Comme l'année dernière, la MECSS m'a confié l'analyse de cette réforme essentielle pour un meilleur accès au soin. La réforme dite « 100 % santé » prévue à l'article 51 de la LFSS 2019, votée en 2018 et étalée sur les années 2019, 2020 et 2021, permet à tous les assurés bénéficiant d'un contrat de complémentaire santé responsable ou solidaire d'accéder à un panier de soins sans reste à charge dit « 100 % santé » dans trois domaines : l'optique, les aides auditives et les soins prothétiques.
Le suivi de cette réforme pourrait être aisé à réaliser puisque nous pouvons l'évaluer simplement par des chiffres. Néanmoins, trois éléments compliquent cette évaluation : il s'agit d'une réforme dont la mise en œuvre est progressive, étalée sur trois ans ; cette réforme a aussi été impactée sur le terrain par la crise sanitaire, notamment par le premier confinement ; enfin, son suivi requiert un grand nombre d'informations, souvent difficiles à obtenir et que je n'ai pas toutes en ma possession malgré les auditions que j'ai menées. Je vous remercie donc pour votre présence et pour l'ensemble des éléments que vous nous communiquerez. Ils nous permettront d'affiner ensemble ce suivi.
Les premières données chiffrées dont nous disposons permettent de dresser un bilan globalement très positif de la réforme. Ils montrent une forte pénétration de l'offre « 100 % santé », notamment en dentaire et en audiologie. En 2020, le panier « 100 % santé » a représenté 52 % des actes réalisés en dentaire, soit un pourcentage bien supérieur à l'objectif, qui était de 40 %. Depuis le 1er janvier 2021, date à laquelle la réforme est pleinement en vigueur concernant l'audiologie, 30 à 35 % des aides auditives proviennent du panier « 100 % santé ». Ces résultats, encore à consolider, sont également bien supérieurs à l'objectif initial de 20 %. Le bilan est donc très positif dans ces deux domaines.
En revanche, le bilan est plus mitigé pour l'optique. En 2020, seuls 17 % des verres simples, 10 % des verres complexes et 13 % des montures provenaient du panier « 100 % santé ». Ces chiffres en deçà de l'objectif initial de 20 % ne doivent pas pour autant nous faire conclure à un échec total de la réforme pour l'optique. Ils s'expliquent en partie par la préexistence de nombreuses offres sans reste à charge dans ce secteur.
La réforme « 100 % santé » devait permettre de répondre à une exigence sanitaire et sociale en contribuant à diminuer les restes à charge et à lutter contre le non-recours aux soins. Remplit-elle ces objectifs ?
Commençons par la lutte contre le renoncement aux soins. Les premiers éléments très parcellaires transmis par la CNAM concernent les assurés bénéficiant du dispositif « mission accompagnement santé ». Ces éléments nous laissent penser que la réforme pourrait avoir un impact important dans la lutte contre le non-recours aux soins. Disposez-vous d'autres données que celles de la mission accompagnement santé, qui ne représentent que quelques milliers de personnes ? Cela nous permettrait de savoir si cette réforme a diminué le non-recours aux soins à l'échelle de l'ensemble du territoire.
Disposez-vous de données en matière de prévention ? J'aimerais tout particulièrement connaître les effets de la réforme sur le recours aux soins conservateurs en dentaire. Il s'agissait d'une annexe au « 100 % santé ». La revalorisation des soins conservateurs dentaires était également importante pour la prévention et il serait intéressant de savoir si le recours à ces soins a augmenté.
Enfin, quelles sont les mesures que vous avez prises ou que vous envisagez de prendre pour assurer un accès à des soins optiques, dentaires ou d'audiologie de qualité pour les personnes les plus défavorisées qui ne bénéficient pas de la réforme « 100 % santé » ? Il s'agit des personnes qui n'ont pas de complémentaire santé solidaire ou responsable. Je rappelle que 5 % de la population n'a pas de complémentaire aujourd'hui et ces personnes sont donc exclues de cette réforme.
Au-delà du renoncement aux soins, qu'en est-il des autres restes à charge ? Ils sont aujourd'hui nuls pour les équipements du panier « 100 % santé » dans les trois secteurs, ce qui est un réel progrès dans la mesure où ils étaient particulièrement élevés avant la réforme. Nous pouvons donc dire que cette réforme est une belle réforme.
Sur les équipements hors « 100 % santé », l'évaluation des restes à charge est plus complexe à appréhender. Il faut noter que certains organismes complémentaires ont baissé leur niveau de garantie sur les produits hors « 100 % santé » dans leur contrat d'entrée de gamme. Malgré cela, les restes à charge sur le hors « 100 % santé » ne semblent pas avoir augmenté d'après les données dont nous disposons, essentiellement issues du réseau de soins Santéclair. Ils auraient même diminué en audiologie et en dentaire.
En audiologie, le reste à charge était de 780 euros en 2016 et il est aujourd'hui nul pour les appareils de classe 1. Selon les données de Santéclair, il serait de 784 euros pour les appareils de classe 2, c'est-à-dire les appareils haut de gamme pour lesquels le reste à charge était sans doute bien supérieur en 2016.
En dentaire, le reste à charge moyen pour les couronnes céramo-métalliques était de 135 euros en 2016 et est aujourd'hui nul pour le « 100 % santé ». Il est de 160 euros pour le panier modéré et de 170 euros pour le panier libre. Il est difficile de comparer puisque les données ne concernent que les réseaux « 100 % santé » et que les restes à charge moyens indiqués par Santéclair comprennent d'autres produits que les couronnes céramiques. Il paraît assez vraisemblable que le reste à charge pour un équipement de même qualité ait sensiblement baissé.
En optique, le reste à charge de l'équipement s'élevait à 95 euros en 2016. En 2020, il serait de 46 euros pour les verres unifocaux, 140 euros pour les verres multifocaux et 90 euros pour les montures, hors « 100 % santé » et hors offre sans reste à charge. Il est compliqué avec ces seules données de savoir précisément comment les restes à charge ont évolué en optique.
Nous n'avons pas réussi à obtenir de données consolidées sur le reste à charge. Disposez-vous d'autres données que celles du réseau Santéclair sur ce sujet ? Effectuez-vous un suivi des niveaux de remboursement par les complémentaires des produits n'appartenant pas au panier « 100 % santé » ? Savez-vous quelle est la part des assurés concernés par les baisses remboursement ?
Venons-en au financement de la réforme. Au moment de son adoption, le coût de la réforme était estimé à 755 millions d'euros par an pour l'assurance maladie d'après l'étude d'impact annexée au PLFSS. La Mutualité française évaluait quant à elle le coût de cette réforme pour les assurances complémentaires à 150 millions d'euros par an.
L'an dernier, vous aviez dit qu'il était encore trop tôt pour disposer des données relatives au coût de la réforme. Il est certain qu'il est également difficile cette année d'établir un bilan chiffré compte tenu de l'interruption quasi totale de l'activité pendant quelques mois.
La Fédération française de l'assurance (FFA) a néanmoins conduit un exercice intéressant en estimant le coût hors covid de la réforme. Il s'élèverait à 150 millions d'euros sur le périmètre des assurances. La crise sanitaire aurait surtout eu pour conséquence de décaler le coût de la réforme. La Mutualité française estime ce coût à 144 millions d'euros pour 2021 dans son périmètre.
Pourriez-vous nous fournir une estimation du coût de la réforme pour l'assurance maladie obligatoire ? Avez-vous fait le même exercice que les assureurs, à savoir estimer le coût hors covid de la réforme ?
L'hypothèse faite à l'époque était que les économies sur l'optique pouvaient, pour les complémentaires, couvrir les surcoûts en dentaire et en audiologie induits par les réformes. Cette hypothèse est-elle confirmée aujourd'hui ? Quel est l'effet de la réforme sur les cotisations demandées aux assurés ? J'ai bien entendu hier que nous avions voté 1,5 milliard d'euros. Le solde est sans doute de 2 milliards, voire 2,5 milliards d'euros. L'évolution de 3 % du coût des mutuelles est-elle vraiment justifiée ?
Enfin, sommes-nous allés jusqu'au bout de la réforme ? Est-elle réellement achevée ? Je pense en particulier au lien entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires pour l'optique. Les remboursements par l'assurance maladie obligatoire sur le panier à prix libre sont désormais très limités puisque l'assurance maladie rembourse 9 centimes d'euro, qui lui permettent principalement de conserver un droit de regard sur le remboursement effectué par les organismes complémentaires. Cela engendre une complexité administrative inutile.
Ne pourrions-nous pas envisager d'expérimenter, au moins dans une région, un système dans lequel nous ferions davantage confiance aux organismes complémentaires qui prendraient en charge et géreraient la part sécurité sociale sur le panier libre ?