Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 14h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo, rapporteure :

Notre approche de la mission qui nous a été confiée a défini les propositions que nous formulons. Beaucoup seront peut-être déçus, car ils attendaient que nous proposions la suppression des ARS. Nous pensions avant de commencer que ce n'était pas une bonne idée et je crois que nous en sommes encore davantage convaincus après cette mission.

Le dénigrement des ARS durant cette période de crise est un peu facile et simpliste ; il succède à des interrogations que nous pensons légitimes d'ailleurs sur le fonctionnement des ARS, mais nous avons pensé préférable de faire des propositions pour améliorer le fonctionnement de cette institution. Elle est jeune et a pourtant déjà dû subir une réforme structurelle et une importante crise sanitaire. Nous partageons donc vraiment cette idée que proposer la suppression des ARS aurait été facile, aurait peut-être fait du bruit, mais que cela aurait été vain. Notre mission doit produire un rapport dont nous aimerions que les propositions aboutissent.

Le principal enjeu est celui du périmètre d'action géographique des ARS. Ce sentiment d'éloignement des territoires est vraiment le sujet qui a prédominé lors de toutes nos auditions, à une exception près, celui des directeurs généraux des ARS ultramarines. Les ARS ultramarines, au contraire, se vivent plutôt comme des agences de proximité ; les ultramarins sont satisfaits.

Ce sentiment a été exacerbé par la création en 2015 des grandes régions qui sont à l'origine de ces superstructures technocratiques, alors que les ARS étaient déjà ressenties comme des agences quelque peu technocratiques. Ce choc a été difficile à absorber par ces structures qui étaient en phase de « création » et, à mon sens, il n'est toujours pas absorbé.

Pour lutter contre ce sentiment d'éloignement, notre rapport appelle à transformer en profondeur l'organisation et la gouvernance des ARS. C'est le principal enjeu pour que, dans dix ans, un prochain rapport puisse faire le constat que cette réforme de la gouvernance était nécessaire.

La création des grandes régions a mis en lumière le rôle fragile des délégations départementales des ARS, du fait tant de leurs responsabilités que de leurs effectifs. Leurs missions et leur positionnement ne leur permettent pas de rapprocher les ARS du terrain. Nous avons été frappés par l'hétérogénéité du rôle des délégations départementales et de leurs directeurs en fonction des régions. Par ailleurs, certains ont dit avoir plutôt de bonnes relations avec leurs ARS tandis que, pour d'autres, elles sont très difficiles. C'est clairement parce que le fonctionnement des ARS est trop hétérogène.

Toutefois, nous pouvons dire sans trop généraliser que le rôle subsidiaire aujourd'hui joué par ces directeurs départementaux génère de la frustration pour les agents des ARS eux-mêmes, ainsi que chez tous les acteurs de terrain, en particulier chez les élus locaux. Constatant que les directeurs départementaux ne peuvent jouer d'autre rôle que celui parfois dit de « boîte aux lettres » ou de « courroie de transmission », ces acteurs ont l'impression d'être écoutés par ces derniers, mais jamais entendus.

Cette faiblesse de l'échelon départemental apparaît d'autant plus problématique qu'elle crée une forte asymétrie avec deux des principaux partenaires institutionnels des ARS : d'une part, le préfet de département, en matière de sécurité sanitaire, et d'autre part, le conseil départemental, qui a la responsabilité du secteur médico-social.

Revaloriser cet échelon départemental, en plus de favoriser la proximité avec les acteurs et d'améliorer la relation avec les élus locaux, permettra de renforcer le rôle d'animation des ARS que les délégations départementales incarnent tout particulièrement. Il permettra aussi d'accélérer le décloisonnement des politiques publiques, car, du fait de leur connaissance des acteurs du terrain et de la petite taille des équipes, les délégations départementales seraient les plus à même de créer ces passerelles.

La première des 23 propositions que nous faisons est donc de renforcer ces délégations départementales en élaborant un cadre de référence, un modèle cible de répartition des missions et des compétences entre les délégations départementales et le siège des ARS. Dans ce modèle cible, davantage de délégations de compétences devraient être accordées aux délégations départementales, a minima en ce qui concerne les sujets médico-sociaux et ambulatoires, ainsi que pour la promotion de la santé et de la santé environnementale. Une enveloppe du fonds d'intervention régional (FIR) devrait notamment leur être déléguée par le siège. C'est ce qui est pratiqué aujourd'hui dans la région Grand Est et permet d'avoir de véritables actions en fonction des territoires.

Nous appelons également à favoriser une politique ambitieuse de recrutement et d'attractivité des métiers au sein des délégations départementales. Leur donner davantage de pouvoir et de responsabilités renforcera certainement cette attractivité.

Nous proposons aussi d'institutionnaliser les réunions entre les préfets, les directeurs départementaux et les élus dans chaque département – réunions auxquelles nous avons, pour bon nombre d'entre nous, participé au cours de cette crise sanitaire – dans la continuité des bonnes habitudes prises dans certains départements durant la crise. Institutionnaliser ces réunions à trois, en ajoutant parfois l'éducation nationale, a plutôt bien fonctionné pendant la crise même si cela a été mis en place assez tard dans certaines régions. Cela permet de bien faire circuler l'information, ce dont nous avons tous besoin.

Parallèlement, nous devons renforcer les contre-pouvoirs au niveau régional, alors que le directeur général de l'ARS est aujourd'hui tout-puissant. La question de la réforme des ARS doit être abordée sous l'angle de leur contrôle démocratique. Nous pensons qu'il passera d'abord par le renforcement de la démocratie sanitaire, un enjeu qui nous occupe également beaucoup dans cette commission. Nous appelons à renforcer la légitimité des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) en leur donnant un budget propre, en rendant obligatoires leurs avis sur certains sujets, en travaillant à leur réorganisation et en clarifiant leur articulation avec les conseils territoriaux de santé.

Nous devons surtout renforcer le format et le rôle du conseil de surveillance des ARS. La loi « Décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification » (dite loi 4D) nous permettra d'en débattre, mais elle ne va aujourd'hui pas assez loin. En effet, ce projet de loi propose de transformer le conseil de surveillance des ARS en conseil d'administration et de créer deux vice-présidences qui seront confiées à des représentants des collectivités territoriales. Ce projet de loi prévoit également que ces conseils fixeront, sur proposition du directeur général de l'agence, les grandes orientations de la politique menée par l'agence sur la conclusion et l'exécution des conventions avec les collectivités territoriales pour la mise en œuvre du projet régional de santé. Il impose aussi au directeur général de l'ARS de transmettre au conseil d'administration nouvellement créé un rapport sur ces conventions ainsi qu'un rapport relatif aux actions financées par le budget annexe, qui finance notamment le FIR.

Nous proposons d'aller beaucoup plus loin en instaurant une co-présidence de ce conseil par le président du conseil régional et le préfet de région, en donnant à ce conseil d'administration le pouvoir de se saisir de tout sujet entrant dans le champ de compétences de l'agence et d'approuver à la majorité simple le budget et les documents financiers de l'ARS.

Nous proposons également de garantir plus de transparence dans les décisions des ARS en imposant à chaque agence de publier un rapport annuel sur l'utilisation des crédits FIR et des crédits pour les missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (MIGAC).

Sans remettre en cause les personnalités des directeurs généraux actuels, nous invitons enfin à repenser les modalités de recrutement des directeurs généraux d'ARS, en préservant la diversité des profils. Nous avons pu constater en auditionnant les 18 directeurs que leurs profils étaient vraiment très divers. Nous leur rendons hommage dans ce rapport, ainsi qu'à l'ensemble des agents des ARS, qui donnent sans compter de leur temps depuis le début de la crise. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué lors des auditions de les remercier pour leur engagement au nom de l'ensemble de notre mission.

Je ne veux pas terminer sans remercier Marion Muscat et Gabrielle Pilon qui nous ont accompagnés pendant toute cette mission, ces nombreuses auditions et nos deux déplacements. Cette mission a été pour nous riche d'enseignements et nous espérons que nos propositions seront majoritairement appliquées.

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