'a indiqué le directeur de la sécurité sociale, nous vérifions actuellement ce qu'il en sera mais nous n'avons pas d'inquiétude particulière compte tenu des encaissements de recettes, notamment les encaissements de taxe sur la valeur ajoutée que nous assurons avant de les reverser à la sécurité sociale.
Vous nous avez interpellés, monsieur le rapporteur général, sur l'horizon de la trajectoire d'ensemble. Le programme de stabilité est construit sur l'ensemble des finances publiques et sur l'objectif d'un retour à un niveau permettant de stabiliser la dette publique. Je souhaite insister sur le fait que les 3 % ne sont pas un chiffre qui nous obséderait en lui-même à Bercy. Ce qui a un sens économique est le point à partir duquel nous parvenons à infléchir le poids de la dette dans le PIB.
La stratégie proposée repose sur une maîtrise – déjà abondamment commentée – de l'évolution des dépenses publiques autour de 0,7 % en moyenne par an, en volume c'est‑à‑dire en neutralisant l'effet de l'inflation sur la période pluriannuelle. Pour fixer les idées, la croissance avait été de l'ordre de 1 % sur la période 2013-2017 et nous sommes donc sur un niveau un peu inférieur. C'est un effort et nous ne le présentons pas autrement.
J'insiste sur le fait que c'est une évolution moyenne, certains pans de la dépense publique allant plus vite que cette moyenne et d'autres moins vite. Dans le champ de la sécurité sociale, il faut souligner la dynamique des dépenses de retraite, tout simplement du fait d'un effet démographique et de la progression du nombre de retraités. Dans ce même champ de la sécurité sociale, les dépenses de gestion administrative des caisses de sécurité sociale par exemple sont moins dynamiques. Les assiettes ne sont évidemment pas les mêmes mais je veux bien montrer que cette affirmation d'une trajectoire moyenne ne signifie pas appliquer la même trajectoire à tout le monde. Il s'agit simplement d'un cap clair et c'est l'esprit dans lequel nous souhaitons appréhender les propositions faites par le rapporteur général et par la commission des finances.
Nous ne pouvons pas dire à partir de quand ce sera appliqué puisque la crise n'est pas encore derrière nous, même si nous commençons à en voir le bout. Vous avez examiné récemment le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Il nous donne un cap pour la sortie d'un certain nombre de mesures de soutien. Cette sortie aura lieu de manière progressive pour l'ensemble des secteurs suivis et, dès que nous le pourrons, nous souhaitons avoir un pilotage pluriannuel d'ensemble qui explicite la stratégie.
J'ajoute, comme vous nous y avez invités, quelques réactions un peu techniques sur votre proposition de loi organique. Je souligne d'abord tout ce qui nous semble aller dans le bon sens. L'alignement des dates de dépôt des deux textes nous semble parachever un mouvement déjà largement entamé les années précédentes, en donnant une grande cohérence sur les hypothèses prises, sur les flux financiers entre l'État et la sécurité sociale. Nous approuvons le fait d'avoir une différenciation plus forte des LFSS selon leur objet : loi de financement initiale, rectificative lorsque c'est nécessaire en cours d'année ou d'approbation à l'image de ce qui se fait pour l'État. Le Printemps social de l'évaluation illustre l'intérêt de prévoir un moment où nous revenons sur les comptes. Le renforcement de la présentation de trajectoires pluriannuelles en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale nous paraît également aller dans le bon sens. L'introduction du « compteur des écarts » permet de confronter une programmation à la réalité de son avancement. Cela nous paraît également porteur de sens et permet de décliner sur le champ social l'une des recommandations faites par la commission sur l'avenir des finances publiques, dite « commission Arthuis ». C'est bien dans la durée et en programmant les efforts que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats. L'introduction d'une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale permettrait aussi de revenir sur l'atteinte des objectifs fixés aux politiques publiques.
En ce qui concerne les tendances en matière de prélèvements, les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) disposent de deux capteurs avancés de la conjoncture : les montants déclarés et, surtout depuis la crise, les montants des cotisations de chaque échéance mensuelle qui ne sont pas payés, reportés par les employeurs.
Ce que nous constatons confirme le relatif optimisme du directeur de la sécurité sociale. Les restrictions sanitaires liées aux deuxième et troisième vagues ne sont absolument comparables à celles de la première vague en termes d'impact, que ce soit sur les montants déclarés ou sur les reports. L'assiette des cotisations sociales a beaucoup mieux résisté lors des deuxième et troisième vagues. Alors que, en avril 2020, 36 % des cotisations avaient été reportées par environ 46 % des établissements, moins de 4 % de cotisations ont été reportées en avril 2021 et cela concerne 15 % des établissements. L'impact des restrictions mises en place lors de la troisième vague est donc bien plus faible et plus concentré sur de très petites entreprises.
S'agissant de la position de la Cour des comptes sur nos comptes, je précise d'abord qu'il ne s'agit pas techniquement d'un refus de certifier mais d'une impossibilité de certifier. Le refus de certifier aurait signifié que la Cour des comptes considérait qu'il existait des défaillances dans le contrôle interne et dans la maîtrise des risques qui pouvaient affecter la sincérité des risques et leur capacité à donner une image fiable de la situation comptable de la sécurité sociale. L'impossibilité de certifier traduit par contre un niveau d'incertitude élevé, l'incertitude n'étant pas imputable aux mesures prises par les Urssaf mais au contexte économique.
Ainsi, nous provisionnons chaque année des pertes au titre des créances apparues au cours de l'année. Nous le faisons classiquement sur les constats statistiques de non‑recouvrement des créances nées au cours de l'année. Cette hypothèse historique n'était absolument pas applicable au montant des reports de cotisations apparus au cours de l'année 2020 et nous avons donc, de manière partagée avec la Cour des comptes, retenu des hypothèses différentes. La Cour des comptes considère qu'il existe des incertitudes pour savoir si, effectivement, les cotisations reportées en 2020 ne seront pas recouvrées à la hauteur que nous estimons. Il existe évidemment une incertitude et elle est intrinsèque au contexte exceptionnel que nous avons connu.
Concernant le point particulier des travailleurs indépendants évoqué par le directeur de la sécurité sociale, la Cour des comptes aurait souhaité que nous inscrivions dans nos comptes un produit à recevoir lié au fait que les cotisations pour 2020 des travailleurs indépendants, telles qu'elles seront connues après leurs déclarations, ne seront pas nécessairement égales à 50 % de leur valeur en 2019 et donc ne seront pas égales à ce qui a été appelé. Elle aurait aussi voulu que nous appliquions à ce produit à recevoir une dépréciation tenant compte des difficultés de paiement des indépendants.
Nous n'avons jamais procédé ainsi. En accord avec les normes comptables rendues par le Conseil de normalisation des comptes publics, il est acquis de n'inscrire chaque année dans les comptes que les montants certains, c'est-à-dire les montants appelés. Ce qui résulte l'année suivante de la régularisation se retrouve dans l'exercice suivant. Ce point a été acquis au cours de travaux qui ont montré que retenir les régularisations, très variables car très tributaires de l'évolution des revenus des indépendants, aurait créé davantage d'incertitudes dans les comptes. Cela est encore plus vrai pour une année comme 2020 pour laquelle il n'existe aucun moyen sérieux ni aucune source permettant de connaître ce qu'ont été les revenus des indépendants. Nous les connaîtrons à la fin du mois de juin, lorsque la campagne de déclaration des revenus sera terminée.
La position de la Cour des comptes nous surprend donc car elle nous semble ne respecter ni le principe important de permanence des méthodes comptables, ni le principe de prudence. Elle conduirait à introduire dans nos comptes un produit en dérogation flagrante avec tout ce qui a été fait depuis que les comptes de la sécurité sociale existent, sur des bases absolument impossibles à évaluer, tant sur la nature du produit lui-même que sur les risques de dépréciation du fait des difficultés des indépendants. Si nous avions fait ce choix, il aurait dû être considéré comme très hasardeux par la Cour des comptes. Nous maintenons donc cette divergence de position et nous considérons que notre position est la plus conforme aux principes de permanence et de prudence comptables.
Je repasse la parole à notre rapporteur général, qui va présenter l'évaluation de l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 sur le régime social des artistes‑auteurs.
J'ai souhaité dans le cadre des travaux de cette année faire le point sur la réforme du régime social des artistes‑auteurs adoptée en LFSS 2018. Cette réforme venait répondre à deux enjeux : faciliter la cotisation effective des artistes‑auteurs en supprimant la distinction entre affiliés et assujettis : l'ensemble des assurés cotise désormais dès le premier euro de revenu perçu ; fiabiliser les opérations de recouvrement, celles-ci étant auparavant assurées par deux associations agréés par le ministère de la culture, l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et la Maison des artistes (MDA).
Pour des raisons liées notamment aux failles de son système informatique, la première n'a pas pu correctement recouvrer les cotisations des assujettis pour l'assurance vieillesse et ce sont des milliers d'artistes‑auteurs qui n'ont pas pu bénéficier de leurs droits à la retraite. Je dis « des milliers », bien conscient qu'il s'agit d'une approximation mais mes auditions m'ont confirmé qu'il n'a pas été possible de chiffrer précisément le nombre de personnes qui ont pâti de cette situation.
Pensez-vous qu'il soit impossible de recenser précisément cette population ? Le cas échéant, engagez-vous des actions coordonnées entre l'AGESSA, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'ACOSS pour identifier les personnes concernées ?
Pour remédier à cette situation, la LFSS 2018 a permis de transférer les opérations de recouvrement vers l'Urssaf Limousin qui était déjà compétente en matière de contentieux. Force est de reconnaître que ce transfert n'a, à ce stade, pas rempli sa mission de simplification et de sécurisation des droits des auteurs.
Les auditions que j'ai menées m'ont amené à identifier deux grands types de dysfonctionnements. Il semble d'abord exister des difficultés techniques, de l'ordre de l'accès des affiliés à leur espace numérique, du taux de réponse de l'Urssaf Limousin ou de compréhension par les auteurs des nouvelles modalités de déclaration. Où en êtes-vous à ce sujet ? Les artistes‑auteurs peuvent-ils aujourd'hui accéder dans de bonnes conditions aux services que leur offre l'Urssaf ?
Une seconde catégorie de dysfonctionnements, plus structurels, concerne la campagne d'appel des cotisations 2020 sur les revenus 2019. Les organisations m'ont sensibilisé à deux difficultés. La première porte sur la campagne elle-même. Où en est-elle ? Si elle n'a pas encore démarré, quand sera-t-elle amenée à débuter ? Il ne faut pas oublier que les cotisations 2020 font l'objet des mesures dérogatoires que nous avons votées et qui ne peuvent pas s'appliquer aux artistes‑auteurs tant que leurs cotisations n'ont pas été appelées. En outre, il semble qu'il demeure des difficultés dans le remboursement du trop-perçu, à la fois dans l'information des artistes‑auteurs sur leur situation et dans la diligence avec laquelle le remboursement est mené. Pouvez-vous nous éclairer sur ces difficultés ? Ce problème est-il en cours de résorption ?
Plus globalement, le décalage des campagnes et ces difficultés dans la transition auront-ils un impact sur les prochaines campagnes ? Quand pouvons-nous attendre une normalisation du recouvrement des cotisations des artistes‑auteurs ?
Ces questions m'amènent à envisager l'avenir du régime social des artistes‑auteurs. Il me semble que le législateur pourrait améliorer l'information des cotisants et la sécurisation de leurs droits sociaux. Je pense en premier lieu aux retraités, souvent précaires, auparavant assujettis à l'AGESSA et qui n'ont pas pu faire valoir leurs droits à la retraite. Une circulaire de 2016 a prévu un dispositif de rachat de leurs trimestres selon des conditions dérogatoires en vertu desquelles ils disposent notamment d'un étalement de cinq ans pour racheter les durées pour lesquelles ils n'ont pas cotisé.
Les informations sont lacunaires mais il semble que seulement quelques centaines de dossiers aient été traités à ce stade par la CNAV de Paris. Pouvez-vous le confirmer et avez‑vous des pistes d'amélioration ? Je pense en particulier à la modulation dans la prise en compte de l'inflation qui peut renchérir exagérément le coût du rachat et au fléchage de l'aide sociale des caisses des artistes‑auteurs vers l'aide au rachat.
La question de l'accès des artistes‑auteurs à leurs droits sociaux se pose de manière plus large. Le caractère aléatoire de leurs revenus comme la proportion conséquente d'entre eux qui sont dans une situation précaire sans cotiser par ailleurs au régime général doit nous faire collectivement réfléchir aux réponses à leur apporter.
Les échanges avec les organismes ont fait émerger la problématique de l'accès qui reste encore limité aux indemnités journalières maladie et maternité, malgré un plancher déjà dérogatoire par rapport aux conditions de droit commun fixé à 900 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Les organisations revendiquent un abaissement de ce seuil à 600 SMIC au motif d'ouvrir des droits fondamentaux à de nouveaux bénéficiaires et dans un souci de lisibilité par rapport au seuil d'ouverture des droits à la retraite, également fixé conformément au droit commun à 600 SMIC. Avez-vous évalué une telle piste ? Savez‑vous combien de nouveaux bénéficiaires cet abaissement pourrait concerner ? Par ailleurs, estimez-vous que le seuil actuel de 900 SMIC demeure justifié au regard de la composition socio-fiscale de la population des artistes‑auteurs ?
Un dernier point plus technique me semble également faire émerger un certain consensus. Les artistes‑auteurs qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires sont précomptés mais n'ont souvent pas accès à ce précompte, parfois faute de sa transmission par les diffuseurs. Il existe certes aujourd'hui au niveau réglementaire une sanction frappant le défaut de transmission des certificats de précompte mais pensez-vous que l'Urssaf puisse être techniquement armée pour délivrer automatiquement les certificats de précompte ?
Les assurés rencontrent un certain nombre de difficultés techniques avec cette réforme mais il faut se souvenir que la situation antérieure n'était pas satisfaisante. Cette disposition de la LFSS 2018 s'inscrivait dans un constat selon lequel plusieurs milliers de personnes n'acquéraient pas de droits à retraite en l'absence de déclaration et de paiement de cotisation. La qualité de service n'était pas non plus au rendez‑vous.
Ce transfert du recouvrement, qui s'inscrit d'ailleurs dans une politique plus générale de transfert du recouvrement vers l'ACOSS, n'est pas l'unique raison des difficultés rencontrées. Un certain nombre de difficultés qu'ont connues les artistes‑auteurs depuis deux ans s'expliquent par les difficultés de transfert du recouvrement lui-même, en particulier par le transfert de fichiers dont la qualité n'était pas toujours suffisante ou qui posaient des problèmes d'appariement à cause de mauvais identifiants... Nous rencontrons toujours de telles problématiques lors de transferts mais nous partions dans ce cas d'une situation déjà fragile. Il faut reconstruire les fichiers et cela prend un peu de temps même si nous entendons bien les difficultés des personnes. Il faut évidemment les résoudre au plus vite.
S'agissant du dispositif de rachat créé en 2016, seules quelques centaines de demandes ont été formulées à ce jour. Faut-il le rendre plus généreux ? Nous essayons lors de la création de dispositifs de rachat, y compris dans d'autres régimes, de faire en sorte que le dispositif soit neutre actuariellement, c'est-à-dire que la cotisation de rachat corresponde bien aux droits supplémentaires qu'elle permet d'acheter. C'est le cas notamment au régime général. Cela n'empêche pas d'une part d'avoir des facilités et des délais de paiement – qui existent déjà aujourd'hui – et d'autre part que le dispositif soit suffisamment souple, connu et lisible.
Vous mentionnez la possibilité d'actions communes entre l'ACOSS, la CNAV et l'AGESSA. Des plans d'action sont effectivement en cours d'instruction pour faciliter l'examen des dossiers les plus complexes, partager les informations sur les personnes et mettre en place une opération de communication.
Sur le seuil de revenu de 900 heures pour l'accès aux prestations, des dispositions spécifiques pour les artistes‑auteurs ont déjà été prises dans le cadre de la crise avec un abaissement de ce seuil à 600 heures de SMIC ainsi que des exonérations de cotisations pour tous au-dessus d'un certain niveau de revenu – afin d'exclure les activités les plus marginales – et avec une amplification en cas de perte de revenus entre 2019 et 2020. Des aides importantes ont donc déjà été apportées. Ce passage de 900 heures à 600 heures SMIC soulèvera à nouveau la question à laquelle il ne m'appartient pas de répondre du seuil qui a vocation à être pérenne. Je ne peux pas vous préciser aujourd'hui le coût de cette mesure mais nous pourrons essayer de vous répondre prochainement.
En ce qui concerne les difficultés de paiement et d'accès à leur compte des artistes‑auteurs, nous suivons un certain nombre d'indicateurs qui nous laissent penser que les difficultés constatées au moment de la bascule et du transfert s'estompent. Il s'agit plutôt de difficultés techniques liées à la bascule que de difficultés systémiques et pérennes. Les indicateurs s'améliorent globalement, même si c'est toujours difficile à percevoir pour l'assuré confronté à une difficulté.
Nous travaillons avec l'ACOSS à une objectivation encore plus fine de ces indicateurs et à la mise en place de comités de suivi avec les représentants des artistes‑auteurs. Nous avons conscience que cette réforme doit encore faire ses preuves vis-à-vis des artistes‑auteurs. Ils ont exprimé des interrogations auxquelles le Gouvernement est très attentif.
Ce transfert du recouvrement est en même temps une réforme d'ampleur du régime puisque la suppression de la distinction entre affiliés et assujettis conduit à un véritable changement d'échelle du régime. Précédemment, seuls 80 000 artistes‑auteurs faisaient une déclaration annuelle de revenus là où, l'an dernier, plus de 200 000 l'ont fait, ce qui a généré des droits et a permis de calculer correctement les cotisations sociales.
Les difficultés de connexion aux comptes en ligne sont en voie de résolution. Un motif important de difficulté de connexion était le cas des artistes‑auteurs connus par ailleurs de l'Urssaf pour un autre statut, comme auto‑entrepreneur ou comme travailleur frontalier en Suisse par exemple. Nous avons apporté des corrections qui ont permis de réduire la majorité des blocages. Il en reste quelques-uns que nous prévoyons de corriger en mai et en juin.
La téléphonie est un bon indicateur du degré de difficulté ou de non‑qualité du service. L'an dernier, nous avons réalisé 80 % de prise en charge des appels téléphoniques alors que nous souhaitons tendre vers les 90 %. C'était tout de même mieux que les 65 % à 69 % assurés précédemment par l'AGESSA et la MDA. Nous avons depuis le début de l'année eu un mauvais mois de janvier à 68 % parce que les diffuseurs avaient également des difficultés importantes. Depuis le mois de février, nous avons constamment été au-dessus des 90 % et, en moyenne depuis le début de l'année, nous sommes à 86 %. Nous nous rapprochons donc de standards plus acceptables.
La campagne de déclarations de revenus ouvre demain, le 26 mai, et elle sera l'occasion d'une importante simplification puisque nous procéderons désormais à la validation implicite des montants déclarés pour tous les artistes‑auteurs précomptés, c'est‑à‑dire ceux qui sont entièrement en précompte de leurs cotisations par les diffuseurs. Ils pourront vérifier si ce qui a été déclaré par le diffuseur est correctement déclaré. S'ils ne modifient pas la déclaration du diffuseur, nous considérerons qu'elle est correcte, ce qui signifiera moins de charges administratives pour ces artistes‑auteurs et nous éviterons des relances inutiles auprès d'artistes‑auteurs qui considèrent que les montants retenus sont corrects. C'est un gage de simplification de cette déclaration de revenus.
La campagne de déclaration de revenus permettra ensuite de mettre en œuvre les mesures dérogatoires votées l'an dernier sachant que, depuis le début de la crise sanitaire, nous avons assuré un important accompagnement au recouvrement. Nous avons suspendu pour les artistes‑auteurs l'ensemble des mesures de recouvrement, de pénalités ou de majorations de retard et nous avons aussi suspendu un certain nombre d'échéances. D'ores et déjà, les artistes‑auteurs en difficulté ont pu ne pas être pénalisés en trésorerie au titre de leurs cotisations sociales dans le cadre de l'accompagnement de la crise sanitaire.
Nous avons déjà procédé à des remboursements. Deux situations peuvent conduire à un remboursement : soit l'artiste‑auteur a avancé au titre de ses acomptes plus que ce qu'il doit in fine lorsque la déclaration de revenus est réalisée, soit il a au titre de ses précomptes de cotisation payé plus que la cotisation plafonnée, c'est-à-dire que ses droits d'auteurs ont dépassé le plafond de cotisations. Nous procédons alors à des remboursements et deux motifs peuvent expliquer des retards de remboursement. Le premier est que nous attendons parfois le retour du relevé d'identité bancaire de l'artiste‑auteur. Le second, plus complexe, est le cas où l'artiste‑auteur demande à bénéficier d'un remboursement parce qu'il dépasse le plafond de la sécurité sociale en cumulant salaires et droits d'auteur. En effet, beaucoup d'artistes‑auteurs ont plusieurs statuts et demandent à bénéficier du remboursement lorsqu'ils ont dépassé le plafond sur l'ensemble de leurs revenus. Cela nécessite des vérifications plus complexes des montants déclarés et payés du côté des salaires « classiques ». Ces sujets ont toujours existé, y compris dans le système antérieur.
S'agissant des perspectives d'évolution, vous avez mentionné la possibilité de remettre aux artistes‑auteurs des certificats de précompte. C'est effectivement un point que nous avons identifié dans le cadre de nos échanges avec les organisations professionnelles représentant les artistes‑auteurs. Nous y travaillons même si ce ne sera pas forcément pour cette année ; c'est bien inscrit à notre programme de travail pour améliorer le service rendu.
Nous sommes dans un travail pluriannuel. Il s'agit de résoudre les anomalies informatiques dont nous sommes responsables ; nous en aurons corrigé environ 40 % fin mai, pas au sens de 40 % des situations mais de 40 % des dysfonctionnements identifiés, et nous serons fin juin à 60 %. L'idée est d'avoir résolu les éléments prioritaires, les éléments les plus bloquants et de traiter au cours du second semestre les difficultés mineures. Nos travaux ne se limitent pas à résoudre les anomalies mais aussi à apporter des améliorations de service.
Je précise que le diffuseur a l'obligation de remettre ces certificats à l'artiste‑auteur. Nous pouvons bien porter cet élément de service supplémentaire consistant à le remettre à l'artiste‑auteur mais cela libérera-t-il le diffuseur d'une obligation qui date de vingt-cinq ans ? Nous pouvons aussi remettre aux salariés des éléments sur les droits acquis par les déclarations de l'employeur sans, pour autant, que cela dispense l'employeur de remettre un bulletin de salaire à son salarié. En tout cas, nous travaillons bien à cette amélioration ainsi qu'à d'autres.
Nous travaillons par exemple avec l'assurance maladie à la manière d'améliorer l'ouverture des droits aux indemnités journalières (IJ). C'est un sujet historique qui a toujours été source de difficultés. Nous avons d'ores et déjà mis à disposition de l'assurance maladie un portail permettant aux gestionnaires de l'assurance maladie d'accéder directement aux données déclarées, donc aux données servant à calculer les IJ alors que ce processus reposait jusqu'à présent sur des demandes de pièces justificatives auprès des artistes‑auteurs.
Depuis maintenant plus d'un an, la France connaît une épidémie d'une ampleur sans précédent depuis la création de la sécurité sociale. De nombreuses mesures ont été mises en place dès 2020 pour faire face à la crise, que ce soit dans le système de soins ou pour accompagner entreprises et salariés confrontés à des chutes brutales d'activité.
Dès le mois de mars 2020, nous avons fortement soutenu l'activité économique avec le report du paiement des échéances de cotisations pour toutes les entreprises qui le souhaitaient, le report d'office des prélèvements des travailleurs indépendants, le recours à l'activité partielle pour protéger les entreprises et les salariés ou l'exonération des cotisations et contributions sociales patronales par la troisième loi de finances rectificative.
La LFSS 2021 a par ailleurs mis en œuvre les engagements du Ségur de la santé en finançant notamment la revalorisation des salaires des professionnels hospitaliers des EHPAD, un plan massif d'investissement pour l'hôpital et le numérique en santé ainsi que la revalorisation de l'allocation supplémentaire d'invalidité. La sécurité sociale a donc indéniablement joué un rôle d'amortisseur économique et social permettant d'atténuer les effets de la crise sanitaire.
Ces mesures indispensables pour soutenir nos concitoyens ont eu des conséquences massives sur les finances publiques tandis que, de l'autre côté, la diminution de l'activité économique se traduit par une forte baisse des cotisations perçues par la sécurité sociale puisqu'elles proviennent des revenus d'activité qui ont beaucoup souffert de la crise. En conséquence, la crise sanitaire a engendré une importante dégradation du solde de la sécurité sociale, avec un déficit historiquement élevé de 38,6 milliards d'euros.
Aujourd'hui, les concitoyens que nous rencontrons sont conscients du soutien massif et nécessaire accordé par l'État durant cette période difficile mais ils s'inquiètent du remboursement de la dette. Pouvez-vous nous confirmer la nécessité de retrouver, en précisant à quelle échéance, une trajectoire de retour à l'équilibre de nos comptes sociaux ? Quelles sont les branches sur lesquelles l'effort pourrait particulièrement porter en priorité selon vous ?
Je vous remercie pour vos propos, qui apportent déjà un grand nombre de réponses. Le Gouvernement a mis en œuvre dès le printemps des mesures de baisse des prélèvements sociaux en faveur des entreprises. Ces mesures ont eu des conséquences massives pour les finances publiques tandis que la diminution de l'activité économique se traduit par une baisse significative des cotisations perçues par la sécurité sociale pour l'année 2020 et pour les années suivantes. Nous connaissons aussi toutes les conséquences du recours massif à l'activité partielle puisque l'activité partielle est exonérée de cotisations sociales et soumise à un taux minoré de contribution sociale généralisée (CSG). Il en est donc résulté des pertes de recettes très conséquentes pour la sécurité sociale.
Mes chers collègues, comme lors de la crise économique et financière de 2008, nous voyons finalement que la sécurité sociale a joué un rôle d'amortisseur économique et social atténuant l'effet de la crise sanitaire. Nous avons voté l'été dernier l'allongement de la durée de vie de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Quelles perspectives dessinez-vous pour les années à venir ? Comment améliorer l'efficience de la gestion financière et du recouvrement ? Quelles préconisations formuleriez-vous pour construire une trajectoire de retour durable des comptes sociaux vers l'équilibre ?
J'ajoute un mot sur les créateurs et créatrices qui sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Nous constatons que, au lieu d'envisager un dispositif clair dédié aux artistes‑auteurs avec des critères communs connus de tous, le plan de soutien ministériel soutient les opérateurs publics ou privés, multiplie les guichets d'aide et, par conséquent, confond le secteur de la création avec les industries culturelles, l'économie de l'artiste‑auteur avec l'économie de l'œuvre, la création avec la diffusion.
Soutenir la création a un autre sens. Il faut soutenir les créateurs et créatrices et non les amalgamer avec les divers acteurs de l'aval qui, sans les artistes‑auteurs, n'existeraient pas. La population des artistes‑auteurs est mal identifiée et n'a pas toujours accès à des droits. Comment leur assurer, monsieur le rapporteur général, leurs droits légitimes ?
e thème de la table ronde qui nous réunit est au cœur des préoccupations de notre commission puisqu'il touche aux questions de recettes et d'équilibre de la protection sociale. Si nous avons parfois un intérêt trop marqué pour la partie relative aux dépenses, les recettes constituent néanmoins un point essentiel de la construction du budget, encore plus aujourd'hui dans le contexte des déficits exponentiels liés à la crise sanitaire et économique.
D'un point de vue conjoncturel, j'entends bien les prévisions que vous avez faites pour les cotisations mais, avec 25 milliards d'euros de reports de cotisations, ne pouvons-nous pas estimer, même avec prudence, si toutes ces cotisations seront recouvrées ?
D'un point de vue structurel, notre majorité s'est efforcée depuis le début de notre législature de procéder à des ajustements visant à simplifier un certain nombre de régimes d'affiliation et de cotisation. Je pense notamment au rattachement des indépendants au régime général et, maintenant, aux artistes‑auteurs.
Nous savons qu'engager un tel processus de basculement n'est pas chose aisée et que les difficultés sont nombreuses pour aboutir à un résultat satisfaisant. À la lumière des premières retombées concernant les indépendants après trois ans, quel bilan et quelles perspectives pouvez-vous tirer de cette procédure de regroupement des caisses spécifiques vers le régime général ? À l'avenir, voyez-vous d'autres catégories qui pourraient bénéficier de mécanismes de simplification similaires ou d'autres rapprochements vers le régime général ?
En tant que rapporteur du PLFSS sur la partie assurance vieillesse, je serais intéressé par votre avis sur les modalités techniques de regroupement des régimes spéciaux de retraite vers un régime général tel qu'envisagé par la réforme 2020 qui n'a pas vu le jour. Quels seraient les enseignements techniques à tirer des précédentes expériences pour d'autres types de cotisations ?
Lors de l'examen voici un an des projets de loi ordinaire et organique relatifs à la dette sociale et à l'autonomie dont j'étais co-rapporteur avec M. le rapporteur général, nous avons fait le constat qu'une crise largement exogène à la sécurité sociale était venue accentuer ses difficultés structurelles d'équilibre. Ce constat nous a amenés à repousser le terme de la CADES pour lui permettre de prendre à son compte un nouveau transfert de dette dans des conditions financières mouvantes, ce que sa solidité lui permettait d'affronter aussi sereinement que possible.
La dette de 130 milliards d'euros transférée à la CADES en 2010 a été complétée par 136 milliards d'euros lors de ce vote. Cela incluait 92 milliards d'euros permettant de couvrir les déficits prévisionnels des exercices 2020 à 2023 des branches du régime général, hors accidents du travail et maladies professionnelles, ainsi que la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Même si l'exercice reste délicat à ce stade, pouvez-vous nous donner plus d'informations sur la trajectoire de dette que nous avions alors anticipée ?
Dans le cadre de la création de la nouvelle branche autonomie de la sécurité sociale, le texte prévoyait le fléchage vers le soutien à l'autonomie, à partir du 1er janvier 2024, d'une fraction de contribution de dette sociale généralisée de 0,15 point actuellement attribuée à la CADES, soit environ 2,3 milliards d'euros. Ce texte prolonge également l'affectation des recettes de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale à la CADES au-delà de 2024. Ces évolutions ont évidemment entraîné le report de la date de fin de remboursement de la dette transférée à la CADES.
Au regard de vos relations et des données auxquelles vous avez accès, pouvez-vous nous faire un retour sur la situation actuelle et sur l'opportunité de ces choix qui visaient à sécuriser le financement de la sécurité sociale et à ne pas diminuer la capacité de la CADES à assumer sa charge ?
La sécurité sociale a vu ses comptes bouleversés par la crise sanitaire avec un déficit du régime général qui atteint le niveau record de 36,2 milliards d'euros. Elle a également dû faire face à une forte hausse des dépenses d'assurance maladie et à une baisse de ses produits et charges en raison de la chute de l'activité économique.
Dans ce contexte, la Cour des comptes a observé une dégradation de la fiabilité des comptes. Elle indique à ce propos que les organismes de sécurité sociale ont allégé leurs dispositifs de contrôle interne et que les enregistrements comptables liés aux mesures exceptionnelles font apparaître des incertitudes et des désaccords. S'agissant du régime général, la Cour des comptes se dit ainsi dans l'impossibilité de certifier les comptes de l'activité de recouvrement.
Par ailleurs, la Cour des comptes a formulé des réserves sur les comptes de l'assurance maladie. Ces réserves se sont accentuées en 2020, notamment sur la justification des droits aux prestations et le paiement à bon droit des frais de santé, élevant ainsi l'estimation du montant des erreurs sur les règlements de frais de santé à 1,9 milliard d'euros.
Les organismes de sécurité sociale jouent un rôle capital dans la crise sanitaire en assurant notamment la continuité de prestations et leur financement. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les perspectives de régularisation des opérations réalisées en 2020 ?
Par ailleurs, un texte très technique sera prochainement examiné par l'Assemblée afin de modifier l'organisation et le contenu des débats budgétaires au Parlement. Je souhaite connaître votre avis sur la proposition de création d'une loi d'approbation de la loi de financement de la sécurité sociale comme cela existe pour les lois de finances.
Je voudrais revenir de manière plus générale sur l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier la branche recouvrement suite aux confinements et aux mesures prises durant les confinements. Or, d'autres confinements ont eu lieu. Pensez-vous que cette impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche recouvrement se reproduira dans les années qui viennent ou trouverez-vous des solutions pour rapprocher les comptes selon les organismes ?
Ma seconde question porte sur l'évaluation de l'article 23 de la LFSS 2018. Dans le cadre des mesures prévues, les personnels de l'AGESSA et de la MDA devaient être transférés vers la branche recouvrement. Pourriez-vous nous dire comment s'est effectué ce transfert de personnels ? Le directeur régional de l'Urssaf Limousin semblait dire dans un article que, parmi le personnel de son service, aucun n'avait connaissance de ces dispositifs complexes et que les agents en poste dans son service avaient suivi seulement huit jours de formation. Il expliquait les difficultés par la méconnaissance du sujet par les agents. Le comité de suivi ne s'est plus réuni depuis octobre 2020. Est-il prévu de le réunir prochainement ? Où en sommes-nous dans la mise en place de la gouvernance du régime de sécurité sociale des artistes‑auteurs ?
Je fais miennes les dernières interrogations, particulièrement celles de Jeanine Dubié concernant les artistes‑auteurs, en précisant que le fait que nous soyons en difficulté pour obtenir des chiffres n'est tout de même pas un bon indicateur sur notre capacité à répondre à leurs problèmes concrets et à leurs problèmes quotidiens. Je continue à demander que vous nous donniez le maximum de données pour que nous puissions mieux comprendre ce qui est à l'œuvre, sachant que la période écoulée pose également la question d'un revenu de remplacement pour les artistes‑auteurs qui ont rencontré de grandes difficultés avec la crise sanitaire et ses conséquences.
Sur les autres questions, j'ai le sentiment que l'hôpital continue d'être sous pression. J'ai encore été interpellé voici quelques jours par des oubliés du « Ségur ». Je voudrais savoir de quelle manière vous envisagez que la situation puisse évoluer dans le futur. Comment les mesures du « Ségur » ont-elles pu être mises en place et dans quel délai ? Il faut savoir qu'elles sont insuffisantes et qu'un certain nombre de personnes en sont exclues. Avez-vous d'ailleurs des chiffres sur la possible intégration de ceux qui ont été exclus ? Combien cela pèserait-il dans le budget ? Nous devons aussi regarder le coût dans le budget de la crise covid, tant du côté des dépenses que des non-recettes. Ces données nous intéressent particulièrement.
Enfin, ne faut-il pas craindre de nouveaux transferts indus de dette vers la CADES, donc vers la sécurité sociale ? Quelles décisions sont en préparation ? Pour garantir les droits, quel plan d'amortissement du choc dans la durée avez-vous mis à l'étude si c'est le cas ?
Je reviens sur ma question sur le décalage des campagnes d'appel à cotisations des artistes‑auteurs et les difficultés des prochaines campagnes, question à laquelle je n'ai pas eu réponse mais je le comprends tout à fait vu le grand nombre de questions posées.
La question sur la CADES, la reprise de dette et la trajectoire est revenue plusieurs fois. Je rappelle que la reprise de dette que vous avez votée l'année dernière portait sur 136 milliards d'euros, correspondant à 31 milliards d'euros pour la dette constituée fin 2019 et 92 milliards pour la dette prévisionnelle 2020-2023 auxquels s'ajoutaient 13 milliards d'euros pour les hôpitaux.
La période 2020-2023 est évidemment encore très incertaine. D'après l'annexe B de la LFSS 2021, c'est-à-dire l'annexe pluriannuelle qui présente une prévision de solde du régime général et des régimes de base pour les quatre années à venir, les 92 milliards d'euros correspondaient au déficit de 2020 à 2022. Nous avons déjà enregistré 10 milliards d'euros d'amélioration dans les comptes 2020 par rapport à la LFSS et de nouvelles marges apparaîtront pour la CADES en 2021 et 2022. Pour simplifier, la reprise de dette que vous avez votée l'année dernière permet donc de financer les déficits du régime général jusqu'en 2023, pour tout ou partie pour 2023 selon la suite de la crise et la conjoncture.
Fin 2023, ces 136 milliards d'euros auront donc été totalement utilisés pour financer la dette et la sécurité sociale devra financer sa trajectoire, c'est-à-dire le retour à l'équilibre qui doit être engagé d'ici là ainsi que, éventuellement, des déficits supplémentaires au-delà de 2023 pendant le retour à l'équilibre selon la trajectoire qui aura alors été arrêtée.
Sur ces 136 milliards d'euros, 20 milliards d'euros ont été repris en 2020 et 40 milliards d'euros sont prévus en 2021, ce qui donne déjà un total de 60 milliards d'euros fin 2021. Nous aurons donc totalement repris le déficit accumulé fin 2019 et une bonne partie du déficit 2020. Cela signifie que nous n'avons pas de difficulté de financement de la CADES sur les marchés, pas d'alerte en tout cas. La loi telle qu'elle a été adoptée l'année derrière s'applique sans encombre. Les difficultés de financement que nous pouvions craindre l'an dernier ne se sont pas produites, en particulier grâce à cette reprise de dette. Le point bas en termes de trésorerie pour l'ACOSS ne devrait pas dépasser les 80 milliards d'euros, ce qui est très en dessous de la valeur de 95 milliards d'euros votée en LFSS.
L'avenir de cette trajectoire éventuelle de reprise de dette supplémentaire devra être articulée avec la trajectoire de retour à l'équilibre de la sécurité sociale. La sécurité sociale est un solde, réaffirmé dans la proposition de loi organique du rapporteur général. Ce sont des recettes et des dépenses. Les recettes doivent s'entendre dans une vision transversale des prélèvements obligatoires d'où l'intérêt de rapprocher les calendriers des projets de loi de finances et PLFSS pour avoir une vision générale et transversale. Quels choix les gouvernements feront-ils dans l'avenir sur les prélèvements obligatoires ? Seront-ils plutôt affectés à la sécurité sociale, à l'État ou à d'autres acteurs ?
Du côté des dépenses, nous savons que des dépenses supplémentaires dans la branche maladie ont été décidées l'année dernière à travers le « Ségur ». Elles se traduisent par un déficit de la branche maladie qui perdurera, au-delà du déficit conjoncturel lié au financement de la crise sanitaire. Je ne peux pas le préciser aujourd'hui ; nous en reparlerons lors du PLFSS lorsque nous aurons arrêté de nouvelles hypothèses macroéconomiques. Ce déficit sera très au-delà de 10 milliards d'euros en sortie de crise. Il faudra donc poser la question du financement de la branche maladie dans les prochaines années.
La branche vieillesse est en déficit, certes moindre que la branche maladie mais en déficit néanmoins. Ce déficit s'accroîtra comme cela a déjà été démontré dans les travaux effectués avant la crise. Sur la branche vieillesse, les outils de retour à l'équilibre sont bien connus.
Monsieur Isaac-Sibille, vous demandiez s'il faut d'autres rapprochements de caisses. Votre question comporte en fait deux volets : le rapprochement des caisses qui calculent et versent des prestations dans le système universel de retraite qui avait vocation à se substituer à l'ensemble du système actuel et la question d'aujourd'hui du recouvrement.
Le recouvrement retraite est encore assuré actuellement par un grand nombre d'acteurs différents mais vous avez voté des mesures dans les LFSS précédentes pour l'unification du recouvrement autour de l'ACOSS, pour la retraite notamment et pour d'autres questions qui ne concernent pas la retraite.
Certaines mesures concernant des régimes de taille limitée sont en cours de mise en œuvre. Vous avez aussi voté des dispositions sur des régimes de plus grande taille, en particulier la retraite complémentaire des salariés de l'agriculture, du commerce, de l'industrie et des services (AGIRC-ARRCO) et de la Caisse des dépôts et consignations. L'enjeu de la mise en œuvre de ces dispositions reste devant nous, dans les deux ou trois ans qui viennent, l'objectif étant évidemment d'assurer des gains d'efficience et de normaliser le recouvrement autour d'un acteur ayant vocation à devenir l'acteur pivot du recouvrement en France. Cela peut se faire indépendamment de l'unification de tous les régimes de retraite.
Mme Six a posé une question sur la Cour des comptes. Au-delà de l'impossibilité de certifier les comptes de la branche recouvrement, la Cour a en effet aussi émis, comme elle le fait chaque année d'ailleurs, des réserves sur les branches de prestations. Elle a certifié ces branches mais en émettant des réserves, dont certaines ne sont pas nouvelles. C'est le travail de l'auditeur de dire que nous pouvons faire mieux sur tel ou tel processus de gestion et d'émettre des recommandations.
Elle a également signifié que le contrôle interne de certaines prestations avait été allégé par rapport au contrôle interne habituel. C'est vrai car les caisses de sécurité sociale se sont concentrées sur les actions à fort enjeu, sur le contrôle interne à fort impact, mais n'ont pas pu mener les mêmes actions en 2020 que les autres années. 2020 n'était pas une année comme les autres, pour aucune des caisses de sécurité sociale, du fait du télétravail et des mesures nouvelles à mettre en œuvre comme les continuités de droits à la Caisse nationale des allocations familiales puis à l'assurance maladie.
Par ailleurs, l'assurance maladie a dû déployer des milliers d'agents sur les plateformes dites de contact tracing. Ces activités ont nécessité un redéploiement interne et donc un recentrage du contrôle interne sur les dispositions à fort impact au sein de chaque caisse. Lorsque nous sortirons de la crise, nous reviendrons dans un schéma normal et dans des plans d'amélioration des process que la Cour des comptes appelle à renforcer ou à améliorer.
M. Dharréville nous a interrogés sur les oubliés du « Ségur ». Je propose que nous apportions la réponse demain matin avec mes collègues de la direction générale de l'offre de soins.
Mme Rist et M. Perrut ainsi que d'autres nous ont interrogés sur les leviers à employer. De manière factuelle, la dynamique observée par le passé sur la croissance de la dépense publique montre que, dans une dépense publique plutôt dynamique, la part des dépenses de protection sociale au sens large – portées pour l'essentiel en LFSS mais aussi parfois sur le budget de l'État comme l'allocation aux adultes handicapés – a crû d'environ 10 %. Il s'agit donc de savoir quel « mix » nous souhaitons avoir entre des transferts, des prestations sociales et, en résumant, du financement de services publics allant de l'hôpital à l'école.
Pour l'avenir, le choix des efforts relatifs à faire entre branches vous appartient plus qu'à nous. C'est un choix politique. Nous pouvons insister sur le fait que la situation en sortie de crise amènera à un déficit récurrent de la branche maladie, notamment compte tenu des décisions de dépenses pérennes prises dans un contexte de crise sans identifier les financements correspondants. En matière de retraites, nous avons aussi de manière latente un déficit qui se reforme.
Les masses étant ce qu'elles sont, il ne s'agit pas d'imaginer que nous pouvons équilibrer les branches maladie et vieillesse par les seules autres branches. Il faut de mon point de vue une approche consolidée sur les efforts à faire globalement sur la sécurité sociale. La bonne démarche que nous essayons de promouvoir consiste en une évaluation des dispositifs et une programmation des efforts dans le temps plutôt que d'être contraints de faire des économies par à-coups. Cela peut arriver mais est toujours plus difficile et moins pérenne que des réformes de fond.
Le rapporteur général, Mme Dubié et M. Dharréville ont posé des questions sur les artistes‑auteurs. Il me semblait avoir indiqué quand commence la campagne de déclarations de revenus pour les artistes‑auteurs, c'est‑à‑dire demain, le 26 mai. C'est certes un peu plus tardif que la campagne de déclaration d'impôts sur le revenu mais c'est nettement plus tôt que l'an dernier puisque la campagne avait eu lieu entre juillet et septembre. Cela permettra aux artistes‑auteurs d'avoir plus tôt une visibilité sur leurs cotisations sociales définitives au titre de 2020, avec notamment une régularisation prévue en octobre.
Sur la question des transferts de personnels, environ soixante‑dix salariés de l'AGESSA et de la MDA ont été transférés au réseau Urssaf dans le cadre du code du travail, c'est-à-dire sans mobilité géographique imposée. Ils ont donc été transférés principalement à l'Urssaf Île‑de-France et non à l'Urssaf Limousin. Toutefois, l'Urssaf Limousin avait déjà des collaborateurs consacrés à la gestion des artistes‑auteurs puisqu'elle exerçait déjà une fonction de recouvrement sur les créances non payées par les artistes‑auteurs au bout de trente jours. L'Urssaf Limousin ne partait donc pas de zéro en termes de maîtrise de la situation des artistes‑auteurs. Il a également fallu faire des recrutements puisque cette activité a vocation à être prise en charge entièrement par le Limousin. Cela ne s'est pas fait brutalement. Pendant plus d'un an, un accompagnement a été effectué par les anciens salariés de l'AGESSA et de la MDA intégrés au sein de l'Urssaf Île-de-France. Ils ont continué à apporter leur concours aux salariés de l'Urssaf Limousin précisément pour accompagner cette montée en compétences. Cet accompagnement s'est poursuivi jusqu'en avril 2021. Nous n'avons arrêté ce concours des anciens salariés qu'en avril 2021, considérant que nous avions désormais acquis une certaine expérience des nouveaux recrutés sur le sujet.
Nous sommes en mesure de fournir des données assez précises sur les artistes‑auteurs pour la gestion que nous prenons en charge depuis l'an dernier. Malheureusement, les données sont plus lacunaires et de qualité parfois plus difficile dans les fichiers que nous avons récupérés de l'AGESSA-MDA.
Un des premiers points de difficulté et d'étonnement des artistes‑auteurs en janvier 2020 a été lorsque nous leur avons écrit afin de leur adresser leur code d'activation pour ouvrir leur compte en ligne. Nous nous sommes rendu compte que de nombreuses adresses n'étaient plus exactes, que des numéros de sécurité sociale étaient incorrects, que des noms n'étaient pas les bons. Toute une série d'erreurs entachait les fichiers existants.
On nous demande parfois de comparer nos fichiers et de comprendre quels sont les écarts avec les fichiers antérieurs. Honnêtement, la qualité des fichiers antérieurs ne permet pas de réaliser ces comparaisons et nous ne sommes donc pas toujours en mesure d'apporter des réponses sur les sujets historiques tels que la situation des artistes‑auteurs qui n'avaient pas eu de cotisation précomptée précisément parce que, pour ceux qui n'avaient pas eu de précompte, il n'y avait pas forcément eu de déclaration des sommes précomptées par les diffuseurs.
S'agissant de la certification des comptes et de la situation 2021, les échanges n'ont pas encore commencé avec la Cour des comptes. Il devrait exister moins de créances liées à des reports en 2021 qu'en 2020 et donc moins d'incertitudes d'autant plus que, comme nous commençons à mettre en place des plans d'apurement, nous aurons une idée un peu plus fine de la capacité des entreprises à rembourser leurs dettes.
Pour les indépendants, nous appellerons en 2021 les cotisations provisionnelles sur la base de ce que les indépendants nous déclareront maintenant pour l'année 2020. Nous pouvons penser que, pour un grand nombre d'indépendants, les revenus 2021 seront meilleurs que 2020. Si la Cour des comptes souhaite réintroduire le même débat que celui sur les revenus 2020, elle le peut mais cela me semble être une sorte de course en avant vers l'incertitude.
Nous avons constaté que nous étions incapables de connaître les revenus 2020 sans avoir les déclarations de revenus. Nous ne saurons pas faire mieux pour 2021. Par définition, la réalité économique des entrepreneurs indépendants est que nous ne connaissons leurs revenus que lorsqu'ils les déclarent. Eux-mêmes ne les connaissent que lorsqu'ils font leur clôture comptable, c'est-à-dire autour du mois de mars de l'année suivante. Il n'existe aucun moyen de contourner cette incertitude radicale et c'est bien pour cela que, dans les travaux avec l'Institut national de la statistique et des études économiques, il a été reconnu qu'il n'était pas fiable d'intégrer une quelconque estimation de la déclaration de revenus de l'année suivante.
S'agissant de la régularisation des reports de cotisation, nous avons déjà commencé à faire des propositions de plans d'apurement aux employeurs au titre des cotisations dues sur les cotisations des salariés. Nous avons également constaté des paiements spontanés, notamment de la part des plus grandes entreprises qui avaient dû, à un moment, recourir au report. Depuis le mois de septembre 2020, le montant des cotisations reportées est stable. Nous enregistrons d'un côté des entreprises qui restent en difficulté et continuent à accumuler de la dette envers l'Urssaf – notamment dans les secteurs les plus touchés – mais, de l'autre côté, des entreprises remboursent la dette contractée pendant le premier confinement.
Un mouvement de régularisation se met donc en place. Nous avons proposé à un certain nombre d'entreprises des plans d'apurement en février et nous rentrerons à partir du mois de mai dans une phase de décroissance des montants de dette.
Nous avons proposé 240 000 plans d'apurement à des employeurs de moins de cent salariés. Nous avons commencé par ceux qui sont les moins fragilisés et nous attendrons la reprise d'une activité normale pour proposer des plans aux entreprises des secteurs les plus touchés. Une mécanique d'apurement progressif se met donc en place pour les employeurs.
Pour les travailleurs indépendants, le ministre des comptes publics a annoncé ce matin le calendrier des propositions de plans d'apurement : elles seront envoyées à partir de juillet, en commençant par les travailleurs indépendants les moins fragilisés, notamment par ceux qui ont eu des revenus 2020 suffisamment bons pour avoir une régularisation importante.
Nous mettons en place une logique d'accompagnement des entreprises pour la sortie de crise en faisant des propositions de plan de remboursement qui sont bien plus longues que d'habitude, jusqu'à trois ans comme le permet la loi de finances rectificative de juillet dernier. Ces dispositifs sont négociés : l'Urssaf envoie une proposition mais l'entrepreneur peut négocier la durée, la progressivité et même la date de début du plan. Lorsque nous clôturerons les comptes, nous aurons une moindre incertitude et une meilleure visibilité sur la capacité des entreprises à honorer leurs dettes.
Sur les regroupements de collectes ou de régimes et le bilan de l'intégration du Régime social des indépendants (RSI) au régime général, je pense que l'année 2020 a montré combien cette intégration a été utile. Il a fallu mettre en place des reports d'échéances pour les travailleurs indépendants de manière massive et inédite et des versements d'aides financières. Nous avons versé à plus de 1 200 000 travailleurs indépendants et commerçants une aide de 1 milliard d'euros votée par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants. Nous avons également versé environ 200 000 aides financières exceptionnelles d'action sociale pour le soutien aux travailleurs indépendants en difficulté lors des premier et deuxième confinements. Ce sont des opérations de grande ampleur qu'il n'aurait pas été possible de mettre en œuvre dans l'organisation antérieure du recouvrement, partagée entre Urssaf et RSI.
Je suis aujourd'hui en mesure de vous rendre compte de ce que nous réalisons dans l'accompagnement des entrepreneurs et des travailleurs indépendants pour les cotisations à la main de l'Urssaf mais je n'ai pas de visibilité sur la partie retraites complémentaires ou sur la partie régime de retraite des professions libérales. Il est plus difficile d'avoir une vision consolidée et synchronisée d'actions d'accompagnement de ces entrepreneurs dès lors que les collectes sont disparates.
S'agissant des artistes‑auteurs, je rappelle que, depuis 2020, l'État prend à sa charge une partie des cotisations vieillesse pour une quinzaine de millions d'euros. L'État prend à sa charge la totalité des cotisations vieillesse déplafonnées. Le cas des trop-perçus de cotisations plafonnées a été évoqué. L'État prend aussi en charge 0,75 point du taux de la cotisation plafonnée. Nous suivrons le coût de ce dispositif.
La séance s'achève à vingt heures quinze.
Information relative à la commission
La commission a désigné :
– Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu rapporteurs sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant diverses mesures de justice sociale (n° 3970) ;
– M. André Chassaigne rapporteur sur la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (n° 4137).