Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre :

Je vous remercie de me donner l'occasion de revenir sur différents points de la réforme de l'assurance chômage.

J'ai beaucoup entendu citer des études de l'UNEDIC selon lesquelles un million ou un million et demi de demandeurs d'emploi – cela dépend des jours – verraient leurs allocations baisser. Ce genre de présentation est biaisé à plus d'un titre.

D'abord, tout est fondé sur l'idée que les demandeurs d'emploi aujourd'hui inscrits à Pôle emploi auraient vocation à y rester : en se fondant sur leur nombre actuel, on calcule ce que pourraient donner, dans un, deux ou trois ans, les nouvelles règles de l'allocation chômage. Ce ne peut pas être un projet, que de considérer que les demandeurs d'emploi inscrits à l'heure actuelle doivent y rester ! En tout cas, si c'est ce que vous préconisez, moi j'en suis loin. Je pense que nous devons tout faire pour permettre aux demandeurs d'emploi de retrouver un emploi. C'est pour cela que, depuis le début du quinquennat, nous avons réalisé un effort de formation sans précédent, passant comme je l'ai dit de seulement 600 000 demandeurs d'emploi formés par an à plus de 1 million. C'est un cap que nous souhaitons garder.

Ainsi que vous l'avez relevé les uns et les autres, nombre d'entreprises cherchent à recruter. Notre responsabilité est de donner aux demandeurs d'emploi les formations nécessaires pour acquérir les compétences adaptées aux besoins de notre économie.

La présentation est également biaisée car elle ne s'intéresse qu'à un des deux paramètres qui interviennent dans le calcul des allocations : le niveau et la durée. Ne communiquer que sur le million de demandeurs d'emploi qui toucheraient une allocation plus basse – et encore une fois, ils n'ont de toute façon pas tous vocation à rester au chômage – c'est ignorer le second paramètre, celui de la durée. Or le montant global des droits ne change pas : si certains doivent percevoir une allocation plus basse, ils seront indemnisés plus longtemps. Et pour les demandeurs d'emploi qui ont des difficultés à trouver un emploi, être indemnisé plus longtemps est quelque chose de précieux qui peut leur permettre de retrouver du travail.

J'en profite pour dire à Pierre Dharréville qu'il ne faut pas imaginer que la réforme qui entre en vigueur au 1er juillet est celle qui était prévue en 2019. Une concertation a eu lieu, un plancher a été fixé pour le montant des allocations. Ceux qui parlent d'allocations qui seraient inférieures au RSA n'ont pas lu le décret publié fin mars, qui instaure ce plancher. Quiconque aura travaillé au SMIC, quelle que soit la durée – à mi-temps, à temps plein, à tiers de temps – ne pourra recevoir moins de 667 euros par mois.

Les contrevérités qui circulent sur cette réforme sont si nombreuses que je vous remercie de me donner l'occasion de préciser ces points une nouvelle fois.

Sur les métiers en tension, il serait tout de même incompréhensible de nous retrouver avec à la fois des demandeurs d'emploi nombreux et des difficultés de recrutement. La hausse du nombre de demandeurs d'emploi a été largement contenue grâce aux aides massives déployées depuis le début de la crise. Je rappelle qu'après la crise de 2008-2009, cette hausse avait été de 25 % ; on en est aujourd'hui à 9 %, en tenant compte des chiffres d'avril, qui n'étaient pas très bons compte tenu des restrictions sanitaires. Mais une hausse dans ce domaine est toujours trop importante, et il serait paradoxal qu'elle aille de pair avec des difficultés de recrutement dans de nombreux secteurs, qui pénalisent leur redémarrage.

Face à cela, je sollicite fortement Pôle emploi, déjà mobilisé depuis plusieurs mois, en direction des métiers du grand âge – cette action, que nous déployons conjointement avec Brigitte Bourguignon, porte ses fruits – et des secteurs du bâtiment et des hôtels, cafés et restaurants, où 110 000 emplois sont à pourvoir. Cette mobilisation de Pôle emploi a des résultats : de janvier à avril, près de 90 000 emplois ont été pourvus dans le domaine du bâtiment, soit près des trois quarts des offres déposées, et environ 40 000 dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, soit plus de 80 % des offres.

Relevons néanmoins que 60 % des offres d'emploi dans le domaine des hôtels, cafés et restaurants et 70 % dans le domaine du bâtiment ne sont pas déposées sur le site de Pôle emploi, les chefs d'entreprise estimant que l'organisme ne trouvera pas les salariés dont ils ont besoin. Je le redis aux entreprises : allez voir Pôle emploi, ils sont mobilisés pour vous accompagner. Les branches professionnelles, avec lesquelles nous travaillons étroitement, doivent aussi aider Pôle emploi à identifier les compétences et les besoins de formation – nous avons besoin d'œuvrer main dans la main. C'est ainsi que nous parviendrons à apporter des réponses aux demandeurs d'emploi comme aux entreprises. La reprise s'annonce dynamique. C'est une bonne nouvelle pour notre pays. Il faut donc absolument répondre aux besoins de nos entreprises. J'ai eu l'occasion d'en parler avec Pascale Fontenel-Personne.

Madame Six, nous avons tous les mêmes retours. Les secteurs qui étaient à l'arrêt redémarrent. Notre intention, qui doit être partagée par tous, est d'accompagner les demandeurs d'emploi, y compris, le cas échéant, avec les formations dont ils ont besoin.

Le Gouvernement ne saurait adhérer à l'idée visant à créer des droits spécifiques en faveur de certains secteurs. Nous devons accompagner les employeurs pour qu'ils proposent des emplois de meilleure qualité et des contrats plus longs. C'est la vocation de certains dispositifs tels que les CDI d'intérim ou les groupements d'employeurs. Il nous faut trouver les bonnes solutions pour sécuriser les emplois. En revanche, le principe de ces droits spécifiques a été largement restreint au cours du précédent quinquennat et abandonné par les partenaires sociaux au début de l'année 2017. Il est par conséquent assez curieux de nous enjoindre maintenant de rétablir une annexe UNEDIC pour les permittents de l'emploi, en particulier quand cela vient de ceux qui ont été aux responsabilités au cours du précédent quinquennat. Je pense qu'à l'instar des autres salariés, les permittents doivent bénéficier d'emplois plus longs et que les employeurs doivent pouvoir gérer leur flexibilité différemment.

J'ai eu l'occasion d'échanger avec certains extras de différents secteurs. Ce qu'ils m'expliquent, c'est qu'ils complètent leur revenu avec l'assurance chômage, et que leur employeur est d'accord. Bien sûr, mais cela a un coût ! Pour l'assurance chômage, c'est 2 milliards d'euros par an. D'aucuns peuvent considérer qu'il est formidable que les autres cotisants et les contribuables financent leur choix, mais notre responsabilité est de les inviter à en changer, et c'est ce à quoi nous allons nous employer.

La situation est très différente pour les intermittents du spectacle. Je suis quelque peu surprise quand j'entends qu'ils redoutent la réforme de l'assurance chômage, puisqu'ils ne sont aucunement concernés. Je peux même le répéter, car on a parfois l'impression que les messages ne passent pas : les intermittents du spectacle ne sont pas concernés par la réforme de l'assurance chômage.

Ils ont bénéficié d'une année blanche, que nous avons décidé de prolonger jusqu'à la fin de cette année. Nous avons imaginé des dispositifs nous assurant une bonne gestion de sortie de cette mesure. Par ailleurs, avec Roselyne Bachelot, nous partageons la volonté de les aider à retrouver un emploi. Tel est le sens des aides en faveur du secteur de la culture, destinées à faire repartir les activités culturelles. L'accompagnement du secteur de la culture est massif, aux alentours de 10 milliards d'euros en tout, l'année blanche représentant 1 milliard. Outre la prolongation de quatre mois et les dispositifs de sortie de crise, nous allons réfléchir à la possibilité de développer l'apprentissage en le combinant aux contrats aidés. Le choix est clair : c'est une aide au secteur de la culture. Ce régime est légitime pour le secteur de la culture, mais nous n'accorderons pas de subventions à d'autres secteurs. Chacun doit s'emparer des outils qui existent pour gérer sa flexibilité tout en sécurisant les salariés.

Quand j'entends Mme Wonner dire que le Gouvernement sacrifie la jeunesse, je pense à un dialogue de sourds. Je suis désolée, mais il y a des moments où l'on a du mal à garder son calme. Depuis juillet, nous avons présenté un plan massif et inédit. Inédit par son montant : 9 milliards d'euros. Inédit parce que nous avons voulu trouver une solution pour chaque jeune : ceux qui sont proches de l'emploi, ceux qui peuvent entrer en apprentissage, ceux qui ont besoin d'une formation, ceux qui ont besoin d'un accompagnement parce que plus éloignés de l'emploi. Alors je veux bien que nous ne soyons pas d'accord, mais dire que les jeunes sont les oubliés du Gouvernement, pardon, mais c'est ignorer à un tel point les messages que cela finit par rendre la discussion un peu difficile.

9 milliards d'euros ! 9 milliards pour soutenir l'emploi des jeunes, atteindre un record historique du nombre de contrats d'apprentissage dans notre pays, accompagner un nombre exceptionnellement élevé de jeunes vers l'emploi. Et puisque vous me reposez la question, je vais vous répondre à nouveau : ce que les jeunes attendent, à mon avis, ce n'est pas uniquement une allocation. Bien sûr, il faut répondre à leurs difficultés financières lorsqu'ils en ont, mais notre responsabilité collective est de leur permettre de retrouver la confiance lorsqu'ils l'ont perdue, d'élaborer un projet professionnel quand ils n'en ont pas, et de les accompagner enfin pour le mettre en œuvre.

Cet accompagnement passe par les dispositifs que nous avons construits avec le service public de l'emploi, et avec les conseils régionaux s'agissant des formations aux métiers qui recrutent. Il passe par les dispositifs destinés aux jeunes qui ne sont pas encore prêts à entrer en apprentissage, les prépas apprentissage et prépas compétences. Il passe par les dispositifs extraordinaires que sont les écoles de la deuxième chance (E2C) et par l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE). Bref il passe par une palette de réponses comme jamais nous n'en avons mobilisé dans notre pays, avec pour ambition affichée d'aider les jeunes à gagner leur autonomie en accédant à un emploi. Nous continuerons en ce sens.

J'entends ce qui est dit sur les missions locales. Je puis vous assurer que nous soutenons les missions locales, qui sont des acteurs essentiels pour répondre à la priorité pour la jeunesse que nous nous sommes fixée. Nous avons augmenté très substantiellement leurs crédits, avec 140 millions d'euros supplémentaires. Je ne crois pas que les missions locales aient jamais bénéficié d'un tel budget.

Le doublement de l'objectif de garanties jeunes conduit à recruter 2 000 conseillers. Nous tenons compte du fait que cela ne se fait pas d'un claquement de doigts : il faut prendre le temps de recruter les personnes ayant les bonnes compétences. Nous sommes donc convenus avec l'Union nationale des missions locales d'une trajectoire qui décollera à partir de l'été, dès lors qu'elles auront recruté des conseillers supplémentaires. Cette trajectoire est respectée. J'en profite pour saluer une nouvelle fois l'action des missions locales, qui sont au rendez-vous face aux difficultés de notre jeunesse et qui élaborent des parcours si personnalisés que cela devient du cousu main. Les jeunes qui en ont besoin peuvent aussi toucher une allocation allant jusqu'à 500 euros par mois.

À la demande du Président de la République, je travaille à une garantie jeunes universelle, afin de répondre aux difficultés créées par la multiplicité des dispositifs. Entre spécialistes, je m'autorise à jongler avec les EPIDE, les E2C, la garantie jeunes, les accompagnements intensifs des jeunes (AIJ) et les parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), mais les jeunes, eux, peuvent être un peu perdus ! C'est pourquoi il importe d'avoir une bannière unique, de diffuser un message simple : chaque jeune qui en a besoin doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi et d'une aide financière lorsque c'est nécessaire. C'est ce à quoi nous nous attachons actuellement.

Je le redis, les missions locales sont des partenaires essentiels. Vous avez parlé des collectivités qui s'y impliquent : oui, elles doivent le faire, les missions locales sont des structures partenariales entre l'État et les collectivités. Au titre du partenariat que j'ai signé avec l'Assemblée des communautés de France, nous sommes convenus que l'État et les intercommunalités devaient travailler la main dans la main pour apporter des réponses. Il s'agit notamment de mettre à disposition des locaux, mais aussi, dès lors que l'on vise un accompagnement global des jeunes, d'activer les aides qui relèvent de leur compétence, par exemple les aides à la mobilité, qui sont très souvent l'un des premiers freins d'accès à une formation ou à un emploi. Ce travail commun est indispensable pour atteindre notre objectif essentiel dans la période actuelle, et au-delà pour permettre à chaque jeune de trouver sa voie et d'accéder durablement à un emploi.

S'agissant de la convention n° 190, monsieur Dharréville, je vous confirme que j'ai présenté au dernier Conseil des ministres un projet de loi de ratification conjointement avec Jean-Yves Le Drian. Je pense que le texte pourra être examiné dans les prochaines semaines par le Parlement. J'avais à cœur d'avancer rapidement sur cette question. L'étude d'impact a montré qu'elle pouvait être faite à droit constant. J'ai bien reçu le courrier des organisations syndicales qui souhaitent que nous abordions certains sujets, comme la prise en compte des violences intrafamiliales par l'employeur. Je leur ai répondu qu'il s'agit d'un enjeu d'ampleur, qui doit faire l'objet d'une discussion entre les partenaires sociaux, organisations patronales et syndicales, avant d'être traité le cas échéant au niveau législatif. Cette discussion n'a pas eu lieu. Je suis très respectueuse du dialogue social, et je salue le fait que les partenaires sociaux aient souhaité avoir un agenda paritaire. C'est un très bon thème dont ils pourraient s'emparer.

J'en viens à l'ubérisation et au développement de plateformes qui proposent du travail, indépendant ou non. Dans certains domaines d'abord, par exemple dans celui de la mobilité, les plateformes ont permis de proposer de nouveaux services, de créer de nouveaux emplois. Il faut se montrer très vigilants sur le fait que les travailleurs supposés indépendants le soient réellement, et que les travailleurs des plateformes bénéficient des mêmes droits individuels et collectifs que les autres travailleurs.

La meilleure méthode, selon nous, est d'organiser un dialogue entre une représentation collective des travailleurs et les plateformes, pour permettre aux travailleurs de défendre leurs droits. C'est ainsi que nous parviendrons à créer ces droits individuels et collectifs. Tel est le sens de l'ordonnance du 21 avril, qui organise la désignation des représentants des travailleurs indépendants recourant aux plateformes pour le début de l'année prochaine. C'est un pas important. Ensuite, pour que ces représentants puissent négocier avec les plateformes, nous avons besoin que l'initiative prise par la Commission européenne progresse : en effet, les travailleurs indépendants étant considérés comme des entreprises, le fait qu'ils agissent collectivement pourrait être analysé au regard du droit de la concurrence comme une entente. Nous poussons donc très fortement au niveau européen pour ouvrir le champ à une véritable négociation collective avec les représentants des travailleurs.

Il y a aussi des cas où ce travail indépendant est du travail salarié déguisé. Nous devons y porter une grande attention dans la période actuelle, et réfléchir avec les branches professionnelles et les représentants des salariés à la façon de mieux prévenir ce détournement. En tout cas, l'inspection du travail est très mobilisée sur la question et je puis vous assurer que nous procéderons à des contrôles. À mon sens, cela fait partie des questions que nous devons traiter.

Après avoir eu des échanges avec les partenaires sociaux sur la sortie des aides d'urgence ou sur les impacts territoriaux de la crise et la façon de les accompagner, nous avons prévu un troisième temps d'échange sur les conséquences structurelles de la crise, et donc sur les transformations du travail et de l'emploi. Nous pourrons à cette occasion revenir sur ce point, ainsi que sur le développement du télétravail. Ce dernier a comme vous l'avez dit un caractère pénalisant pour certaines femmes, dont on a vu qu'elles disposent moins souvent d'une pièce pour travailler que les hommes et qui assument plus souvent, en même temps que leur travail, la prise en charge des enfants. Lorsque les conditions de télétravail ne sont pas favorables au domicile, nous pourrions peut-être inciter au travail dans des tiers lieux ou des espaces de coworking – mais ce sont là des réflexions que nous devons mener donc avec les partenaires sociaux.

Monsieur le député Perrut, pour beaucoup de jeunes et notamment des étudiants, nous sommes conscients de l'importance d'avoir des jobs d'appoint. Ils ont été plus rares ces derniers mois ; il importe donc de réussir la période d'été. Pour ce faire, nous avons mobilisé les entreprises, qui le sont déjà dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ». Le Président de la République a lancé une démarche pour que les entreprises s'engagent – et elles s'engagent fortement pour accompagner les jeunes. Dans un premier temps, une trentaine d'entreprises ont proposé 10 000 offres d'emploi ; on dépasse aujourd'hui les 40 000. C'est un message que nous pouvons tous relayer auprès des jeunes : ils pourront trouver un job d'été en se rendant sur la plateforme 1jeune1solution. À ces 40 000 offres s'ajoutent 20 000 stages et 250 000 emplois en CDD de plus de trois mois ou en CDI. C'est aussi une bonne façon pour les jeunes d'accéder à l'emploi.

S'agissant de la possibilité de convertir ses droits individuels à la formation sur le CPF, la date d'échéance a déjà été reportée plusieurs fois, la dernière fois au 30 juin. Nous ne la repousserons pas une nouvelle fois : si les personnes ne s'en emparent pas, c'est sans doute pour de bonnes raisons. Un certain nombre d'organismes de formation trouvent leur intérêt à faire du buzz autour de ce sujet et pratiquent parfois du démarchage abusif. Il conviendra de réfléchir à la façon d'inviter chacun à mobiliser son CPF pour acheter une formation.

Les salariés qui avaient acquis des droits avant 2015 et qui ne sont pas partis à la retraite ont très massivement basculé. Nous avons mené une campagne de communication et rappelé par courriel à chaque entreprise au début de cette année de bien faire passer le message à leurs salariés. Il reste encore quinze jours pour basculer ses droits sur le CPF.

Ce dernier est très utile. Nous constatons qu'il monte en puissance, ce qui est une bonne nouvelle car il permet à des personnes qui n'y étaient pas éligibles d'accéder à la formation professionnelle. Ceux qui l'utilisent sont plus souvent des femmes, des personnes ayant moins de qualification, des ouvriers, des employés, autrement dit des profils qui n'étaient pas forcément ceux qui étaient mis en avant dans les plans de formation des entreprises.

Nous pourrons discuter de la qualité des formations, un sujet auquel nous nous sommes déjà attelés car il convient de s'assurer que les salariés qui mobilisent leur CPF suivent bien des formations qui multiplieront leurs chances d'accéder à un emploi et répondront aux besoins de l'économie. Mais pour l'heure, il est une très bonne chose que tous les salariés puissent s'emparer du CPF.

Vous m'avez interrogée sur les retraites. Le Président de la République a indiqué que notre priorité absolue était de faire repartir l'activité, de créer un maximum d'emplois et de nous assurer que ces emplois sont pourvus.

Les constats dressés avant la crise pointaient la très grande complexité de notre système, qui compte quarante-deux régimes, avec des salariés qui, de plus en plus souvent, changeront de métier au cours de leur vie professionnelle. Ils mettaient en lumière le caractère injuste de notre système, très pénalisant pour les personnes qui ont des carrières hachées ou qui travaillent à temps partiel – surtout des femmes.

Par ailleurs, le rapport du Conseil d'orientation des retraites, qui sera publié demain mais que l'on connaît déjà, montre que notre système restera structurellement déficitaire au cours des prochaines décennies. Par conséquent, je n'ai aucun doute, il faudra une réforme des retraites.

Je ne répondrai ni sur le contenu ni sur le calendrier, puisque le Président de la République a souhaité avoir un débat avec les Français, les forces politiques et les organisations patronales et syndicales pour arrêter sa conviction sur ces sujets. Vous aurez certainement l'occasion d'exprimer votre point de vue sur ces sujets lors de cette phase d'écoute.

S'agissant de la protection sociale et de l'assurance chômage des travailleurs indépendants, les conditions d'accès au dispositif créé par la loi de 2018 sont sans doute trop restrictives, notamment les minima de chiffre d'affaires à avoir réalisé les deux années précédentes. La crise de 2020 a montré qu'il était compliqué de répondre à ces exigences, et nous réfléchissons à la possibilité de les assouplir.

Cela dit, dans la mesure où il s'agit d'un système d'assurance chômage, aller beaucoup plus loin poserait la question des cotisations. Or, lorsqu'on ouvre ce débat avec les représentants des indépendants, ils ne semblent pas vouloir aller en ce sens. En tout cas, nous travaillons avec Alain Griset à assouplir les règles afin d'améliorer la situation.

Il a été question des outre-mer. La situation est très contrastée entre des territoires comme Mayotte, la Guyane ou La Réunion, où la proportion de jeunes est plus élevée que la moyenne métropolitaine, et la Guadeloupe ou la Martinique, dont la population est plutôt plus âgée. Nous essayons d'adapter nos dispositifs aux spécificités de ces territoires, et je puis vous assurer que nous avons réservé une part significative de contrats aidés aux territoires d'outre-mer, en appliquant des taux de prise en charge plus élevés. De la même façon, nous avons été attentifs aux dispositifs spécifiques tels que le PIJ, aide à la création ou la reprise d'entreprise pour laquelle le soutien financier de l'État prévu en 2020 a été reconduit en 2021. Plusieurs dispositifs sont très sollicités, comme l'AIJ de Pôle emploi en Guyane et en Guadeloupe ou encore le PACEA. Des enveloppes sont dédiées aux contrats aidés, en particulier les parcours emploi compétences. Nous sommes en train d'étudier la façon d'accompagner les centres de formation d'apprentis et de déployer le dispositif que nous avons prévu pour les décrocheurs alors que l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes n'est pas présente dans les territoires d'outre-mer. Tous ces sujets mériteraient que nous en discutions plus directement et de façon plus approfondie.

S'agissant des nouveaux territoires zéro chômeur de longue durée, nous avons signé le cahier des charges avec Brigitte Klinkert. J'imagine qu'il est dans les tuyaux pour une publication très prochaine ; le décret devrait être publié d'ici à la fin du mois.

Le sujet du travail des seniors était inscrit à l'agenda social depuis l'été dernier et je souhaite que nous en débattions avec les partenaires sociaux le moment venu.

Vous mentionnez plus particulièrement les cadres. Nous sommes confrontés à différents types de difficultés. Il y a par exemple la prévention de l'usure professionnelle dans certains métiers. Mais surtout, j'entends trop souvent des entreprises nous dire que les compétences de leurs seniors, cadres ou non, ne sont plus adaptées. Cela doit vraiment nous faire réagir : il est impératif de prévenir ces situations et de promouvoir la formation, voire la reconversion tout au long de la vie. Il est nécessaire de s'emparer de cette question afin de progresser.

Je rappelle que l'emploi des cadres a été globalement préservé grâce à l'activité partielle et que les seniors ont été particulièrement protégés, puisqu'ils occupent souvent des emplois plus stables que les jeunes. La crise a donc amené une situation assez inattendue : le taux d'emploi des seniors a progressé en 2020. Il n'en reste pas moins, je suis d'accord avec vous, que la capacité d'un senior qui perd son emploi à en retrouver un est trop faible. On sait par exemple que la dégressivité des allocations ne s'applique pas au-delà de 57 ans ; aussi conviendrait-il de prévoir – et l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) y réfléchit – un accompagnement particulier pour aider les cadres seniors à retrouver un emploi.

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