En ce qui concerne la question de M. Touraine sur l'innovation thérapeutique, vous avez voté des réformes de l'accès précoce aux dispositifs médicaux et aux médicaments. La mise en place de cette réforme pour le médicament fait l'objet d'un projet de décret qui est en ce moment même au Conseil d'État après une concertation de plusieurs mois avec l'ensemble des acteurs. C'est une réforme technique mais très importante pour rendre plus lisible l'accès précoce aux innovations médicamenteuses en particulier.
Par ailleurs, dans l'accord-cadre signé voici deux ou trois mois entre le Comité économique des produits de santé et le syndicat Les Entreprises du médicament (LEEM) se trouve une dimension industrielle importante. Elle existait déjà dans l'accord-cadre précédent mais a été très renforcée dans ce nouvel accord.
Il faut toutefois rappeler que la politique de prix du médicament n'est pas le seul levier dans la politique plus globale d'attractivité du territoire français. La politique d'essais cliniques intervient aussi, ainsi que les aides au financement.
Le financement des innovations peut-être de rupture et très coûteuses qui sont devant nous renvoie aux réflexions pas forcément simples que nous avons avec le LEEM sur les modèles de financement de ces innovations et la manière de partager l'incertitude. Faut-il payer très cher tout de suite, avant de savoir si ces innovations sont vraiment des innovations de rupture et guériront réellement des gens ? Comment étaler dans la durée ces tarifications, de façon à ne pas payer seulement « pour voir » mais une fois que nous avons vu ?
Ces réflexions et ces débats sur le partage du risque entre le payeur et les industriels sont en cours dans l'ensemble des pays industrialisés. Personne n'a vraiment trouvé de modèle adéquat et stable jusqu'à présent. Il faut continuer à y réfléchir et à y travailler sinon, en effet, nous paierons très cher dans les prochaines années et cela s'imputera sur l'ONDAM.
Plusieurs questions portaient sur le « 100 % santé ». Cette réforme fait l'objet d'un comité de suivi présidé par le ministre des solidarités et de la santé ; il se réunit deux fois par an. Il s'est réuni pour la dernière fois début avril. Par ailleurs, des comités de suivi techniques sectoriels que je préside réunissent les professionnels et les organismes payeurs. Nous rencontrons de plus régulièrement les industriels.
Vous avez demandé, monsieur Door, s'il existe un observatoire sur les prix. Il existait avant la réforme « 100 % santé » et a été remplacé depuis par ce comité de suivi. Dans le cadre du comité de suivi, sont présentées ou commandées un grand nombre d'évaluations.
En ce qui concerne l'évaluation de la réforme pour les personnes les plus modestes, nous faisons avec l'ensemble des acteurs et les organismes payeurs ainsi qu'avec les associations un zoom à travers un second comité de suivi, le comité de suivi de la complémentaire santé solidaire. Nous regardons l'accès aux soins des personnes les plus modestes, pas uniquement pour le « 100 % santé » mais plus largement, que ces personnes bénéficient ou non de la sécurité sociale puisque, comme nous l'avons dit tout à l'heure, il peut exister du non-recours.
S'agissant de la manière dont les professionnels s'approprient la réforme et la présentent aux assurés, les opticiens et les audioprothésistes ont l'obligation d'avoir des produits du panier « 100 % santé ». Les dentistes ont l'obligation de présenter dans leur devis du « 100 % santé » même s'ils ne l'effectuent pas eux-mêmes.
Nous avons effectivement des remontées de terrain qui laissent penser que ce n'est pas toujours parfaitement présenté et mis en valeur par les professionnels. Comme le ministre l'a indiqué lors du dernier comité de suivi, la DGCCRF mène actuellement des contrôles. Plusieurs centaines de contrôles sont déployés depuis le mois d'octobre dernier et, aujourd'hui, un peu plus de la moitié ont été effectués. Nous en ferons le bilan après l'été lorsqu'ils auront tous été faits mais la première vague de ces contrôles montre bien un nombre élevé d'anomalies.
Nous constatons un peu tous les cas : l'offre n'est pas présentée du tout ou est mal présentée ou est dénigrée. Le cas où elle n'est pas du tout présentée est évidemment contraire aux engagements pris. Le cas où elle est dénigrée est plus compliqué. Bien que quelques contrôles peuvent donner lieu à des sanctions, l'objectif de ces contrôles est d'adopter une approche pédagogique et de faire que la profession s'approprie la réforme. À l'issue de ces contrôles, un bilan sera dressé avec la profession. Si nécessaire, il conviendra d'aller plus loin en proposant par exemple la normalisation de documents mais seulement après ce bilan.
En ce qui concerne le tiers payant, une disposition de la LFSS 2021 prévoit que, à partir de 2022, tous les organismes complémentaires doivent proposer le tiers payant sur le « 100 % santé ». Je pense que ce sera le cas mais l'objectif n'est pas seulement qu'ils proposent le tiers payant : c'est que les professionnels y recourent. Pour cela, nous animons actuellement avec la CNAM des groupes de travail avec les professionnels et les complémentaires, en espérant que ce sera suffisant.
Le tiers payant généralisé, sans aucune avance de frais sur le « 100 % santé », est aujourd'hui autour de 80 % sur l'optique, à 50 % sur les audioprothèses et plus bas sur le dentaire. L'objectif est de faire augmenter ces taux en agissant avec les acteurs et, le cas échéant, à moyen terme, d'envisager d'autres manières de faire si ces taux ne montent pas. Pour cette année, l'objectif est de progresser avec cette disposition de la LFSS.
Concernant l'ONDAM, monsieur Door, la mission de Raoul Briet en 2010 avait permis de formuler des recommandations pour revoir le pilotage, notamment le renforcement du rôle du comité d'alerte et les mises en réserve en début d'année à hauteur de 0,3 %. La mise en œuvre depuis 2010 de ces recommandations a participé au respect de l'ONDAM jusqu'en 2019. 600 ou 700 millions d'euros sont en réserve par construction dans l'ONDAM 2021.
Le rôle du comité d'alerte a été extrêmement utile. Ces mises en réserve ont permis de tenir l'ONDAM tout au long de la décennie, mais nous voyons bien que ce modèle finit aussi par atteindre certaines limites, en particulier avec le fait que ces mises en réserve qui passaient majoritairement par des gels de tarifs hospitaliers ont fini par déclencher une forme d'incompréhension à l'hôpital. C'est la raison pour laquelle les réflexions en cours portent sur une régulation, non par le gel infra‑annuel, mais plutôt pluriannuel.