Pour certaines questions, nous n'avons malheureusement pas plus de données que vous.
Nous partageons l'appréciation générale du rapporteur selon laquelle la réforme est encore en cours de mise en place mais atteint ses objectifs. Comme vous l'avez dit, c'est vrai en dentaire ainsi que pour les audioprothèses même si nous n'en sommes encore qu'au tout début, le « 100 % santé » ne datant que du mois de janvier dans ce domaine. Nous constatons toutefois que, depuis le début de l'année, nous sommes déjà largement dans les objectifs. Nous ne sommes un peu en deçà des objectifs que dans le cadre de l'optique et différentes actions sont mises en œuvre sur lesquelles nous pourrons revenir si vous le souhaitez.
Nous n'avons pas de données sur le renoncement aux soins : il est calculé à partir d'études par les services statistiques, notamment la direction de la recherche, des études et de l'évaluation et des statistiques (DREES). Cela ne peut pas être fait au fil de l'eau car ce sont des questionnaires assez lourds. Il faudrait voir avec la DREES quand auront lieu des publications sur les enquêtes 2020 mais ce ne sera probablement pas avant un ou deux ans.
Les données dont nous disposons proviennent souvent d'associations de terrain. Elles peuvent être éclairantes sur des situations locales mais ne donnent pas une vision générale.
Une autre manière de voir la baisse du renoncement aux soins consiste à regarder l'augmentation des volumes, en particulier pour les audioprothèses. Il nous faudra un peu de recul mais nous voyons en janvier et février que 40 % environ des audioprothèses vendues sont de classe 1 donc sans reste à charge. En outre, nous constatons une augmentation sensible des volumes, ce qui répond à l'objectif de la réforme de lutter contre le non‑recours. Nous estimions qu'un tiers environ des personnes ayant des problèmes auditifs s'équipaient et l'objectif était d'augmenter le taux d'équipement grâce à une offre sans reste à charge.
Nous ne pouvons pas tirer des enseignements précis sur le taux d'équipement des deux mois de début d'année mais, si le phénomène se confirme, la simple augmentation des volumes traduit une augmentation du recours. La situation est identique sur les prothèses dentaires mais nous aurons là encore besoin d'un peu de recul pour consolider les données.
Les personnes n'ayant pas de complémentaire, ce qui concerne, d'après les chiffres actualisés, 4 % de la population, ne sont pas uniquement des personnes défavorisées. Il existe une part de renoncement volontaire aux complémentaires et aussi, c'est vrai, une part de renoncement par des personnes à bas revenus qui n'ont pas recours à la complémentaire santé solidaire. Ce peuvent être des personnes en activité mais non couvertes par leur employeur car avec des temps partiels très courts ou des contrats à durée déterminée très courts, donc des salariés précaires. Ce sont aussi des personnes hors de l'activité, donc non couvertes de toute façon par leur employeur et qui ne prennent pas de contrat individuel en raison de son coût. Pour ces personnes, il faut améliorer le recours à la complémentaire santé solidaire, créée voici environ un an et demi.
Des actions sont en cours, notamment de l'assurance maladie, mais nous pouvons en imaginer d'autres. Des propositions seront peut-être formulées dans le cadre du PLFSS pour améliorer le recours dans le cas de personnes dont nous considérons qu'elles pourraient avoir accès à la complémentaire santé solidaire et ne le font pas.
La question des données sur les restes à charge hors « 100 % santé » est compliquée. Qui dispose des données du reste à charge après assurance maladie complémentaire ? Seules les assurances maladie complémentaires les ont. Le ministère de la santé ou l'assurance maladie ne connaissent pas le remboursement des complémentaires. Nous connaissons le remboursement de l'assurance maladie obligatoire et le reste à charge mais nous n'avons pas connaissance du niveau de prise en charge par la complémentaire. Nous savons qu'il n'existe pas de reste à charge sur le panier « 100 % santé » dès lors que les personnes ont une complémentaire mais nous ne connaissons pas le reste.
Dans le passé, alors que j'occupais de précédentes fonctions, j'avais essayé de lancer des projets avec les complémentaires pour créer une base statistique assez volumineuse, couvrant un grand nombre de complémentaires, afin de disposer de données individuelles mais ils n'ont pas abouti. Les complémentaires n'ont pas voulu s'engager dans ce processus. Nous ne disposons donc des données que complémentaire par complémentaire ou via des plateformes équivalentes à Santéclair. Chacun fournit ses propres données, qui ne sont évidemment pas des données concernant la France toute entière.
Ceci est certainement un manque dans notre système de santé et, d'ailleurs, renvoie à votre dernière question sur le remboursement de quelques centimes en optique hors « 100 % santé ». Comme vous l'avez dit, le Gouvernement a choisi de conserver un remboursement minime de l'assurance maladie non pas pour le remboursement en lui-même mais pour conserver l'information sur le coût de lunettes et l'identité de l'acheteur. Sans cette information, il faudra se tourner vers Santéclair et les plateformes équivalentes pour disposer d'informations puisque nous ne saurons plus qui achète des lunettes ni à quel prix hors du panier.
Nous avions eu cette discussion avec la FFA en 2018 lorsqu'elle regrettait le maintien de ce remboursement de quelques centimes au motif de sa complexité administrative. Il faut d'ailleurs relativiser cette complexité, puisque tout ceci est transmis de façon totalement numérique. Nous avions demandé à la FFA de nous faire une proposition au nom de l'ensemble des complémentaires pour créer un système d'information exhaustif. Nous n'avons malheureusement jamais reçu cette proposition mais cela reste peut-être possible dans l'avenir.
Nous ne disposons donc pas du reste à charge après assurance maladie complémentaire et il faudra faire des enquêtes sur la question. Nous disposons tout de même de données sur le reste à charge global et non individuel par poste de dépense. Ces données paraissent dans les comptes de la santé publiés chaque année en septembre par la DREES. J'espère que nous pourrons alors étudier l'évolution du reste à charge global, notamment sur le poste de l'optique.
Les audioprothésistes nous ont alertés en début d'année sur le fait que certaines complémentaires semblaient diminuer les remboursements sur le panier hors « 100 % santé ». Après avoir beaucoup échangé avec eux et avec les complémentaires au sein du comité de suivi de la réforme, il semble que cela ne concerne que quelques petites complémentaires. Les fédérations des organismes complémentaires n'ont pas constaté de mouvement général, massif, significatif de baisse des remboursements.
En revanche, l'écart est par définition accru entre la classe « 100 % santé » et les autres puisque l'achat d'une prothèse de la classe « 100 % santé » se fait sans reste à charge, même sans baisse du remboursement. Dans la plupart des garanties, il existe effectivement un reste à charge sur la classe 2. Les audioprothésistes ont regretté ce reste à charge en considérant que les complémentaires devaient également augmenter le remboursement sur la classe 2, ce qui n'était pas la logique de la réforme « 100 % santé ».
Le coût de la réforme était estimé à environ 1 milliard d'euros, dont trois quarts pour l'assurance maladie obligatoire et un quart pour les complémentaires. Nous ne sommes pas encore capables de l'évaluer ex post ; c'est un peu tôt, toujours pour les mêmes raisons. Nous avons besoin d'une vision stabilisée sur le comportement des assurés en ce qui concerne le recours à ces paniers. Il fallait donc attendre la mise en œuvre de l'ensemble du « 100 % santé », c'est-à-dire la dernière étape au mois de janvier pour disposer d'un peu de recul sur les comportements. Six mois, soit les six premiers mois de 2021, nous semblent nécessaires. Nous pouvons espérer qu'en septembre ou octobre, au moment des débats sur le PLFSS, nous serons capables d'évaluer les recours aux soins, y compris sur le dentaire et l'optique, qui ont été très chahutés en 2020.
L'année 2020 n'est pas représentative de ce que seront les comportements des assurés et il ne nous semble donc pas utile de reconstituer le coût du « 100 % santé » hors covid pour l'année 2020. Nous ne savons pas ce qu'auraient été les comportements hors covid en 2020. Le chiffrage de la FFA est fondé sur des hypothèses totalement conventionnelles. En 2020, les organismes complémentaires ont économisé 2,5 milliards d'euros ; dire avoir dépensé 150 millions d'euros au titre du « 100 % santé » n'a pas de sens. Il faut en réalité attendre d'être après le covid pour savoir quels sont les comportements hors covid. Nous espérons pouvoir le faire en 2021.
Le coût sera-t-il proche de ce qui était anticipé ? Dans le schéma général, des économies étaient effectivement prévues pour les financeurs côté optique et plutôt des surcoûts liés aux prothèses côté dentaire. Pour les prothèses dentaires, nous sommes plus haut que ce qui avait été fixé comme objectif et plutôt plus bas sur l'optique. Il est donc probable que cela ne s'équilibre pas globalement. Si les chiffres de recours dont nous disposons aujourd'hui étaient confirmés, le coût de la réforme pour l'assurance maladie obligatoire pourrait être un peu supérieur à ce qui était anticipé.