Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 14h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 juin 2021

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

La commission examine le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur les agences régionales de santé (Mme Agnès Firmin Le Bodo et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs).

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Avant même que ne survienne la crise sanitaire, notre commission a souhaité que la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) consacre l'une de ses évaluations structurantes aux agences régionales de santé (ARS). Au vu des évènements et des problématiques soulevées depuis plus d'un an, les conclusions de la MECSS sont attendues avec un très grand intérêt. Dix ans après leur création, les ARS méritent de faire l'objet d'un bilan objectif et équilibré.

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Nous voici arrivés au terme de cette mission qui a commencé au mois de janvier. Ma collègue Agnès Firmin Le Bodo et moi‑même avons mené une cinquantaine d'heures d'auditions et effectué deux déplacements. Nous aurions aimé pouvoir nous déplacer davantage et rencontrer un plus grand nombre d'acteurs de la santé des territoires, mais les conditions sanitaires ne nous l'ont pas permis. Malgré tout, nous avons pu faire un déplacement dans l'Yonne et un déplacement dans les Yvelines pour étudier deux réalités départementales très différentes dans le fonctionnement et l'organisation des agences régionales de santé.

Je salue et je remercie les services de l'Assemblée nationale pour le travail intense effectué sur ce rapport à nos côtés. Je voudrais aussi souligner la parfaite coordination entre les deux co-rapporteurs tout au long de ces auditions, à la fois sur le constat effectué et sur les conclusions que nous en avons tirées. Les mauvaises langues, s'il en existait, ne trouveraient pas l'équivalent d'une feuille de papier à cigarette entre Agnès Firmin Le Bodo et moi-même sur la vision que nous avons eue et que nous aimerions avoir à l'avenir des agences régionales de santé.

Nous avons auditionné un grand nombre d'acteurs du monde de la santé. Nous avons entendu de manière exhaustive les dix-huit directeurs généraux des agences régionales de santé, y compris ceux des ARS ultramarines.

La Cour des comptes avait rendu un premier rapport sur les agences régionales de santé, mais il remonte à 2012. La MECSS du Sénat a également produit un rapport d'évaluation qui remonte à 2014 et, depuis un certain temps déjà, la MECSS de l'Assemblée nationale souhaitait procéder à cette évaluation. Le dixième anniversaire de la création des agences régionales de santé en a été l'occasion.

Nous avons commencé ces travaux avec deux partis pris, affichés de manière très claire et transparente à chacune des auditions. Le premier parti pris était que nous n'étions pas favorables et que nous ne sommes toujours pas favorables à un « grand soir » des ARS, ni n'étions d'accord avec tous ceux qui nous conseillaient de tout casser pour tout reconstruire.

Nous n'y étions pas favorables pour deux raisons. La première est que cela eût été une position vraisemblablement très injuste pour les personnels des ARS qui déploient depuis un peu plus de dix ans leurs activités dans les territoires. La deuxième raison est que notre système de santé a connu beaucoup de réformes en profondeur ; il nous a semblé qu'il n'y aurait pas grand sens d'en imposer encore une au travers des conclusions de notre rapport.

Cela ne nous a pas empêchés de porter un regard critique sur les agences régionales de santé. Vous verrez dans notre présentation et nos réponses que ce regard a parfois été sans concession sur le fonctionnement des agences, mais il nous a semblé que l'intérêt de cette mission était toutefois de repérer ce qui fonctionnait comme ce qui ne fonctionnait pas bien et méritait d'être amélioré.

Notre deuxième parti pris a été de ne pas regarder les agences régionales de santé exclusivement au travers du prisme de la crise sanitaire. Ces institutions ont plus de dix années d'existence et le regard porté sur elles n'aurait pas été juste si nous nous en étions tenus uniquement à l'action des ARS durant la crise sanitaire. Bien sûr, les différents manquements que chacun a pu observer dans les territoires au début de la crise sanitaire nous ont toutefois conduits à tirer un certain nombre de conclusions.

L'autre position que nous aurions pu prendre, à laquelle nous nous sommes refusés, aurait été de considérer que le monde d'avant les agences régionales de santé était un monde idéal, celui où existaient des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) et des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS). Effectivement, les élus des territoires nous ont indiqué que, à cette époque, ils avaient au moins des interlocuteurs de proximité. C'est moins vrai aujourd'hui et ce point est sans doute à améliorer.

La première mission que la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) a confiée aux agences régionales de santé est d'être le régulateur de l'offre de santé. C'est sans doute pour cette raison que ces agences ont été considérées comme très centrées sur l'hôpital par nombre d'observateurs des ARS et d'acteurs de terrain de la santé.

Pourtant, parmi les compétences attribuées aux agences régionales de santé, la régulation de l'offre de soins est finalement la seule compétence qu'elles exercent en propre. Toutes les autres compétences, notamment celle, très importante, du médico-social, sont partagées avec les départements et cette dernière compétence sera sans doute aussi partagée avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) dans le futur. Le bloc des corps d'inspection – médecin inspecteur de santé publique, pharmacien inspecteur de santé publique, corps des inspections sanitaires – partage ses compétences avec le corps préfectoral. Le sanitaire et l'hôpital public constituent donc la première des missions des agences régionales de santé.

Vous verrez au travers des éléments de ce rapport que les agences régionales de santé jouent un rôle de plus en plus important, et peut-être l'exercent de mieux en mieux, dans le secteur médico-social. L'accusation assez classique qui leur est faite d'hospitalo-centrisme est de moins en moins fondée ; elle correspond en tout état de cause à leurs compétences d'origine.

Nous nous sommes posé la question du statut des agences régionales de santé. Il ne s'agit pas d'un service déconcentré, ce qui est assez peu fréquent dans l'organisation territoriale des services de l'État. Les agences régionales de santé ne sont pas le service déconcentré du ministère de la santé mais sont des établissements publics, ce qui leur donne une certaine autonomie et confère à leur personnel des statuts assez différents. Cela fait leur originalité et leur donne une force qui n'est peut-être pas suffisamment exploitée.

Cela permet que les directeurs généraux des agences régionales de santé soient nommés « discrétionnairement » en conseil des ministres par décret du Président de la République. Ils ont des profils très variés. Parmi les directeurs généraux d'agences, nous trouvons aujourd'hui une ancienne ministre, des médecins, des médecins de santé publique ou un ancien préfet, ancien président de l'association du corps préfectoral. Ces différents profils font, à notre sens, une partie de la richesse de ces agences régionales de santé.

Deux problématiques sont assez rapidement apparues. La première problématique concerne le périmètre géographique. Les agences régionales de santé sont nées en 2010 et, après la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui a agrandi le périmètre de certaines de nos régions administratives, ces agences ont été contraintes de revoir une organisation qui était alors encore naissante et balbutiante dans certains cas.

Nous avons constaté les difficultés que cela représentait et nous avons alors vu une des dérives que connaissent les agences régionales de santé : leur forte régionalisation se déploie probablement au détriment de l'échelon départemental. Plusieurs ARS ont dû se réorganiser alors qu'elles n'avaient pas encore atteint leur maturité administrative. Par exemple, dans le cas de la région Nouvelle-Aquitaine, il faut près de six heures de route pour se rendre au siège de l'agence régionale de santé depuis certains départements. Si cet éloignement n'est pas compensé par une organisation départementale et territoriale beaucoup plus forte qu'elle ne l'est aujourd'hui, ce sentiment de distance et de défiance de certains élus à l'égard des ARS est compréhensible.

La seconde problématique sur laquelle nous avons été interpellés, notamment par les représentants de certaines catégories des personnels des ARS, concerne le périmètre d'activité, en particulier celui des corps d'inspection. Nous avons entendu les représentants des organisations syndicales des médecins et pharmaciens de santé publique ainsi que du corps de l'inspection sanitaire, qui nous ont indiqué, pour certains d'entre eux, ne pas se retrouver dans les agences régionales de santé. Ils se disent souvent noyés dans les organigrammes et sous-employés au regard de leurs qualifications ; ils ont ajouté que leur lien fonctionnel avec l'autorité préfectorale les conduisait presque à souhaiter être rattachés à l'ensemble du corps préfectoral.

Nous avons d'abord été très interpellés par ce sentiment ; en effet, les mots employés, que nous avons repris dans le rapport, ont parfois été très forts. Certains ont évoqué un vrai mal-être professionnel et nous ne pouvions qu'être attentifs à cet appel au secours de ces professionnels. Nous avons beaucoup réfléchi pour savoir quelles propositions formuler. Fallait-il faire sortir ces corps d'inspection de l'autorité des agences régionales de santé ? Fallait-il imaginer la création d'un corps placé sous l'autorité de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui aurait pu se décliner territorialement ? Finalement, il nous a semblé que tous ces corps d'inspection présentent une certaine cohérence, car ils interviennent dans le domaine de la santé publique. Fractionner la santé entre les agences régionales de santé et d'autres corps de l'État n'aurait sans doute pas rendu plus lisible ni plus cohérente l'action de ces corps d'inspection. Pour cette raison, nous proposons qu'ils soient mieux positionnés dans les organigrammes des ARS, mieux valorisés dans leurs missions et leurs savoir-faire, mais que ces corps d'inspection demeurent à l'intérieur des agences régionales de santé.

D'autres sujets ont attiré notre attention, notamment le fait que le principe de subsidiarité ne s'applique aujourd'hui pas correctement aux agences régionales de santé ; ce principe de subsidiarité correspond à l'idée selon laquelle il vaut mieux partir du bas plutôt que du haut de la hiérarchie administrative. On l'observe dans l'organisation des agences, qui sont sans doute trop régionalisées, pas assez départementalisées. Dans leurs relations avec le ministère de la santé, la pesanteur administrative et l'organisation en silos du ministère de la santé ne correspondent pas forcément au caractère très transversal des compétences des agences régionales de santé. Deux anciens ministres de la santé, d'époques et de majorités différentes, nous ont indiqué qu'ils partageaient ce constat : l'organisation du ministère de la santé ne s'est sans doute pas adaptée à la création des agences régionales de santé.

Par exemple, voici quelques semaines, le Centre national de gestion (CNG) – un établissement public rattaché au ministère de la santé qui gère la carrière des praticiens hospitaliers – a autorisé la mutation de deux praticiens hospitaliers du service des urgences d'un petit hôpital de mon département. Une fois la mutation effectuée, l'agence régionale de santé a constaté la carence en médecins et a décidé, en pleine crise sanitaire, de fermer un service des urgences. Nous sommes là au cœur de cette absence de dialogue et de subsidiarité. Le schéma devient kafkaïen : un service du ministère de la santé autorise le départ de médecins tandis qu'un autre service constate la carence en médecins et ferme le service au détriment des patients et des professionnels de santé d'un territoire. Il est donc souhaitable que le ministère de la santé repense lui aussi son organisation et sa coordination avec les agences régionales de santé.

De façon assez claire, directe et transparente, les directeurs généraux d'ARS ne nous ont pas caché que le volume de normes que produit le ministère de la santé est important. Ces normes leur sont transmises et il leur revient de les faire exécuter. Même si ce volume diminue progressivement, même s'il suit une évolution plutôt positive, il reste très lourd. Ces normes sont extrêmement nombreuses et parfois contradictoires.

Enfin, un organisme nommé Conseil national de pilotage (CNP) a été créé dans le cadre de la loi HPST pour coordonner à l'échelle ministérielle l'action des agences régionales de santé. Il devrait, selon la loi HPST, être présidé par le ministre de la santé. Or, presque dès l'origine des agences régionales de santé, jamais le ministre en personne n'a présidé les réunions du Conseil national de pilotage. C'est le secrétaire général des ministères sociaux qui le remplace. Dans le cas de l'exemple local cité précédemment, il est clair que si le directeur général de l'ARS avait pu interpeller directement son ministre sur une question aussi forte avec des conséquences aussi importantes, celui-ci aurait sans doute veillé à ce que cette situation kafkaïenne ne se produise pas. Il nous semble donc impératif d'avoir plus de transparence et que les relations entre l'administration centrale et les ARS deviennent plus confiantes.

Nous souhaitons également que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) conclus tous les cinq ans entre le ministère et les ARS deviennent transparents, qu'ils soient rendus publics pour que l'ensemble des acteurs de santé d'un territoire connaissent les orientations que le ministère fixe à l'agence régionale de santé, tant en matière de régulation sanitaire qu'en matière médico-sociale ou en matière d'inspection, de santé publique et d'épidémiologie par exemple.

Les relations entre les établissements de santé et les agences régionales de santé restent compliquées. Comme le disait le Président Obama : « ne gâchons pas une crise » : nous devons tirer les bonnes leçons de cette crise pour l'avenir. Nous avons vu émerger pendant la crise sanitaire des intelligences de terrain extrêmement fortes. Nous avons vu des directeurs d'hôpitaux et les instances de gouvernance des hôpitaux – directeur et président de la commission médicale – être capables de prendre des décisions très rapides, de ne pas se conformer à toutes les normes qui leur sont imposées pour être efficaces et répondre au plus vite à aux attentes des patients.

Gardons le bénéfice de ces intelligences de terrain, remettons de la confiance dans les relations entre les agences régionales de santé et les hôpitaux et passons par exemple d'un régime d'autorisation extrêmement lourd, comme actuellement, à un régime de déclaration, à partir du moment où les créations de services, les ouvertures ou fermetures de lits dans les établissements intègrent les objectifs du plan régional de santé adopté par l'ARS. Le directeur pourrait ainsi, en accord avec le président de la commission médicale d'établissement, déclarer l'ouverture d'un lit de réanimation ou d'un lit dans un service hospitalier sans avoir besoin d'obtenir l'accord exprès du directeur général de l'ARS – à charge pour le directeur de contester cette déclaration dans un délai raisonnable, s'il le juge utile.

La réussite des agences régionales de santé et leur territorialisation nécessiteront de se poser la question des moyens dédiés à ces agences. Les dépenses de personnels sont en constante diminution, avec 9 % de baisse des effectifs entre 2012 et 2018. J'entends bien que nous vivons une période durant laquelle la régulation du budgétaire doit rester importante et forte, mais nous ne recréerons du lien dans les territoires entre les acteurs de santé, entre les professionnels de santé et avec les élus des territoires qu'à partir du moment où ils disposeront d'interlocuteurs de proximité, investis de pouvoirs, de compétences et de la capacité à répondre aux questions qui leur sont posées. Cela nécessite des équipes départementales beaucoup plus fortes et plus structurées.

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Notre approche de la mission qui nous a été confiée a défini les propositions que nous formulons. Beaucoup seront peut-être déçus, car ils attendaient que nous proposions la suppression des ARS. Nous pensions avant de commencer que ce n'était pas une bonne idée et je crois que nous en sommes encore davantage convaincus après cette mission.

Le dénigrement des ARS durant cette période de crise est un peu facile et simpliste ; il succède à des interrogations que nous pensons légitimes d'ailleurs sur le fonctionnement des ARS, mais nous avons pensé préférable de faire des propositions pour améliorer le fonctionnement de cette institution. Elle est jeune et a pourtant déjà dû subir une réforme structurelle et une importante crise sanitaire. Nous partageons donc vraiment cette idée que proposer la suppression des ARS aurait été facile, aurait peut-être fait du bruit, mais que cela aurait été vain. Notre mission doit produire un rapport dont nous aimerions que les propositions aboutissent.

Le principal enjeu est celui du périmètre d'action géographique des ARS. Ce sentiment d'éloignement des territoires est vraiment le sujet qui a prédominé lors de toutes nos auditions, à une exception près, celui des directeurs généraux des ARS ultramarines. Les ARS ultramarines, au contraire, se vivent plutôt comme des agences de proximité ; les ultramarins sont satisfaits.

Ce sentiment a été exacerbé par la création en 2015 des grandes régions qui sont à l'origine de ces superstructures technocratiques, alors que les ARS étaient déjà ressenties comme des agences quelque peu technocratiques. Ce choc a été difficile à absorber par ces structures qui étaient en phase de « création » et, à mon sens, il n'est toujours pas absorbé.

Pour lutter contre ce sentiment d'éloignement, notre rapport appelle à transformer en profondeur l'organisation et la gouvernance des ARS. C'est le principal enjeu pour que, dans dix ans, un prochain rapport puisse faire le constat que cette réforme de la gouvernance était nécessaire.

La création des grandes régions a mis en lumière le rôle fragile des délégations départementales des ARS, du fait tant de leurs responsabilités que de leurs effectifs. Leurs missions et leur positionnement ne leur permettent pas de rapprocher les ARS du terrain. Nous avons été frappés par l'hétérogénéité du rôle des délégations départementales et de leurs directeurs en fonction des régions. Par ailleurs, certains ont dit avoir plutôt de bonnes relations avec leurs ARS tandis que, pour d'autres, elles sont très difficiles. C'est clairement parce que le fonctionnement des ARS est trop hétérogène.

Toutefois, nous pouvons dire sans trop généraliser que le rôle subsidiaire aujourd'hui joué par ces directeurs départementaux génère de la frustration pour les agents des ARS eux-mêmes, ainsi que chez tous les acteurs de terrain, en particulier chez les élus locaux. Constatant que les directeurs départementaux ne peuvent jouer d'autre rôle que celui parfois dit de « boîte aux lettres » ou de « courroie de transmission », ces acteurs ont l'impression d'être écoutés par ces derniers, mais jamais entendus.

Cette faiblesse de l'échelon départemental apparaît d'autant plus problématique qu'elle crée une forte asymétrie avec deux des principaux partenaires institutionnels des ARS : d'une part, le préfet de département, en matière de sécurité sanitaire, et d'autre part, le conseil départemental, qui a la responsabilité du secteur médico-social.

Revaloriser cet échelon départemental, en plus de favoriser la proximité avec les acteurs et d'améliorer la relation avec les élus locaux, permettra de renforcer le rôle d'animation des ARS que les délégations départementales incarnent tout particulièrement. Il permettra aussi d'accélérer le décloisonnement des politiques publiques, car, du fait de leur connaissance des acteurs du terrain et de la petite taille des équipes, les délégations départementales seraient les plus à même de créer ces passerelles.

La première des 23 propositions que nous faisons est donc de renforcer ces délégations départementales en élaborant un cadre de référence, un modèle cible de répartition des missions et des compétences entre les délégations départementales et le siège des ARS. Dans ce modèle cible, davantage de délégations de compétences devraient être accordées aux délégations départementales, a minima en ce qui concerne les sujets médico-sociaux et ambulatoires, ainsi que pour la promotion de la santé et de la santé environnementale. Une enveloppe du fonds d'intervention régional (FIR) devrait notamment leur être déléguée par le siège. C'est ce qui est pratiqué aujourd'hui dans la région Grand Est et permet d'avoir de véritables actions en fonction des territoires.

Nous appelons également à favoriser une politique ambitieuse de recrutement et d'attractivité des métiers au sein des délégations départementales. Leur donner davantage de pouvoir et de responsabilités renforcera certainement cette attractivité.

Nous proposons aussi d'institutionnaliser les réunions entre les préfets, les directeurs départementaux et les élus dans chaque département – réunions auxquelles nous avons, pour bon nombre d'entre nous, participé au cours de cette crise sanitaire – dans la continuité des bonnes habitudes prises dans certains départements durant la crise. Institutionnaliser ces réunions à trois, en ajoutant parfois l'éducation nationale, a plutôt bien fonctionné pendant la crise même si cela a été mis en place assez tard dans certaines régions. Cela permet de bien faire circuler l'information, ce dont nous avons tous besoin.

Parallèlement, nous devons renforcer les contre-pouvoirs au niveau régional, alors que le directeur général de l'ARS est aujourd'hui tout-puissant. La question de la réforme des ARS doit être abordée sous l'angle de leur contrôle démocratique. Nous pensons qu'il passera d'abord par le renforcement de la démocratie sanitaire, un enjeu qui nous occupe également beaucoup dans cette commission. Nous appelons à renforcer la légitimité des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) en leur donnant un budget propre, en rendant obligatoires leurs avis sur certains sujets, en travaillant à leur réorganisation et en clarifiant leur articulation avec les conseils territoriaux de santé.

Nous devons surtout renforcer le format et le rôle du conseil de surveillance des ARS. La loi « Décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification » (dite loi 4D) nous permettra d'en débattre, mais elle ne va aujourd'hui pas assez loin. En effet, ce projet de loi propose de transformer le conseil de surveillance des ARS en conseil d'administration et de créer deux vice-présidences qui seront confiées à des représentants des collectivités territoriales. Ce projet de loi prévoit également que ces conseils fixeront, sur proposition du directeur général de l'agence, les grandes orientations de la politique menée par l'agence sur la conclusion et l'exécution des conventions avec les collectivités territoriales pour la mise en œuvre du projet régional de santé. Il impose aussi au directeur général de l'ARS de transmettre au conseil d'administration nouvellement créé un rapport sur ces conventions ainsi qu'un rapport relatif aux actions financées par le budget annexe, qui finance notamment le FIR.

Nous proposons d'aller beaucoup plus loin en instaurant une co-présidence de ce conseil par le président du conseil régional et le préfet de région, en donnant à ce conseil d'administration le pouvoir de se saisir de tout sujet entrant dans le champ de compétences de l'agence et d'approuver à la majorité simple le budget et les documents financiers de l'ARS.

Nous proposons également de garantir plus de transparence dans les décisions des ARS en imposant à chaque agence de publier un rapport annuel sur l'utilisation des crédits FIR et des crédits pour les missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (MIGAC).

Sans remettre en cause les personnalités des directeurs généraux actuels, nous invitons enfin à repenser les modalités de recrutement des directeurs généraux d'ARS, en préservant la diversité des profils. Nous avons pu constater en auditionnant les 18 directeurs que leurs profils étaient vraiment très divers. Nous leur rendons hommage dans ce rapport, ainsi qu'à l'ensemble des agents des ARS, qui donnent sans compter de leur temps depuis le début de la crise. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué lors des auditions de les remercier pour leur engagement au nom de l'ensemble de notre mission.

Je ne veux pas terminer sans remercier Marion Muscat et Gabrielle Pilon qui nous ont accompagnés pendant toute cette mission, ces nombreuses auditions et nos deux déplacements. Cette mission a été pour nous riche d'enseignements et nous espérons que nos propositions seront majoritairement appliquées.

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Je salue la qualité et la richesse de ce rapport. Je salue notamment ce travail en ce qu'il s'inscrit dans ce que nous avons construit durant ces dernières années au sein de la MECSS, à savoir la volonté de réaliser collectivement des évaluations structurantes objectives, transpartisanes et constructives.

La MECSS a tenu dans le cadre de ce rapport une cinquantaine d'auditions. Elle a fait preuve d'exhaustivité, puisque vous avez entendu l'ensemble des directeurs d'agences ainsi que les syndicats des agents travaillant au sein de ces agences, les acteurs travaillant au quotidien avec les ARS, au premier rang desquels les professionnels de santé libéraux, les représentants des établissements sanitaires et médico-sociaux et les représentants des patients. À travers la manière dont vous avez organisé ces auditions, vous avez souhaité avoir un champ de réflexion très large pour faire vos propositions, ce qui en garantit la qualité et l'intégration de toutes les dimensions du sujet.

La création par la MECSS de cette étude sur les agences régionales de santé avait été décidée de longue date et, pour une fois, nous pouvons finalement nous réjouir d'un retard dans nos travaux, puisqu'il vous a permis de les enrichir à la lumière de la crise sanitaire. Cela a accru la pertinence de ces travaux et des réponses que vous apportez. L'épidémie a mis en lumière l'ampleur des missions des agences, mais aussi les difficultés de leur organisation, notamment du fait de leur taille.

Dix ans après la création des agences régionales de santé et à l'issue de cette crise, votre étude dresse donc un premier bilan de leur action et de leur organisation. Comme vous l'avez souligné, votre approche de bon sens, réaliste et constructive, ne préconise pas un démantèlement des ARS, mais formule des propositions concrètes pour améliorer leur fonctionnement.

Vous souhaitez clarifier les compétences des ARS en matière de gestion de crise, mieux articuler ces compétences avec celles des préfets ou encore préciser la répartition des missions entre les ARS et Santé publique France. À cet égard, le rapport de la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire proposait de départementaliser les ARS et de les rattacher aux préfets de département. Quelle est votre vision sur ce sujet et plus largement, quel rôle d'animateur de la démocratie sanitaire peuvent jouer les ARS dans les territoires selon vous ?

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Le caractère perfectible de la gestion de la pandémie a été très souvent souligné au départ et a donné lieu à des critiques des ARS. Par l'équilibre et le sérieux de votre travail et de ce rapport, vous remettez l'église au milieu du village. Je veux rendre hommage aux équipes des ARS qui ont en réalité servi d'exutoire. La réussite actuelle de la vaccination est aussi leur réussite.

Vous insistez sur les nombreuses leçons à tirer de la crise actuelle. À la lecture du rapport, la première leçon est le besoin général de penser notre administration par rapport aux nécessités de la société, et non l'inverse. Vous relatez la colère des élus locaux face aux ARS, jugées arrogantes. Les ARS doivent sans doute être aussi plus à l'écoute de l'esprit des textes. C'est une question de culture et il nous revient de travailler ensemble pour penser le territoire, plutôt que de nous affronter. Ce qui est vrai pour les élus doit l'être aussi entre services, dont la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), avec laquelle vous souhaitez une meilleure coopération.

Le caractère régalien de la compétence de santé ne s'oppose pas à la coopération. Nous avons besoin de territorialisation, mais il ne faut pas la confondre avec la « pensée magique » de la décentralisation. En Italie ou en Espagne, le système de santé très décentralisé a aussi montré des failles.

L'hospitalo-centrisme est critiquable au regard de la complémentarité des acteurs de soins, mais je note que des représentants des collectivités territoriales sont présents dans les conseils de surveillance. Ils pourraient aussi agir en faveur de la coopération des acteurs, intervenir avec les ARS en matière de prévention, dont vous montrez très justement qu'elle est un parent pauvre du système de santé.

J'ai été frappée de lire le mal-être des personnels de la sécurité sanitaire dans les ARS. Cette question rejoint celles des priorités du fonctionnement de ces agences.

La leçon fondamentale de votre rapport ne serait-elle pas que nos politiques de santé sont pilotées, au ministère comme dans les ARS, d'abord d'un point de vue trop comptable ? L'hôpital coûte cher, mais il est débordé. La réforme des ARS que vous appelez de vos vœux ne part-elle pas d'une nouvelle vision dont le prisme serait moins budgétaire et comptable, pour s'attaquer à la prévention, reposant sur la coopération des acteurs ? Investir en amont pourrait être plus efficace au final.

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La création des ARS visait trois objectifs principaux : garantir davantage d'efficience ; renforcer la territorialisation des politiques sanitaires ; assurer le décloisonnement des prises en charge.

Pour ce faire, des compétences de portée inégale ont été transférées aux ARS en matière ambulatoire, hospitalière, médico-sociale, de santé publique ainsi que de veille et sécurité sanitaires. Conséquence directe de ces larges prérogatives, les ARS sont sur les lèvres de tous les acteurs, directeurs d'hôpitaux, médecins, infirmiers, personnels des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), mais aussi préfets, élus locaux, parlementaires...

Malheureusement, nous n'entendons pas toujours parler en bien de ces administrations au fonctionnement complexe, souvent mal identifiées par les populations. Il est vrai que fermer des lits en pleine crise du covid ou demander aux soignants de jeter les doses de vaccin en trop, qui ne sont pas prévues dans les instructions administratives, peut paraître plein de sens pour un énarque, mais difficilement compréhensible pour le reste de la population.

Dans ce contexte, le travail de la MECSS apporte une contribution saine et bienvenue au débat. Après six mois de travail, une cinquantaine d'auditions et de tables rondes, ce travail dense, fourni et précis témoigne une fois de plus de l'importance de la MECSS et de l'indispensable travail de contrôle de notre Assemblée.

Le premier objectif de l'ARS était d'améliorer l'efficience du système de santé. Si nous considérons que l'efficience se juge par la meilleure utilisation des moyens humains, techniques et budgétaires pour obtenir un résultat donné, je crois que le constat est aujourd'hui largement partagé : notre système de santé n'est pas efficient.

Le deuxième objectif de territorialisation ne me semble pas atteint non plus, puisque l'administration centrale ne s'est pas réformée et que nous constatons une défaillance entre les acteurs au niveau local, ainsi qu'une surcharge administrative déconnectée des réalités de terrain.

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Dans votre rapport, vous avez rappelé les cinq missions confiées aux ARS lors de leur création en 2009 : accentuer la territorialisation des politiques de santé ; renforcer le caractère préventif des politiques de santé ; recentrer l'offre de soins vers les soins primaires ; faciliter les restructurations et promouvoir l'efficience hospitalière ; recomposer l'offre hospitalière au profit du médico-social.

Toutefois, vous avez souhaité préciser que, concernant les objectifs principaux des ARS, seul celui concernant les restructurations et la recherche de performance des acteurs hospitaliers a trouvé une réponse satisfaisante.

Vous avez émis de nombreuses propositions pour davantage d'efficience. Le poste de directeur général d'ARS est bien évidemment central et primordial, pour mettre en œuvre les objectifs assignés par l'État et je tiens à les remercier pour le travail qu'ils réalisent, particulièrement pendant la gestion de la crise sanitaire. La huitième proposition formulée dans votre rapport fait état d'une problématique concernant le recrutement des directeurs généraux des ARS. Vous suggérez de repenser leurs modalités de recrutement, en préservant la diversité des profils. Pouvez-vous nous présenter les avantages et inconvénients du mode de nomination actuel, ainsi que l'intérêt concret que présenterait le retour à un recrutement tel qu'il était pensé initialement, par appel à candidatures suivi d'un avis du comité consultatif ?

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Ce rapport d'information sur les ARS est particulièrement précieux, car nous entendons bien souvent des critiques à l'endroit de ces administrations. Avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaite exprimer le soutien et la reconnaissance de mon groupe pour le travail fourni par les ARS dans le contexte de la crise sanitaire. Même si tout n'est pas parfait, ces hommes et ces femmes ont œuvré sans relâche pour organiser au mieux notre système de soins. Eux aussi ont sauvé des vies.

Parmi vos recommandations, celle du renforcement des contre-pouvoirs régionaux par la transformation du conseil de surveillance des ARS en un conseil d'administration, coprésidé par le président du conseil régional et le préfet de région, a tout particulièrement attiré mon attention. Si nous sommes totalement favorables à une collaboration accrue de la région et de l'État en matière de santé, ne nous arrêtons-nous pas au milieu du gué avec cette proposition ? En effet, l'UDI préconise depuis plusieurs années maintenant une décentralisation complète de la compétence santé auprès des régions, pour une meilleure réactivité. Les régions ont une meilleure connaissance du territoire et cela rendrait à nos concitoyens la capacité de choisir la conception du système de soins la plus adaptée au niveau local. Monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, pourquoi ne pas avoir retenu la solution d'une décentralisation complète ?

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Je remercie très chaleureusement nos deux rapporteurs, car il n'était pas facile de faire ce rapport dans le contexte actuel, pendant cette crise sanitaire où les ARS ont souvent été clouées au pilori. Vous avez su garder distance et raison pour faire un constat factuel. Vous avez repéré ce qui ne fonctionnait pas et l'avez indiqué clairement. En même temps, vous avez donné des explications liées à notre organisation, du ministère jusqu'aux délégations territoriales.

Durant vos déplacements et vos auditions, vous avez pu observer des initiatives et des pratiques novatrices instaurées pendant la crise sanitaire et qu'il serait peut-être utile de pérenniser. Pourriez-vous nous en faire un retour ?

Lors de l'audition du ministre de la santé Olivier Véran, a été évoqué le renforcement du rôle des élus locaux dans la prise de décision dans le domaine sanitaire au niveau régional, ce qui pourrait aussi constituer un contre-pouvoir face au directeur général d'ARS. Le ministre a annoncé qu'un décret est en cours de préparation et sera signé dès la promulgation de la loi. Je pense qu'il s'agit de la loi 4D puisque des mesures sont prévues à l'article 31. Lors de cette audition, monsieur le rapporteur, vous avez souhaité être destinataire de ce projet de décret. Vous a-t-il été transmis, de façon à voir si ses dispositions vont dans le sens préconisé par votre rapport ?

Sur le champ du médico-social, vous avez proposé que le mot « autonomie » soit ajouté à l'intitulé des ARS. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer davantage l'échelon départemental et remettre tout le médico-social au niveau départemental ?

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Je me demande s'il n'existe pas une forme de trompe-l'œil dans l'organisation de la chaîne de décision et de transmission. Finalement, les ARS ne sont-elles pas aussi des instruments de mise en œuvre de la politique ministérielle, en l'occurrence des politiques de compression des dépenses de santé ? Elles en sont forcément les courroies de transmission et nous ne pouvons donc pas extraire une analyse de ce contexte général, à mon avis. Les ARS disposent d'une forme d'autonomie, mais qui reste quelque peu formelle par certains aspects, alors que nous aurions pu saisir cette occasion pour développer la démocratie sanitaire.

Je crois que cela fait partie des propositions que vous essayez de développer. Il faudrait étudier dans le détail ce que vous proposez en la matière, mais je pense que la démocratie sanitaire ne fonctionne pas très bien. Nous avons tout de même le sentiment d'une forme d'éloignement, alors qu'un rapprochement a été effectué. Les décisions s'appliquent bien souvent sans discussion aux différents acteurs, aux élus locaux, mais aussi aux décideurs et aux acteurs de terrain, aux professionnels de santé. Jusqu'où va cette action ? Jusqu'où va, parfois, l'intrusion dans l'organisation des services, dans la protocolisation, dans les modes de fonctionnement, dans le nombre de personnels par service ? Nous avons tout de même le sentiment que cela va très loin.

Par ailleurs, les ARS défendent-elles suffisamment la puissance publique et le développement du service public, notamment hospitalier, dans les arbitrages qu'elles ont à rendre ?

Enfin, avez-vous un ordre d'idée des moyens déployés pour la prévention et, notamment, pour la santé environnementale ?

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Je reviens à la question de l'échelon, pour plaider avec conviction pour davantage de proximité. Dans ce domaine de l'action départementale, avez-vous repéré des bonnes pratiques notamment en matière de prévention en santé ? Les fonds régionaux représentent 3,7 milliards d'euros, à comparer aux plus de 200 milliards d'euros de notre politique de santé, essentiellement nationale. Je voudrais connaître votre regard sur cette question et ajouter que la crise n'a pas nécessairement démontré que les États dont l'organisation du système de santé était régionale ou fédérale apportaient une meilleure réponse à la crise.

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En ce qui concerne la réorganisation de la gouvernance, je vous suis totalement ! Nous voyons bien, lorsque vous parlez d'hétérogénéité, qu'elle est surtout liée aux personnes. Quand des personnes ont décidé de développer la démocratie participative et de travailler plus en profondeur, le fonctionnement est satisfaisant.

Je suis députée de la Gironde, en Nouvelle-Aquitaine. Je rappelle que la Nouvelle-Aquitaine est aussi grande que l'Autriche, ce qui complique la situation. Les personnels de l'ARS ont fourni un travail remarquable, mais je trouve qu'il manque des profils d'ingénierie de projets. Ils ne sont pas suffisamment formés pour être au plus proche des projets des territoires, pas suffisamment formés à l'ingénierie de projets et à l'intervention sociale. Ces articulations entre différents partenaires manquent, ils ne connaissent pas forcément tout ce qu'il se fait et je trouve que c'est regrettable.

Vous avez dit qu'il faut renforcer les moyens en agents. Vous ont-ils fait part de cet aspect ? Souhaitent-ils que les profils changent, pour ne pas forcément retrouver toujours les mêmes profils de santé, mais plutôt des personnes qui sont de véritables intervenants sociaux ? Je pense que cela manque dans les ARS.

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Je remercie nos collègues pour leur travail, d'autant plus que les évènements lors de la crise sanitaire auraient pu laisser penser qu'une réforme beaucoup plus importante serait proposée, qui n'irait pas forcément dans le sens du renforcement des ARS.

Nous nous sommes interrogés sur les origines des dysfonctionnements que nous avons constatés au début de la crise sanitaire. Il ne faut pas éviter de les regarder en face. Je crois quant à moi que le rapprochement entre le sanitaire et le médico-social devient de plus en plus évident et que le traitement de la crise, à partir du moment où certaines difficultés ont été dépassées, montre bien que les ARS ont été très présentes. Ce rapprochement en transversalité a été tout à fait bénéfique.

Encourager le niveau départemental me paraît pertinent. Dans l'organisation prévue, il n'existait plus de niveau départemental, ce qui est une difficulté. En revanche, je ne souhaite pas renforcer à tout prix ce niveau contre le niveau régional, ou en concurrence avec le niveau régional. Nous savons bien que le niveau départemental est le niveau de proximité, mais il est aussi le niveau où nous trouvons le plus d'inégalités entre les territoires, que nous le voulions ou non. Ce n'est pas dû aux politiques qui sont menées, mais au fait même que les politiques sont menées au niveau départemental, et parfois même au niveau infra-départemental. L'approche au niveau régional peut apporter des améliorations, au moins dans la lutte contre les inégalités, même si elle ne règle pas tous les problèmes.

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Je remercie nos rapporteurs pour ce travail considérable d'investigation sur les missions et l'utilité des ARS de manière générale. Par rapport à leur utilité et jusqu'à la crise sanitaire, nous parlions surtout de l'organisation très verticale de l'ARS. Nous disions que les ARS étaient le bras armé du ministère. Les consignes tombaient de manière très verticale, sans laisser vraiment de place pour la discussion.

Avec la crise, l'ARS a été remise à un niveau plus local, malgré elle et malgré tout le monde d'ailleurs, puisque nous subissons tous la crise. Le couple ARS-préfet a ramené l'ARS au niveau départemental. Il serait bon que, tout en étant régionale, l'ARS reste proche au niveau territorial. Il faut que les agents de l'ARS se déplacent, qu'ils ne restent pas dans leurs bureaux et qu'ils continuent à échanger, à porter des projets innovants, de sorte que nous puissions aussi avoir un retour dans l'autre sens. Je pense que tous les acteurs y gagneraient puisque, même si la santé est nationale ou régionale, elle a aussi des spécificités selon les régions et les territoires. Il faut que nous arrivions à mettre en exergue cette spécificité et que l'ARS puisse accompagner la collectivité locale ou les médecins concernés, lorsqu'il faut développer ou favoriser un projet. Cela ne concerne pas seulement l'hôpital, mais également des établissements, tels que les EHPAD, et les médecins libéraux qui attendaient beaucoup de l'ARS pendant la crise sanitaire.

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La décentralisation de la santé n'est effectivement pas le choix que nous avons fait. Le libéral que je suis considère que la santé est un sujet qui doit être régulé par l'État sur l'ensemble des territoires. Chacun doit pouvoir, en tout point du territoire national, être pris en charge dans les mêmes conditions sanitaires. L'incidence d'une décentralisation de la santé à l'échelle des régions, par exemple, nécessiterait que la régulation budgétaire faite par les ARS au travers de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devienne demain une régulation régionale avec la création d'objectifs régionaux des dépenses d'assurance maladie (ORDAM). La conséquence de la création d'ORDAM serait la mise en place de tarifs régionaux. Nous aurions, d'un seul coup, une inégalité d'accès sur le territoire puisque, selon les politiques conduites ici ou là, les tarifs pourraient varier d'un établissement à l'autre et d'une région à l'autre. Cela ne nous a pas semblé acceptable.

En revanche, nous sommes très favorables à une départementalisation de l'organisation des agences régionales de santé. Il ne s'agit pas, comme notre collègue Iborra y a fait référence, d'une décentralisation des politiques de santé, mais simplement de décliner la politique régionale de santé à l'échelle départementale, avec une organisation spécifique, un peu dans l'esprit de ce qu'étaient les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), mais sans revenir à ce régime. Cela permettrait aux acteurs des territoires – professionnels de santé, ordre des médecins, chefs d'établissements, élus locaux – de retrouver ce qu'ils n'ont pas forcément aujourd'hui, c'est-à-dire des interlocuteurs de proximité qui connaissent le département, les problématiques départementales et sont capables d'apporter des réponses aux questions posées.

Dans cet effort d'organisation départementalisée, il faut renforcer le dialogue entre les ARS et l'autorité préfectorale. Que les comités qui se sont mis en place pendant la crise puissent perdurer serait une bonne idée, de manière à ce que s'établisse un dialogue.

Nous avons aussi vu que le dialogue avec les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) est souvent très lié à la personnalité des deux directeurs concernés, à l'ARS et à la CPAM. Si nous avons demain dans les départements des directeurs départementaux des ARS disposant de vraies compétences déléguées, le directeur de la CPAM deviendra l'interlocuteur naturel de l'agence régionale de santé, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

La prévention est restée pour nous un sujet « nébuleux », pour essayer de ne pas être désagréable. Nous avons auditionné la directrice générale de Santé publique France ; j'avoue que ma collègue et moi-même, qui sommes tous deux d'une intelligence moyenne n'avons absolument pas compris comment s'organisaient territorialement les actions de Santé publique France. Aujourd'hui, il existe à l'intérieur de chaque agence régionale de santé une délégation de Santé publique France, qui n'est chargée que de l'épidémiologie. Nous avons certes vu l'intérêt de suivre l'évolution du nombre de cas pendant la crise sanitaire, mais cette délégation ne va pas au-delà de l'épidémiologie. À aucun moment Santé publique France ne fait déployer ses actions de prévention et d'éducation à la santé dans les territoires par le canal des agences régionales de santé. À nos yeux, cela constitue une faille immense. Nous savons tous que, dans notre pays, nous vieillissons, mais pas toujours en bonne santé parce que, en amont, nous ne déployons pas suffisamment de politiques de prévention et d'éducation à la santé. La traduction de l'action de Santé publique France dans les territoires, les régions et les départements reste aujourd'hui beaucoup trop nébuleuse à notre avis.

S'agissant du recrutement des directeurs généraux des agences, nous n'avons pas imaginé de modifier la procédure et d'en revenir à la procédure d'origine, constituée d'un appel à candidatures, avec un comité qui choisissait. Ce serait plutôt une bonne idée, mais il ne faudrait surtout pas que l'ARS devienne demain une étape obligée et nécessaire de tout haut fonctionnaire du ministère de la santé. Un agent du ministère de la santé n'a pas l'obligation d'aller travailler en province dans une direction d'ARS. Ce sont deux mondes qui n'ont pas à se regarder en chiens de faïence. Avoir des profils quelque peu différents, avec des acteurs régionaux un peu différents qui peuvent aussi de temps en temps, quand c'est nécessaire, tenir la dragée haute aux directions d'administration centrale, peut constituer un réel progrès.

Nous n'avons pas reçu le projet de décret et vous avez noté que, dans le compte rendu de l'intervention du ministre de la santé, celui-ci nous avait promis un café si nous allions le chercher au ministère de la santé. Je pense donc que nous essaierons très prochainement de nous faire offrir un café par Olivier Véran.

La compression des budgets est évidemment une difficulté, parce que la première mission confiée par la loi HPST aux ARS était la régulation budgétaire. Les ARS traduisent régionalement l'ONDAM que nous votons, lequel n'a pas toujours été en hausse et qui, quand il a augmenté, n'a pas toujours été à la hauteur de ce que le monde de la santé aurait pu attendre, ni de ce que l'hôpital public aurait pu attendre. Cela ne laisse pas de marge de manœuvre.

Le directeur général de l'ARS dispose en théorie d'un outil extrêmement performant, le fonds d'intervention régional, qui est une enveloppe budgétaire à sa disposition, dont il peut user comme il le souhaite, en fonction des projets qui lui sont soumis. Nous avons tout de même noté que, quand les crédits du FIR arrivent dans une ARS, 87 % de l'enveloppe sont déjà fléchés par le ministère et qu'il ne reste donc que 13 % de marge de manœuvre au directeur général de l'ARS. Pour redonner un peu d'autonomie et de marge de manœuvre aux directeurs généraux des ARS, il faudrait sans doute inverser la tendance.

Le premier dossier que les ARS ont dû traiter, avant même les questions sanitaires ou médico-sociales, a été la fusion des statuts des personnels. En effet, lors de la création des ARS, nous avons fusionné plusieurs administrations, organismes publics ou parapublics décentralisés. Les ARS se sont retrouvées à devoir faire vivre ensemble des fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique de l'État, des contractuels de droit public ou encore des agents de droit privé travaillant pour un établissement public de l'État. Cela a été à l'origine de vraies difficultés. Aujourd'hui, beaucoup de personnels des ARS sont d'anciens personnels des DRASS, des DDASS…

Dans un monde idéal auquel nous aspirons tous, nous pourrions demain recruter des personnels « hors système », avec des profils un peu différents, notamment dans les délégations départementales. Pourquoi ne pas imaginer qu'un ancien directeur d'un hôpital local puisse un jour, dans le déroulement de sa carrière, passer par la direction départementale d'une ARS ? Pourquoi ne pas imaginer qu'un médecin libéral ayant acquis une certaine expérience et une vision du monde de la santé, puisse lui aussi travailler un moment pour une ARS ? Tout pourrait être imaginé. La seule chose à laquelle nous n'aspirons pas est une uniformisation des modes de recrutement. Uniformisons, autant qu'il est possible, les structures organisationnelles départementales, mais redonnons un peu de souffle et d'air en ce qui concerne les recrutements. Je crois que ce serait grandement nécessaire.

Sur l'animation de la démocratie sanitaire, nous avons été très sensibles à une proposition faite par France Assos Santé, à laquelle nous avons décidé de souscrire : il s'agit, pour permettre aux élus de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA) – professionnels de santé, représentants des patients – d'évaluer les politiques conduites par les agences régionales de santé, de donner une enveloppe budgétaire à la CRSA, qui est en quelque sorte le Parlement de la santé, placé dans les régions aux côtés du directeur général de l'ARS. Ce qui nous a frappés est en effet que les politiques de santé déployées par les ARS ne font l'objet d'aucune évaluation, ou simplement d'une évaluation a posteriori par le juge financier. C'est notoirement insuffisant. Lorsqu'une ARS décide de s'investir dans une action de prévention en santé, par exemple, l'objet serait que la CRSA puisse disposer de moyens financiers, humains et matériels pour évaluer après un an si, au regard des moyens déployés, les objectifs ont été atteints ou non, et ce qu'il serait nécessaire de corriger ou non.

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Il se dit qu'en France, la prévention ne fait pas partie de notre culture. Je crois que nous avons à peu près vu pourquoi. Franchement, nous n'avons toujours pas compris comment cela fonctionne, malgré nos efforts ! La prévention représente 4 % du budget des ARS, mais le problème de fonctionnement et d'articulation est majeur. De plus, la prévention doit être mise en œuvre en fonction des besoins des territoires. Nous avons identifié un vrai sujet de fonctionnement et de modulation de la prévention en France ; c'est un enjeu important.

Les ARS ont été créées pour réguler, mais elles doivent évoluer pour devenir également des animatrices des politiques de santé, ce qu'elles ne sont pas suffisamment. Cela pose la question du recrutement et des profils des personnels qui travaillent dans les ARS. C'est pourquoi nous avons aussi fait des propositions dans ce sens, en suggérant de varier les métiers pour qu'elles puissent être de véritables animatrices des politiques de santé.

Je pense aussi que la méconnaissance de ce que sont et font les ARS est profonde. Peut-être, notamment lorsque les élus arrivent en poste, faudrait-il faire savoir ce que font les ARS. Un maire n'a parfois jamais de relations avec les ARS et le premier lien avec les ARS peut avoir lieu pour évoquer le sujet des déserts médicaux. Dans ce cas, le maire doit d'abord chercher le bon interlocuteur et il me semblerait donc utile que les élus sachent ce que sont et ce que font les ARS.

L'enjeu de la démocratie sanitaire est essentiel. La CRSA est une pièce à l'édifice de la construction de la démocratie sanitaire ; c'est une pièce importante qui pourrait constituer le lien entre élus, ARS et professionnels de santé.

Nous aurons répondu à une partie de la question en institutionnalisant ces réunions de partage autour du préfet, de l'ARS, des élus et, à mon avis, également de l'éducation nationale, au titre des enjeux de prévention. Il faut trouver le bon modus vivendi, mais de telles réunions fonctionnent bien et sont intéressantes pour tous les acteurs. Elles permettent de partager des problématiques et d'éviter de découvrir des sujets. Elles peuvent peut-être même permettre que des maires accompagnent les préfets et les directeurs d'ARS pour fermer un hôpital, lorsque le sujet a été coconstruit et partagé, que des solutions sont prêtes.

J'insiste sur l'échelon départemental. Je ne parle pas de la collectivité « département », mais de l'échelon départemental de l'ARS qui doit prendre en main ces politiques, notamment dans le champ médico-social. Il ne s'agit pas d'opposer l'échelon départemental et l'échelon régional, mais de décliner à l'échelon de proximité les politiques publiques.

Le reproche qui a été fait n'est pas que l'ARS représente la puissance publique, mais plutôt que, parfois, l'ARS ne s'intéresse pas suffisamment au secteur privé qui intervient pourtant dans le champ de la santé.

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Je remercie et félicite à mon tour nos rapporteurs, pour la qualité de ces travaux, menés dans un contexte difficile, et pour les éléments de réponse qu'ils ont apportés.

Y a-t-il des objections à la publication du rapport ?

En l'absence d'objections et en application de l'article 145 alinéa 7 du règlement, la commission autorise la publication de ce rapport.

La séance s'achève à quinze heures cinquante.

Information relative à la commission

La commission a désigné Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron rapporteures sur le projet de loi relatif à la protection des enfants.