J'ai souhaité dans le cadre des travaux de cette année faire le point sur la réforme du régime social des artistes‑auteurs adoptée en LFSS 2018. Cette réforme venait répondre à deux enjeux : faciliter la cotisation effective des artistes‑auteurs en supprimant la distinction entre affiliés et assujettis : l'ensemble des assurés cotise désormais dès le premier euro de revenu perçu ; fiabiliser les opérations de recouvrement, celles-ci étant auparavant assurées par deux associations agréés par le ministère de la culture, l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et la Maison des artistes (MDA).
Pour des raisons liées notamment aux failles de son système informatique, la première n'a pas pu correctement recouvrer les cotisations des assujettis pour l'assurance vieillesse et ce sont des milliers d'artistes‑auteurs qui n'ont pas pu bénéficier de leurs droits à la retraite. Je dis « des milliers », bien conscient qu'il s'agit d'une approximation mais mes auditions m'ont confirmé qu'il n'a pas été possible de chiffrer précisément le nombre de personnes qui ont pâti de cette situation.
Pensez-vous qu'il soit impossible de recenser précisément cette population ? Le cas échéant, engagez-vous des actions coordonnées entre l'AGESSA, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'ACOSS pour identifier les personnes concernées ?
Pour remédier à cette situation, la LFSS 2018 a permis de transférer les opérations de recouvrement vers l'Urssaf Limousin qui était déjà compétente en matière de contentieux. Force est de reconnaître que ce transfert n'a, à ce stade, pas rempli sa mission de simplification et de sécurisation des droits des auteurs.
Les auditions que j'ai menées m'ont amené à identifier deux grands types de dysfonctionnements. Il semble d'abord exister des difficultés techniques, de l'ordre de l'accès des affiliés à leur espace numérique, du taux de réponse de l'Urssaf Limousin ou de compréhension par les auteurs des nouvelles modalités de déclaration. Où en êtes-vous à ce sujet ? Les artistes‑auteurs peuvent-ils aujourd'hui accéder dans de bonnes conditions aux services que leur offre l'Urssaf ?
Une seconde catégorie de dysfonctionnements, plus structurels, concerne la campagne d'appel des cotisations 2020 sur les revenus 2019. Les organisations m'ont sensibilisé à deux difficultés. La première porte sur la campagne elle-même. Où en est-elle ? Si elle n'a pas encore démarré, quand sera-t-elle amenée à débuter ? Il ne faut pas oublier que les cotisations 2020 font l'objet des mesures dérogatoires que nous avons votées et qui ne peuvent pas s'appliquer aux artistes‑auteurs tant que leurs cotisations n'ont pas été appelées. En outre, il semble qu'il demeure des difficultés dans le remboursement du trop-perçu, à la fois dans l'information des artistes‑auteurs sur leur situation et dans la diligence avec laquelle le remboursement est mené. Pouvez-vous nous éclairer sur ces difficultés ? Ce problème est-il en cours de résorption ?
Plus globalement, le décalage des campagnes et ces difficultés dans la transition auront-ils un impact sur les prochaines campagnes ? Quand pouvons-nous attendre une normalisation du recouvrement des cotisations des artistes‑auteurs ?
Ces questions m'amènent à envisager l'avenir du régime social des artistes‑auteurs. Il me semble que le législateur pourrait améliorer l'information des cotisants et la sécurisation de leurs droits sociaux. Je pense en premier lieu aux retraités, souvent précaires, auparavant assujettis à l'AGESSA et qui n'ont pas pu faire valoir leurs droits à la retraite. Une circulaire de 2016 a prévu un dispositif de rachat de leurs trimestres selon des conditions dérogatoires en vertu desquelles ils disposent notamment d'un étalement de cinq ans pour racheter les durées pour lesquelles ils n'ont pas cotisé.
Les informations sont lacunaires mais il semble que seulement quelques centaines de dossiers aient été traités à ce stade par la CNAV de Paris. Pouvez-vous le confirmer et avez‑vous des pistes d'amélioration ? Je pense en particulier à la modulation dans la prise en compte de l'inflation qui peut renchérir exagérément le coût du rachat et au fléchage de l'aide sociale des caisses des artistes‑auteurs vers l'aide au rachat.
La question de l'accès des artistes‑auteurs à leurs droits sociaux se pose de manière plus large. Le caractère aléatoire de leurs revenus comme la proportion conséquente d'entre eux qui sont dans une situation précaire sans cotiser par ailleurs au régime général doit nous faire collectivement réfléchir aux réponses à leur apporter.
Les échanges avec les organismes ont fait émerger la problématique de l'accès qui reste encore limité aux indemnités journalières maladie et maternité, malgré un plancher déjà dérogatoire par rapport aux conditions de droit commun fixé à 900 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Les organisations revendiquent un abaissement de ce seuil à 600 SMIC au motif d'ouvrir des droits fondamentaux à de nouveaux bénéficiaires et dans un souci de lisibilité par rapport au seuil d'ouverture des droits à la retraite, également fixé conformément au droit commun à 600 SMIC. Avez-vous évalué une telle piste ? Savez‑vous combien de nouveaux bénéficiaires cet abaissement pourrait concerner ? Par ailleurs, estimez-vous que le seuil actuel de 900 SMIC demeure justifié au regard de la composition socio-fiscale de la population des artistes‑auteurs ?
Un dernier point plus technique me semble également faire émerger un certain consensus. Les artistes‑auteurs qui déclarent leurs revenus en traitements et salaires sont précomptés mais n'ont souvent pas accès à ce précompte, parfois faute de sa transmission par les diffuseurs. Il existe certes aujourd'hui au niveau réglementaire une sanction frappant le défaut de transmission des certificats de précompte mais pensez-vous que l'Urssaf puisse être techniquement armée pour délivrer automatiquement les certificats de précompte ?