Intervention de Jean-Carles Grelier

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 14h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier, rapporteur :

La décentralisation de la santé n'est effectivement pas le choix que nous avons fait. Le libéral que je suis considère que la santé est un sujet qui doit être régulé par l'État sur l'ensemble des territoires. Chacun doit pouvoir, en tout point du territoire national, être pris en charge dans les mêmes conditions sanitaires. L'incidence d'une décentralisation de la santé à l'échelle des régions, par exemple, nécessiterait que la régulation budgétaire faite par les ARS au travers de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devienne demain une régulation régionale avec la création d'objectifs régionaux des dépenses d'assurance maladie (ORDAM). La conséquence de la création d'ORDAM serait la mise en place de tarifs régionaux. Nous aurions, d'un seul coup, une inégalité d'accès sur le territoire puisque, selon les politiques conduites ici ou là, les tarifs pourraient varier d'un établissement à l'autre et d'une région à l'autre. Cela ne nous a pas semblé acceptable.

En revanche, nous sommes très favorables à une départementalisation de l'organisation des agences régionales de santé. Il ne s'agit pas, comme notre collègue Iborra y a fait référence, d'une décentralisation des politiques de santé, mais simplement de décliner la politique régionale de santé à l'échelle départementale, avec une organisation spécifique, un peu dans l'esprit de ce qu'étaient les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), mais sans revenir à ce régime. Cela permettrait aux acteurs des territoires – professionnels de santé, ordre des médecins, chefs d'établissements, élus locaux – de retrouver ce qu'ils n'ont pas forcément aujourd'hui, c'est-à-dire des interlocuteurs de proximité qui connaissent le département, les problématiques départementales et sont capables d'apporter des réponses aux questions posées.

Dans cet effort d'organisation départementalisée, il faut renforcer le dialogue entre les ARS et l'autorité préfectorale. Que les comités qui se sont mis en place pendant la crise puissent perdurer serait une bonne idée, de manière à ce que s'établisse un dialogue.

Nous avons aussi vu que le dialogue avec les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) est souvent très lié à la personnalité des deux directeurs concernés, à l'ARS et à la CPAM. Si nous avons demain dans les départements des directeurs départementaux des ARS disposant de vraies compétences déléguées, le directeur de la CPAM deviendra l'interlocuteur naturel de l'agence régionale de santé, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

La prévention est restée pour nous un sujet « nébuleux », pour essayer de ne pas être désagréable. Nous avons auditionné la directrice générale de Santé publique France ; j'avoue que ma collègue et moi-même, qui sommes tous deux d'une intelligence moyenne n'avons absolument pas compris comment s'organisaient territorialement les actions de Santé publique France. Aujourd'hui, il existe à l'intérieur de chaque agence régionale de santé une délégation de Santé publique France, qui n'est chargée que de l'épidémiologie. Nous avons certes vu l'intérêt de suivre l'évolution du nombre de cas pendant la crise sanitaire, mais cette délégation ne va pas au-delà de l'épidémiologie. À aucun moment Santé publique France ne fait déployer ses actions de prévention et d'éducation à la santé dans les territoires par le canal des agences régionales de santé. À nos yeux, cela constitue une faille immense. Nous savons tous que, dans notre pays, nous vieillissons, mais pas toujours en bonne santé parce que, en amont, nous ne déployons pas suffisamment de politiques de prévention et d'éducation à la santé. La traduction de l'action de Santé publique France dans les territoires, les régions et les départements reste aujourd'hui beaucoup trop nébuleuse à notre avis.

S'agissant du recrutement des directeurs généraux des agences, nous n'avons pas imaginé de modifier la procédure et d'en revenir à la procédure d'origine, constituée d'un appel à candidatures, avec un comité qui choisissait. Ce serait plutôt une bonne idée, mais il ne faudrait surtout pas que l'ARS devienne demain une étape obligée et nécessaire de tout haut fonctionnaire du ministère de la santé. Un agent du ministère de la santé n'a pas l'obligation d'aller travailler en province dans une direction d'ARS. Ce sont deux mondes qui n'ont pas à se regarder en chiens de faïence. Avoir des profils quelque peu différents, avec des acteurs régionaux un peu différents qui peuvent aussi de temps en temps, quand c'est nécessaire, tenir la dragée haute aux directions d'administration centrale, peut constituer un réel progrès.

Nous n'avons pas reçu le projet de décret et vous avez noté que, dans le compte rendu de l'intervention du ministre de la santé, celui-ci nous avait promis un café si nous allions le chercher au ministère de la santé. Je pense donc que nous essaierons très prochainement de nous faire offrir un café par Olivier Véran.

La compression des budgets est évidemment une difficulté, parce que la première mission confiée par la loi HPST aux ARS était la régulation budgétaire. Les ARS traduisent régionalement l'ONDAM que nous votons, lequel n'a pas toujours été en hausse et qui, quand il a augmenté, n'a pas toujours été à la hauteur de ce que le monde de la santé aurait pu attendre, ni de ce que l'hôpital public aurait pu attendre. Cela ne laisse pas de marge de manœuvre.

Le directeur général de l'ARS dispose en théorie d'un outil extrêmement performant, le fonds d'intervention régional, qui est une enveloppe budgétaire à sa disposition, dont il peut user comme il le souhaite, en fonction des projets qui lui sont soumis. Nous avons tout de même noté que, quand les crédits du FIR arrivent dans une ARS, 87 % de l'enveloppe sont déjà fléchés par le ministère et qu'il ne reste donc que 13 % de marge de manœuvre au directeur général de l'ARS. Pour redonner un peu d'autonomie et de marge de manœuvre aux directeurs généraux des ARS, il faudrait sans doute inverser la tendance.

Le premier dossier que les ARS ont dû traiter, avant même les questions sanitaires ou médico-sociales, a été la fusion des statuts des personnels. En effet, lors de la création des ARS, nous avons fusionné plusieurs administrations, organismes publics ou parapublics décentralisés. Les ARS se sont retrouvées à devoir faire vivre ensemble des fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique de l'État, des contractuels de droit public ou encore des agents de droit privé travaillant pour un établissement public de l'État. Cela a été à l'origine de vraies difficultés. Aujourd'hui, beaucoup de personnels des ARS sont d'anciens personnels des DRASS, des DDASS…

Dans un monde idéal auquel nous aspirons tous, nous pourrions demain recruter des personnels « hors système », avec des profils un peu différents, notamment dans les délégations départementales. Pourquoi ne pas imaginer qu'un ancien directeur d'un hôpital local puisse un jour, dans le déroulement de sa carrière, passer par la direction départementale d'une ARS ? Pourquoi ne pas imaginer qu'un médecin libéral ayant acquis une certaine expérience et une vision du monde de la santé, puisse lui aussi travailler un moment pour une ARS ? Tout pourrait être imaginé. La seule chose à laquelle nous n'aspirons pas est une uniformisation des modes de recrutement. Uniformisons, autant qu'il est possible, les structures organisationnelles départementales, mais redonnons un peu de souffle et d'air en ce qui concerne les recrutements. Je crois que ce serait grandement nécessaire.

Sur l'animation de la démocratie sanitaire, nous avons été très sensibles à une proposition faite par France Assos Santé, à laquelle nous avons décidé de souscrire : il s'agit, pour permettre aux élus de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA) – professionnels de santé, représentants des patients – d'évaluer les politiques conduites par les agences régionales de santé, de donner une enveloppe budgétaire à la CRSA, qui est en quelque sorte le Parlement de la santé, placé dans les régions aux côtés du directeur général de l'ARS. Ce qui nous a frappés est en effet que les politiques de santé déployées par les ARS ne font l'objet d'aucune évaluation, ou simplement d'une évaluation a posteriori par le juge financier. C'est notoirement insuffisant. Lorsqu'une ARS décide de s'investir dans une action de prévention en santé, par exemple, l'objet serait que la CRSA puisse disposer de moyens financiers, humains et matériels pour évaluer après un an si, au regard des moyens déployés, les objectifs ont été atteints ou non, et ce qu'il serait nécessaire de corriger ou non.

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