Vous faites preuve d'une incompréhension totale, monsieur Chiche, de ce que vous présentez comme des exceptions concernant les vacances et les loisirs – vous allez simplement empêcher des enfants de prendre des vacances... La seule véritable exception est relative aux situations d'urgence.
L'IGAS a parlé pour la première fois d'enfants seuls dans des hôtels en 2013. Je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu quoi que ce soit à ce sujet dans la loi de 2016 et que quiconque, parmi ceux qui font la leçon aujourd'hui, m'ait parlé de cette situation lors des consultations que j'ai lancées en avril 2019.
J'ai demandé à l'IGAS en janvier de l'année dernière de me présenter un rapport sur les enfants dans les hôtels. Comme souvent lorsqu'il est question de la protection de l'enfance, on parle de situations dont on est, en réalité, incapable de connaître l'ampleur. Si vous demandiez à certains départements combien d'enfants se trouvent dans des hôtels, ils ne seraient pas en mesure de vous répondre. La première vertu du rapport élaboré par l'IGAS, sous la conduite de l'ancienne secrétaire d'État Fadela Amara, a été d'objectiver un peu la situation.
On considère qu'il y a entre 7 500 et 10 000 enfants dans des hôtels. Dans 95 % des cas, il s'agit de mineurs non accompagnés. Les autres, qu'il ne faut pas oublier, sont des enfants dont on dit qu'ils sont dans des « situations complexes », qui ont fugué une, cinq, dix ou quinze fois, qu'on n'arrive pas à retenir dans des foyers plus classiques ou des familles d'accueil, et qui peuvent notamment souffrir de problèmes psychiatriques.
C'est une question de dignité, je vous rejoins sur ce point, monsieur Chiche : il faut établir le principe, fort et clair, d'une interdiction des enfants seuls dans les hôtels. C'est ce que fait cet article du projet de loi, quoi qu'on en dise. Dans ce domaine, néanmoins, comme dans tous ceux que nous évoquons, il ne faut pas faire montre de dogmatisme. Si des enfants venus de l'étranger arrivaient demain en plus grand nombre dans notre pays et qu'ils se retrouvaient à la rue, nous serions tous perdants. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons une exception liée à l'urgence, qui doit être strictement encadrée, je vous rejoins également sur ce point. C'est ce qui est prévu dans l'exposé des motifs et c'est ce que faisait initialement le texte lui-même, me semble-t-il, mais cette question a été renvoyée au pouvoir réglementaire.
La position du Gouvernement – cela vaudra pour les amendements, notamment ceux déposés par le groupe Dem – est que les exceptions doivent être limitées dans le temps. Un délai de deux mois, ce qui recouvre globalement la phase d'évaluation de la minorité, est ainsi prévu, de même qu'un encadrement éducatif renforcé. Il faut également travailler – mais c'est plus difficile à écrire dans la loi, et il faudra peut-être vous autoriser à faire un renvoi au pouvoir réglementaire – sur une objectivation du type d'hôtels mobilisables dans ce cadre, pour qu'on ne se retrouve pas avec des établissements miteux au fin fond de zones industrielles. Il me semble également important qu'il n'y ait pas d'adultes dans ces hôtels. Dans la plupart d'entre eux, on trouve un mélange entre des enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance et d'autres pris en charge par le 115 : je ne suis pas sûr que ce soit toujours une bonne idée. Je ne sais pas comment on peut l'inscrire dans la loi, mais il faudra réfléchir à cette question d'ici à la séance : il me semble que c'est un autre élément nécessaire en matière d'encadrement.
Des discussions portent sur le délai de mise en œuvre, qui vise à laisser aux départements le temps de s'adapter, certains voulant le raccourcir et d'autres l'allonger, probablement selon leurs positions politiques. Un délai d'un an à la suite de la publication du texte est actuellement prévu. Je m'engage, par ailleurs, à ce qu'une petite équipe d'ingénierie soit mise sur pied, avec peut-être aussi quelques moyens, pour que nous puissions agir avec les départements qui souhaiteraient commencer plus tôt à avancer sur le chemin qui permettra de faire sortir les enfants des hôtels. Je ne veux pas parler à sa place, mais je crois que le président du conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, Stéphane Troussel, s'est d'ores et déjà dit intéressé par cette démarche.
Certains d'entre vous évoqueront peut-être la question des moyens financiers et du moyen terme. Les 600 millions d'euros dégagés par l'État dans le cadre de la contractualisation avec les départements ont notamment pour objectif de créer des places pour accueillir les mineurs qui étaient jusque‑là à l'hôtel.
S'agissant des 5 % d'enfants restants, qui sont souvent en situation de handicap, nous menons aussi des actions dans le cadre de la contractualisation et plus directement avec certaines associations – et la secrétaire d'État Sophie Cluzel – pour essayer de trouver des solutions afin de bien les accompagner, ce que globalement nous n'arrivons pas à faire aujourd'hui, parce que ces enfants sont au croisement du social et du médico-social. C'est un défi auquel nous faisons face.