Intervention de Franck Von Lennep

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h00
Commission des affaires sociales

Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale :

La question sur la CADES, la reprise de dette et la trajectoire est revenue plusieurs fois. Je rappelle que la reprise de dette que vous avez votée l'année dernière portait sur 136 milliards d'euros, correspondant à 31 milliards d'euros pour la dette constituée fin 2019 et 92 milliards pour la dette prévisionnelle 2020-2023 auxquels s'ajoutaient 13 milliards d'euros pour les hôpitaux.

La période 2020-2023 est évidemment encore très incertaine. D'après l'annexe B de la LFSS 2021, c'est-à-dire l'annexe pluriannuelle qui présente une prévision de solde du régime général et des régimes de base pour les quatre années à venir, les 92 milliards d'euros correspondaient au déficit de 2020 à 2022. Nous avons déjà enregistré 10 milliards d'euros d'amélioration dans les comptes 2020 par rapport à la LFSS et de nouvelles marges apparaîtront pour la CADES en 2021 et 2022. Pour simplifier, la reprise de dette que vous avez votée l'année dernière permet donc de financer les déficits du régime général jusqu'en 2023, pour tout ou partie pour 2023 selon la suite de la crise et la conjoncture.

Fin 2023, ces 136 milliards d'euros auront donc été totalement utilisés pour financer la dette et la sécurité sociale devra financer sa trajectoire, c'est-à-dire le retour à l'équilibre qui doit être engagé d'ici là ainsi que, éventuellement, des déficits supplémentaires au-delà de 2023 pendant le retour à l'équilibre selon la trajectoire qui aura alors été arrêtée.

Sur ces 136 milliards d'euros, 20 milliards d'euros ont été repris en 2020 et 40 milliards d'euros sont prévus en 2021, ce qui donne déjà un total de 60 milliards d'euros fin 2021. Nous aurons donc totalement repris le déficit accumulé fin 2019 et une bonne partie du déficit 2020. Cela signifie que nous n'avons pas de difficulté de financement de la CADES sur les marchés, pas d'alerte en tout cas. La loi telle qu'elle a été adoptée l'année derrière s'applique sans encombre. Les difficultés de financement que nous pouvions craindre l'an dernier ne se sont pas produites, en particulier grâce à cette reprise de dette. Le point bas en termes de trésorerie pour l'ACOSS ne devrait pas dépasser les 80 milliards d'euros, ce qui est très en dessous de la valeur de 95 milliards d'euros votée en LFSS.

L'avenir de cette trajectoire éventuelle de reprise de dette supplémentaire devra être articulée avec la trajectoire de retour à l'équilibre de la sécurité sociale. La sécurité sociale est un solde, réaffirmé dans la proposition de loi organique du rapporteur général. Ce sont des recettes et des dépenses. Les recettes doivent s'entendre dans une vision transversale des prélèvements obligatoires d'où l'intérêt de rapprocher les calendriers des projets de loi de finances et PLFSS pour avoir une vision générale et transversale. Quels choix les gouvernements feront-ils dans l'avenir sur les prélèvements obligatoires ? Seront-ils plutôt affectés à la sécurité sociale, à l'État ou à d'autres acteurs ?

Du côté des dépenses, nous savons que des dépenses supplémentaires dans la branche maladie ont été décidées l'année dernière à travers le « Ségur ». Elles se traduisent par un déficit de la branche maladie qui perdurera, au-delà du déficit conjoncturel lié au financement de la crise sanitaire. Je ne peux pas le préciser aujourd'hui ; nous en reparlerons lors du PLFSS lorsque nous aurons arrêté de nouvelles hypothèses macroéconomiques. Ce déficit sera très au-delà de 10 milliards d'euros en sortie de crise. Il faudra donc poser la question du financement de la branche maladie dans les prochaines années.

La branche vieillesse est en déficit, certes moindre que la branche maladie mais en déficit néanmoins. Ce déficit s'accroîtra comme cela a déjà été démontré dans les travaux effectués avant la crise. Sur la branche vieillesse, les outils de retour à l'équilibre sont bien connus.

Monsieur Isaac-Sibille, vous demandiez s'il faut d'autres rapprochements de caisses. Votre question comporte en fait deux volets : le rapprochement des caisses qui calculent et versent des prestations dans le système universel de retraite qui avait vocation à se substituer à l'ensemble du système actuel et la question d'aujourd'hui du recouvrement.

Le recouvrement retraite est encore assuré actuellement par un grand nombre d'acteurs différents mais vous avez voté des mesures dans les LFSS précédentes pour l'unification du recouvrement autour de l'ACOSS, pour la retraite notamment et pour d'autres questions qui ne concernent pas la retraite.

Certaines mesures concernant des régimes de taille limitée sont en cours de mise en œuvre. Vous avez aussi voté des dispositions sur des régimes de plus grande taille, en particulier la retraite complémentaire des salariés de l'agriculture, du commerce, de l'industrie et des services (AGIRC-ARRCO) et de la Caisse des dépôts et consignations. L'enjeu de la mise en œuvre de ces dispositions reste devant nous, dans les deux ou trois ans qui viennent, l'objectif étant évidemment d'assurer des gains d'efficience et de normaliser le recouvrement autour d'un acteur ayant vocation à devenir l'acteur pivot du recouvrement en France. Cela peut se faire indépendamment de l'unification de tous les régimes de retraite.

Mme Six a posé une question sur la Cour des comptes. Au-delà de l'impossibilité de certifier les comptes de la branche recouvrement, la Cour a en effet aussi émis, comme elle le fait chaque année d'ailleurs, des réserves sur les branches de prestations. Elle a certifié ces branches mais en émettant des réserves, dont certaines ne sont pas nouvelles. C'est le travail de l'auditeur de dire que nous pouvons faire mieux sur tel ou tel processus de gestion et d'émettre des recommandations.

Elle a également signifié que le contrôle interne de certaines prestations avait été allégé par rapport au contrôle interne habituel. C'est vrai car les caisses de sécurité sociale se sont concentrées sur les actions à fort enjeu, sur le contrôle interne à fort impact, mais n'ont pas pu mener les mêmes actions en 2020 que les autres années. 2020 n'était pas une année comme les autres, pour aucune des caisses de sécurité sociale, du fait du télétravail et des mesures nouvelles à mettre en œuvre comme les continuités de droits à la Caisse nationale des allocations familiales puis à l'assurance maladie.

Par ailleurs, l'assurance maladie a dû déployer des milliers d'agents sur les plateformes dites de contact tracing. Ces activités ont nécessité un redéploiement interne et donc un recentrage du contrôle interne sur les dispositions à fort impact au sein de chaque caisse. Lorsque nous sortirons de la crise, nous reviendrons dans un schéma normal et dans des plans d'amélioration des process que la Cour des comptes appelle à renforcer ou à améliorer.

M. Dharréville nous a interrogés sur les oubliés du « Ségur ». Je propose que nous apportions la réponse demain matin avec mes collègues de la direction générale de l'offre de soins.

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