COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 26 mai 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Dans le cadre du Printemps social de l'évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l'assurance maladie réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins, M. Maurice-Pierre Planel, directeur général adjoint à la direction générale de la santé, M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie, et Mme Natacha Lemaire, rapporteure générale du Conseil stratégique de l'innovation en santé au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales.
Nous poursuivons ce matin le Printemps social de l'évaluation commencé hier après-midi et nous abordons maintenant la thématique de l'assurance maladie. Je remercie les rapporteurs de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) pour leurs contributions ainsi que les administrations qui ont répondu à notre invitation et travaillé avec nos collègues.
Je tiens d'abord à remercier les administrations d'avoir répondu favorablement à notre invitation dans un contexte qui demeure difficile sur le plan sanitaire. Nous saluons tous votre travail et, à travers vous, la mobilisation des administrations et des professionnels de santé depuis maintenant une très longue, trop longue année.
J'ai d'abord deux questions sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ; elles s'adressent prioritairement à la direction de la sécurité sociale.
Le mois dernier, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a pointé du doigt un risque sérieux de dépassement de l'ONDAM de plus de 0,5 % en 2021. Les causes de ce dépassement sont connues et tiennent à l'intensité de la troisième vague épidémique, qui a entraîné de fortes tensions dans le système hospitalier et maintenu à un niveau élevé les dépenses de tests biologiques. Une dotation exceptionnelle de 3,8 milliards d'euros a de plus été accordée à Santé publique France, essentiellement pour faire face aux besoins d'achat de vaccins. Je souhaite que vous nous éclairiez sur les raisons pour lesquelles la provision établie à l'automne 2020 pour la vaccination se révèle bien inférieure aux besoins d'achat de vaccins et au financement de la campagne nationale de vaccination.
Je souhaite également vous interroger sur la refonte de l'ONDAM que vous avez engagée et qui devait intervenir pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Quelles sont, parmi les préconisations faites le mois dernier par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), celles qui vous paraissent pouvoir et devoir être mises en œuvre ? Serez-vous en mesure de nous présenter un ONDAM renouvelé dès cet automne ?
Concernant le Ségur de la santé, où en sommes-nous de sa mise en œuvre concrète en 2020 et en 2021, notamment sur les volets revalorisations, investissements et recrutements ?
Sur un autre sujet, qui relève plutôt de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), vous connaissez mon investissement personnel dans la réforme du financement des urgences. Quel premier bilan pouvez-vous dresser des quelques mois d'application des nouvelles dotations populationnelles ? En ce qui concerne la réforme des hôpitaux de proximité qui conjugue réforme du financement et réforme structurelle, quelles seront les prochaines étapes maintenant que l'ordonnance a été publiée ?
L'année dernière, le Printemps social de l'évaluation a permis l'évaluation de financements au forfait de deux pathologies chroniques, d'où deux interrogations qui concernent la DGOS et la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). Les négociations qui étaient à l'arrêt sur le forfait « diabète » ont-elles repris ? Les deux critiques principales adressées à la mise en œuvre sur le terrain du forfait « insuffisance rénale chronique » portaient sur l'inadaptation des systèmes d'information et sur la lourdeur du recueil des données. Des mesures ont-elles été mises en œuvre pour corriger le dispositif sur ces deux aspects ?
Le Printemps social de l'évaluation avait également donné lieu à l'évaluation du financement à la qualité. Quel regard portez-vous sur la montée en charge de ce dispositif ? Les indicateurs qualité doivent-ils encore évoluer ?
Enfin, je suis très attaché à l'application de la loi pour l'organisation et la transformation du système de santé. Un certain nombre d'ordonnances ont été récemment publiées. Pouvez-vous en quelques mots nous rappeler où nous en sommes de la publication de ces ordonnances ? Plus précisément, l'une d'elles autorise les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à assurer plusieurs missions de service public, dont la participation à la réponse aux crises sanitaires. Pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer quelles aides seront mises en place pour compenser la charge des missions de service public exercées par les CPTS, condition sine qua non de la réussite de cette mesure ?
Les co-présidents de la MECSS co‑organisent avec votre commission ce Printemps social de l'évaluation. Cela me donne l'occasion de vous remercier, madame la présidente, pour le soutien apporté tout au long de l'année aux travaux de la MECSS. Nombre de nos collègues s'investissent dans ce travail d'évaluation et c'est aussi l'occasion pour moi, au nom également de la co-présidente Annie Vidal, de remercier nos collègues investis ce matin : Cyrille Issac-Sibille rapportera notamment sur la réforme du « 100 % santé », notre rapporteur général Thomas Mesnier sur le renforcement des obligations vaccinales et notre collègue Marc Delatte sur la pertinence de la prise en charge des produits de santé. Je crois que jamais le Parlement n'est tant à sa place que lorsque, outre sa fonction purement législative, il contrôle et évalue.
Ma première question, mesdames et messieurs les directeurs, porte sur les derniers travaux du HCAAM. Ils font écho à des travaux de la Cour des comptes, notamment sur la programmation pluriannuelle et sur l'organisation de cette programmation. Où en sont à ce jour les réflexions sur le sujet ? Comment envisagez-vous les débats politiques qui devraient nourrir cette programmation pluriannuelle et l'évaluation qui pourrait en être faite par le Parlement chaque année ? Il s'agit de bien mesurer, comme le rappelle la Cour des comptes, les écarts entre la programmation pluriannuelle et l'exécution budgétaire annuelle.
Ma deuxième question porte sur l'ONDAM. Cet instrument de régulation est devenu depuis quelques années presque exclusivement budgétaire. C'est une sorte d'entonnoir dans lequel nous nous efforçons de faire entrer l'ensemble du système de santé. C'est aussi sans doute cet entonnoir qui a occasionné un certain nombre des difficultés rencontrées aujourd'hui par notre système de santé dans la plupart des territoires. Comment pourrions‑nous le faire évoluer, en conservant évidemment un instrument de régulation, pour aller vers une régulation autant qualitative qu'elle est aujourd'hui quantitative ?
Ma troisième question porte sur l'avenir. Lorsque nous avons voté la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, les recettes traditionnelles de la sécurité sociale que sont l'impôt, via la contribution sociale généralisée (CSG), et les cotisations sociales ne représentaient plus que 76 % des recettes de la sécurité sociale. Le reste vient d'expédients : un peu de dette, un peu de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un peu de transfert aux assureurs privés. Combien de temps pensez-vous que le système pourra tenir ainsi ?
Pour la première fois en 2021, les recettes de TVA qui demeureront dans le budget de l'État seront inférieures à 100 milliards d'euros puisque 20 % des recettes de la TVA sont distribués aux collectivités locales à titre de compensation et 28 % de la TVA vient financer la sécurité sociale. Une vraie question se pose donc sur le devenir du financement de la sécurité sociale et la pérennité de ce financement. Quelles sont les réflexions éventuellement en cours dans vos différents organismes et services sur ce financement ? Il s'agit que, à l'occasion du prochain mandat présidentiel, aucun Président de la République ne se présente un soir à 20 heures devant les Français pour annoncer la fin de la sécurité sociale et sa mise en cessation des paiements.
J'imagine que ces questions font l'objet de réflexions approfondies de la part de vos services. Il serait intéressant que la représentation nationale puisse en être informée puisque, in fine, c'est la représentation nationale qui vote les crédits qui sont alloués à la sécurité sociale chaque année.
En ce qui concerne l'ONDAM et la mission du HCAAM, l'ONDAM voté en LFSS 2021 comportait une provision au titre de la crise pour un peu plus de 4 milliards d'euros. Cette provision était destinée au financement de tests, de vaccins et d'autres dépenses de Santé publique France, notamment de masques. Nous savions lorsque cet ONDAM a été construit que cette provision était conventionnelle et aurait vocation à être revue à la hausse s'il devait se produire de nouvelles vagues. Il avait été dit clairement lors de la présentation du PLFSS l'année dernière que cette hypothèse avait été retenue, de la même façon que les hypothèses dans le cadre du projet de loi de finances sur les dépenses de l'État reposaient sur l'absence de nouvelle vague en 2021.
Nous avons enregistré de nouvelles vagues, fin 2020 puis début 2021, et cela conduit à des dépenses supplémentaires, notamment des dépenses en ville pour le financement des tests PCR et des tests antigéniques. Nous savions que les tests seraient nombreux au début de l'année 2021 ; ils le sont encore davantage que prévu et durant une période plus longue que ce que nous imaginions.
Par ailleurs, nous enregistrons des dépenses supplémentaires sur les vaccins, en particulier pour l'achat de vaccins par Santé publique France dans le cadre des marchés négociés par l'Union européenne. Chaque pays n'a pas, individuellement, la main sur le prix de ces vaccins mais nous nous inscrivons dans des marchés européens qui conduisent à acheter ou précommander un nombre de vaccins très élevé pour ne pas prendre de risque ensuite, si certains s'avèrent disponibles plus rapidement que d'autres ou plus efficaces que d'autres. L'enveloppe globale pour les vaccins a donc été revue à la hausse.
Nous avons également engagé des dépenses supplémentaires liées à des surcoûts, en particulier à l'hôpital, et d'autres dépenses liées aux indemnités journalières. En effet, la crise se poursuivant, la troisième vague se traduit par des hausses d'indemnités journalières même si tout cela est actuellement encore très prévisionnel.
Le chiffre retenu et présenté au comité d'alerte de l'ONDAM au mois d'avril est un chiffre proche de 9 milliards d'euros au lieu des 4,3 milliards d'euros votés en LFSS. C'est certainement l'ordre de grandeur qui sera retenu par le comité d'alerte lorsqu'il présentera la semaine prochaine l'avis qu'il doit remettre chaque année avant le 1er juin.
Nous serons probablement entre 9 et 10 milliards d'euros. Nous considérons que c'est un chiffre médian au sein d'une fourchette sur laquelle il reste encore beaucoup d'incertitudes sur ce que seront les surcoûts liés à la crise au second semestre. Combien de tests seront-ils faits ? Quels seront les surcoûts éventuels à l'hôpital ou dans les établissements médicosociaux ? Je pense que le comité d'alerte relèvera l'incertitude attachée à cette prévision.
Tout le monde savait évidemment lors de la discussion sur le PLFSS que nous avions devant nous une très grande incertitude, raison pour laquelle vous avez voté une disposition selon laquelle le Gouvernement n'a pas présenté des mesures de rééquilibrage à la suite de la remise de l'avis du comité d'alerte au mois d'avril. La loi prévoit en effet, en cas de risque sérieux de dépassement en avril, que le Gouvernement doit présenter des mesures de rééquilibrage. Cette disposition a été levée cette année dans le contexte de la crise.
Le HCAAM a remis son avis et finalise actuellement son rapport. C'est un travail très riche que je ne résumerai pas ici mais, parmi les orientations proposées par le HCAAM se trouve celle de renforcer la dimension pluriannuelle de l'ONDAM. Il s'agit d'être capable de construire une trajectoire mieux éclairée par les effets d'offre et d'organisation des soins mais aussi par les effets de demande de prise en charge des pathologies. Il faut que cette trajectoire ne soit pas qu'une trajectoire budgétaire mais soit enrichie par une compréhension de la manière dont se forment les dépenses de santé, de la démographie médicale, des revenus...
Cette proposition est cohérente avec les recommandations de la « commission Arthuis », qui proposait également d'avoir une vision davantage pluriannuelle des dépenses publiques. Elle est aussi cohérente avec les deux propositions de loi organique évoquées lors de la séance d'hier après‑midi et qui visent à renforcer cette dimension pluriannuelle du pilotage des finances publiques.
Ce pilotage pluriannuel de l'ONDAM s'enrichirait dans la proposition du HCAAM d'une proposition qui reste à travailler et à préciser mais qui a retenu l'intérêt des membres du HCAAM. Celle-ci consiste à identifier une provision pluriannuelle au sein de cette trajectoire pluriannuelle afin de s'extraire d'une régulation purement infra-annuelle dès lors que nous resterions dans le cadre de la provision pluriannuelle. Ainsi, si nous dépassons un peu l'ONDAM une année, nous ne serions pas forcément obligés de réguler ex post – nous pensons évidemment au gel des tarifs hospitaliers – mais nous pourrions le réguler de façon pluriannuelle, c'est-à-dire prendre des mesures pour revenir ou rester dans le cadre de cette trajectoire enrichie de la provision. Cela reste à préciser techniquement mais a semblé vraiment intéressant aux membres du HCAAM. Si nous y parvenions, ce serait évidemment une évolution assez forte du pilotage annuel et pluriannuel de l'ONDAM.
Tout cela n'est pas pour cette année. Cela ne peut s'entendre que dans le cadre d'une trajectoire pluriannuelle et, plus largement, dans le cadre d'une trajectoire de pilotage des finances publiques. Nous voyons bien que cela renvoie à une prochaine loi de programmation des finances publiques et aux décisions politiques qui devront être prises lors du prochain quinquennat et de la prochaine législature.
Certaines recommandations pourraient être prises en compte dès cette année. Elles sont davantage techniques mais, en matière de construction de l'ONDAM, la technique a toujours un lien fort avec l'impact sur les acteurs. L'une des orientations portées par le HCAAM, partagée par la « commission Arthuis » et, je crois, par le rapporteur général, consiste à enrichir l'annexe 7 sur l'ONDAM pour disposer d'informations plus précises sur les dépenses des hôpitaux, l'investissement des hôpitaux et l'endettement des établissements publics.
Je crois que tout le monde reconnaît aujourd'hui que le pilotage de l'ONDAM hospitalier à travers les dotations de l'assurance maladie ne permet pas d'avoir une vision claire et exhaustive de ce qu'il se passe à l'hôpital. Ce sont des travaux techniques assez lourds qui concernent des milliers d'établissements et qui nécessitent de compiler et analyser beaucoup de données. Ce sera à introduire progressivement, la première étape ayant lieu dès cette année puis les autres dans les années suivantes. Ils permettront d'enrichir largement les débats au Parlement lors de l'examen du PLFSS.
Par ailleurs, d'autres évolutions sont possibles dans la présentation et la construction de l'ONDAM mais il est encore un peu tôt pour en parler. Les ministres n'ont pas encore pris leur décision et nous travaillons techniquement à savoir ce qui sera possible.
Nous avons bien avancé sur l'ensemble des piliers du Ségur de la santé, notamment sur le premier pilier, qui concerne les revalorisations, les travaux sur les carrières et l'attractivité des professionnels, pour les personnels médicaux et les personnels non médicaux. Notre calendrier est très dense depuis septembre dernier ; sa mise en œuvre a été rapide et effective et se poursuit au moins jusqu'à la fin du premier semestre, voire durant l'ensemble de l'année 2021. Je ne sais pas si vous souhaitez que je détaille car les mesures sont nombreuses. Je pourrai vous transmettre le calendrier précis de ce qui a été fait et de ce qu'il reste à faire. Il s'agissait pour nous d'une priorité forte du fait des attentes des personnels de santé, notamment en termes de rémunérations mais aussi d'attractivité de leurs carrières.
Le premier volet du deuxième pilier était le plan d'investissement. Il s'agissait de substituer au critiqué comité interministériel de la performance et de l'offre de soins hospitaliers (Copermo) de nouvelles modalités de gouvernance. C'est chose faite : le Comité national de l'investissement en santé (CNIS) a été mis en place par le ministre voici quelques semaines. Nous avons installé les différents comités de pilotage qui doivent traiter des investissements et un certain nombre de décisions ont déjà été prises pour des investissements très attendus, à Tours et à Bordeaux par exemple. Nous sommes donc pleinement en ordre de marche pour que de nouvelles décisions d'investissement soient prises dans les prochains mois.
Ce pilier comportait également des mesures importantes sur les réformes du financement. Nous avons dû surseoir et décaler certaines de ces réformes. Je pense à la psychiatrie et aux soins de suite et de réadaptation (SSR), décalés à 2022. Néanmoins, les travaux sont déjà bien engagés puisque pour la psychiatrie, nous finalisons actuellement le projet de décret et souhaitons qu'il soit publié cette année, même si sa mise en œuvre est reportée à 2022. C'est également le cas pour les SSR.
Pour le financement des urgences, la mise en œuvre a déjà démarré en 2021. Une première tranche a été allouée lors de la première circulaire budgétaire pour une partie de la nouvelle dotation populationnelle et un complément sera octroyé en deuxième circulaire budgétaire. Cette réforme s'échelonnera tout au long de l'année. Je crois qu'elle est très attendue et très importante. Elle constitue une première marche dans la mise en œuvre de ces réformes de financement, même si nous avons dû en décaler quelques-unes du fait de l'impact de la crise sanitaire sur les agences régionales de santé (ARS) et les établissements. Cette réforme nécessite en effet leur engagement plein et entier.
Un certain nombre de travaux sont en cours pour le dispositif d'incitation financière à la qualité (IFAQ). Notre objectif est que les travaux se poursuivent à l'échelon national pendant la crise, même si la mise en œuvre a été décalée en 2022. Nous travaillons sur une extension et un enrichissement du périmètre du dispositif IFAQ, notamment pour la santé mentale, ainsi qu'au développement de nouvelles catégories d'indicateurs. Nous voulons aussi faciliter le recueil de ces indicateurs et recueillir des indicateurs avec un volet davantage médicalisé pour donner plus de sens. En effet, le dispositif IFAQ comporte des indicateurs très transversaux qui concernent tous les types d'établissements – dossiers patients, etc. – mais nous devons maintenant rattacher ces indicateurs à des secteurs d'activité puisqu'ils font partie de la réforme du financement. C'est le cas pour les urgences, les SSR ou la psychiatrie.
Nous devons enrichir deux branches d'indicateurs : des indicateurs transversaux et des indicateurs très corrélés à des catégories d'activité très spécifiques. Ce sont aussi des indicateurs qui « parlent » davantage aux établissements et aux professionnels de santé, ce qui en fait un enjeu très important. Ce sujet rejoint la question de l'enrichissement et de la médicalisation de nos bases et de nos indicateurs, avec un souci de simplification du recueil. Nous devons progresser collectivement sur cette simplification.
Il existe aussi un volet recherche, qui n'est pas le plus complexe à mettre en œuvre puisqu'il s'agit d'un abondement des dotations des crédits de financement de la recherche pour 50 millions d'euros par an. C'était très attendu et cela a démarré dès cette année.
Plusieurs ordonnances relatives à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) ont été publiées le 12 mai : l'ordonnance et le décret sur les hôpitaux de proximité ; l'ordonnance portant réforme des autorisations, qui est une ordonnance transversale puisqu'il s'agit de décrets venant mettre en œuvre la refonte des conditions d'autorisation de chaque segment d'activité ; l'ordonnance sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), pour laquelle le décret est sorti du Conseil d'État et devrait être publié très prochainement ; l'ordonnance sur l'exercice coordonné, qui est également relative aux CPTS et aux maisons de santé.
Une dernière ordonnance concernant la recertification des professionnels de santé est en cours de concertation. Le délai qui nous est imposé est très court et nous nous concertons actuellement très activement avec l'ensemble des professionnels, des ordres, le conseil national de pilotage, les organisations syndicales et les fédérations. Ce sera finalisé cette semaine en espérant un accord global sur les grands principes retenus dans l'ordonnance qui pourrait vous être présentée. Nous saurons si c'est possible en fin de semaine ou au début de semaine prochaine ; je suis plutôt optimiste.
Je souhaite en savoir un peu plus sur la réforme des hôpitaux de proximité, autant d'un point de vue structurel que financier, et sur les forfaits « diabète » et « insuffisance rénale chronique » (IRC).
S'agissant des hôpitaux de proximité, nous avons concentré nos efforts sur la réforme de la gouvernance. Le texte vient d'être publié dans le cadre de l'ordonnance. La gouvernance mise en place est très particulière. Nous souhaitons, dans les mois qui viennent, nous assurer de la bonne mise en œuvre de ces textes qui doivent concrètement permettre de bien faire le lien avec le GHT auquel ces hôpitaux appartiennent tout en leur donnant des modalités de travail spécifiques pour qu'ils soient très proches des libéraux, notamment des CPTS et maisons de santé. L'enjeu est de réussir la mise en place concrète de cette gouvernance dans les prochains mois.
Nous n'avons pas repris les travaux sur les forfaits « diabète ». Nous redémarrons pour les forfaits « IRC ». Nous avons poursuivi leur mise en œuvre cette année. En 2021, nous versons l'intégralité du forfait si les trois consultations – néphrologue, infirmière et diététicien – sont réalisées, avec un abattement de 33 % pour une consultation non effectuée et aucun versement en l'absence de consultation d'un néphrologue. Nous régularisons les forfaits 2020 et nous poursuivons les travaux pour 2022. Il s'agit de construire la partie indicateurs de résultat et de qualité. Nous ne l'avions pas encore entamée et nous travaillons cette année en espérant une mise en œuvre en 2023 ou 2022. Notre priorité est de compléter ce modèle avec ce volet des indicateurs de qualité.
Les travaux de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation se poursuivent évidemment pour améliorer les modalités de recueil de ces outils. Il s'agit d'un sujet transversal qui concerne aussi ces forfaits.
Nous sommes associés aux travaux sur les questions qui nous concernent comme les questions de santé mentale, un sujet important en cette période. Nous contribuons avec la direction de la sécurité sociale, la DGOS et la CNAM à la mise en œuvre de ces mesures mais, sur les questions d'exécution budgétaire, je préfère laisser les directions compétentes répondre.
L'exercice de prévision est particulièrement délicat cette année, notamment sur les tests et la campagne vaccinale pour lesquels les hypothèses de montée en charge et de coût sont difficiles à mesurer. Nous travaillons en lien étroit avec la direction de la sécurité sociale et avec les professionnels concernés pour partager ces hypothèses. Je souligne l'investissement de l'assurance maladie pour garantir le financement de ces tests et de cette campagne de vaccination.
La crise nous a montré l'intérêt de la structuration territoriale par les CPTS, qui permet aux professionnels de santé libéraux d'être mieux organisés et d'interagir avec les parties prenantes, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, des ARS, des services de l'État ou des établissements de santé. Beaucoup de CPTS se sont investies dans les centres covid lors de la première vague et dans la campagne vaccinale depuis le début de cette année.
Afin de les soutenir, nous avons engagé à l'automne dernier des négociations sur l'avenant à l'accord interprofessionnel pour donner à ces CPTS une mission de préparation et de gestion des crises sanitaires. J'insiste sur ces deux volets : un volet d'anticipation pour accompagner les CPTS dans leur capacité à se préparer, à vérifier leurs circuits d'information, à anticiper d'éventuelles crises sanitaires ; un volet de soutien à ces communautés professionnelles en cas de crise sanitaire.
Nous avons fait des propositions de financement, à la fois sur le volet de la préparation et sur un financement qui se déclencherait en cas de crise. Ces négociations ont été gelées du fait des élections professionnelles au printemps. Ce volet n'était pas le plus compliqué et les propositions étaient largement consensuelles. Nous devrions pouvoir reprendre durant l'été cette discussion avec l'ensemble des syndicats. Nous attendons le résultat des enquêtes de représentativité suite aux élections pour avoir des partenaires représentatifs et réenclencher les négociations.
Je souligne l'importance que l'assurance maladie attache aux travaux du HCAAM sur l'ONDAM, ainsi que l'intérêt et la difficulté d'une programmation pluriannuelle. Elle devrait permettre de concilier les différents objectifs de l'ONDAM, de mieux le relier aux objectifs de transformation du système de santé, d'organisation des soins et aux priorités de santé publique.
Nous en venons à l'évaluation de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, relatif au « reste à charge zéro ».
Comme l'année dernière, la MECSS m'a confié l'analyse de cette réforme essentielle pour un meilleur accès au soin. La réforme dite « 100 % santé » prévue à l'article 51 de la LFSS 2019, votée en 2018 et étalée sur les années 2019, 2020 et 2021, permet à tous les assurés bénéficiant d'un contrat de complémentaire santé responsable ou solidaire d'accéder à un panier de soins sans reste à charge dit « 100 % santé » dans trois domaines : l'optique, les aides auditives et les soins prothétiques.
Le suivi de cette réforme pourrait être aisé à réaliser puisque nous pouvons l'évaluer simplement par des chiffres. Néanmoins, trois éléments compliquent cette évaluation : il s'agit d'une réforme dont la mise en œuvre est progressive, étalée sur trois ans ; cette réforme a aussi été impactée sur le terrain par la crise sanitaire, notamment par le premier confinement ; enfin, son suivi requiert un grand nombre d'informations, souvent difficiles à obtenir et que je n'ai pas toutes en ma possession malgré les auditions que j'ai menées. Je vous remercie donc pour votre présence et pour l'ensemble des éléments que vous nous communiquerez. Ils nous permettront d'affiner ensemble ce suivi.
Les premières données chiffrées dont nous disposons permettent de dresser un bilan globalement très positif de la réforme. Ils montrent une forte pénétration de l'offre « 100 % santé », notamment en dentaire et en audiologie. En 2020, le panier « 100 % santé » a représenté 52 % des actes réalisés en dentaire, soit un pourcentage bien supérieur à l'objectif, qui était de 40 %. Depuis le 1er janvier 2021, date à laquelle la réforme est pleinement en vigueur concernant l'audiologie, 30 à 35 % des aides auditives proviennent du panier « 100 % santé ». Ces résultats, encore à consolider, sont également bien supérieurs à l'objectif initial de 20 %. Le bilan est donc très positif dans ces deux domaines.
En revanche, le bilan est plus mitigé pour l'optique. En 2020, seuls 17 % des verres simples, 10 % des verres complexes et 13 % des montures provenaient du panier « 100 % santé ». Ces chiffres en deçà de l'objectif initial de 20 % ne doivent pas pour autant nous faire conclure à un échec total de la réforme pour l'optique. Ils s'expliquent en partie par la préexistence de nombreuses offres sans reste à charge dans ce secteur.
La réforme « 100 % santé » devait permettre de répondre à une exigence sanitaire et sociale en contribuant à diminuer les restes à charge et à lutter contre le non-recours aux soins. Remplit-elle ces objectifs ?
Commençons par la lutte contre le renoncement aux soins. Les premiers éléments très parcellaires transmis par la CNAM concernent les assurés bénéficiant du dispositif « mission accompagnement santé ». Ces éléments nous laissent penser que la réforme pourrait avoir un impact important dans la lutte contre le non-recours aux soins. Disposez-vous d'autres données que celles de la mission accompagnement santé, qui ne représentent que quelques milliers de personnes ? Cela nous permettrait de savoir si cette réforme a diminué le non-recours aux soins à l'échelle de l'ensemble du territoire.
Disposez-vous de données en matière de prévention ? J'aimerais tout particulièrement connaître les effets de la réforme sur le recours aux soins conservateurs en dentaire. Il s'agissait d'une annexe au « 100 % santé ». La revalorisation des soins conservateurs dentaires était également importante pour la prévention et il serait intéressant de savoir si le recours à ces soins a augmenté.
Enfin, quelles sont les mesures que vous avez prises ou que vous envisagez de prendre pour assurer un accès à des soins optiques, dentaires ou d'audiologie de qualité pour les personnes les plus défavorisées qui ne bénéficient pas de la réforme « 100 % santé » ? Il s'agit des personnes qui n'ont pas de complémentaire santé solidaire ou responsable. Je rappelle que 5 % de la population n'a pas de complémentaire aujourd'hui et ces personnes sont donc exclues de cette réforme.
Au-delà du renoncement aux soins, qu'en est-il des autres restes à charge ? Ils sont aujourd'hui nuls pour les équipements du panier « 100 % santé » dans les trois secteurs, ce qui est un réel progrès dans la mesure où ils étaient particulièrement élevés avant la réforme. Nous pouvons donc dire que cette réforme est une belle réforme.
Sur les équipements hors « 100 % santé », l'évaluation des restes à charge est plus complexe à appréhender. Il faut noter que certains organismes complémentaires ont baissé leur niveau de garantie sur les produits hors « 100 % santé » dans leur contrat d'entrée de gamme. Malgré cela, les restes à charge sur le hors « 100 % santé » ne semblent pas avoir augmenté d'après les données dont nous disposons, essentiellement issues du réseau de soins Santéclair. Ils auraient même diminué en audiologie et en dentaire.
En audiologie, le reste à charge était de 780 euros en 2016 et il est aujourd'hui nul pour les appareils de classe 1. Selon les données de Santéclair, il serait de 784 euros pour les appareils de classe 2, c'est-à-dire les appareils haut de gamme pour lesquels le reste à charge était sans doute bien supérieur en 2016.
En dentaire, le reste à charge moyen pour les couronnes céramo-métalliques était de 135 euros en 2016 et est aujourd'hui nul pour le « 100 % santé ». Il est de 160 euros pour le panier modéré et de 170 euros pour le panier libre. Il est difficile de comparer puisque les données ne concernent que les réseaux « 100 % santé » et que les restes à charge moyens indiqués par Santéclair comprennent d'autres produits que les couronnes céramiques. Il paraît assez vraisemblable que le reste à charge pour un équipement de même qualité ait sensiblement baissé.
En optique, le reste à charge de l'équipement s'élevait à 95 euros en 2016. En 2020, il serait de 46 euros pour les verres unifocaux, 140 euros pour les verres multifocaux et 90 euros pour les montures, hors « 100 % santé » et hors offre sans reste à charge. Il est compliqué avec ces seules données de savoir précisément comment les restes à charge ont évolué en optique.
Nous n'avons pas réussi à obtenir de données consolidées sur le reste à charge. Disposez-vous d'autres données que celles du réseau Santéclair sur ce sujet ? Effectuez-vous un suivi des niveaux de remboursement par les complémentaires des produits n'appartenant pas au panier « 100 % santé » ? Savez-vous quelle est la part des assurés concernés par les baisses remboursement ?
Venons-en au financement de la réforme. Au moment de son adoption, le coût de la réforme était estimé à 755 millions d'euros par an pour l'assurance maladie d'après l'étude d'impact annexée au PLFSS. La Mutualité française évaluait quant à elle le coût de cette réforme pour les assurances complémentaires à 150 millions d'euros par an.
L'an dernier, vous aviez dit qu'il était encore trop tôt pour disposer des données relatives au coût de la réforme. Il est certain qu'il est également difficile cette année d'établir un bilan chiffré compte tenu de l'interruption quasi totale de l'activité pendant quelques mois.
La Fédération française de l'assurance (FFA) a néanmoins conduit un exercice intéressant en estimant le coût hors covid de la réforme. Il s'élèverait à 150 millions d'euros sur le périmètre des assurances. La crise sanitaire aurait surtout eu pour conséquence de décaler le coût de la réforme. La Mutualité française estime ce coût à 144 millions d'euros pour 2021 dans son périmètre.
Pourriez-vous nous fournir une estimation du coût de la réforme pour l'assurance maladie obligatoire ? Avez-vous fait le même exercice que les assureurs, à savoir estimer le coût hors covid de la réforme ?
L'hypothèse faite à l'époque était que les économies sur l'optique pouvaient, pour les complémentaires, couvrir les surcoûts en dentaire et en audiologie induits par les réformes. Cette hypothèse est-elle confirmée aujourd'hui ? Quel est l'effet de la réforme sur les cotisations demandées aux assurés ? J'ai bien entendu hier que nous avions voté 1,5 milliard d'euros. Le solde est sans doute de 2 milliards, voire 2,5 milliards d'euros. L'évolution de 3 % du coût des mutuelles est-elle vraiment justifiée ?
Enfin, sommes-nous allés jusqu'au bout de la réforme ? Est-elle réellement achevée ? Je pense en particulier au lien entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires pour l'optique. Les remboursements par l'assurance maladie obligatoire sur le panier à prix libre sont désormais très limités puisque l'assurance maladie rembourse 9 centimes d'euro, qui lui permettent principalement de conserver un droit de regard sur le remboursement effectué par les organismes complémentaires. Cela engendre une complexité administrative inutile.
Ne pourrions-nous pas envisager d'expérimenter, au moins dans une région, un système dans lequel nous ferions davantage confiance aux organismes complémentaires qui prendraient en charge et géreraient la part sécurité sociale sur le panier libre ?
Pour certaines questions, nous n'avons malheureusement pas plus de données que vous.
Nous partageons l'appréciation générale du rapporteur selon laquelle la réforme est encore en cours de mise en place mais atteint ses objectifs. Comme vous l'avez dit, c'est vrai en dentaire ainsi que pour les audioprothèses même si nous n'en sommes encore qu'au tout début, le « 100 % santé » ne datant que du mois de janvier dans ce domaine. Nous constatons toutefois que, depuis le début de l'année, nous sommes déjà largement dans les objectifs. Nous ne sommes un peu en deçà des objectifs que dans le cadre de l'optique et différentes actions sont mises en œuvre sur lesquelles nous pourrons revenir si vous le souhaitez.
Nous n'avons pas de données sur le renoncement aux soins : il est calculé à partir d'études par les services statistiques, notamment la direction de la recherche, des études et de l'évaluation et des statistiques (DREES). Cela ne peut pas être fait au fil de l'eau car ce sont des questionnaires assez lourds. Il faudrait voir avec la DREES quand auront lieu des publications sur les enquêtes 2020 mais ce ne sera probablement pas avant un ou deux ans.
Les données dont nous disposons proviennent souvent d'associations de terrain. Elles peuvent être éclairantes sur des situations locales mais ne donnent pas une vision générale.
Une autre manière de voir la baisse du renoncement aux soins consiste à regarder l'augmentation des volumes, en particulier pour les audioprothèses. Il nous faudra un peu de recul mais nous voyons en janvier et février que 40 % environ des audioprothèses vendues sont de classe 1 donc sans reste à charge. En outre, nous constatons une augmentation sensible des volumes, ce qui répond à l'objectif de la réforme de lutter contre le non‑recours. Nous estimions qu'un tiers environ des personnes ayant des problèmes auditifs s'équipaient et l'objectif était d'augmenter le taux d'équipement grâce à une offre sans reste à charge.
Nous ne pouvons pas tirer des enseignements précis sur le taux d'équipement des deux mois de début d'année mais, si le phénomène se confirme, la simple augmentation des volumes traduit une augmentation du recours. La situation est identique sur les prothèses dentaires mais nous aurons là encore besoin d'un peu de recul pour consolider les données.
Les personnes n'ayant pas de complémentaire, ce qui concerne, d'après les chiffres actualisés, 4 % de la population, ne sont pas uniquement des personnes défavorisées. Il existe une part de renoncement volontaire aux complémentaires et aussi, c'est vrai, une part de renoncement par des personnes à bas revenus qui n'ont pas recours à la complémentaire santé solidaire. Ce peuvent être des personnes en activité mais non couvertes par leur employeur car avec des temps partiels très courts ou des contrats à durée déterminée très courts, donc des salariés précaires. Ce sont aussi des personnes hors de l'activité, donc non couvertes de toute façon par leur employeur et qui ne prennent pas de contrat individuel en raison de son coût. Pour ces personnes, il faut améliorer le recours à la complémentaire santé solidaire, créée voici environ un an et demi.
Des actions sont en cours, notamment de l'assurance maladie, mais nous pouvons en imaginer d'autres. Des propositions seront peut-être formulées dans le cadre du PLFSS pour améliorer le recours dans le cas de personnes dont nous considérons qu'elles pourraient avoir accès à la complémentaire santé solidaire et ne le font pas.
La question des données sur les restes à charge hors « 100 % santé » est compliquée. Qui dispose des données du reste à charge après assurance maladie complémentaire ? Seules les assurances maladie complémentaires les ont. Le ministère de la santé ou l'assurance maladie ne connaissent pas le remboursement des complémentaires. Nous connaissons le remboursement de l'assurance maladie obligatoire et le reste à charge mais nous n'avons pas connaissance du niveau de prise en charge par la complémentaire. Nous savons qu'il n'existe pas de reste à charge sur le panier « 100 % santé » dès lors que les personnes ont une complémentaire mais nous ne connaissons pas le reste.
Dans le passé, alors que j'occupais de précédentes fonctions, j'avais essayé de lancer des projets avec les complémentaires pour créer une base statistique assez volumineuse, couvrant un grand nombre de complémentaires, afin de disposer de données individuelles mais ils n'ont pas abouti. Les complémentaires n'ont pas voulu s'engager dans ce processus. Nous ne disposons donc des données que complémentaire par complémentaire ou via des plateformes équivalentes à Santéclair. Chacun fournit ses propres données, qui ne sont évidemment pas des données concernant la France toute entière.
Ceci est certainement un manque dans notre système de santé et, d'ailleurs, renvoie à votre dernière question sur le remboursement de quelques centimes en optique hors « 100 % santé ». Comme vous l'avez dit, le Gouvernement a choisi de conserver un remboursement minime de l'assurance maladie non pas pour le remboursement en lui-même mais pour conserver l'information sur le coût de lunettes et l'identité de l'acheteur. Sans cette information, il faudra se tourner vers Santéclair et les plateformes équivalentes pour disposer d'informations puisque nous ne saurons plus qui achète des lunettes ni à quel prix hors du panier.
Nous avions eu cette discussion avec la FFA en 2018 lorsqu'elle regrettait le maintien de ce remboursement de quelques centimes au motif de sa complexité administrative. Il faut d'ailleurs relativiser cette complexité, puisque tout ceci est transmis de façon totalement numérique. Nous avions demandé à la FFA de nous faire une proposition au nom de l'ensemble des complémentaires pour créer un système d'information exhaustif. Nous n'avons malheureusement jamais reçu cette proposition mais cela reste peut-être possible dans l'avenir.
Nous ne disposons donc pas du reste à charge après assurance maladie complémentaire et il faudra faire des enquêtes sur la question. Nous disposons tout de même de données sur le reste à charge global et non individuel par poste de dépense. Ces données paraissent dans les comptes de la santé publiés chaque année en septembre par la DREES. J'espère que nous pourrons alors étudier l'évolution du reste à charge global, notamment sur le poste de l'optique.
Les audioprothésistes nous ont alertés en début d'année sur le fait que certaines complémentaires semblaient diminuer les remboursements sur le panier hors « 100 % santé ». Après avoir beaucoup échangé avec eux et avec les complémentaires au sein du comité de suivi de la réforme, il semble que cela ne concerne que quelques petites complémentaires. Les fédérations des organismes complémentaires n'ont pas constaté de mouvement général, massif, significatif de baisse des remboursements.
En revanche, l'écart est par définition accru entre la classe « 100 % santé » et les autres puisque l'achat d'une prothèse de la classe « 100 % santé » se fait sans reste à charge, même sans baisse du remboursement. Dans la plupart des garanties, il existe effectivement un reste à charge sur la classe 2. Les audioprothésistes ont regretté ce reste à charge en considérant que les complémentaires devaient également augmenter le remboursement sur la classe 2, ce qui n'était pas la logique de la réforme « 100 % santé ».
Le coût de la réforme était estimé à environ 1 milliard d'euros, dont trois quarts pour l'assurance maladie obligatoire et un quart pour les complémentaires. Nous ne sommes pas encore capables de l'évaluer ex post ; c'est un peu tôt, toujours pour les mêmes raisons. Nous avons besoin d'une vision stabilisée sur le comportement des assurés en ce qui concerne le recours à ces paniers. Il fallait donc attendre la mise en œuvre de l'ensemble du « 100 % santé », c'est-à-dire la dernière étape au mois de janvier pour disposer d'un peu de recul sur les comportements. Six mois, soit les six premiers mois de 2021, nous semblent nécessaires. Nous pouvons espérer qu'en septembre ou octobre, au moment des débats sur le PLFSS, nous serons capables d'évaluer les recours aux soins, y compris sur le dentaire et l'optique, qui ont été très chahutés en 2020.
L'année 2020 n'est pas représentative de ce que seront les comportements des assurés et il ne nous semble donc pas utile de reconstituer le coût du « 100 % santé » hors covid pour l'année 2020. Nous ne savons pas ce qu'auraient été les comportements hors covid en 2020. Le chiffrage de la FFA est fondé sur des hypothèses totalement conventionnelles. En 2020, les organismes complémentaires ont économisé 2,5 milliards d'euros ; dire avoir dépensé 150 millions d'euros au titre du « 100 % santé » n'a pas de sens. Il faut en réalité attendre d'être après le covid pour savoir quels sont les comportements hors covid. Nous espérons pouvoir le faire en 2021.
Le coût sera-t-il proche de ce qui était anticipé ? Dans le schéma général, des économies étaient effectivement prévues pour les financeurs côté optique et plutôt des surcoûts liés aux prothèses côté dentaire. Pour les prothèses dentaires, nous sommes plus haut que ce qui avait été fixé comme objectif et plutôt plus bas sur l'optique. Il est donc probable que cela ne s'équilibre pas globalement. Si les chiffres de recours dont nous disposons aujourd'hui étaient confirmés, le coût de la réforme pour l'assurance maladie obligatoire pourrait être un peu supérieur à ce qui était anticipé.
Cette réforme « 100 % santé » est une véritable avancée, au moins sur le dentaire et les audioprothèses. Au premier trimestre 2021, nous avons la confirmation que la part des actes concernés par ces paniers sans reste à charge augmente fortement, à 55 % sur le dentaire et 40 % sur les audioprothèses. Cette percée est significative et c'est très positif pour les assurés en termes d'accès aux soins. Le bilan est plus nuancé sur l'optique.
Nous avons beaucoup de difficultés à mesurer le renoncement aux soins. Ce qui remonte aux caisses provient des missions accompagnement santé, qui accompagnent les assurés pour l'accès aux soins et aux droits. Nous avons vu en 2020 une baisse des renoncements aux soins liés au dentaire de l'ordre de 6 points. C'est un premier élément à prendre avec beaucoup de prudence mais il est bien orienté.
Comprendre l'année 2020 pose, comme l'a dit Franck Von Lennep, d'énormes difficultés. Du fait de la crise sanitaire et notamment du premier confinement, les honoraires totaux des dentistes ont baissé de plus de 7 % en 2020. Les dépenses de remboursement de l'assurance maladie pour les honoraires en dentaire ont baissé de 13 %, hors mise en place du dispositif d'indemnisation de perte d'activité. L'activité de soins dentaires est donc extrêmement difficile à lire en 2020. Elle s'est quasiment arrêtée lors du premier confinement, a repris au mois de juin avec peut-être en partie un effet de rattrapage pendant l'été. Les comportements des assurés et des professionnels en termes de rattrapage de soins sont presque impossibles à lire. Il faut aussi essayer de mieux comprendre si les soins conservateurs ont commencé à progresser.
Pour tous ces sujets, nous devrons regarder de très près l'année 2021 et nous le ferons bien sûr avec les professionnels, les organismes complémentaires et la direction de la sécurité sociale. Les chiffres du premier trimestre 2021 sont intéressants. Ils confirment la montée du panier « 100 % santé ».
Je signale que le dispositif « 100 % santé » a un intérêt même pour les personnes qui n'ont pas de couverture complémentaire parce qu'il prévoit un plafonnement tarifaire. Cela signifie donc également pour ces personnes un reste à charge moins élevé, même sans complémentaire, que ce soit parce qu'elles ne veulent pas ou ne peuvent pas en avoir. Leur exposition au reste à charge est moins importante et c'est également un élément positif.
Je partage évidemment la frustration du directeur de la sécurité sociale sur le fait que nous ne disposions pas de données consolidées sur la couverture après l'assurance maladie complémentaire. Nous sommes disponibles pour reprendre les travaux avec les différentes familles de complémentaires pour progresser dans cette compréhension à laquelle nous ne sommes jusqu'à présent pas parvenus.
Faut-il changer le système de traçabilité des flux, y compris dans les champs pour lesquels l'assurance maladie n'intervient qu'à titre très subsidiaire pour avoir une traçabilité de ce qu'il se passe ? Je comprends la logique de cette proposition mais je crains qu'elle n'implique une machinerie administrative extrêmement lourde. Cela poserait des problèmes de gestion des données, puisque cela signifierait donner accès à toutes les complémentaires santé à des données d'identification des bénéficiaires de l'assurance maladie. Cela n'est pas neutre et nous avons déjà vu que ces sujets de transmission des données vers les complémentaires sont toujours compliqués, y compris sous le regard vigilant de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Cela nécessiterait par ailleurs entre l'assurance maladie obligatoire et les assurances maladie complémentaires une machinerie d'avance de frais qui nous semble disproportionnée. L'envoi d'un flux, même pour quelques centimes, est tout de même à la portée des offreurs de soins et des organismes complémentaires. Changer ce système nous paraît relativement délicat.
Pour conclure, il faut attendre les chiffres de 2021 mais la réforme semble très bien engagée, au moins sur le dentaire et sur les audioprothèses.
Nous passons à l'évaluation de l'article 51 de la LFSS 2018, relatif aux innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé.
Si les professionnels de santé, dans leur richesse et leur diversité, se sont emparés d'un article, il s'agit bien de l'article 51 de la LFSS 2018. Cet article était très attendu au regard du succès qu'il rencontre. Il permet, dans une vision de santé publique bidimensionnelle, verticale et horizontale, le développement d'organisations innovantes de notre système de santé, décloisonnées et transverses.
Cet article dans l'esprit du Ségur de la santé est vécu comme une préfiguration d'un système de santé qui trouve souplesse et réactivité tout en s'inscrivant dans une relation de confiance entre l'administration et les professionnels de santé. Je souligne également la souplesse des financements.
C'est l'esprit qui a prédominé lors des auditions que j'ai menées, avec une richesse vraiment incroyable de projets tous dignes d'intérêt quand bien même ils n'étaient pas tous éligibles. Ces projets sont les témoins d'une mutation de ce système dans une perpétuelle dynamique, intégrant prévention et approche populationnelle ou médicosociale, prenant en compte les fragilités et les vulnérabilités tout en intégrant les nouvelles technologies.
Citons par exemple le projet de bus bucco-dentaire porté par la fondation ILDYS en Bretagne. Il s'agit d'un bus qui sillonnera la région en juillet prochain dans une stratégie « d'aller vers », notamment vers les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Citons aussi le projet « As du Cœur » d'Azur Sport Santé en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le projet interrégional OBEPEDIA ou celui de prévention cardiovasculaire chez la femme dans les Hauts-de-France.
Saluons la mobilisation, la disponibilité et la qualité de l'accompagnement des administrations centrales et des ARS ainsi que l'évolutivité d'un dispositif encore jeune, avec la mise en place d'initiatives telles que l'Accélérateur 51 et les cafés porteurs, témoins d'une intelligence collective.
Nous recensons actuellement 810 projets, dont 528 éligibles, et 71 projets sont d'ores et déjà autorisés. La qualité des projets s'est affinée. Pourriez-vous nous le confirmer ?
Des questions subsistent. L'article 51 a grossi au fil des LFSS et de la « loi OTSS ». Ces évolutions législatives ont-elles eu une influence sur la lisibilité du dispositif ou sa mise en œuvre ? L'articulation avec les autres dispositifs – financement par les fonds d'intervention régionaux (FIR), avenant télémédecine – est-elle bien comprise par les acteurs ? Comment ces dispositifs doivent-ils selon vous s'articuler ? Comment expliquez‑vous que si peu de projets portent sur les produits de santé ? Quel a été l'impact de la crise sanitaire sur le développement des projets ?
Madame la rapporteure générale, serez-vous surprise si je vous remonte quelques attentes voire critiques très constructives de terrain ? Elles portent d'abord sur la longueur de l'instruction des dossiers, cumulée avec un manque de visibilité quant aux échéances et aux délais ainsi que sur l'existence de deux conventions, l'une pour l'amorçage et l'autre pour le fonctionnement.
Ensuite, la lourdeur des cahiers des charges et de l'analyse médico-économique préalable sont un frein pour les acteurs moins structurés. Cela a par exemple été le cas lorsque j'ai auditionné l'union régionale des médecins libéraux (URML) de Picardie, les professionnels de ville ayant souvent recours aux cabinets de conseil. La troisième critique porte sur la lourdeur des systèmes d'information à mettre en place, conjuguée à un manque de clarté sur les exigences dans ce domaine. La quatrième est une insuffisante clarté des décisions à mettre en place conjuguée à un manque de clarté sur ce qui est éligible. Quel est votre sentiment sur ces quatre points ? Quelles pistes d'amélioration proposez-vous ?
Enfin, la Fédération de la mutualité française a souligné que les organismes complémentaires pourraient être mieux associés au financement de ces projets. Qu'en pensez‑vous ?
Nous pouvons affirmer avoir trouvé notre public sur cet article 51 de la LFSS 2018, un peu comme pour le « 100 % santé », même si l'année 2020 a été bouleversée par la crise. Cela se traduit sur l'ensemble de la chaîne, depuis le moindre nombre de projets déposés jusqu'à la durée d'instruction.
Les chiffres que vous avez cités sont ceux du rapport qui faisait un état de la situation à la fin du mois d'octobre sur les projets déposés à la fin juin 2020. Nous avons maintenant la visibilité sur l'ensemble de l'année 2020. Nous avons donc un peu moins de 900 projets au lieu d'un peu plus de 800, ce qui montre bien le tassement dû à la crise. Au lieu de 71 projets autorisés, nous sommes quasiment à 90 ; d'autres seront autorisés dans les semaines qui viennent et cette année.
Ces projets couvrent un nombre considérable de thématiques. Nous retrouvons les priorités actuelles du Gouvernement, avec des projets concernant la prise en charge de l'obésité, de la santé mentale, du cancer, des troubles du neurodéveloppement, des personnes âgées ou handicapées et la santé sexuelle. Le spectre est vraiment très large.
Les projets couvrent également des modalités de financement diverses avec une prédominance pour le financement à la séquence de soins. Une des caractéristiques des projets « 51 » est de fédérer des acteurs pluriels, financés habituellement par des canaux différents et rendus solidaires par le modèle de financement. C'est typique du financement à l'épisode de soins.
Beaucoup de projets embarquent des outils numériques de tous ordres, avec de la télémédecine et des dispositifs médicaux qui m'amènent à nuancer le propos sur les produits de santé. Effectivement, très peu de projets déposés – et donc autorisés – traitent des médicaments mais, en revanche, nous avons bien des projets, déposés et autorisés, pour les dispositifs médicaux. Ils sont souvent associés à des projets organisationnels.
L'articulation avec les autres dispositifs, notamment avec le FIR des ARS, a lieu par le fait qu'un certain nombre de projets – pas tous – ont eu des versions pilotes par le FIR. Lorsqu'une initiative est financée par le FIR, elle reste dans les frontières régionales et a beaucoup de mal à percer et diffuser au-delà de la région. Le dispositif « 51 » permet ce saut et certaines initiatives probantes avec expérimentation par le FIR connaissent ainsi un nouveau développement et un passage à l'échelle. Je pense que ce point est important.
Un certain nombre de projets traitent de la télémédecine et en particulier de la télésurveillance. Les expérimentations de télémédecine pour l'amélioration des parcours en santé (ETAPES) sont circonscrites avec cinq cahiers des charges et l'article 51 en est le prolongement permettant d'autres expérimentations.
La crise sanitaire a eu un impact sur le nombre de projets déposés et sur les durées d'instruction, qui étaient déjà vécues comme sensiblement trop longues. En effet, la construction d'un projet conforme à l'article 51 est une coconstruction qui nécessite de nombreuses itérations entre les services régionaux ou nationaux et le porteur. Cette boucle entre le porteur et les services a été allongée, à la fois parce que les porteurs avaient d'autres priorités et préoccupations et parce que les services en administration centrale ou en ARS ont été beaucoup mobilisés par la crise.
La crise a aussi eu un impact sur le lancement des projets. Les projets démarrés avant le premier confinement de mars 2020 ont connu un coup d'arrêt comme de nombreuses activités de santé. Certains de ces projets ne redémarrent que maintenant. Cela les a donc décalés de plusieurs mois voire presque d'un an. Par ailleurs, l'année 2020 a été l'année de première inclusion massive dans les expérimentations et ces montées en charge ont été perturbées par la crise du coronavirus.
Nous avons aussi vu des effets positifs. Certains projets qui développaient des prises en charge à distance, à domicile ou en utilisant des outils à distance, ont été accélérés par la crise et ont connu des montées en charge plutôt rapides. Quelques projets sont aussi nés de la crise du covid, notamment un projet autorisé récemment de microstructure post-covid pour la prise en charge des effets psychologiques et somatiques de la crise. Un second projet sera autorisé prochainement sur la participation des chirurgiens-dentistes à la permanence des soins. Ce projet a démarré pendant la crise avec un financement FIR et se développera dans le cadre de l'article 51.
Dans vos constats lors de la création du dispositif, vous faisiez trois critiques principales : l'absence à l'époque d'évaluation des initiatives lancées ; le délai entre l'habilitation législative et la mise en œuvre des projets ; le fait que les initiatives probantes en région n'étaient pas connues au niveau national. L'organisation que nous avons permet de répondre à ces trois critiques puisque, lors de l'instruction d'un projet se croisent les regards des services de l'État, des services de l'assurance maladie, des services en région et des services nationaux. Cet alignement prend un peu de temps mais, une fois qu'il est obtenu, il est extrêmement puissant.
Ce résultat est assez unique me semble-t-il dans notre système et constitue une sorte d'assurance pour la suite et la potentielle généralisation des expérimentations qui seraient probantes puisque l'ensemble des administrations concernées ont été associées en amont. Elles ont connaissance des projets et ont aussi approuvé ces expérimentations.
Ce qui prend le plus du temps est souvent l'élaboration du modèle de financement. Pour les acteurs, définir et proposer des organisations innovantes constitue leur métier quotidien, de routine et cela ne pose pas de difficulté particulière. En revanche, l'aspect financier est totalement nouveau et il se produit un important effet de courbe d'apprentissage. Partager ses modèles ou réflexions est aussi nouveau pour l'administration, tout comme le fait de les construire avec les parties prenantes. Pour le passage dans le droit commun, dans le cas où les évaluations seraient positives, nous aurons franchi une partie du chemin avec des modèles de financement déjà testés en vie réelle lors de l'expérimentation.
Sur l'éligibilité, nous sommes bien partis mais nous pouvons toujours nous améliorer. Parmi les améliorations envisageables se trouve la lisibilité du dispositif. La base légale nous permet aujourd'hui de mobiliser dans le dispositif plus de cent dérogations législatives dont beaucoup relèvent des modèles de financement et certaines sont des dérogations organisationnelles du code de la santé publique. Rendre simple cette multitude de dérogations n'est pas toujours évident, y compris pour les services spécialisés. Sur certains projets, l'analyse de recevabilité prend du temps pour répondre de façon claire et certaine au porteur de projet.
Il convient d'améliorer la lisibilité et l'accessibilité dans nos interactions avec les uns et les autres. Nous répondons tous les jours à des questions sur le dispositif. Nous avons aussi à cœur de nous améliorer sur la rapidité bien sûr.
Plusieurs projets sont proposés par les organismes d'assurance complémentaire, plutôt dans leur version opérateur de soins, mais nous n'avons à ma connaissance pas eu de projet concernant la dimension complémentaire santé. Comme pour le « 100 % santé », c'est probablement parce qu'il existe de nombreux acteurs et qu'il est compliqué à mettre en œuvre. Cependant, la base légale le permet et nous serions prêts à instruire de tels projets s'il s'en présentait.
Nous en arrivons à l'évaluation de l'article 49 de la LFSS 2018, relatif à la vaccination obligatoire des enfants.
J'ai proposé à la MECSS de réaliser le suivi d'une réforme essentielle en matière de santé publique dans le cadre de ce Printemps social de l'évaluation, à savoir l'extension des obligations vaccinales aux jeunes enfants.
À l'heure où nous parlons beaucoup de vaccination contre le covid‑19, il m'a paru intéressant d'évaluer la mise en œuvre de cette mesure, qui visait en partie à restaurer la confiance des parents dans la vaccination de leurs enfants.
Cette mesure avait fait l'objet de longs débats au Parlement. L'article 49 de la LFSS 2018 que nous avons adopté étend pour les enfants de 0 à 24 mois nés à compter du 1er janvier 2018 l'obligation vaccinale qui concernait déjà les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à huit vaccins supplémentaires qui n'étaient auparavant que recommandés. La réalisation de ces huit nouveaux vaccins conditionne depuis le 1er juillet 2018 l'entrée de ces enfants en collectivité.
L'objectif de la mesure était de clarifier le régime juridique des vaccinations pour les jeunes enfants et, surtout, de remédier à l'insuffisance de la couverture vaccinale. Vous le savez, nous ne sommes pas encore aujourd'hui à l'abri de la réémergence de maladies infectieuses graves. Rappelons-nous la forte épidémie de rougeole à laquelle la France a dû faire face entre 2008 et 2012.
Une fois votée, cette mesure a été très rapidement appliquée et je tiens à saluer les administrations présentes pour la rapidité avec laquelle le décret d'application et le calendrier des vaccinations ont été publiés.
Le bilan que nous pouvons dresser de cette mesure, trois ans après son entrée en vigueur, est globalement très positif. Un certain nombre de sondages montrent que cette réforme est perçue favorablement par nos concitoyens. Tant les acteurs institutionnels, associatifs que la très grande majorité des professionnels de santé ou de la petite enfance se sont fortement mobilisés pour en assurer une mise en œuvre efficace.
Cette mobilisation a permis une augmentation des couvertures vaccinales des enfants nés en 2018 par rapport à ceux nés en 2017 comme le montre bien le premier bilan annuel de la réforme publié en juin 2020.
L'extension des vaccinations obligatoires semble également contribuer à l'éradication de certaines maladies infectieuses. Ainsi, alors que dix‑sept cas d'infection à méningocoque C étaient observés en moyenne chaque année chez les nourrissons entre 2012 et 2016, seul un cas a été constaté en 2019 et ce chez un enfant de moins d'un mois qui n'avait donc pas encore pu être vacciné.
Un bilan actualisé de la réforme devait être publié ce mois-ci. Savez-vous quand ce rapport sera disponible ? Pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer si les couvertures vaccinales ont continué leur progression ?
Les mois à venir seront essentiels dans la mise en œuvre de la réforme. Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour rattraper totalement le retard pris au début de la crise sanitaire dans la vaccination des nourrissons ?
Si la crise sanitaire n'a pas causé de rupture de stock pour les onze vaccins concernés par l'obligation vaccinale, un risque de tension à moyen terme a été identifié par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en raison de la mobilisation de certains filtres pour la fabrication des vaccins contre le covid-19. Quelles mesures avez-vous mises en place pour prévenir ces potentielles difficultés d'approvisionnement ?
Au-delà des dispositions à prendre pour assurer la mise en œuvre de la réforme dans le contexte de crise sanitaire que nous traversons, d'autres mesures pourraient être envisagées pour faciliter l'accès à la vaccination et le contrôle des obligations vaccinales. Prévoyez-vous de renforcer la communication sur l'importance des huit nouveaux vaccins obligatoires, à l'heure où les premiers enfants concernés par la réforme entrent à l'école maternelle ? Il s'agit d'une demande assez forte d'un certain nombre d'acteurs de terrain.
Il ne semble pas exister aujourd'hui de véritable frein financier à la vaccination. Des dispositifs permettent aux personnes les plus défavorisées d'avoir accès gratuitement aux vaccins. Certains acteurs souhaiteraient néanmoins que soit supprimée toute avance de frais en matière de vaccination. Quel regard portez-vous sur cette proposition ?
La vaccination dans des lieux diversifiés est également de nature à augmenter la couverture vaccinale des enfants et à réduire les inégalités socio-économiques. Savez-vous où en sont les travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l'extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, notamment des sages-femmes ? Nous avions voté des dispositions en ce sens dans la « loi OTSS ». Or cette possibilité n'est toujours pas appliquée dans l'attente de l'avis de la HAS.
Enfin, je souhaite aborder la problématique du contrôle des vaccinations. Les personnels non médicaux rencontrent aujourd'hui encore un certain nombre de difficultés en la matière. Je pense que le carnet de vaccination électronique au sein du dossier médical partagé permettra de répondre en partie à leurs préoccupations. Pouvez-vous nous indiquer où en est le déploiement de ce carnet de vaccination électronique ? Selon vous, facilitera-t-il bien le contrôle des obligations vaccinales ?
Les assistantes maternelles font partie des professionnels qui semblent les plus démunis en matière de contrôle vaccinal d'après les auditions que j'ai menées. Elles souhaiteraient que les services de protection maternelle et infantile (PMI) soient désormais chargés du contrôle vaccinal des enfants accueillis chez elles. Que pensez-vous de cette proposition ? Il semble que certains services de PMI le réalisent déjà.
Le deuxième bilan devrait être publié au mois de juin. Comme vous l'avez dit, les équipes chargées de la vaccination ont été un peu occupées ces dernières semaines et ces derniers mois. La publication du bilan a pris du retard mais il est en cours en finalisation et devrait être rendu public avant la fin du mois de juin.
La réforme poursuivait deux objectifs. Le premier était évidemment d'améliorer la couverture vaccinale, de tendre vers l'objectif fixé par l'Organisation mondiale de la santé de 95 % de la population des enfants concernés.
Compte tenu de la perception de la vaccination au moment du vote de cette disposition ou durant les travaux de Mme Hurel qui avait déjà accompagné le professeur Fischer lors d'une concertation citoyenne sur la vaccination, le second objectif était d'améliorer le regard porté sur la vaccination et sur l'utilité de la vaccination.
Les chiffres que nous publierons en juin montrent une amélioration de la couverture vaccinale chez les enfants concernés. Cette évolution est plutôt bonne et nous tendons vers une population couverte à 90 % environ. Je rappelle que l'objectif était d'arriver à 95 % en 2022 et nous espérons y parvenir, avec de légers décalages suivant les vaccins considérés mais rien de significatif. En tout cas, aucun vaccin ne fait l'objet d'un décrochage manifeste ou d'un refus. Le fait que nous puissions pratiquer un vaccin hexavalent a un effet sur cette situation.
Vous avez cité l'effet de cette couverture sur le méningocoque. Je peux citer aussi le cas de la rougeole : nous avions en 2018-2019 environ cinq cents cas de rougeole par an et nous enregistrons moins de cinquante cas en 2020. Cette baisse tient aussi aux gestes barrières, à la compétition virale. Nous voyons également que la vaccination rougeole-oreillons-rubéole, qui était notre principal objectif, a eu des effets même s'ils sont difficiles à lire.
Les premiers enfants de la classe d'âge concernée entreront à l'école en septembre. C'est un rendez-vous important pour apprécier la couverture vaccinale au regard d'éléments tangibles puisque, actuellement, seule une partie de ces enfants sont gardés en établissement d'accueil de jeunes enfants ou par une assistante maternelle et font donc l'objet d'un contrôle par un tiers chargé de l'accueil.
Vous avez évoqué l'amélioration du regard porté par l'opinion sur l'extension de l'obligation vaccinale depuis 2017. Le total des opinions favorables exprimées en novembre 2017 était de 49 % et il est de 66 % aujourd'hui, ce qui constitue une amélioration notable. 50 % des personnes interrogées avaient une image négative de cette extension de l'obligation vaccinale en novembre 2017 et elles ne sont plus que 32 % maintenant. Les grandes masses ont évolué même s'il se pose une difficulté de lecture puisque nous ne connaissons pas l'effet de la vaccination spécifique dont nous parlons ce matin et de la vaccination covid dans ce résultat. Le baromètre de Santé publique France a été réalisé avec les mêmes paramètres méthodologiques, à la nuance près que nous avons bien précisé dans l'enquête de novembre 2020 que la réforme avait été décidée avant l'épidémie pour éviter que les personnes interrogées fassent un lien direct entre épidémie de covid et obligation vaccinale.
Les effets indésirables de cette vaccination sont néanmoins un sujet d'attention pour nous tous. L'analyse porte sur un peu plus de 1 400 000 enfants vaccinés durant cette période. Nous avons enregistré 235 déclarations de pharmacovigilance dont 151 ont été classées comme non graves – fièvre, réaction locale au site d'injection – et 84 ont été classées en cas grave avec une fièvre élevée et éventuellement des convulsions. Aucun décès lié à la vaccination n'est rapporté. La gravité est donc relative, liée à des épisodes de fièvre plus ou moins intense. Nous n'avons pas identifié de signal de sécurité et il me semble important de le souligner.
Pendant la crise, nous avons vu un décrochage très clairement lié au premier confinement. Dès le mois d'avril 2020, des mesures correctrices ont été prises, essentiellement des mesures de communication et de pédagogie. Pendant les conférences de presse du directeur général de la santé, plusieurs rappels ont été faits sur la nécessité de poursuivre les opérations de vaccination obligatoire des enfants. Le site du ministère a diffusé des fiches spécifiques sur la continuité des missions essentielles à garantir pendant le confinement, avec des messages spécifiques à destination des PMI et des centres de vaccination. La HAS elle-même a rappelé dans un avis d'avril 2020 l'importance de maintenir les vaccinations obligatoires. La CNAM a adressé un courrier aux assurés pour leur rappeler l'importance de la réalisation des vaccinations obligatoires. La direction générale de la santé a continué au-delà du 30 juin à communiquer sur le sujet. Pour mener ce travail de pédagogie, nous avons utilisé des outils de presse classiques et nous avons bénéficié de l'appui important de la CNAM pour nous adresser directement aux assurés et en particulier aux personnes concernées.
Les chiffres dont nous disposons montrent que nous sommes aujourd'hui revenus au niveau souhaité. Nous enregistrons un déficit d'environ 70 000 doses qui est à rapporter aux données démographiques, avec une légère baisse des naissances en 2020.
Nous avons continué, notamment en avril 2021, l'information en direction des professionnels de santé lors de la publication du calendrier vaccinal, avec un rappel des points clés et des recommandations. Nous avons aussi communiqué au début du mois, lors de la semaine européenne de la vaccination.
Par ailleurs, nous poursuivons la veille épidémiologique sur l'éventuelle émergence de foyers épidémiques de méningite, de rougeole, de coqueluche, etc., donc de toutes les maladies infectieuses évitables par cette vaccination.
Nous attendons les chiffres de remboursement de la CNAM, qui devraient être publiés au mois de juin.
Pour préparer la première rentrée des enfants concernés, des kits d'information ont déjà été diffusés à la direction des collectivités territoriales, surtout auprès des PMI. Nous avons entrepris depuis le début de l'année un travail important, avec le ministère de l'éducation nationale notamment, pour avoir avec lui l'équivalent des échanges que nous avions déjà eu avec les collectivités territoriales, pour lui expliquer les principes de la réforme et répondre aux questions qu'il était susceptible de nous poser. Ce travail est en cours ; nous lui avons transmis tous les éléments d'information à notre disposition et tous les éléments de communication qu'il nous a demandés. Il se poursuivra même si les agents du ministère sont occupés par d'autres politiques vaccinales et si les agents de l'éducation nationale sont engagés notamment dans la gestion des autotests. L'objectif est que le transfert d'information soit réalisé avant la rentrée. Sous réserve des chiffres de la CNAM, ce travail de pédagogie a permis de combler une grande partie du retard lié au premier confinement.
Vous m'avez interrogé sur l'extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, notamment des sages-femmes. Nous avions saisi de ce sujet dès février 2018 la HAS, qui n'a pas encore apporté de réponse, mais vous avez pu constater qu'elle a émis des recommandations relatives aux sages-femmes dans le cadre de la vaccination contre l'épidémie de covid. Nous attendons l'avis spécifique de la HAS sur la question de la vaccination obligatoire mais nous supposons qu'il sera instruit et rédigé à la lumière de cette expérience.
Le déploiement du carnet de vaccination électronique est en cours. Il pourra être un élément parmi d'autres permettant de suivre et de contrôler la vaccination. Nous pouvons toujours recourir au carnet de vaccination classique pour ceux d'entre nous qui l'ont encore et, surtout, à un certificat médical attestant du respect des obligations vaccinales. Cette mesure avait été prise pour faciliter le travail des assistantes maternelles dans ce contrôle de la vaccination. Nous avons essayé de donner plusieurs instruments pour vérifier le respect de ces obligations vaccinales.
Les assistantes maternelles étaient effectivement confrontées à une difficulté pour contrôler le respect des obligations. Avec les représentants de la profession, nous avons considéré que le contrôle par le carnet de vaccination pouvait être assez technique et difficile. C'est pourquoi la solution du certificat médical a été retenue pour simplifier la démarche et le contrôle.
La question de la sanction en cas de non-respect de l'obligation vaccinale se pose. Depuis juillet 2019 a été introduite la possibilité, pour une assistante maternelle, de démissionner en cas de non-respect des obligations vaccinales par les parents. C'est un cas de démission légitime ouvrant la possibilité d'une indemnisation de l'assistante maternelle.
Il est clair que, depuis deux décennies, l'innovation thérapeutique a subi un relatif recul en France et la production de médicaments s'est effondrée en Europe. Divers problèmes sont identifiés depuis plusieurs années et la crise sanitaire les a mis sous le feu des projecteurs. Nous avons regretté l'absence de succès dans la mise au point de vaccins appropriés dans notre pays. Il est d'une importance cruciale que nous disposions d'une recherche et d'une industrie de santé innovantes, dynamiques et performantes. Nos patients doivent avoir accès très rapidement aux meilleures innovations scientifiques, médicales et soignantes. Notre pays doit y contribuer plus largement.
Le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) a apporté certaines réponses sectorielles en améliorant et en simplifiant l'accès au marché des produits de santé ainsi qu'en accélérant un peu la diffusion des nouveaux médicaments. Cependant, dans le cadre des travaux conduits avec mes collègues Audrey Dufeu et Pierre Dharréville sur les médicaments, nous constatons en permanence l'urgence de changer notre paradigme concernant la recherche, l'innovation, la production, la mise à disposition rapide et à tous, le prix et la prise en charge des nouveaux produits ainsi que la lutte contre les pénuries.
Quel bilan tirez-vous des réformes engagées sur ce sujet, en particulier lors des LFSS et du CSIS ? Quelles propositions retenez-vous pour relever le défi de la soutenabilité de notre modèle face à l'arrivée prochaine de nombreux traitements innovants extrêmement coûteux produits des biotechnologies ? Certains, comme les thérapies géniques, sont à administrer en une fois et se substituent à des traitements quotidiens, toute la vie durant, chez des malades chroniques. Le coût initial sera très élevé et notre modèle de prise en charge n'est pas adapté à ces nouvelles thérapeutiques.
Ma première question est destinée à M. Fatome. Vous avez évoqué les travaux du HCAAM sur les problèmes de pilotage de l'ONDAM. Souvenons-nous que, lors d'un comité de l'ONDAM piloté par Raoul Briet en 2010, nous avions conclu à l'éventualité de réserves de plusieurs centaines de millions d'euros au cas où nous enregistrerions des excédents ou des déficits. Où est ce comité de pilotage ?
Madame Julienne, j'ai été interpellé par des pharmaciens salariés des établissements privés, situation que je ne connaissais pas. Je connaissais les pharmaciens libéraux indépendants mais pas les pharmaciens salariés des établissements privés. Ils n'ont pas bénéficié des revalorisations et des soutiens du Ségur de la santé et ont été oubliés. Ils ont écrit au ministre mais n'ont pas obtenu de réponse. Ils sont quand même plusieurs centaines en France.
Madame Lemaire, vous avez évoqué la télémédecine dans l'article 51. Elle a certes connu un développement exponentiel dans tous les territoires en France, ce qui est une bonne nouvelle. Toutefois, l'avenant 6 n'a pas été appliqué durant la crise. En région, certains disent toutefois que cet avenant sera à nouveau en vigueur ce qui signifie une éventuelle limitation des téléconsultations. Où en est cette évolution de l'avenant 6 ?
Je pense que vous avez associé au plan « 100 % santé » toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des industriels, des distributeurs, des professions de santé ou des financiers. Ces rencontres sont-elles régulières ? Est-il prévu de créer un observatoire des prix et du panier des soins nécessaires, qui peut évoluer dans les années à venir ? Faut-il créer les conditions d'une réelle transparence sur les besoins et sur le marché ?
La Mutualité française a annoncé une augmentation des cotisations des complémentaires santé, de 4 % en 2019 et de 5 % en 2020. L'augmentation proposée en 2021 est de 4,3 %. Nous serions donc loin de ce qui avait été annoncé par la ministre, selon laquelle les contrats solidaires santé des mutuelles n'augmenteraient pas dans les années à venir.
Les travaux conduits par la MECSS nous amènent aujourd'hui à nous intéresser notamment à la mise en œuvre du « 100 % santé ». Cette réforme, indispensable pour lutter contre le non-recours aux soins, semble bien appropriée par les Français puisqu'un Français sur deux la connaît mais elle n'est pas appliquée par les professionnels. Comme le mentionne le rapport de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, l'offre n'est toujours pas présentée systématiquement par les opticiens. Pouvez-vous nous apporter des éléments sur l'enquête conduite par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le sujet ? Quelles mesures devraient selon vous être mises en œuvre pour que ces offres ne soient pas passées sous silence dès lors que le patient n'en fait pas la demande ?
Disposez-vous de données sur les conséquences positives de la réforme en matière d'accès aux soins ? Le relèvement des bases de remboursement, notamment en dentaire, a-t-il permis d'améliorer la prévention primaire et le développement des soins conservateurs ? Les enquêtes dématérialisées ne touchant pas tous les publics, quels leviers pensez-vous mobiliser pour mesurer l'effet de la réforme dans l'ensemble des assurés ?
Je souhaite interroger Mme Lemaire à propos de l'article 51. J'ai lu que les territoires urbains étaient les plus actifs en ce qui concerne cet article 51 et qu'ils avaient des projets innovants tandis que les territoires ruraux sont à la traîne. Comment intéresser ces territoires ruraux ? Comme à chaque fois, des territoires sont oubliés et je crains que les territoires les plus dynamiques ne soient ceux qui répondent le plus souvent à ces appels à projets. Il est difficile d'avoir des projets innovants dans des territoires où les soins de premier recours sont compliqués.
Je rapporte en introduction l'inquiétude des citoyens sur l'avenir de la sécurité sociale. Elle est sans doute menacée vu les dépenses abyssales et extrêmement mal orientées faites depuis mars 2020. Je souhaite également aborder le problème incommensurable actuellement dans le champ de la santé mentale. J'espère que vous avez bien perçu l'ampleur des besoins à venir au regard de l'explosion des suicides et des effets à moyen et long termes de la crise sanitaire en matière de syndromes post‑traumatiques.
Mon propos porte sur l'article 49 de la LFSS 2018 et sur la vaccination des enfants. La question de cette vaccination des plus jeunes nécessite un contrôle et une attention des plus accrus. Cette catégorie de la population est vulnérable et l'éthique prend ici tout son sens.
Les mineurs sont particulièrement exposés à des maladies sans pour autant avoir la capacité de revendiquer leurs choix pour défendre leur santé. Il nous appartient de choisir au mieux, en fonction de leurs besoins et de leurs caractéristiques, la couverture vaccinale la plus adaptée. Je rappelle l'orientation prise par l'article 49 de la loi qui, devant la résurgence de foyers infectieux portant sur des maladies pour lesquelles la vaccination est recommandée, a étendu le champ des vaccinations obligatoires à onze vaccins pour les enfants de 0 à 24 mois.
Ma première question, à laquelle vous avez déjà en partie répondu, porte sur l'extension de l'obligation vaccinale. L'augmentation de la couverture vaccinale s'est-elle maintenue depuis 2019 ? L'année 2020 a été tout à fait particulière. Surtout, il était question que cette obligation des onze vaccins soit temporaire. Pouvez-vous nous dire quelque chose sur ce calendrier ?
Les informations allant dans le sens d'une vaccination prochaine contre la covid‑19 des mineurs m'interpellent. Le président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale serait favorable à une vaccination dans les écoles à la rentrée prochaine. Or les enfants présentant des risques de mortalité de la covid extrêmement réduits, une question majeure porte sur la balance entre bénéfice et risque du vaccin et sur son effet réel sur les enfants. Avez-vous prévu, dans le prochain exercice du financement de la sécurité sociale, ce budget pour la vaccination covid‑19 des enfants ?
Quelles sont les avancées sur le front du tiers payant ? Que pouvez-vous nous dire sur cette question ?
Vous avez expliqué les surcoûts liés aux tests. Le recours aux tests a-t-il été suffisant dans la lutte contre la pandémie ? Quel est votre regard sur ce sujet ?
J'ai également quelques inquiétudes sur le prix des vaccins. Certains fabricants auraient décidé d'augmenter le prix de leurs doses. La sécurité sociale en serait la première victime, ce qui m'amène à vous interroger sur la part de l'ONDAM qui sert à verser des dividendes.
Je m'interroge également sur le coût du numérique, notamment du recours à des opérateurs privés. Pouvez-vous nous donner des indications précises sur la façon dont ce recours est financé ? Pour moi, cela appelle à une offensive publique plus vigoureuse sur le champ du numérique. J'ai cru comprendre lors d'une audition qu'il existe dans le recours à ces différents opérateurs une petite divergence entre l'État et la sécurité sociale. Peut-être cela mériterait-il quelques explications.
Enfin, l'hôpital est toujours sous pression. Où en sommes-nous pour les oubliés du « Ségur », par exemple les contractuels, et le besoin de développement de l'emploi hospitalier ?
Nous avons bien vu que la mesure concernant le reste à charge zéro était la bienvenue. Je souhaite toutefois attirer votre attention sur les progrès qui restent à opérer. Selon les premières évaluations dont nous disposons et même si les résultats sont très encourageants, force est de constater que les professionnels du secteur ne respectent pas assez ces mesures. Nous remarquons des devis non complets, des offres non présentées, voire parfois dénigrées par les professionnels, particulièrement en optique.
Par ailleurs, nous observons que des améliorations sont nécessaires sur les complémentaires santé, par exemple en matière de pédagogie et d'accessibilité des offres de remboursement sur les sites Internet des complémentaires.
Enfin, des complémentaires santé refusent parfois la prise en charge des produits « 100 % santé » en mettant en avant le manque de détails dans les informations transmises.
Dans la « loi OTSS », nous avons porté une amélioration de l'accès aux soins au plus proche de nos concitoyens, notamment par l'intermédiaire des labellisations des hôpitaux. Dans ma circonscription, à Beaugency, les professionnels hospitaliers et libéraux se sont mobilisés pour construire un projet autour de leur hôpital mais surtout pour améliorer l'offre de soins de ce territoire.
Vous avez dit que les ordonnances étaient toutes parues. Pouvez-vous me confirmer la parution de l'ordonnance concernant le financement ? Quelles sont les étapes suivantes pour obtenir cette labellisation ?
Je reviens sur les innovations organisationnelles pour la transformation du système de santé. Les attentes dans ce domaine sont fortes pour améliorer la pertinence de la prise en charge, assurer la souplesse du système et permettre enfin d'adopter une logique centrée sur le parcours de soins. Je préfèrerais même parler de parcours de santé.
Lors de cette crise, les directeurs d'hôpitaux ont montré leur capacité à changer en urgence l'organisation des établissements. Les circuits courts de décision ont aussi démontré leur efficacité et l'engagement remarquable de tous les personnels, particulièrement motivés, a permis de faire face. Les élus se sont également impliqués. La crise sanitaire que nous vivons a douloureusement révélé les insuffisances de notre système de santé et ses faiblesses mais aussi toutes ses forces, sur le terrain.
À l'aune de cette crise, ne faut-il pas aller encore plus loin et oser un effort de clarification ? Il attribuerait au ministère la direction des grandes politiques de santé publique et reconnaîtrait aux collectivités locales un rôle dans la régulation, le pilotage sanitaire et l'organisation des acteurs dans chaque territoire. Nos concitoyens seraient ainsi placés davantage au cœur des préoccupations et la médecine de ville ainsi que les établissements de santé retrouveraient des capacités d'initiative et de dialogue avec une tutelle plus proche.
Poser un cadre général garantissant aux Français leur égalité devant la loi tout en permettant la différenciation territoriale, tel doit être notre objectif à tous. Si la proposition de loi de Mme Rist a envoyé beaucoup de ces mesures à la loi relative à la décentralisation, la différenciation, la déconcentration et la décomplexification (« 4D »), celle-ci apparaît encore insuffisante sur le sujet. Quelle est votre position, mesdames et messieurs, sur les prochaines évolutions à prévoir pour promouvoir les innovations organisationnelles ?
Je souhaite donner un exemple, sans contester, madame Lemaire, votre investissement sur le sujet de l'article 51 mais pour remettre en cause de manière constructive le dispositif de cet article.
L'innovation organisationnelle est la plus difficile à obtenir dans notre pays et c'est la raison pour laquelle nous avons du mal à mettre en place certaines réformes urgentes. Je pense en particulier au maintien à domicile des personnes âgées. Depuis un certain nombre d'années, nous savons que c'est le souhait de nos concitoyens. Toutefois, nous avons des difficultés à le réaliser. Une nouvelle expérimentation est en cours à Sartrouville, pour cinq ans, alors que deux ont déjà eu lieu sur le même sujet.
Pour le rapport que j'ai présenté en 2018, je suis allée voir cette expérimentation et je vous assure que nous pouvons parfaitement comprendre ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. Nous n'avions pas besoin de deux expérimentations supplémentaires sur le sujet. L'une a lieu à Rennes et l'autre est mise en place avec un budget de 20 millions d'euros pour trois ans sans aucune évaluation des deux expérimentations précédentes.
Il s'agit d'avoir maintenant la volonté politique de le mettre en place mais encore faudrait-il que nous soyons au courant, comme nous le sommes aujourd'hui, du développement de ces expérimentations. Je pense qu'il faut revoir la multiplicité des expérimentations sur le même sujet.
Je souhaite vous interroger sur un dispositif que nous avions voté avec espoir lors de la LFSS 2020 sur la base d'une expérimentation très probante. Le législateur avait choisi de généraliser la mise en place d'un bilan de santé obligatoire pour les entrants dans l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Alors que le Gouvernement visait une entrée en vigueur au 1er janvier 2021, le dispositif n'est toujours pas opérationnel à ma connaissance. Je pense que c'est un sujet important et j'avais cosigné avec les deux co-présidents de la MECSS un courrier en mars dernier pour interroger les directions de la sécurité sociale et de la CNAM ainsi que le cabinet du ministre.
Ce bilan de santé nécessite pour fonctionner une mesure de nature conventionnelle fixant le tarif de la prise en charge mais les négociations patinent depuis plusieurs mois. N'est-il pas possible, au regard de l'urgence pour les enfants concernés, de prévoir une mesure distincte de la négociation globale par un avenant par exemple ou de généraliser l'expérimentation ce qui nous permettrait de faire avancer cette mesure très ciblée ? Dans le cas contraire, à quel horizon pouvons-nous espérer voir naître cette mesure de justice et de bon sens que nous avions votée à l'unanimité ?
Je crois beaucoup en l'efficacité du numérique en santé pour la coordination entre les professionnels de santé. J'avais réalisé un rapport sur le dossier médical partagé (DMP) et votre prédécesseur, M. Fatome, m'avait dit que le carnet de vaccination électronique serait opérationnel en 2020. Dans la période actuelle, il est intéressant de savoir où en est le développement de ce carnet.
Nous voyons aussi que Doctolib nous a beaucoup aidés pour les prises de rendez‑vous. Doctolib lance maintenant pour partager et stocker des documents de santé une nouvelle application qui fait office de DMP. Nous ne pouvons qu'être admiratifs du secteur privé mais où en est l'assurance maladie pour le DMP et le stockage des données ?
Enfin, concernant le reste à charge zéro, il pourrait être intéressant d'imposer un format de devis réglementaire dans les logiciels métier des prescripteurs.
En ce qui concerne la question de M. Touraine sur l'innovation thérapeutique, vous avez voté des réformes de l'accès précoce aux dispositifs médicaux et aux médicaments. La mise en place de cette réforme pour le médicament fait l'objet d'un projet de décret qui est en ce moment même au Conseil d'État après une concertation de plusieurs mois avec l'ensemble des acteurs. C'est une réforme technique mais très importante pour rendre plus lisible l'accès précoce aux innovations médicamenteuses en particulier.
Par ailleurs, dans l'accord-cadre signé voici deux ou trois mois entre le Comité économique des produits de santé et le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) se trouve une dimension industrielle importante. Elle existait déjà dans l'accord-cadre précédent mais a été très renforcée dans ce nouvel accord.
Il faut toutefois rappeler que la politique de prix du médicament n'est pas le seul levier dans la politique plus globale d'attractivité du territoire français. La politique d'essais cliniques intervient aussi, ainsi que les aides au financement.
Le financement des innovations peut-être de rupture et très coûteuses qui sont devant nous renvoie aux réflexions pas forcément simples que nous avons avec le LEEM sur les modèles de financement de ces innovations et la manière de partager l'incertitude. Faut-il payer très cher tout de suite, avant de savoir si ces innovations sont vraiment des innovations de rupture et guériront réellement des gens ? Comment étaler dans la durée ces tarifications, de façon à ne pas payer seulement « pour voir » mais une fois que nous avons vu ?
Ces réflexions et ces débats sur le partage du risque entre le payeur et les industriels sont en cours dans l'ensemble des pays industrialisés. Personne n'a vraiment trouvé de modèle adéquat et stable jusqu'à présent. Il faut continuer à y réfléchir et à y travailler sinon, en effet, nous paierons très cher dans les prochaines années et cela s'imputera sur l'ONDAM.
Plusieurs questions portaient sur le « 100 % santé ». Cette réforme fait l'objet d'un comité de suivi présidé par le ministre des solidarités et de la santé ; il se réunit deux fois par an. Il s'est réuni pour la dernière fois début avril. Par ailleurs, des comités de suivi techniques sectoriels que je préside réunissent les professionnels et les organismes payeurs. Nous rencontrons de plus régulièrement les industriels.
Vous avez demandé, monsieur Door, s'il existe un observatoire sur les prix. Il existait avant la réforme « 100 % santé » et a été remplacé depuis par ce comité de suivi. Dans le cadre du comité de suivi, sont présentées ou commandées un grand nombre d'évaluations.
En ce qui concerne l'évaluation de la réforme pour les personnes les plus modestes, nous faisons avec l'ensemble des acteurs et les organismes payeurs ainsi qu'avec les associations un zoom à travers un second comité de suivi, le comité de suivi de la complémentaire santé solidaire. Nous regardons l'accès aux soins des personnes les plus modestes, pas uniquement pour le « 100 % santé » mais plus largement, que ces personnes bénéficient ou non de la sécurité sociale puisque, comme nous l'avons dit tout à l'heure, il peut exister du non-recours.
S'agissant de la manière dont les professionnels s'approprient la réforme et la présentent aux assurés, les opticiens et les audioprothésistes ont l'obligation d'avoir des produits du panier « 100 % santé ». Les dentistes ont l'obligation de présenter dans leur devis du « 100 % santé » même s'ils ne l'effectuent pas eux-mêmes.
Nous avons effectivement des remontées de terrain qui laissent penser que ce n'est pas toujours parfaitement présenté et mis en valeur par les professionnels. Comme le ministre l'a indiqué lors du dernier comité de suivi, la DGCCRF mène actuellement des contrôles. Plusieurs centaines de contrôles sont déployés depuis le mois d'octobre dernier et, aujourd'hui, un peu plus de la moitié ont été effectués. Nous en ferons le bilan après l'été lorsqu'ils auront tous été faits mais la première vague de ces contrôles montre bien un nombre élevé d'anomalies.
Nous constatons un peu tous les cas : l'offre n'est pas présentée du tout ou est mal présentée ou est dénigrée. Le cas où elle n'est pas du tout présentée est évidemment contraire aux engagements pris. Le cas où elle est dénigrée est plus compliqué. Bien que quelques contrôles peuvent donner lieu à des sanctions, l'objectif de ces contrôles est d'adopter une approche pédagogique et de faire que la profession s'approprie la réforme. À l'issue de ces contrôles, un bilan sera dressé avec la profession. Si nécessaire, il conviendra d'aller plus loin en proposant par exemple la normalisation de documents mais seulement après ce bilan.
En ce qui concerne le tiers payant, une disposition de la LFSS 2021 prévoit que, à partir de 2022, tous les organismes complémentaires doivent proposer le tiers payant sur le « 100 % santé ». Je pense que ce sera le cas mais l'objectif n'est pas seulement qu'ils proposent le tiers payant : c'est que les professionnels y recourent. Pour cela, nous animons actuellement avec la CNAM des groupes de travail avec les professionnels et les complémentaires, en espérant que ce sera suffisant.
Le tiers payant généralisé, sans aucune avance de frais sur le « 100 % santé », est aujourd'hui autour de 80 % sur l'optique, à 50 % sur les audioprothèses et plus bas sur le dentaire. L'objectif est de faire augmenter ces taux en agissant avec les acteurs et, le cas échéant, à moyen terme, d'envisager d'autres manières de faire si ces taux ne montent pas. Pour cette année, l'objectif est de progresser avec cette disposition de la LFSS.
Concernant l'ONDAM, monsieur Door, la mission de Raoul Briet en 2010 avait permis de formuler des recommandations pour revoir le pilotage, notamment le renforcement du rôle du comité d'alerte et les mises en réserve en début d'année à hauteur de 0,3 %. La mise en œuvre depuis 2010 de ces recommandations a participé au respect de l'ONDAM jusqu'en 2019. 600 ou 700 millions d'euros sont en réserve par construction dans l'ONDAM 2021.
Le rôle du comité d'alerte a été extrêmement utile. Ces mises en réserve ont permis de tenir l'ONDAM tout au long de la décennie, mais nous voyons bien que ce modèle finit aussi par atteindre certaines limites, en particulier avec le fait que ces mises en réserve qui passaient majoritairement par des gels de tarifs hospitaliers ont fini par déclencher une forme d'incompréhension à l'hôpital. C'est la raison pour laquelle les réflexions en cours portent sur une régulation, non par le gel infra‑annuel, mais plutôt pluriannuel.
La recherche a été évoquée. Pour ce qui concerne la DGOS, il me semble que trois évolutions sont importantes. La première, qui était très attendue porte sur l'augmentation des moyens de 50 millions d'euros par an, en particulier dans le cadre du « Ségur ».
Le deuxième sujet est un sujet d'organisation, qui se pose à deux niveaux. Au niveau national, nous y travaillons avec nos collègues de la direction générale de la santé, du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Nous menons en ce moment des discussions destinées à tirer les enseignements des évolutions de la première période de la crise du covid, durant laquelle nous avons constaté une accélération des financements des projets de recherche. Néanmoins, l'organisation n'est pas totalement stabilisée entre nous ; elle ne permet pas d'allier une priorisation partagée forte avec les remontées de projets de terrain qui serait la solution la plus efficace.
L'organisation régionale peut à notre avis être encore améliorée, avec un attachement fort pour l'investissement des hôpitaux. L'extension à d'autres champs est nécessaire car la recherche est encore très orientée sur la médecine, la chirurgie et l'obstétrique. Il est en effet important d'embarquer de plus en plus le financement de projets de recherche en psychiatrie, en soins de suite et de réadaptation, mais aussi en soins primaires. Ce sont des enjeux majeurs, à la fois au plan local et au plan national.
Le dernier volet est celui des ressources humaines, puisqu'il ne peut pas exister de recherche sans professionnels.
Les mesures du « Ségur » ont concerné de manière différente les professionnels publics et privés, les personnels médicaux et non médicaux. C'est la raison pour laquelle la question des pharmaciens du secteur privé n'est pas intégrée aux mesures. Cela fait partie des décisions sur le périmètre prises dans le cadre du protocole d'accord négocié et signé l'été dernier.
Vous avez évoqué le renforcement des professionnels dans la mesure dite « des 15 000 soignants ». Nous avons augmenté le nombre de places dans les instituts de formation en soins infirmiers dès la rentrée de septembre 2020 puisque c'est l'un des volets importants pour renforcer les professionnels de santé. Après 1 300 places en septembre 2020, nous poursuivrons en 2021.
Je signale aussi le succès de la mesure des lits à la demande, qui nous permet de renforcer selon les besoins de chaque établissement la capacité à prendre en charge des patients. Nous avions prévu pour cette mesure 50 millions d'euros. Selon les derniers chiffres disponibles qui datent de fin mars, 250 établissements y ont recouru et 88 % des crédits ont bien été délégués et dépensés.
L'ensemble des ordonnances et textes concernant les hôpitaux de proximité est sorti depuis le mois de mai, à la fois sur l'organisation et sur le fonctionnement des hôpitaux de proximité, mais aussi sur leur mode de financement. Nous disposons donc de toute la boîte à outils.
Vous avez évoqué les innovations organisationnelles et salué l'action des directeurs d'hôpitaux pendant les mois écoulés ; je m'y associe. Nous avions effectivement besoin de leur proposer des innovations dans l'organisation des établissements, à différents niveaux. Avec l'ordonnance sur les GHT, la proposition de loi portée par Mme Rist et le décret GHT que nous attendons dans les jours qui viennent, nous avons l'ensemble des outils qui permettront d'améliorer la gouvernance et le fonctionnement de nos établissements de santé. C'était très attendu, et cela a été concerté dans un délai remarquable au cours d'une période compliquée, ce qui montre que l'attente était forte.
Nous devons aussi mettre en œuvre l'ensemble des recommandations élaborées par le professeur Claris dans le cadre du « Ségur ». Nous y travaillerons avec lui d'ici l'été prochain.
En ce qui concerne le tiers payant pour l'hôpital, nous avons signé la semaine dernière avec la direction de la sécurité sociale, la direction générale des finances publiques, les assurances, les mutuelles et les fédérations hospitalières un protocole d'accord qui permettra de déployer le tiers payant à l'hôpital dans un délai de vingt‑quatre mois, sous réserve de la publication d'un décret qui interviendra avant l'été. Je crois que cet accord a été unanimement salué et nous en étions très satisfaits.
Sur les essais cliniques, la direction générale de la santé est essentiellement concernée par le fonctionnement des comités de protection des personnes (CPP). L'un des sujets soulevés par le CSIS en 2018 est la question des délais d'instruction des dossiers, notamment au regard de l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen, qui impose un délai de soixante jours. Le Parlement a voté l'an dernier dans le cadre de la LFSS un texte additionnel qui permet de renforcer les financements des CPP, ce qui nous a permis de leur attribuer quelques moyens supplémentaires.
Il existe trente‑neuf CPP en France. Ce sont des structures qui fonctionnent sur le principe du bénévolat. Les rapporteurs sont rémunérés et, surtout, des moyens administratifs sont nécessaires pour faire fonctionner ces structures.
Les CPP ont été énormément sollicités durant la crise pour des essais cliniques liés à la lutte contre l'épidémie. Nous avons constaté que la durée moyenne d'instruction des dossiers par les CPP était de quinze jours durant cette période, ce qui était loin des durées habituelles d'instruction, plutôt supérieures à soixante jours.
Nous nous heurtons à une difficulté peut-être très française, en tout cas du domaine de l'enseignement et de la culture : nous avons besoin de trouver des membres capables de travailler directement en langue anglaise pour les CPP car, dans le cas des essais cliniques portés par les grands laboratoires sur la totalité du territoire de l'Union européenne, l'instruction du dossier en anglais permettrait évidemment de raccourcir le délai d'instruction. Nous avons fait un appel au volontariat. Sur les trente‑neuf CPP, une douzaine nous ont répondu positivement pour participer à une expérimentation et pour voir dans quelle mesure le travail en anglais permettrait de gagner du temps sur ces dossiers innovants ou supposés innovants.
Sur l'innovation se pose aussi la question de l'ANSM, qui s'est mise en ordre de bataille afin d'être en mesure de respecter les délais qui lui sont impartis. Nous y travaillons donc et nous avançons aux côtés des CPP puisque ce maillon, fondé sur le bénévolat, est celui qui nécessite le plus d'accompagnement de notre part.
Mme Wonner a posé une question sur la vaccination, d'abord pour savoir si la mesure de l'article 49 était temporaire. À ce stade, il s'agit d'une mesure pérenne, mais rien n'empêchera le législateur de lever l'obligation une fois que l'objectif sera atteint. Je rappelle simplement que la mesure de l'article 49 a consisté à étendre l'obligation vaccinale qui existait déjà pour certains vaccins.
Je rappelle également que nous avons maintenant une jurisprudence assez claire. L'obligation vaccinale ne peut être qu'une mesure législative. La seule dérogation concerne les forces militaires, c'est-à-dire une population différente qu'il peut être nécessaire de vacciner très rapidement. Le juge constitutionnel se prononce sur le bien-fondé d'une telle obligation, donc sur la balance entre bénéfice et risque, entre la protection de la santé individuelle et collective, la contrainte, le risque et le bénéfice attendu pour l'individu et la collectivité. Le contrôle du juge est bien établi et les contentieux déclenchés contre les décrets d'application de l'article 49 ont permis notamment au Conseil d'État de préciser sa position sur le sujet.
Le professeur Fischer s'est prononcé dans un communiqué sur la vaccination des enfants à partir de 12 ans dans le cadre de la lutte contre l'épidémie. Il est intervenu dans un contexte très particulier, celui de l'obtention d'une immunité collective. Si nous n'arrivons pas à vacciner suffisamment d'adultes, la vaccination des enfants est aussi un moyen d'atteindre une immunité collective. C'est donc une réflexion globale qui a des éclairages à l'étranger puisque, aux États-Unis et au Canada, les enfants de plus de 12 ans sont déjà vaccinés. En France, la HAS a été saisie de la question. Pour répondre plus précisément sur le plan éthique, nous avons également saisi le Comité consultatif national d'éthique, afin qu'il se prononce sur cette question.
Je souligne, sur la question de l'innovation thérapeutique, l'importance des deux évolutions récentes sur le dispositif d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) dans la LFSS 2021 et sur l'accord-cadre signé entre le CEPS et le LEEM. Cet accord fixe un cadre très ambitieux de soutien à l'investissement et à l'innovation avec un certain nombre de dispositifs d'accélération des délais et d'arbitrage qui participent de l'ambition que nous partageons de garantir aux assurés un accès rapide à l'innovation.
Il convient également de ne pas oublier le dispositif d'ATU dans les comparaisons européennes et internationales. Les comparaisons de délai d'accès au marché semblent souvent défavorables à notre pays, mais, en prenant en compte ce dispositif très performant d'accès rapide, nous constatons que la comparaison est beaucoup moins défavorable à notre pays, voire devient favorable. Il faut faire vivre cet accord-cadre et l'ATU, qui sont des piliers de cette stratégie.
En ce qui concerne les thérapies géniques, l'assurance maladie avait fait des propositions dans son rapport « Charges et produits » de l'année dernière, autour de la logique des contrats de performance et peut-être aussi d'un étalement des paiements. Nous continuons à soutenir ces innovations, mais l'évaluation de la performance est souvent un sujet sur lequel le CEPS et les industriels ont du mal à s'accorder, ce qui rend difficile la mise en œuvre. La soutenabilité de la dépense des produits de santé et de l'accès à l'innovation restera un important sujet de débat dans les prochaines années.
Je confirme que nous avons proposé au Syndicat des médecins libéraux des assouplissements de l'avenant 6 pour favoriser le développement de la téléconsultation, notamment la suppression de l'obligation d'une visite présentielle dans les douze derniers mois pour les médecins spécialistes et les médecins traitants. Malheureusement, ces discussions n'ont pas abouti à la fin de l'année, mais nous les relancerons à la mi-juin, dès que nous aurons les résultats de l'enquête de représentativité. Notre ambition est bien de définir un nouveau cadre conventionnel pour cette activité de téléconsultation, un cadre plus souple que le précédent, mais qui garantisse le respect du parcours de soin et la qualité des interventions.
L'assurance maladie est évidemment pleinement investie dans les expérimentations liées à l'article 51, à la fois dans leur pilotage, leur évaluation et les dispositifs de facturation. Il s'agit pour nous d'un élément important de respiration de notre système de santé et de contribution aux innovations organisationnelles. Il est vrai que nous pouvons parfois avoir le sentiment qu'existent de nombreuses innovations et projets. C'est la traduction du dynamisme des acteurs territoriaux, qui sont moteurs dans ces dispositifs et contribuent à faire évoluer les dispositifs conventionnels ou réglementaires. Nous y travaillons étroitement avec le ministère des solidarités et de la santé, notamment les équipes de Natacha Lemaire.
Sur le recours aux tests, je souligne que deux à trois millions d'assurés sociaux vont se faire tester chaque semaine, sans reste à charge et avec des délais de remise du résultat tout à fait maîtrisés puisque 90 % des résultats sont rendus en moins de vingt-quatre heures. Cela me fait dire que nous avons depuis plusieurs mois un système de tests extrêmement performant, sans doute l'un des plus performants d'Europe si ce n'est le plus performant. C'est un point fort de notre stratégie de lutte contre l'épidémie qui a vocation à se poursuivre.
Vous avez évoqué sur le numérique des divergences entre la sécurité sociale et le ministère. Je ne les identifie pas clairement. Nous sommes partie prenante de la feuille de route du numérique en santé définie par le ministre Olivier Véran, avec des ambitions fortes dont l'ouverture de « Mon espace santé » au 1er janvier 2022.
Ce dispositif doit permettre une interaction féconde entre acteurs publics et privés, puisqu'il est prévu de faire fonctionner autour du DMP un catalogue d'applications. Ce catalogue a vocation à être référencé par les pouvoirs publics et comportera justement des applications de prévention, des applications développées par des hôpitaux comme des portails de préadmission, des portails de rendez-vous... Les assurés trouveront ainsi des services dans des conditions de totale maîtrise de la sécurité des données de santé. Nous travaillons en ce sens avec le ministère de la santé grâce à un alignement stratégique et opérationnel remarquable.
Par définition, l'engagement de mon prédécesseur sur le carnet de vaccination a été tenu puisqu'une première brique du carnet de vaccination électronique est présente au sein du DMP. Nous ne sommes pourtant pas encore au bout de la démarche. Nous souhaitons au second semestre 2021 « muscler » ce carnet de vaccination, qui est encore un peu statique, de façon à avoir dans « Mon espace santé » un véritable carnet de vaccination indiquant les rappels et des conseils. Notre logique, plus généralement, est de disposer d'un DMP plus dynamique qu'aujourd'hui.
Monsieur Viry, la question de l'ASE est un sujet très important. Nous avions bien travaillé avec les médecins libéraux, puisque nous avions proposé une tarification de cette consultation pour les jeunes de l'ASE à hauteur de 46 euros qui faisait plutôt consensus, mais ce dispositif n'a pas encore vu le jour du fait de la suspension des négociations conventionnelles. Nous les relancerons à la mi-juin en espérant avancer rapidement. J'espère que nous aurons pu aboutir d'ici la fin de l'été. Si nous n'aboutissons pas, peut-être sera-t-il pertinent de réfléchir à d'autres modalités que la voie conventionnelle. Nous nous attellerons de toute façon à trouver une solution avec les médecins et je crois qu'il existe une bonne convergence de vues sur ce sujet.
Sur les innovations organisationnelles, nous avons fortement investi dans le déploiement des CPTS, d'un côté, et des différents modes d'exercices coordonnés tels que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ou les centres de santé, de l'autre. Des négociations sont ouvertes et vont être relancées pour soutenir toutes ces organisations territoriales de soin. Nous avons maintenant plus de cent CPTS et la dynamique pour mailler le territoire est assez forte. Nous pensons que cette brique est tout à fait significative dans cette organisation territoriale des soins de proximité, tout comme les MSP et centres de santé, et nous continuons à soutenir ces dispositifs.
Mme Biémouret a posé une question sur l'équilibre entre les territoires urbains et ruraux au sein de l'article 51. Sous réserve d'une analyse plus fine qui reste encore à mener, nous avons des projets concernant l'accès aux soins pour des zones peu denses. C'est d'ailleurs l'une des finalités visées par l'article 51. Cela concerne particulièrement des projets dans les outre-mer ou en Corse, mais pas seulement. Nous comptons également des projets en France métropolitaine, dont certains qui développent le principe du « aller vers ».
Mme Iborra m'a interrogée sur la multiplicité des expérimentations sur un même sujet. Cela rejoint le fait que toutes les initiatives locales ne sont pas forcément évaluées ni identifiées alors que ce n'est pas le cas de celles autorisées dans le cadre de l'article 51. J'en profite pour évoquer le dispositif d'évaluation qui est tout à fait inédit, dans le champ de la santé et au-delà, puisque tous les projets font l'objet d'une évaluation particulière.
Dans le cas de ce projet en particulier, qui est l'expérimentation d'un dispositif de soutien renforcé au domicile pour les personnes âgées, si j'ai bien compris, trois porteurs différents se sont fédérés pour aboutir à un cahier des charges commun. Le modèle de financement est un forfait mensuel par personne prise en charge ce qui permet de préfigurer une entrée future dans le droit commun. Cette expérimentation a commencé à inclure des personnes et sera évaluée à l'issue du projet.
Il s'agit d'une expérimentation sur plusieurs sites. Une des difficultés propre aux innovations organisationnelles est leur liaison à un contexte particulier, notamment pour celles réalisées dans un site particulier. Ce n'est pas le cas de cette expérimentation, puisqu'une dizaine de régions sont concernées.
En ce qui concerne votre souhait d'être informés des différentes expérimentations, je rappelle qu'elles sont toutes mises en ligne sur le site du ministère. Des pages sont dédiées à l'article 51 et sont mises à jour très régulièrement. Vous y trouverez les près de quatre‑vingt‑dix expérimentations autorisées. Pour compléter le rapport annuel, nous avons en outre élaboré un atlas, dont la première édition a été mise en ligne en février et qui sera actualisé prochainement. Il indique région par région les expérimentations autorisées.
L'audition s'achève à douze heures dix.
Information relative à la commission
La commission a désigné Mme Elsa Faucillon, rapporteure sur la proposition de loi, pour des mesures d'urgence en faveur des intermittents de l'emploi (n° 4138).