COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 30 juin 2021
La séance est ouverte à quinze heures.
La commission poursuit l'examen du projet de loi relatif à la protection des enfants (n° 4264) (Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, rapporteures).
Article 2 : Simplification des conditions de délégation des attributs de l'autorité parentale au gardien de l'enfant
La commission est saisie de l'amendement AS118 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement vise à ajouter que les décisions doivent être prises systématiquement après examen par la commission d'évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC). Cela permettrait non seulement de renforcer les missions de cette commission, mais aussi d'éviter que les informations reçues par les parents à propos de leur enfant ne soient trop limitées, ce qui risque de distendre les liens. Il faut à la fois protéger l'enfant et conserver la perspective d'une amélioration de ses relations avec ses parents.
La saisine de la CESSEC à chaque demande d'autorisation pour plusieurs actes non usuels irait à l'encontre de l'objectif visé, à savoir faciliter la vie des enfants. Cela alourdirait le processus et risquerait même d'entraîner des blocages. Je vous accorde, en revanche, que la question de la saisine de la CESSEC peut se poser si la situation perdure et que les demandes d'actes se généralisent, mais nous en rediscuterons à propos des amendements suivants.
Avis défavorable.
L'article 2 est important car il assouplit les conditions dans lesquelles le juge peut déléguer une partie des attributs de l'autorité parentale au gardien de l'enfant, lorsque leur exercice n'est pas conciliable avec la mise en œuvre d'une mesure d'assistance éducative.
Lorsqu'un enfant est protégé, il y a une répartition des compétences entre les détenteurs de l'autorité parentale et le service ou le tiers à qui l'enfant est confié, autour de la distinction entre actes usuels et actes non usuels. Certains parents ne sont pas en mesure d'exercer l'autorité parentale. D'autres s'opposent avec force au placement et refusent donc tout acte et toute demande d'acte qui ne relève pas de la catégorie des actes usuels. Ces situations empêchent certains enfants de mener la même vie que les autres enfants de leur âge. Or nous devons, autant que possible, faire en sorte que ce soient des enfants comme les autres.
Le 4 juillet 2019, dans le cadre des assises de la protection de l'enfance, Nicole Belloubet avait pris l'engagement d'assouplir les conditions dans lesquelles les actes non usuels pouvaient être réalisés par le service gardien. Nous nous réjouissons de tenir cette promesse avec l'article 2. Le juge pourra, dans une même décision, prévoir la délégation de plusieurs actes. Il s'agit d'une mesure importante qui facilitera le quotidien des enfants. Elle permettra ainsi, très concrètement, d'empêcher qu'un enfant ne puisse pas partir en vacances à l'étranger, par exemple dans le cadre d'un voyage scolaire. Elle facilitera également l'accompagnement quotidien des mineurs non accompagnés (MNA), que ce soit pour l'ouverture d'un compte en banque ou l'accès aux soins. Il ne s'agit pas ici de modifier la répartition entre actes usuels et actes non usuels – question sur laquelle nous reviendrons, car Paul Christophe a déposé un amendement en ce sens.
Je suis défavorable à l'amendement de M. Bernalicis, qui prévoit une consultation préalable systématique de la CESSEC. Cela conduirait à allonger les délais de procédure, alors que l'intérêt du mineur exige parfois, au contraire, que des autorisations rapides soient accordées au service gardien. Par ailleurs, cette procédure ne se justifie pas forcément : le juge est tout à fait apte à apprécier certaines situations, conformément à l'intérêt de l'enfant.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS409 de Mme Perrine Goulet.
Il s'agit, d'une part, d'ouvrir la possibilité pour les parents qui se verraient déchus de leur autorité parentale d'interjeter appel et, d'autre part, de faire en sorte que le service gardien, à qui l'on a en quelque sorte donné les pleins pouvoirs, justifie l'usage qu'il en a fait.
L'appel est déjà possible dans le droit actuel s'agissant des actes non usuels. C'est d'ailleurs une cour d'appel, celle d'Aix‑en‑Provence, qui a donné en 2011 la définition de référence des actes non usuels.
La justification a posteriori me semble inutilement compliquée, dans la mesure où le gardien a déjà dû apporter la preuve de la nécessité de la mesure au juge avant que celui-ci ne prenne la décision. En effet, le gardien doit faire la preuve, d'une part, que la mesure est bien un acte non usuel qu'il ne peut pas prendre et, d'autre part, que les parents se refusent à prendre la mesure en question ou refusent de réagir.
Par ailleurs, il s'agira toujours, comme le précise l'article 2, d'« actes déterminés », et non d'une délégation générale et permanente de l'autorité parentale. La nécessité de l'autorisation sera donc vérifiée à chaque fois.
Avis défavorable.
Madame Goulet, vous soulevez des enjeux importants, mais vos demandes sont déjà satisfaites. Je vous invite donc à retirer l'amendement. La décision du juge des enfants d'autoriser un tiers à effectuer des actes non usuels est déjà susceptible d'appel et, dans la pratique, les services éducatifs en charge du suivi du mineur rendent compte régulièrement de leur action au juge, ce qui est important aussi vis-à-vis des parents. Un certain nombre de craintes ont été exprimées à cet égard, notamment par les associations familiales. Quand il est possible de reconstruire le lien avec la famille, il n'est pas question d'entraver ce travail.
En ce qui concerne l'appel, je prends note des éléments que vous m'apportez. Pour le reste, il se peut que ma demande soit satisfaite dans la pratique, mais cela n'a pas la même valeur qu'une obligation posée par la loi. Or il est important que le service gardien fasse un compte rendu au juge de l'utilisation qu'il a faite de l'autorité parentale déléguée. Je retire mon amendement mais j'en déposerai un autre, en vue de la séance, relatif à la justification des actes.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS56 de M. Guillaume Chiche et AS122 de M. François Ruffin ainsi que de l'amendement AS377 de Mme Florence Provendier.
Mon amendement, qui résulte d'un travail avec l'association Repairs!, vise à rendre obligatoire la présence d'un avocat afin de garantir le respect des droits et de l'intérêt des enfants faisant l'objet d'une assistance éducative.
Si l'article 2 va dans le bon sens, il accorde des droits plus importants aux départements. Il serait donc bon de trouver un équilibre entre les contraintes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est la raison pour laquelle nous proposons que l'assistance d'un avocat soit systématique.
Par ailleurs, quand plusieurs autorisations d'actes relevant de l'autorité parentale sont demandées, il importe que la CESSEC examine l'opportunité d'un changement de statut de l'enfant, afin de lui apporter de la sécurité.
Je comprends que le fait de prévoir un avis systématique de la CESSEC puisse paraître lourd. En vérité, cela dépend tout simplement des moyens dont dispose cette commission : la procédure pourrait être rapide.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous me disiez qu'il était parfois nécessaire d'avoir des réponses rapides pour certains actes non usuels, et que le fait de demander systématiquement son avis à la commission ralentirait la procédure. Or l'article vise les situations dans lesquelles plusieurs autorisations sont demandées simultanément. Il ne s'agit donc pas de répondre à des besoins ponctuels et urgents.
Je n'insiste pas sur la nécessité de la présence de l'avocat : comme l'avis de la CESSEC, il convient de la systématiser. Je suppose que l'association Repairs! vous a proposé directement cet amendement ; j'attends donc avec impatience vos réponses.
Mon amendement vise à questionner l'engagement des parents auprès de l'enfant dès lors que plusieurs autorisations de délégation de l'autorité parentale sont demandées. En effet, à partir du moment où il y a une répétition de la dérogation, il est légitime de se demander, dans l'intérêt supérieur de l'enfance, si le détenteur de l'autorité parentale est encore apte à l'exercer. En cas de risque ou de suspicion de délaissement, il faut sécuriser le statut de l'enfant et prévoir la possibilité que celui-ci soit réexaminé par la CESSEC.
Ces amendements proposent une sorte de « bouclage » entre, d'une part, le rôle du juge des enfants, qui autorise les actes non usuels, et, d'autre part, celui de la CESSEC, qui peut rendre un avis pour établir l'existence d'un risque de délaissement parental. Or ce « bouclage » est déjà impliqué par le fait que le juge des enfants réexamine la situation tous les ans.
L'amendement de Mme Provendier a le mérite de se concentrer sur la question de la multiplication des autorisations d'actes, qui traduit l'évolution vers le délaissement. C'est un enjeu important, mais le dispositif ne me semble pas opérer correctement le « bouclage » en laissant une incertitude, potentiellement lourde de conséquences, s'agissant des frontières entre les autorisations multiples et le délaissement parental.
Les amendements identiques de M. Chiche et M. Ruffin, quant à eux, mélangent cette question avec celle de la présence systématique d'un avocat. Celle-ci ne me paraît pas pertinente. Il s'agit en effet de décisions prises dans l'intérêt de l'enfant par le juge, lequel examine avec exigence les demandes formulées par le gardien. Qui plus est, la situation est réexaminée tous les ans.
S'agissant de l'examen de la situation par la CESSEC, celui-ci peut se révéler pertinent, mais il ne doit pas être systématique. Des critères sont prévus à l'article L. 223‑1 du code de l'action sociale et des familles ; le dispositif nous paraît suffisant. Le fondement de cet examen doit rester la protection de l'enfant. On ne saurait s'appuyer sur le fait que des autorisations concernant plusieurs actes relevant de l'autorité parentale ont été délivrées. Je suis donc défavorable à votre amendement, madame Provendier.
En ce qui concerne la présence systématique d'un avocat, j'aborderai plutôt la question lors de l'examen des articles 7 et 8, qui renforcent les garanties procédurales. Plusieurs amendements avaient été déposés sur cette partie du texte ; même s'ils ont été déclarés irrecevables et ne seront donc pas examinés, je reviendrai sur le fond du sujet.
Nous avons clairement un désaccord sur ce que doit pouvoir faire la CESSEC. On peut comprendre l'intérêt de donner de telles prérogatives au département, par souci d'efficacité et de pragmatisme, et pour faciliter la vie quotidienne de l'enfant. Toutefois, la famille de l'enfant ne peut pas être laissée complètement de côté. Il faut trouver un équilibre – ce que permettrait un examen par la commission, à savoir une instance un tant soit peu objective, qui ne prendrait pas une décision purement administrative.
En écoutant votre intervention, madame la rapporteure, on pourrait croire que le juge se suffit à lui-même, qu'il prend toujours les bonnes décisions et que l'œuvre de justice, en définitive, c'est la décision du juge. Or l'œuvre de justice résulte de l'interaction entre plusieurs éléments : c'est un débat contradictoire, comme à l'Assemblée nationale, et l'avocat nourrirait ce débat. Dans bien des cas, l'avocat apportera des éléments visant non pas forcément à s'opposer au juge, mais à suggérer à celui-ci de prononcer telle ou telle mesure dans l'intérêt de l'enfant. Cette interaction permettrait de prendre la meilleure décision possible.
Un grand nombre d'amendements visant à instituer le concours obligatoire d'un avocat dans l'ensemble des procédures de placement ont été déclarés irrecevables. Vous souhaitez, monsieur le secrétaire d'État, que la question soit abordée plus loin dans le texte. Or, ce sera précisément à l'endroit où ces amendements ont été déclarés irrecevables. Nous avons l'occasion de nous prononcer dès maintenant par un vote : je maintiens mon amendement.
Madame la rapporteure, vous m'avez indiqué que le juge réexaminait systématiquement les conditions de placement de l'enfant tous les ans. Or cela dépend de l'ordonnance de placement : celle-ci peut courir sur deux ans – ce qui est extrêmement long dans la vie d'un enfant. Dans le cas d'une absence de réponse à répétition de la part des parents concernant des actes non usuels, il paraît pertinent de saisir la CESSEC, qui peut prendre les dispositions nécessaires dans l'intérêt supérieur de l'enfant. En l'état actuel des informations dont je dispose, je maintiens donc mon amendement.
Monsieur Bernalicis, je n'ai pas dit que le juge prenait seul les décisions. Au préalable, il reçoit l'enfant, l'éducateur et un membre de la famille.
Madame Provendier, je maintiens mes propos concernant le rôle du juge. Qui plus est, l'évaluation par la CESSEC risquerait d'alourdir la procédure.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) avait lui aussi déposé un amendement pour permettre l'intervention d'un avocat ; je me permets donc d'insister à mon tour sur cette dimension. Il serait d'autant plus regrettable que nous n'ayons pas l'occasion de débattre de la question que nous sommes nombreux, visiblement, à vouloir avancer.
Personne ne conteste le fait que la décision appartienne au juge des enfants. Il ne s'agit pas non plus de remettre en cause le rôle qui est habituellement celui de ce juge, à savoir d'accompagner les enfants. Mais, précisément, prévoir que l'enfant soit aidé et accompagné par un avocat dans ce qui constitue un moment difficile, pouvant provoquer une fragilité supplémentaire, permettra au juge de se concentrer davantage sur son rôle du juge.
Il est essentiel de trancher la question de la présence de l'avocat, que la loi de 2016 n'a pas rendue obligatoire. Ce texte nous offre l'occasion d'améliorer la prise en charge et l'accompagnement des enfants. Il est essentiel, compte tenu de la présence d'un certain nombre d'acteurs autour d'eux, que les enfants soient conseillés par des professionnels spécialisés. À titre d'exemple, le schéma départemental de prévention et de protection de l'enfance du Val‑de‑Marne, qui a été adossé à la loi de 2016, mentionne le rôle des avocats. Nous avons invité les avocats à travailler sur cette question. Le Conseil national des barreaux (CNB) souhaite que nous avancions sur ce point. Tout le monde est prêt à faire évoluer la loi. Nous pourrions accomplir un pas ici ou en séance.
Nous nous accordons tous sur le fait que l'enfant a besoin de connaître ses droits et d'être défendu. Ma position personnelle a évolué. J'avais pour habitude, en tant que travailleur social, de faire confiance au juge des enfants, qui occupe une place particulière au sein de la magistrature. Il me paraît nécessaire, aujourd'hui, que, dans certaines situations complexes et conflictuelles, l'avocat soit présent. Le groupe La République en Marche estime qu'il faut permettre la présence de l'avocat auprès de l'enfant lorsqu'elle se révèle nécessaire.
Je suis également favorable à la présence d'un avocat – j'avais déposé des amendements en ce sens – auprès de l'enfant confronté à des manquements, à des carences éducatives. Il se sent rarement défendu, soutenu. Il a besoin que quelqu'un soit présent uniquement pour lui. Cela ne remettrait nullement en cause le rôle du juge des enfants, mais constituerait un plus pour des enfants qui ont déjà beaucoup moins.
Les députés du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés (Dem) avaient déposé plusieurs amendements visant à rendre obligatoire la présence de l'avocat dans tous les compartiments de la procédure impliquant l'enfant. Les amendements que nous examinons ont pour objet de nous faire franchir un premier pas. Compte tenu de l'irrecevabilité qui a été opposée à nos initiatives, la question est de savoir si l'on va, tout au long du texte, essayer d'introduire la présence de l'avocat ou si l'on se penche dès maintenant sur la généralisation de son rôle dans la procédure. Monsieur le secrétaire d'État, j'en appelle à vous ; je crains qu'avec la rapporteure, vous ne soyez battus sur cette question.
Madame Goulet, nous ne sommes pas là pour battre le secrétaire d'État ou la rapporteure, mais pour faire avancer les choses. C'est pourquoi nous prenons le temps du débat.
Je partage le point de vue de Perrine Goulet, avec qui j'avais travaillé dans le cadre de la mission d'information sur l'ASE. Nos travaux avaient mis en lumière la nécessité de la présence d'un avocat tout au long des procédures engagées au titre du placement, et pas seulement à un stade de ces procédures. Je crains qu'en votant l'un de ces amendements, on fasse plus de mal que de bien : on entrouvrirait la porte, mais on contrarierait toutes les autres procédures. Si ces amendements ne constituent pas la solution, ils doivent toutefois nous interpeller. Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en attente d'une proposition concrète qui ferait prospérer cette idée.
J'avais moi aussi déposé un amendement sur ce sujet. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la systématisation de la présence de l'avocat, mais il me paraît souhaitable que le juge des enfants puisse la demander à tout moment.
Je rappelle que nous parlons du juge « des » enfants et non « pour » enfants – la sémantique a son importance. Il n'exerce pas le même office que les autres juges : il n'est pas là pour trancher un contentieux, mais pour garantir l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est pourquoi l'office d'avocat n'occupe pas la même place que dans d'autres procédures. Il est important de rappeler que le juge est du côté de l'enfant ; c'est le premier garant de son intérêt. Il y a là une garantie tutélaire, qui peut être mise en regard des garanties formelles, processuelles existant dans d'autres procédures.
Le barreau aimerait, fort logiquement, qu'il y ait des avocats partout – je le dis sans aucune volonté de provocation – mais vous avez probablement auditionné, également, l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, présidée par Laurent Gebler, qui n'est pas favorable à l'intervention systématique de l'avocat. La présence de l'avocat pourrait prendre plusieurs formes. La solution proposée par M. Chiche et M. Ruffin n'est pas adaptée, car elle ne porterait que sur une petite partie de la procédure. On pourrait envisager de renforcer l'information. Certains d'entre vous souhaitent aller jusqu'à la systématisation de la présence de l'avocat. Une voie intermédiaire pourrait consister à conférer au juge la possibilité formelle de désigner un avocat lorsque, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, il estime nécessaire que celui-ci soit représenté.
La question mérite réflexion, car la présence de l'avocat peut introduire de la conflictualité là où il n'y en a pas. La protection de l'enfance implique, dans la moitié des cas, des décisions d'assistance éducative à domicile, s'agissant de familles en souffrance présentant des carences éducatives. L'accompagnement social a pour objet d'aider les parents durant un certain laps de temps. Quelle utilité présenterait l'avocat dans ce cas de figure, où tout le monde, parents, enfant, juge, essaie de sortir des difficultés par le haut ?
Je ne veux pas adopter de position définitive sur le sujet mais simplement vous alerter sur les implications qu'aurait la systématisation de la présence de l'avocat. Nous sommes tous mus par l'intérêt supérieur de l'enfant, à commencer par le juge. Je vous propose que nous continuions à en discuter d'ici à la séance, tout en vous invitant à la prudence, pour éviter les effets contreproductifs.
En l'absence de contentieux, le département peut instituer l'action éducative à domicile sans passer devant le juge. Si l'on est en présence du juge, cela signifie que les parents n'ont pas accepté la proposition du département, et qu'il y a une conflictualité latente. Il nous paraît donc essentiel que l'avocat soit présent au cours de la procédure. Je ne partage donc pas votre argument, monsieur le secrétaire d'État.
Les juges des enfants ont pour rôle de défendre ces derniers. Je ne mets pas en cause leur travail. Cela étant, un certain nombre de leurs représentants, que nous avons auditionnés – notamment des membres du Syndicat de la magistrature – demandent la présence d'un avocat. Le fait que l'enfant ait été préparé, que le dossier ait été étudié avant le jugement constituerait, à leurs yeux, un apport.
Par ailleurs, un juge des enfants change d'affectation tous les trois à cinq ans. Les éducateurs référents connaissent également une mobilité régulière. Personne ne suit donc l'enfant tout au long de son parcours. Un avocat, en revanche, ne change pas de barreau tous les quatre matins.
Il est essentiel que l'enfant dispose des mêmes droits que tout citoyen français et puisse bénéficier du concours d'un avocat. Les juges, les avocats, les parlementaires, les associations le demandent.
Il faut considérer les enfants pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des sujets de droit. Le juge des enfants n'est évidemment pas là pour s'opposer à ces derniers, pas plus que l'avocat qui représenterait l'enfant ne serait opposé au juge. Dans le cadre de la procédure, les parents ont bien le droit à un avocat. Les parents comme les enfants sont engagés dans des procédures dites contradictoires. Comment peut-on imaginer qu'un enfant ne puisse pas bénéficier automatiquement de l'assistance d'un avocat ? Au pénal, la présence de l'avocat est systématique ; pourquoi ne le serait-elle pas au civil ? À l'instar d'un certain nombre de parlementaires, le CNB, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le Conseil national de la protection de l'enfance, ou encore le Syndicat de la magistrature souhaitent également cette mesure. La Défenseure des droits, quant à elle, dans l'avis qu'elle a transmis à la commission, estime que le texte doit être l'occasion d'arrêter une position sur la présence mécanique de l'avocat ou, au minimum, sur la possibilité accordée au juge de désigner d'office un avocat pour assister un mineur, même non discernant. L'absence d'une telle disposition est peut-être le fruit d'un oubli qu'il faudra corriger. Pour remédier à l'irrecevabilité qui nous a été opposée, nous avons déposé des amendements sur de nombreux alinéas. Perrine Goulet propose par exemple d'instituer une expérimentation pendant trois ans.
Comment s'assurer que la parole de l'enfant est portée ? Si le juge des enfants est là pour statuer sur la protection de l'enfant, il a aussi pour rôle de se prononcer sur la situation de la famille et les conditions de son accompagnement. Il ne me paraît pas si évident que le juge doive être le porteur de la parole enfantine. Tel pourrait être le rôle de l'avocat.
Je voudrais invoquer un second argument, en m'appuyant sur un exemple. Il y a quelques années, j'avais communiqué au juge des informations détaillées, préoccupantes, au sujet d'une famille présentant des carences éducatives très importantes. J'étais extrêmement inquiète, au même titre que les assistants sociaux. La philosophie de ce juge des enfants était d'accorder la priorité à la préservation du lien entre les enfants et leur famille. Certes, il avait pris une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), mais ce n'était pas suffisant au regard du comportement des enfants, qui se mettaient véritablement en danger. Nous avons eu très peur. Le juge n'entendait pas les nombreuses alertes que nous lui adressions. Lorsqu'un magistrat estime que le maintien du lien familial prévaut sur tout, on peut se demander si la présence d'un avocat n'est pas nécessaire.
Aucune porte n'est fermée. Le débat va prospérer jusqu'à l'examen en séance.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle en vient à l'amendement AS199 de Mme Claire Pitollat.
Cet amendement vise à ce que les actes non usuels accomplis par le gardien d'un mineur non accompagné, sans l'accord des détenteurs de l'autorité parentale, ne soient possibles que durant le temps nécessaire à l'ouverture d'une mesure de tutelle ou de délégation de l'autorité parentale. En effet, le juge des enfants pourrait utiliser assez largement, par exemple en cas de surcharge d'activité, la faculté qui lui est donnée de déléguer au gardien la réalisation d'actes multiples, alors que cette possibilité revêt un caractère exceptionnel ; ce faisant, il renoncerait à ordonner au service gardien de saisir le juge des tutelles, quand bien même cette mesure serait plus adaptée.
Votre amendement met en lumière certains dysfonctionnements de l'ASE. Il rappelle le principe selon lequel les mineurs doivent avoir un représentant légal qui, à défaut, est l'ASE. Même si, dans les faits, des difficultés peuvent se poser, il me paraît satisfait.
Avis défavorable.
La pratique montre que le juge des enfants privilégie toujours la saisine du juge aux affaires familiales aux fins d'ouverture de la tutelle et de son défèrement à la collectivité publique compétente. L'ajout que vous proposez n'est pas nécessaire. L'autorisation accordée par le juge des enfants d'accomplir des actes non usuels sans l'accord des détenteurs de l'autorité parentale est toujours provisoire, dans l'attente de l'ouverture de la tutelle départementale. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer. Je rappelle que l'article 2 facilitera le quotidien des enfants non accompagnés qui ont été reconnus mineurs sur notre territoire, s'agissant par exemple de l'accès aux soins ou de l'ouverture de comptes en banque.
L'amendement est retiré.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS341 de M. Paul Christophe.
La distinction entre actes usuels et non usuels est trop souvent source de situations discriminantes dans le quotidien des enfants. Je salue l'assouplissement, opéré par l'article 2, des conditions dans lesquelles le juge peut déléguer une partie des attributs de l'autorité parentale au gardien d'un enfant. Il prévoit notamment la possibilité d'autoriser le gardien à accomplir, à titre exceptionnel, plusieurs actes non usuels sans l'accord des détenteurs de l'autorité parentale. Cela étant, les auditions ont mis en évidence de nombreux exemples de zones grises. À l'heure actuelle, on est en effet conduit à interpréter le guide de recommandation de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Je propose de clarifier la distinction entre les actes usuels et non usuels par voie de décret.
C'est un sujet qui est revenu très souvent dans le cadre des auditions et des ateliers. Si l'on établit par décret une liste des actes non usuels, celle-ci sera figée et il en résultera une rigidité face aux évolutions de la jeunesse et de la société. Il me semblerait plus raisonnable de s'en remettre au guide de la DGCS.
Avis défavorable.
Le fait qu'un acte est usuel ou non ne dépend pas uniquement de sa nature, mais aussi des circonstances, comme l'historique de la famille et l'entente ou la mésentente en son sein. Ce qui concerne la scolarisation relève normalement des actes non usuels mais, par exemple, si un enfant a été scolarisé dans le privé pendant des années, cela sera considéré comme un acte usuel, selon un arrêt rendu en 2018 par le Conseil d'État.
Un décret figerait un peu la situation. Il vaut mieux se fonder sur le guide d'évaluation que vous avez évoqué et qui, sauf erreur de ma part, est en cours d'actualisation. Il permet d'aider les professionnels à déterminer de quelle catégorie les actes relèvent. Dresser une liste stricte n'aurait pas de sens : la qualification peut varier d'une situation à l'autre. Je vous demande donc de retirer cet amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable.
C'est sur la fragilité du dispositif actuel que je voulais vous interpeller par le biais de cet amendement : on doit statuer à partir d'un guide de recommandations. Je comprends bien qu'un décret risquerait de nous enfermer dans une liste, mais je ne suis pas sûr qu'on ait apporté toutes les solutions aux problèmes qui se posent dans le quotidien de ces enfants.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Après l'article 2
La commission est saisie de l'amendement AS364 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
Cet amendement tend à modifier l'article 378‑2 du code civil, qui prévoit la suspension de tout ou partie de l'autorité parentale en cas de crime commis par un conjoint sur l'autre. Les actes de violence dans le cadre conjugal sont directement des actes de violence à l'égard des enfants, sur le plan psychologique. Des études ont établi que leurs effets s'apparentent au syndrome de stress post‑traumatique, c'est-à-dire aux violences psychologiques subies par des enfants en zone de guerre. Cela montre bien l'impact sur les enfants des violences intraconjugales.
Or le message qui est envoyé est souvent paradoxal : le conjoint agresseur, qui est l'auteur des violences, reste fréquemment détenteur de l'autorité parentale. Il garde ainsi une emprise sur l'enfant, dont il est aussi l'agresseur, puisque ses actes violents l'agressent directement, et sur le conjoint victime. Il nous semble nécessaire de suspendre, peut-être temporairement, tout ou partie de l'autorité parentale du conjoint agresseur lorsque les faits ont été établis, par exemple en cas de coups et blessures ayant occasionné des incapacités totales de travail (ITT) de plus de huit jours – ce qui signifie qu'il y a des preuves. Nous laisserons néanmoins au juge des enfants la liberté de redonner au parent concerné, s'il le juge nécessaire, le plein exercice de son autorité parentale.
C'est un sujet très délicat. Le nouvel article 378-‑2 du code civil, introduit en 2019 à l'issue d'une commission mixte paritaire (CMP), prévoit qu'en cas de crime commis par un parent sur l'autre, l'autorité parentale du premier est automatiquement suspendue jusqu'à une décision définitive du juge aux affaires familiales.
Votre amendement propose d'appliquer le même régime s'il y a eu des coups et blessures ayant provoqué une ITT de plus de huit jours, ce seuil étant celui à partir duquel de telles violences constituent un délit et sont passibles d'une peine de prison. Cette mesure avait été envisagée lors de la CMP sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, déposée par notre collègue Aurélien Pradié, mais elle avait été finalement écartée après des débats très intenses.
Il est difficile de ne pas être sensible à cette question, mais ce qui est évident s'agissant d'un crime l'est‑il pour un délit ? C'est d'autant plus compliqué que le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi de cet article du code et qu'un délit tel que les coups et blessures fait l'objet d'une simple enquête sous la conduite du procureur alors que les poursuites sont décidées par un juge d'instruction en cas de crime.
Dans l'attente d'éléments complémentaires, j'émets un avis défavorable.
Vous avez eu, en effet, l'occasion d'échanger sur ce sujet dans le cadre des débats qui ont précédé l'adoption de la loi du 28 décembre 2019. La suspension de l'autorité parentale est désormais prévue en cas de crime sur la personne de l'autre parent, d'une façon automatique, qu'il y ait ou non une condamnation, c'est-à-dire y compris pendant la procédure, ce qui est une très bonne chose.
Il existe par ailleurs une procédure permettant de confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale au parent non violent, sur saisine du juge aux affaires familiales. C'est, me semble-t-il, l'objectif que vous cherchez à atteindre par cet amendement.
Un équilibre général a été trouvé, et le présent texte n'a pas nécessairement pour objet de le remettre en cause. Je crois que nous couvrons déjà l'ensemble des situations. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
C'est une demande des associations qui travaillent sur les violences conjugales. Il serait intéressant de réaliser un état des lieux. Il y a plus de 170 000 enfants exposés à des violences conjugales, mais les suspensions de l'autorité parentale sont très peu nombreuses – environ 1 500.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS342 de Mme Caroline Janvier.
L'amendement souligne que l'interprétation de la notion d'empêchement parental, qu'il faut distinguer de celle de délaissement, ne saurait aller à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant. Un rapport de Perrine Goulet a notamment mis l'accent sur les maladies psychiatriques, qui peuvent conduire à une situation d'empêchement parental.
Cet amendement vise à neutraliser toute interprétation de la notion d'empêchement par le juge lorsqu'il doit examiner la difficile question de l'autorité parentale.
Historiquement, la notion d'empêchement a été introduite en 2016 pour remplacer celle de « désintérêt manifeste », qui était déjà interprétée d'une manière restrictive par certains juges.
La neutralisation de l'interprétation que vous proposez ne serait pas nécessairement aussi opérationnelle que vous le souhaitez. Outre qu'elle constituerait un signe fort de défiance vis-à-vis du juge, elle pourrait elle-même être soumise à interprétation.
J'ai peur qu'en la matière, les ajouts aux ajouts à la loi ne soient pas efficaces. Il existe désormais un critère – un an sans relation avec les parents – et une exception, qu'il convient d'interpréter d'une façon restrictive, à savoir les situations dans lesquelles ces derniers ont été empêchés. N'ajoutons pas de la complexité.
Avis défavorable.
En matière de délaissement parental comme en toute matière, le tribunal statue toujours en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS121 de M. Ugo Bernalicis.
Nous demandons un rapport permettant d'évaluer la possibilité d'un assouplissement de la délégation de l'autorité parentale, sans rupture de la filiation. En effet, ce n'est pas toujours tout noir ou tout blanc, et les besoins sont divers.
De nombreux enfants se retrouvent avec des parents ne pouvant pas assurer leur autorité parentale à cause de diverses situations, par exemple un handicap. On doit donc faciliter la délégation à un tiers de l'autorité parentale, notion juridique qu'il convient de distinguer de la filiation.
Nous avons eu l'occasion d'en discuter, de mémoire, lors de l'examen de la proposition de loi, déposée par Monique Limon, visant à réformer l'adoption.
Depuis 2016, la notion de délaissement parental a remplacé celle de l'abandon. On s'est demandé si, en pratique, cela permettait à davantage d'enfants d'être adoptables, pour leur donner une famille. Je n'ai plus le chiffre exact en tête, mais le nombre de cas de délaissement parental est en augmentation. Il semblerait donc que le changement introduit par la loi de 2016 soit en train de produire des effets.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 : Encadrement des établissements et structures pouvant accueillir les mineurs de la protection de l'enfance
La commission est saisie de l'amendement de suppression AS71 de M. Guillaume Chiche.
Cet amendement, comme les suivants, concerne le placement d'enfants dans des hôtels. Nous demandons la suppression de l'article 3, qui nous exposerait à de nombreux écueils : il mérite d'être réécrit d'ici à la séance.
Je crois que l'objectif est partagé par tous. Vous l'avez expliqué à l'Assemblée et dans divers médias, monsieur le secrétaire d'État : il faut interdire le placement d'enfants dans des hôtels. Ce sont des situations absolument inhumaines qui conduisent à des drames. Placer des enfants isolés dans des chambres d'hôtel est une honte pour notre République.
Vous prévoyez trois exceptions, liées aux périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs et à des situations d'urgence. Inscrire dans la loi que l'on peut placer des enfants à l'hôtel en raison de congés, de vacances ou de situations d'urgence ne permettra en rien de régler le problème. Rendre légale une pratique actuellement trop répandue reviendrait, au contraire, à nous déshonorer et à mettre un danger des enfants.
De plus, comme je l'ai dit précédemment, aucune limite de temps n'est prévue dans ce texte pour les placements à l'hôtel. L'exposé des motifs évoque une durée maximale de deux mois, mais l'article 3 ne comporte aucune mention d'une telle limite – je vous présenterai d'ailleurs des amendements de repli sur ce point.
Nous devons nous appuyer sur les travaux de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'ensemble des acteurs associatifs, mais aussi sur l'action des enfants qui ont décidé d'ester en justice pour contester leur placement à l'hôtel, notamment pour mise en danger, ce qui pourrait permettre de dégager une jurisprudence interdisant ces situations. Il faut mettre un terme, dans la loi, à cette pratique absolument inacceptable.
Je crois que nous serons tous d'accord pour condamner le placement d'enfants dans des hôtels – je suis allée en voir deux qui se trouvent près de chez moi – mais il y a, malheureusement, un principe de réalité. Nous avons, dans mon département, six cents enfants placés dans des hôtels. Nous sommes obligés de le faire dans des cas d'extrême urgence.
Il est vrai que le texte ne prévoit pas de durée maximale pour de tels placements, à titre exceptionnel, mais l'amendement de Perrine Goulet le fera. L'article 3 permet de trouver un équilibre reposant sur une interdiction et la possibilité de mesures exceptionnelles afin d'éviter que des enfants ne soient mis à la rue. En demandant la suppression de cet article, vous allez les désavantager.
Avis défavorable.
Vous faites preuve d'une incompréhension totale, monsieur Chiche, de ce que vous présentez comme des exceptions concernant les vacances et les loisirs – vous allez simplement empêcher des enfants de prendre des vacances... La seule véritable exception est relative aux situations d'urgence.
L'IGAS a parlé pour la première fois d'enfants seuls dans des hôtels en 2013. Je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu quoi que ce soit à ce sujet dans la loi de 2016 et que quiconque, parmi ceux qui font la leçon aujourd'hui, m'ait parlé de cette situation lors des consultations que j'ai lancées en avril 2019.
J'ai demandé à l'IGAS en janvier de l'année dernière de me présenter un rapport sur les enfants dans les hôtels. Comme souvent lorsqu'il est question de la protection de l'enfance, on parle de situations dont on est, en réalité, incapable de connaître l'ampleur. Si vous demandiez à certains départements combien d'enfants se trouvent dans des hôtels, ils ne seraient pas en mesure de vous répondre. La première vertu du rapport élaboré par l'IGAS, sous la conduite de l'ancienne secrétaire d'État Fadela Amara, a été d'objectiver un peu la situation.
On considère qu'il y a entre 7 500 et 10 000 enfants dans des hôtels. Dans 95 % des cas, il s'agit de mineurs non accompagnés. Les autres, qu'il ne faut pas oublier, sont des enfants dont on dit qu'ils sont dans des « situations complexes », qui ont fugué une, cinq, dix ou quinze fois, qu'on n'arrive pas à retenir dans des foyers plus classiques ou des familles d'accueil, et qui peuvent notamment souffrir de problèmes psychiatriques.
C'est une question de dignité, je vous rejoins sur ce point, monsieur Chiche : il faut établir le principe, fort et clair, d'une interdiction des enfants seuls dans les hôtels. C'est ce que fait cet article du projet de loi, quoi qu'on en dise. Dans ce domaine, néanmoins, comme dans tous ceux que nous évoquons, il ne faut pas faire montre de dogmatisme. Si des enfants venus de l'étranger arrivaient demain en plus grand nombre dans notre pays et qu'ils se retrouvaient à la rue, nous serions tous perdants. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons une exception liée à l'urgence, qui doit être strictement encadrée, je vous rejoins également sur ce point. C'est ce qui est prévu dans l'exposé des motifs et c'est ce que faisait initialement le texte lui-même, me semble-t-il, mais cette question a été renvoyée au pouvoir réglementaire.
La position du Gouvernement – cela vaudra pour les amendements, notamment ceux déposés par le groupe Dem – est que les exceptions doivent être limitées dans le temps. Un délai de deux mois, ce qui recouvre globalement la phase d'évaluation de la minorité, est ainsi prévu, de même qu'un encadrement éducatif renforcé. Il faut également travailler – mais c'est plus difficile à écrire dans la loi, et il faudra peut-être vous autoriser à faire un renvoi au pouvoir réglementaire – sur une objectivation du type d'hôtels mobilisables dans ce cadre, pour qu'on ne se retrouve pas avec des établissements miteux au fin fond de zones industrielles. Il me semble également important qu'il n'y ait pas d'adultes dans ces hôtels. Dans la plupart d'entre eux, on trouve un mélange entre des enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance et d'autres pris en charge par le 115 : je ne suis pas sûr que ce soit toujours une bonne idée. Je ne sais pas comment on peut l'inscrire dans la loi, mais il faudra réfléchir à cette question d'ici à la séance : il me semble que c'est un autre élément nécessaire en matière d'encadrement.
Des discussions portent sur le délai de mise en œuvre, qui vise à laisser aux départements le temps de s'adapter, certains voulant le raccourcir et d'autres l'allonger, probablement selon leurs positions politiques. Un délai d'un an à la suite de la publication du texte est actuellement prévu. Je m'engage, par ailleurs, à ce qu'une petite équipe d'ingénierie soit mise sur pied, avec peut-être aussi quelques moyens, pour que nous puissions agir avec les départements qui souhaiteraient commencer plus tôt à avancer sur le chemin qui permettra de faire sortir les enfants des hôtels. Je ne veux pas parler à sa place, mais je crois que le président du conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, Stéphane Troussel, s'est d'ores et déjà dit intéressé par cette démarche.
Certains d'entre vous évoqueront peut-être la question des moyens financiers et du moyen terme. Les 600 millions d'euros dégagés par l'État dans le cadre de la contractualisation avec les départements ont notamment pour objectif de créer des places pour accueillir les mineurs qui étaient jusque‑là à l'hôtel.
S'agissant des 5 % d'enfants restants, qui sont souvent en situation de handicap, nous menons aussi des actions dans le cadre de la contractualisation et plus directement avec certaines associations – et la secrétaire d'État Sophie Cluzel – pour essayer de trouver des solutions afin de bien les accompagner, ce que globalement nous n'arrivons pas à faire aujourd'hui, parce que ces enfants sont au croisement du social et du médico-social. C'est un défi auquel nous faisons face.
Je voudrais revenir sur les 5 % d'enfants évoqués par M. le secrétaire d'État. Je ne vous parlerai pas du versant handicap, mais d'une petite association alsacienne qui accompagne, depuis dix ans, des adolescents ayant absolument tout mis en échec – les familles d'accueil et toutes les institutions possibles.
L'accompagnement individuel assuré par cette association, dont le projet est tout à fait remarquable, consiste à suivre chaque adolescent placé dans un hôtel, dans le cadre d'un véritable contrat élaboré avec ce dernier. Les jeunes sont suivis vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, individuellement, par des psychologues qui peuvent aussi bien intervenir à seize heures qu'à minuit ou à six heures du matin.
Dans ce cas de figure, que je connais très bien, l'hôtel est devenu un outil, un partenaire, sans lequel les jeunes concernés seraient dans une situation complètement catastrophique, à l'abandon et refusant tout. Ils ne sont pas deux cents, mais une petite quinzaine chaque année. L'hôtel est un outil fondamental, grâce à un projet qui est accepté et global, mais ne correspond pas aux trois exceptions citées tout à l'heure.
Le groupe La République en Marche salue la décision d'interdire le placement de mineurs dans des hôtels. Cependant, pour cette disposition comme pour la plupart de celles que contient ce texte, il ne faut pas être trop directif ou rigide. Il ne sert à rien d'interdire purement et simplement l'hôtel si l'on sait pertinemment que cette interdiction ne pourra pas être effective du jour au lendemain. Je salue donc la proposition de M. le secrétaire d'État, qui nous invite à réfléchir à la façon dont nous pouvons mieux accompagner les MNA ou les mineurs que l'on qualifie de « cas complexes ». L'objectif est évidemment de leur offrir une prise en charge ailleurs qu'à l'hôtel. Nous y parviendrons, à condition d'y mettre les moyens et de faire preuve de bonne volonté.
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Chiche. Je ne peux pas laisser dire que ce projet de loi interdira le placement de jeunes à l'hôtel : en effet, l'alinéa 4 prévoit explicitement des dérogations « à titre exceptionnel, pour répondre à des situations d'urgence ou assurer la mise à l'abri des mineurs ». Aucun délai n'est spécifié : ces dérogations peuvent donc être comprises dans un sens très large. J'entends bien ce que vous dites, monsieur le secrétaire d'État, mais pour ma part, je souhaite qu'aucun mineur ne soit placé à l'hôtel et qu'il n'existe aucune dérogation possible, même dans des situations d'urgence. À nous d'y mettre les moyens. Un mineur, quel qu'il soit, ne peut pas être livré à lui-même, dans la solitude d'un hôtel, avec toutes les dérives que cela implique – les réseaux, la traite d'enfants, la prostitution.
Vous dites que vous ne voulez pas que des adultes soient présents dans ces hôtels. Je m'en réjouis, d'autant que j'ai défendu cette mesure dans le cadre d'une proposition de loi que j'avais déposée. Mais quid de la fraude à l'identité ? Vous savez très bien qu'on déplore 60 % à 90 % de fraudes à l'identité et que les hôtels accueillent des MNA de 30 ans. C'est ce qui se passe dans l'Oise, où le département a dépensé, en 2019, 20 millions d'euros pour l'hébergement de ces mineurs dans les hôtels. Il est effrayant de savoir que des adultes y vivent aux côtés de jeunes filles de 16 ans ou d'autres mineurs. Je le répète, aucun enfant ayant déjà connu un parcours de vie difficile, traumatisant, ne doit être livré à la solitude de l'hôtel.
L'article 3 pose une vraie fausse interdiction. Il s'agit d'un trompe‑l'œil, d'un faux-semblant, puisque des dérogations sont immédiatement prévues. Vous risquez, monsieur le secrétaire d'État, de donner au placement des mineurs à l'hôtel une base légale qui n'existe pas aujourd'hui. Autrement dit, cette disposition pourrait légitimer un certain nombre de situations qui, en l'état actuel, échappent au cadre de la loi. Ce n'est donc pas une bonne solution, d'autant que les situations d'urgence pouvant justifier une dérogation sont fréquentes. Je ne dis pas que la question peut être réglée facilement, d'un coup de baguette magique, mais l'article 3 pose problème au groupe GDR, dans la mesure où il risque d'être contre-productif.
M. le secrétaire d'État a dit tout à l'heure, à juste titre, que la question des hôtels n'avait encore jamais été posée. C'est l'action des lanceurs d'alerte et la diffusion de documentaires effroyables qui nous ont poussés à examiner cette situation.
L'article 3 vise à répondre à un scandale : le département des Hauts‑de‑Seine, qui connaît un excédent budgétaire de 600 millions d'euros, se permet de placer six cents enfants dans des hôtels, sans aucun accompagnement. Dans la majorité des départements français, la question du placement de mineurs à l'hôtel est très marginale. Dans le Val‑de‑Marne, par exemple, aucun enfant ne se trouve à l'hôtel ; vingt places existent, avec du personnel, pour des situations bien précises et urgentes.
Nous devons considérer que le placement de mineurs à l'hôtel est interdit. Cependant, pour avoir été vice-présidente d'un département, je sais qu'une interdiction stricte serait difficile à respecter dans les faits : de manière très pragmatique, j'approuve donc la proposition du Gouvernement. Pour autant, si cette disposition entre en vigueur au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la loi, l'État devra user de toute sa puissance pour que les départements comme les Hauts‑de‑Seine l'appliquent réellement : pour sortir six cents enfants des hôtels dans un délai d'un an, il faudrait que les agents de l'ASE commencent dès aujourd'hui à téléphoner aux associations pour monter des dispositifs d'accueil.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS211 de Mme Perrine Goulet.
Nous avons commencé à évoquer la question de l'hébergement hôtelier pour les mineurs. Quelle est la réalité de ces hôtels ? Il y a d'abord le contenant : ce sont souvent des lieux glauques, insalubres, où les odeurs vous prennent à la gorge, où l'on mange froid ce que l'industrie agroalimentaire produit de moins cher et où certains se font de l'argent sur la misère humaine en proposant des prix de journée défiant toute concurrence – 20 ou 30 euros pour s'occuper d'enfants à temps plein, toute la journée. Il y a aussi le contenu, souvent lacunaire : peu ou pas d'accompagnateurs, peu ou pas d'encadrement, au mieux un gardien qui veille à ce que les jeunes qui fument ne mettent pas le feu à leur chambre. Voilà la réalité de ces hôtels où nous plaçons des mineurs, en France.
L'étude d'impact nous apprend que les mineurs confiés à l'ASE et hébergés à l'hôtel sont au nombre de 10 500, et que 95 % d'entre eux – soit 9 975 enfants – sont des MNA. Les 5 % restants sont des enfants à situation complexe dits « incasables », dont plus personne ne veut car on ne prend pas le temps d'essayer de les comprendre et d'analyser ce dont ils auraient besoin. Ce sont plus de 500 enfants qui ont désespérément besoin d'accompagnement et qu'on laisse livrés à eux-mêmes. Il existe pourtant des lieux pour ces enfants, ainsi que des porteurs de projets qui veulent créer de tels lieux. Nous ne pourrons pas imposer la création de ces lieux d'accueil si nous n'interdisons pas réellement l'hébergement hôtelier des mineurs.
L'amendement AS211, déposé par les députés du groupe Dem, propose une solution imparfaite à une situation qui l'est tout autant. Nous demandons que l'hébergement hôtelier soit limité au seul temps nécessaire pour déterminer la minorité réelle ou supposée des MNA ; charge aux départements de prendre leurs responsabilités et de trouver une solution pour les « incasables ». Ce temps est déjà trop long, mais nous devons tenir compte du principe de réalité : lorsqu'un MNA supposé frappe à la porte d'un département, il faut pouvoir le mettre à l'abri. Mes amendements suivants ne proposent que des solutions de repli, très imparfaites : aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande d'examiner avec attention cet amendement AS211, qui permettrait de répondre à 95 % des situations.
Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée de réserver dès maintenant ces hôtels à l'établissement de la minorité des MNA. Je préfère m'en tenir à l'équilibre actuel de l'article 3, qui pourra être modifié par l'un de vos amendements visant à instaurer une durée maximale de recours aux structures d'hébergement hôtelier ainsi que par mon amendement prévoyant un niveau minimal d'encadrement.
Avis défavorable.
Je suis moi aussi un peu gêné par l'idée de traiter différemment les MNA et les autres. Nous devons, au contraire, préserver l'unicité de la protection de l'enfance. Par ailleurs, Mme Wonner a évoqué tout à l'heure des situations où le placement en hôtel était tout à fait justifié. Ce n'est pas tant le contenant qui compte que le contenu, à savoir l'accompagnement mis en place. Je donne donc un avis défavorable à l'amendement AS211, mais je soutiendrai un peu plus tard votre amendement AS210 visant à fixer un délai maximal de deux mois pour l'hébergement d'un mineur à l'hôtel.
Je ne crée pas deux catégories de mineurs. Mon amendement vise à réserver l'hébergement en hôtel à la période pendant laquelle on essaie de déterminer si le mineur accueilli est réellement mineur ou s'il est majeur. Nous répondons ainsi au problème des départements confrontés à l'arrivée d'un grand nombre de jeunes qui se présentent comme mineurs et qu'il convient de mettre à l'abri avant d'évaluer leur âge réel. À partir du moment où un jeune aura été reconnu comme mineur, il devra être pris en charge comme n'importe quel mineur né sur le territoire français, et le département aura l'obligation de le sortir de l'hôtel. C'est, au contraire, la situation actuelle qui est discriminatoire : trop souvent, les MNA reconnus comme mineurs sont placés à l'hôtel tandis que les mineurs nés en France sont placés dans des foyers, avec des prix de journée différents. Voilà ce que je veux combattre. En interdisant le placement à l'hôtel, afin de concrétiser dans la loi l'annonce faite par le Gouvernement en début d'année, tout en laissant aux départements la possibilité d'y héberger des mineurs uniquement pendant la période d'évaluation de leur âge réel, en cas d'arrivée massive de MNA, pour tenir compte du principe de réalité, nous pensons atteindre un équilibre.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS74 de M. Guillaume Chiche.
Cet amendement vise à supprimer les trois exceptions prévues au début de l'alinéa 3 ainsi que la dérogation accordée aux départements lorsqu'il s'agit de répondre à des situations d'urgence. Comme nous l'avons déjà dit, les 7 500 à 10 000 enfants placés à l'hôtel l'ont tous été pour répondre à des situations d'urgence. Aussi, l'article 3 ne change rien : il ne sert qu'à afficher une ambition qui sera rendue inatteignable. Il risque même d'aggraver la situation car, aujourd'hui, les placements à l'hôtel ne se font pas dans un cadre défini par la loi ; ils donnent donc lieu à des recours, et j'espère qu'au cours des prochaines semaines, une jurisprudence viendra interdire les placements à l'hôtel, y compris dans une situation d'urgence. Or adopter ce texte en l'état reviendrait à donner un encadrement légal à la pratique actuelle.
J'aimerais également revenir sur la question des délais. On ne peut pas refuser de différencier les droits des MNA et ceux d'autres enfants et, en même temps, expliquer qu'une limitation à deux mois des placements à l'hôtel permettrait de laisser à notre administration le temps de caractériser la minorité ou la majorité d'un jeune. Je ne peux pas accepter que les MNA, qui représentent 90 % des enfants placés à l'hôtel, restent dans ce type d'hébergement le temps que l'on détermine s'ils sont mineurs ou majeurs. Aucun enfant ne doit être placé à l'hôtel : il faut mettre un coup d'arrêt formel à cette pratique. Par ailleurs, la présomption de minorité doit s'appliquer dans tous les cas, comme le préconise l'Organisation des Nations Unies.
Monsieur Chiche, vous mélangez des choses différentes. Vous prétendez que l'article 3 permettrait de donner aux placements à l'hôtel une base légale qui contreviendrait à une jurisprudence que vous appelez de vos vœux. Or, aujourd'hui, les départements qui placent directement des jeunes sans passer par des associations gestionnaires ne sont pas soumis aux règles d'habilitation qui s'appliquent à ces mêmes associations. Cette base légale existe donc déjà : c'est la raison pour laquelle nous voulons poser un principe général d'interdiction tout en prévoyant des dérogations encadrées. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement, mais j'ai déjà dit que j'en accepterai d'autres visant à remettre au niveau de la loi, comme vous le souhaitez, les règles encadrant ces exceptions.
Je m'inquiète d'entendre dire que 95 % des jeunes placés à l'hôtel ne posent pas de problème puisqu'il s'agit de MNA qui ne sont, à vrai dire, pas vraiment des mineurs – en attendant de savoir s'ils sont mineurs ou majeurs, on fera comme s'ils étaient majeurs, et il n'y a donc aucune difficulté à les maintenir à l'hôtel. Cette conception me paraît très étrange : quel que soit le statut de ces jeunes, ils sont mineurs, ce sont des enfants, et ils n'ont rien à faire à l'hôtel. Ce n'est pas plus compliqué que cela !
Pour faire face à des situations d'urgence dans lesquelles il est nécessaire de placer des mineurs non accompagnés, il suffit de construire des hébergements d'urgence adaptés à l'accueil de ces enfants. Arrêtez de vous reposer sur le système hôtelier et d'espérer que ces établissements ne seront pas trop moches ou que quelqu'un pourra aller voir si tout va bien... Dans ce cas, autant nationaliser ces hôtels, cela ira plus vite ! Si c'est ce que vous proposez, je suis d'accord : en cinq minutes, nous pourrions créer un établissement public qui gérerait ces hôtels transformés en structures d'accueil de l'enfance, avec des éducateurs spécialisés ayant le statut de fonctionnaires.
Si l'article 388 du code civil relatif à l'examen de minorité n'instaure pas une présomption de minorité, il prévoit néanmoins qu'après la réalisation de certains examens, le doute profite à l'intéressé. Il doit en être de même lorsque des MNA se présentent aux services de l'ASE : quand il est impossible de déterminer s'ils sont mineurs ou majeurs, le doute doit profiter aux intéressés. Je n'accepte pas d'entendre que l'hébergement à l'hôtel pose un problème dans 5 % des cas, tandis que dans les 95 % de cas restants, qui concernent des MNA, le placement à l'hôtel peut se justifier par une situation d'urgence.
Vos propos sont inacceptables, monsieur Bernalicis. Vous me faites dire ce que je n'ai jamais dit. Il y a un principe de réalité. Aujourd'hui, 7 500 à 10 000 enfants confiés à l'ASE sont hébergés dans des hôtels.
Pourquoi cette logique purement institutionnelle ? La protection des enfants ne consiste pas seulement à élever des murs. Par ailleurs, comme je l'ai déjà dit, nous aidons financièrement les départements pour qu'ils construisent des centres d'hébergement ou créent des dispositifs d'accueil dédiés à ces jeunes, qu'ils soient ou non des mineurs non accompagnés. Je n'ai pas dit que le problème ne se posait que pour 5 % d'entre eux.
Lors de l'examen de l'article 15 relatif au fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, nous reviendrons sur les propos que vous avez tenus à ce sujet. Quand la minorité d'un jeune est manifeste, ce n'est pas le doute qui profite à l'intéressé : ce dernier est tout simplement considéré comme mineur et rentre à ce titre dans le système de la protection de l'enfance.
Aujourd'hui, les 7 500 à 10 000 enfants dont nous parlons restent à l'hôtel pendant six mois à un an, dans la plupart des cas sans aucun accompagnement : c'est à cette situation que nous entendons mettre fin.
Lorsque les départements organisent le placement d'enfants à l'hôtel, ils prennent des actes administratifs susceptibles de recours, y compris devant les juridictions. C'est ce qui arrive aujourd'hui, et c'est la raison pour laquelle j'appelle de mes vœux une jurisprudence qui remettrait en cause ces actes administratifs. Si nous adoptons l'article 3 en l'état, les départements pourront expliquer qu'ils ont placé des mineurs dans des hôtels pour faire face à une situation d'urgence : les juridictions n'auront alors plus aucune marge d'interprétation, puisqu'elles devront statuer sur une pratique parfaitement encadrée par la loi. C'est pourquoi j'affirme que la rédaction actuelle de l'article 3 viendrait aggraver la situation.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS75 de M. Guillaume Chiche.
Cet amendement s'inscrit dans l'échange engagé entre M. Bernalicis et M. le secrétaire d'État au sujet de la création d'une catégorie de mineurs d'exception composée de MNA.
Vous avez expliqué, monsieur le secrétaire d'État, qu'il était nécessaire d'instituer une durée maximale d'hébergement à l'hôtel de deux mois, parce que c'était le temps nécessaire, en moyenne, pour déterminer si un jeune était mineur ou majeur. Pour ma part, j'entends très simplement que nous allons permettre le placement d'enfants présumés dans des hôtels. C'est tout à fait limpide. C'est en tout cas ce que vous nous avez expliqué il y a une vingtaine de minutes – mais vous avez tout loisir de revenir sur vos propos.
Dans cet amendement AS75, qui est un amendement de repli, je propose que les placements d'enfants dans des chambres d'hôtel, en situation d'urgence exclusivement, soient limités à vingt-quatre heures. Je veux bien entendre qu'au beau milieu du jour ou de la nuit, il faille placer un mineur sous la protection de la République et qu'il soit nécessaire de l'héberger temporairement à l'hôtel. Certes, ce ne serait pas à notre honneur de le placer à l'hôtel en première intention, ne serait-ce que pour une durée de vingt-quatre heures. Mais nous devons surtout nous donner les moyens de lui proposer, au bout de ces vingt-quatre heures, une solution différente.
J'entends, monsieur le secrétaire d'État, votre discours volontariste : vous souhaitez notamment trouver de bons hôtels – même si je n'en connais pas vraiment pas les critères et si je ne suis pas persuadé qu'ils existent – et garantir la présence de gardiens ou de veilleurs de nuit. Le problème, c'est que je ne vois pas ces mesures dans votre texte. Je n'y vois pas non plus les nouveaux moyens alloués aux départements pour créer des places d'hébergement, ni les dispositifs visant à sanctionner les départements qui ne participeraient pas, par exemple, à un plan de construction de places d'accueil pour enfants, sur le modèle des mesures prévues à l'article 15 pénalisant les collectivités qui ne transmettraient pas au préfet des informations personnelles relatives aux MNA.
La suppression des mots « Hors période de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs » risque de limiter l'accès des enfants aux centres de loisirs et aux colonies de vacances. Par ailleurs, l'application d'un délai de vingt‑quatre heures aux situations d'urgence ou de mise à l'abri ne me semble pas opérationnelle.
Vous avez dit que l'article 3, tel qu'il est rédigé, aura pour effet d'aggraver la situation. Je vous rappelle que le recours aux hôtels, à l'heure actuelle, ne s'inscrit dans aucun cadre. Dans mon département, certains enfants y passent parfois plus d'un an. Dire que l'article 3 aura pour effet d'aggraver la situation n'est pas acceptable.
Avis défavorable.
Je suis heureux, et un peu surpris, d'apprendre que les 7 500 à 10 000 enfants placés à l'hôtel sont en vacances ! Entendre de tels propos dans la bouche du secrétaire d'État et de la rapporteure est risible. Soyons sérieux et gardons raison : de grâce, ne donnons pas à penser que les enfants placés à l'hôtel sont en vacances !
Madame la rapporteure, vous objectez à mon amendement que son adoption les empêchera de bénéficier d'un accueil en centre de loisirs ou en colonie de vacances. Il ne s'agit absolument pas du sujet dont nous parlons.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS72 de M. Guillaume Chiche.
L'amendement vise à prolonger la prise en charge des personnes mineures ou âgées de moins de 25 ans, et à réduire le nombre d'exceptions introduites par le présent projet de loi en matière de placement à l'hôtel.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS73 de M. Guillaume Chiche.
L'amendement vise à supprimer les exceptions à l'interdiction de placement des mineurs à l'hôtel. Dès lors que l'on affirme et affiche clairement un objectif, il faut aller au bout de la logique et l'inscrire dans notre loi.
Depuis de nombreuses années, nous sommes alertés, dans nos territoires respectifs, par des associations représentées à l'échelle nationale, par des personnalités, par des citoyennes et des citoyens, singulièrement celles et ceux qui viennent en aide aux MNA, sur l'état catastrophique dans lequel sont accueillis nos jeunes, et sur les conséquences induites par la mauvaise qualité de leur alimentation. J'ai observé, dans mon département et dans les départements limitrophes, la façon dont on les nourrit lorsqu'ils sont placés à l'hôtel. On leur donne des tickets‑repas, en général d'une valeur de 5, 6 ou 7 euros, valables dans le cadre d'un conventionnement avec un établissement de restauration rapide, qui le plus souvent vend des kebabs – je n'ai rien contre, j'adore en manger. On demande aux jeunes de s'y nourrir midi et soir.
Ils vivent à l'hôtel, kebab à midi, kebab le soir, et on se dit qu'ils sont placés sous la protection de la République ! Je trouve cela absolument indigne ! Même dans une situation d'urgence, même pour deux mois, je trouve cela profondément inhumain et inacceptable ! Personne ici n'oserait infliger cela à ses propres enfants ! Je considère qu'il faut supprimer les exceptions introduites par le texte en matière de placement à l'hôtel, et suivre l'orientation et l'affichage proposés en interdisant purement et simplement cette pratique.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS263 de Mme Elsa Faucillon.
Je confirme que nous sommes favorables à l'interdiction du placement à l'hôtel, pour de vrai et complètement. Tel est l'objet du présent amendement, qui vise à supprimer l'alinéa 4.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en désaccord à ce sujet. Je maintiens que le présent texte donnera une base légale au placement à l'hôtel, qui est une pratique massivement répandue. Entre 7 500 et 10 000 enfants sont dans cette situation, ce qui est profondément inacceptable. C'est une question de volonté politique, y compris – pour que nous nous comprenions bien – à l'échelon local. Il faut prendre des décisions fermes à ce sujet. Nous ne pouvons pas nous en tenir aux dispositions du texte. Il faut aller au bout de la décision dont elles procèdent.
S'agissant de la situation des MNA, des choses inacceptables, au premier rang desquelles les démarches de vérification de minorité entreprises pour éviter de leur offrir une protection, se produisent dans certains départements. On ne peut pas laisser faire.
Avis défavorable.
Monsieur Dharréville, il est évident qu'il s'agit d'une question de volonté politique et que nous devons envoyer des signaux forts. Je vous assure que le présent texte en est un, et que les départements le prennent comme tel. Certaines associations, que nul ne peut suspecter de vouloir encourager le placement à l'hôtel, appellent néanmoins l'attention sur la nécessité de le conserver dans la palette des solutions, comme le rappelait Mme Wonner.
Dans le département des Hauts‑de‑Seine, que je connais bien – nous pourrions aussi prendre pour exemple celui des Bouches‑du‑Rhône, où vous êtes élu –, six cents enfants sont placés à l'hôtel, sur les 7 500 que compte notre pays – madame Santiago, le texte ne concerne pas que le département des Hauts‑de‑Seine. Sans vouloir prendre la défense du conseil départemental, où siège votre collègue Elsa Faucillon, je rappelle qu'il a ouvert plusieurs centaines de places d'hébergement, avec le concours des Apprentis d'Auteuil, depuis la publication, par l'IGAS, du rapport sur le contrôle de l'ASE du département. Mmes Pételle et Provendier, élues du département, peuvent en parler.
Le Gouvernement fait aussi preuve de volonté politique, et même de volontarisme, en accompagnant les départements pour qu'ils agissent plus vite et plus tôt. Dès le mois de septembre, une équipe d'ingénierie, dotée de moyens, accompagnera les départements volontaires pour sortir plus vite de la situation dans laquelle ils se trouvent. Nous devons rester vigilants sur ce point, mais le signal est clair. Lorsque cinq cents ou six cents jeunes arrivent dans un département, cela pose des problèmes très concrets. Il faut faire montre de pragmatisme, en encadrant strictement leur hébergement, et ce dès l'examen du présent texte de loi, par le biais des amendements que vous proposerez, mesdames et messieurs les députés.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendement AS124 de M. François Ruffin, des amendements identiques AS57 de M. Guillaume Chiche et AS125 de M. Ugo Bernalicis, ainsi que des amendements AS123 de Mme Danièle Obono et AS227 de Mme Delphine Bagarry.
M. le secrétaire d'État disait tout à l'heure qu'il ne s'agit pas uniquement de murs, et qu'il faut aussi des personnels dedans. C'est précisément la raison pour laquelle nous sommes contre le placement à l'hôtel ! Il n'est pas question uniquement de murs, de gardiens de nuit et de concierges à l'entrée. Il faut des structures. Cela commence certes par des murs, car on ne laisse pas les gens dehors, et surtout pas les enfants, mais il faut aussi engager des professionnels.
Nous devons être en mesure d'accueillir des jeunes en urgence dans des structures publiques dotées de professionnels. Si cela vous semble impossible en 2021, en France, sixième puissance économique mondiale, il faut laisser la place à d'autres, monsieur le secrétaire d'État ! J'ignore si j'en serai chargé le moment venu, nous aurons fort à faire dans divers domaines, et il faut partager le travail ! Plus sérieusement, il n'est pas possible de continuer à placer des enfants à l'hôtel, même pour deux mois.
D'ailleurs, on nous a servi le même argumentaire à propos du placement des enfants en centre de rétention administrative : au lieu de l'interdire, on l'a limité à huit jours, soit le délai nécessaire pour les expulser avec leurs familles ! Eh bien, il y a des gens, à l'Assemblée nationale, pour lesquels certains principes, intangibles, doivent être déclinés concrètement dans la loi, et avec lesquels on ne fait pas de compromis par des « sauf si », des « au cas où » et des « on ne sait jamais ». L'objet de l'amendement AS124 est clair : aucun hébergement d'enfants dans le système hôtelier.
Mon amendement a également été travaillé avec l'association Repairs!. Il vise à interdire strictement le placement d'enfants à l'hôtel. Par ailleurs, étant donné que le texte, dans sa version actuelle, prévoit des exceptions, il vise à ramener la durée de la transition de douze à six mois.
Les amendements AS125 et AS123 sont des amendements de repli, qui ne prévoient – contrairement à l'amendement AS124 – aucune sanction pour les conseils départementaux ne respectant pas les exigences fixées par la loi. Nous offrons une palette de solutions pour faire en sorte qu'aucun enfant ne soit placé dans un hôtel.
L'amendement AS227 vise à réécrire l'alinéa 4 comme suit : « Cette prise en charge est interdite dans d'autres structures d'hébergement. »
Avis défavorable.
L'article 3 permet de mettre un terme à l'hébergement de milliers de mineurs et de jeunes dans des hôtels ou des structures inadaptées, dans des conditions incompatibles avec un accompagnement de qualité.
Nous sommes tous opposés à l'hébergement de mineurs dans des hôtels. Nous avons prévu une dérogation pour les mises à l'abri, qui ont notamment cours dans les départements où arrivent un grand nombre de MNA, dont la répartition entre les départements est inégale. Cette exception sera encadrée par un décret, dont le Gouvernement nous a informés qu'il comporterait, conformément au rapport de l'IGAS précité, des dispositions précises en matière de conditions qualitatives de recours à ces structures, relatives notamment aux publics susceptibles d'être accueillis à l'hôtel, à l'existence d'un accompagnement socio-éducatif, aux critères de sélection des hôtels et à la formalisation des relations entre les conseils départementaux et les établissements.
Avis défavorable.
Monsieur Bernalicis, savez-vous combien de jeunes se déclarant mineurs sont arrivés en France en 2018, année présentant le nombre d'arrivées le plus élevé ? Entre 40 000 et 50 000. Seuls 18 000 d'entre eux ont finalement été reconnus mineurs, mais là n'est pas le sujet. Il faudrait donc, si l'on vous suit, créer 50 000 places d'accueil, qui resteraient la plupart du temps inoccupées. Voilà, concrètement, ce dont nous parlons !
Par ailleurs, inutile d'attendre de prendre ma place pour trouver des solutions puisque, au conseil départemental de la Seine‑Saint‑Denis, votre formation politique fait partie de la majorité – tel était du moins le cas jusqu'à dimanche dernier, et nous verrons ce qu'il en sera à partir de demain. Je salue à nouveau Stéphane Troussel, qui est volontaire pour sortir le département de la situation dans laquelle il se trouve. Ainsi, votre parti a les moyens d'agir à l'échelle locale.
Voilà pourquoi François Ruffin a ouvert en préambule le débat sur la recentralisation et la renationalisation de cette politique. Les départements, même gérés par la gauche, fût-ce avec le soutien de nos amis, ont un problème : ils n'ont pas d'argent pour construire des places d'accueil.
Évidemment !
Ces décisions doivent être prises par le pouvoir central, à l'échelle nationale. L'État doit avoir la volonté politique de consentir des investissements dans ce domaine.
Monsieur le secrétaire d'État, si 50 000 enfants arrivent dans notre pays, il faut trouver une solution concrète, avec des moyens techniques et opérationnels. À défaut, que se passe-t-il ? Au nom du pragmatisme, dont vous nous rebattez les oreilles depuis ce matin, ainsi que la majorité depuis quatre ans, on introduit des exceptions dans la loi. Au demeurant, la procédure législative accélérée, censée être extraordinaire, est devenue habituelle. Je pourrais citer des dizaines d'exemples démontrant que l'exception est devenue la règle. Eh bien, parfois, il faut savoir dire non ! Même sous le régime de l'exception, nous refusons le placement à l'hôtel.
Si encore vous nous aviez annoncé que vous étiez prêt à interdire cette pratique, et d'accord pour mettre de l'argent sur la table pour construire les murs et trouver les professionnels, mais qu'il faudrait attendre un an ou un an et demi pour que notre pays ne compte aucun enfant placé à l'hôtel, nous aurions mégoté sur les délais, considérant qu'ils étaient trop longs, mais, à la fin, nous aurions vu le bout de cette histoire. En l'occurrence, tel n'est pas le cas.
Lisez donc le rapport que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat vient de publier : les mouvements migratoires provoqués par le changement climatique sont devant nous. Si nous ne sommes pas prêts à accueillir des enfants, nous courons à la catastrophe.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle en vient à l'amendement AS378 de Mme Florence Provendier.
Nous sommes tous d'accord : la place d'un enfant seul n'est pas à l'hôtel. Pourtant, on en dénombre 7 500, peut-être 10 000, qui y sont placés, pour des durées indéterminées. Dans le département des Hauts‑de‑Seine, on en compte six cents. Certains s'y trouvent depuis plus de quatre ans. Pourtant, l'excédent budgétaire du département s'élève à 1,5 milliard d'euros pour les trois dernières années. Par souci de concision, je ne reviendrai pas sur les recommandations du rapport Goulet ni sur celles du rapport de l'IGAS précité, et défendrai simultanément les amendements AS378, AS453 et AS454, qui tous visent à encadrer l'exceptionnalité du placement de jeunes à l'hôtel.
L'amendement AS378 vise à l'interdire pour les jeunes âgés de moins de 16 ans, même pour faire face à une situation d'urgence ou assurer la mise à l'abri d'un mineur. Ainsi, aucun enfant âgé de moins de 16 ans ne sera placé à l'hôtel. L'amendement AS453 vise à limiter à un mois, au lieu de deux, la durée du placement d'un mineur à l'hôtel. L'amendement AS454 vise à assurer le respect des taux d'encadrement prévus en famille d'accueil et en foyer en cas de placement à l'hôtel. Mais nous reviendrons ultérieurement sur ces deux derniers amendements.
Je suis favorable sur le principe à l'interdiction du placement à hôtel des mineurs de moins de 16 ans. Mais celle-ci sera difficile à mettre en œuvre car nous allons limiter ce placement à deux ans, pour des situations d'exception et de mise à l'abri et qu'il s'agit souvent de MNA, dont l'âge n'aura pas encore été évalué.
Avis défavorable à l'amendement AS378.
Il me semble que nous sommes pourtant tous d'accord. J'entends bien que le cas des MNA pose problème. Toutefois, nous pouvons partir du principe qu'il est possible d'évaluer l'âge d'un enfant. Il s'agit de mise à l'abri. L'âge de 16 ans est en outre utilisé dans plusieurs dispositions de notre droit.
Placer des enfants de 13, 14 ou 15 ans à l'hôtel est impensable. Le groupe Dem votera l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS343 de Mme Caroline Janvier et AS210 et AS416 de Mme Perrine Goulet.
Mon amendement vise à limiter dans le temps la dérogation prévue à l'interdiction de placement des mineurs dans les hôtels. Censée s'appliquer aux situations d'urgence, elle ne doit pas servir d'échappatoire pour contourner les dispositions de l'article 3. L'amendement prévoit une période de transition de trois ans pour permettre aux départements de réfléchir à des solutions alternatives et leur donner le temps de les mettre en œuvre.
Mes amendements sont des amendements d'extrême repli. À défaut d'approuver les dispositions de l'article, dont toute évolution semble exclue, je souhaite les encadrer un tant soit peu.
L'amendement AS210 vise à limiter à deux mois l'hébergement des jeunes dans une structure non autorisée ; l'amendement AS416 vise à le limiter à un mois. J'ai rencontré des jeunes qui vivent à l'hôtel depuis deux ans : c'est inconcevable. L'interdiction de telles pratiques est indispensable.
La question de la possibilité de la rendre opposable aux départements demeure. Il serait intéressant de réfléchir, d'ici à l'examen du texte en séance publique, à des pénalités ou à des amendes pour les départements ne respectant pas cette interdiction, dont le produit pourrait être utilisé au profit des enfants concernés. Dès lors que l'on préfère la dérogation à l'interdiction, il faut prévoir des dispositions contraignantes, afin que l'esprit de la loi devienne bel et bien une réalité.
Madame Janvier, je partage l'objectif d'éviter l'institutionnalisation d'un régime dérogatoire. Toutefois, les dispositions que vous proposez me semblent difficiles à mettre en œuvre, compte tenu des arrivées aussi massives qu'irrégulières, donc imprévisibles, de mineurs. J'émets donc un avis défavorable à l'amendement AS343, ainsi qu'à l'amendement AS416. En revanche, j'émets un avis favorable à l'amendement AS210.
Avis défavorable aux amendements AS343 et AS416, mais favorable à la limitation à deux mois proposée dans l'amendement AS210.
Madame Goulet, vous semblez minorer l'importance de cet amendement. Il est pourtant important, et je vous en remercie. Puisque votre groupe n'a pas déposé d'amendement de suppression de l'article 3, je déduis qu'il y est favorable, sous réserve de l'encadrement que vous proposez par cet amendement.
Il est question des arrivées massives. Dans les cas d'urgence, nous devons savoir comment faire face à l'arrivée de six cents personnes. Le problème est là, et c'était l'objet de ma proposition de loi. Allons-nous accueillir des personnes sans avoir les moyens de le faire ? Si nous considérons que tous sont mineurs, même s'ils portent la barbe ou ont des cheveux blancs, ils doivent bénéficier de la protection due aux mineurs. Peu importe leur situation, il ne faut en aucun cas les laisser seuls à l'hôtel, sans accompagnement, alors qu'ils arrivent déjà dans des conditions difficiles, dans un pays étranger dont ils ne parlent pas la langue. C'est aux conditions de l'accueil que nous devons réfléchir : devons‑nous accueillir quand nous n'avons pas les moyens pour le faire ?
Nous soutenons l'amendement qui porte le délai à deux mois, puisque nous avons déposé le même à une virgule près. Si nous fixons un délai de deux mois et qu'un département était défaillant, il pourrait être condamné à une astreinte journalière, il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne minore pas l'importance de cet amendement, mais je suis déçue de ne pas avoir pu obtenir mieux, ce délai de deux mois représentant le maximum acceptable.
Bien entendu, notre groupe n'a pas déposé d'amendement visant à supprimer l'article 3, car sa suppression nous ramènerait à la situation actuelle, plus défavorable encore. Nous soutiendrons donc cette avancée, même si nous estimons qu'elle est insuffisante.
La commission rejette l'amendement AS343, puis adopte l'amendement AS210.
En conséquence, l'amendement AS416 tombe, de même que les amendements AS2 de M. Jean-François Eliaou, AS344 de M. Paul Christophe, AS180 de M. Jean-Michel Clément et AS298 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
La commission examine l'amendement AS453 de Mme Florence Provendier.
J'estime qu'un délai de deux mois est trop long : je propose donc de le réduire à un mois.
Qui va contrôler que ces délais ne seront pas dépassés ? Nous avons prévu des instances de contrôle des foyers de l'aide sociale à l'enfance distinctes de l'autorité qui les finance. Le rapport de Mme Goulet et de M. Ramadier fait apparaître une confusion entre financement et contrôle, et l'absence des services de l'État chargés du contrôle.
Si nous refusons de recentraliser, alors qu'il y a autant de politiques de l'enfance que de départements, il faut au moins qu'une instance de contrôle nationale puisse imposer une homogénéisation des politiques sociales de l'enfance.
Les préfets ont la liste des enfants placés à l'hôtel, il est très facile de leur demander de vérifier.
Cette réponse ne me satisfait pas. J'imagine mal, en effet, le préfet se rendre dans les hôtels ou envoyer son directeur de cabinet faire la tournée des foyers de l'enfance. Soit des services en préfecture reçoivent la mission d'effectuer ces contrôles, soit ils ne seront pas réalisés. Tel est le cas aujourd'hui.
Il s'agit avant tout de la responsabilité de la préfecture. Nous aurons l'occasion de revenir sur le contrôle aux articles 5 et 6, avec toutes les procédures prévues pour renforcer la sécurité des enfants. Il est prévu de désigner un référent pour la protection de l'enfance au sein des préfectures, mais ce n'est pas une mesure d'ordre législatif.
L'amendement est retiré.
La commission en vient aux amendements AS1 et AS3 de M. Jean-François Eliaou.
L'amendement AS1 vise à exclure, sans dérogation possible, l'hébergement de mineurs protégés dans des hôtels. L'amendement AS3 exclut l'hébergement dans les résidences hôtelières à vocation sociale, qui ne sont pas adaptées aux besoins des mineurs.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement AS345 de M. Paul Christophe.
Nous proposons de renforcer l'accompagnement des jeunes accueillis dans ces structures. Un récent rapport de l'IGAS indique que 16 % des jeunes placés à l'hôtel ne bénéficient d'aucune forme de suivi éducatif, avec d'importantes disparités entre départements. L'absence d'accompagnement éducatif compromet pourtant fortement le parcours et les perspectives d'insertion des jeunes concernés.
Le recours dérogatoire à l'hébergement hôtelier doit impérativement s'accompagner d'un encadrement socio-éducatif. C'est pourquoi nous souhaitons garantir l'accompagnement des mineurs placés à l'hôtel en imposant la désignation d'un éducateur référent, chargé de leur suivi éducatif et de la mise en œuvre du projet pour l'enfant.
Je propose le retrait de cet amendement au profit d'un autre, que je vous présenterai, qui porte aussi sur l'encadrement des mineurs placés à l'hôtel.
Nous partageons totalement votre démarche. Mme Thill parlait des enfants isolés : il est hors de question de laisser perdurer de telles situations, que ce soit dans des hôtels ou dans d'autres dispositifs qui prévoient une semi‑autonomie que certains départements mettent en place, comme la Moselle ou le Nord. Il faut toujours prévoir un accompagnement éducatif, quelles que soient les modalités d'hébergement.
Nous sommes d'accord pour inscrire l'impératif d'encadrement renforcé dans la loi. Je demande toutefois le retrait de cet amendement au profit de celui de la rapporteure.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS454 de Mme Florence Provendier.
Il a le même objet que l'amendement précédent. Puisque la rapporteure nous dit proposer une meilleure rédaction, je lui fais confiance et retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS228 de Mme Delphine Bagarry et AS430 de M. Didier Martin.
Nous proposons de contraindre les départements à mettre en œuvre sans délai les mesures de protection pour les mineurs pris en charge hors des établissements et services sociaux et médico-sociaux, afin de nous assurer que des enfants ne seront pas laissés seuls et sans protection dans des hôtels.
L'article 3 ne prévoit le recours à ces structures que dans deux hypothèses exceptionnelles : les situations d'urgence et la mise à l'abri. Je demande donc le retrait de l'amendement.
Le rapport de l'IGAS fait état de l'exposition à des risques et des dangers pour les mineurs protégés placés à titre dérogatoire et temporairement dans les hôtels. Le groupe La République en Marche propose donc d'imposer un accompagnement adapté à la situation du mineur.
L'IGAS mentionne en effet une perte de chances résultant du défaut d'accompagnement. Je préconise le retrait de cet amendement au profit de celui de la rapporteure.
Je vous prie de m'excuser, il s'agit d'une erreur de ma part. Je vous invite aussi à retirer cet amendement.
L'amendement AS430 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS228.
Puis elle examine l'amendement AS303 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Il s'agit de réserver la prise en charge dans des structures non autorisées aux mineurs de plus de 16 ans, ou se déclarant comme tels, ainsi que le proposait précédemment Mme Provendier.
Le rapport de l'IGAS, que je n'ai eu malheureusement le temps que de survoler, ne me semble pas contenir d'éléments sur l'âge des enfants hébergés dans des hôtels. Pourrions‑nous disposer d'informations complémentaires en la matière ? Certes, les situations peuvent être complexes, mais il est évident qu'en dessous d'un certain âge, un tel hébergement est inacceptable. L'âge de 16 ans n'est peut-être pas en adéquation avec la réalité de ces situations. Je souhaite en tout cas que nous fixions un âge minimal.
Je suis complètement d'accord avec vos propos, mais cette mesure d'exception concernera en majorité des enfants en cours d'évaluation. Il ne sera donc pas possible de mettre en œuvre une interdiction fondée sur l'âge.
Avis défavorable.
Nous allons vérifier si le rapport de l'IGAS contient des données sur l'âge. Un certain nombre d'enfants présents dans les hôtels ont déjà été évalués et sont considérés comme mineurs. Mais la plupart d'entre eux sont encore en cours d'évaluation, phase que nous souhaitons limiter. Si je vous rejoins sur le principe, la fixation d'un seuil d'âge ne sera pas opérante.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
J'entends qu'une limite d'âge à 16 ans ne sera pas applicable. Mais je souhaite qu'en fonction des éléments complémentaires dont nous disposerons, nous puissions fixer un âge en dessous duquel la minorité de l'enfant ne fera aucun doute et qui interdira, de ce fait, leur hébergement dans des hôtels.
Je retire cet amendement dans l'attente d'informations complémentaires d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques AS81 de M. Thibault Bazin, AS165 de Mme Nicole Sanquer et AS244 de M. Bernard Perrut.
Ce projet de loi a l'ambition de parvenir à définir les conditions strictes du recours aux solutions hôtelières. Pourquoi renvoyer ces conditions à un décret ? Ce choix ne nous semble pas pertinent. Nous proposons donc de supprimer le renvoi au décret pour que le législateur définisse les conditions d'application des exceptions au principe posé par cet article.
Notre amendement AS165 répond en outre à une forte demande de l'Assemblée des départements de France (ADF).
L'ADF a en effet beaucoup travaillé sur le sujet et souhaiterait davantage de clarté. Le projet de loi a la grande ambition de parvenir à définir des conditions d'utilisation strictes de l'exception qu'il faut bien maintenir. Pourquoi les parlementaires ne pourraient-ils définir les règles ? Si le critère opérant est à ce point évident pour vous, pourquoi ne pas l'écrire dans la loi ? Nous pourrions nous retrouver autour d'un texte précis et clair.
Avis défavorable.
L'alinéa 4 prévoit le décret qui définira plus précisément les conditions dans lesquelles il sera possible de recourir à ces structures, au-delà de la notion d'urgence, et fixera les conditions qualitatives de recours à ces structures : existence d'un accompagnement socio‑éducatif, public susceptible d'être accueilli, critères de sélection des hôtels.
Ces amendements sont sur le point d'être satisfaits. En effet, un premier amendement portant sur le délai a été adopté, et un second le sera peut-être s'agissant de l'accompagnement éducatif. Comme le souhaite l'ADF, ces dispositions seront donc inscrites dans la loi. Elles y figuraient initialement, mais le Conseil d'État a estimé qu'elles étaient de nature réglementaire. C'est pourquoi elles ont été supprimées du texte présenté en Conseil des ministres. Mais pour la clarté des débats parlementaires, le Gouvernement ne s'oppose pas à leur inscription dans la loi.
Gardons-nous cependant la possibilité de recourir au pouvoir réglementaire pour préciser un certain nombre d'aspects que nous n'avons pas envisagés, ou qu'il est difficile de fixer dans la loi. Je parlais de la typologie des hôtels, je ne sais pas si c'est un critère opérant, et je ne sais pas comment le transcrire dans le texte. De même, sur la question des normes et des taux d'encadrement, nous aurons besoin de travailler avec les acteurs de terrain, telle l'ADF. Je m'engage à les associer, eux aussi, et comme je le fais depuis deux ans et demi, à l'élaboration des textes réglementaires venant préciser les dispositions que vous allez adopter. Je demande donc le retrait des amendements.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement AS495 de la rapporteure, qui fait l'objet du sous‑amendement AS501 de Mme Perrine Goulet.
Le pouvoir réglementaire devra prévoir un « niveau minimal d'encadrement et de suivi » pour accompagner les mineurs en cas d'hébergement par dérogation à l'hôtel, comme le demandent les associations et les éducateurs.
Je précise tout d'abord que notre amendement AS219, qui allait dans le même sens pour l'ensemble des établissements, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 alors que ce n'est pas le cas lorsque seuls les hôtels sont concernés.
Cela dit, le nombre n'est pas le seul élément essentiel pour encadrer les enfants, il y faut également la qualité. La formation des personnels constitue donc un élément décisif.
Les personnels sont des éducateurs et ils sont donc formés – mais je suis allée sur le terrain et je sais combien les situations peuvent être variables. Je formule donc un avis de sagesse sur ce sous-amendement qui, si les départements font bien leur travail, est satisfait.
Avis favorable à l'amendement. Le sous-amendement, me semble superfétatoire en ce qu'il est couvert par la notion de « niveau minimal d'encadrement », mais je ne suis pas opposé à son adoption.
La précision apportée par Mme Goulet est importante. J'ai moi-même défendu à l'amendement AS345 un « accompagnement éducatif des mineurs », ce qui implique une qualification, comme c'est le cas pour les encadrants dans les centres de loisir, qui doivent être titulaires des diplômes afférents à leur fonction.
Je suis d'accord. La quantité est certes importante mais la qualité l'est tout autant. Tant que la qualité de la formation ne sera pas au rendez-vous, des inquiétudes demeureront.
Les personnels doivent être évidemment formés et diplômés, ce que sous-entend la notion de niveau d'encadrement. Cela sera bien sûr précisé par voie réglementaire.
Moi aussi, madame la rapporteure, je me suis rendue sur le terrain où, très souvent, les encadrants ne sont pas des éducateurs diplômés. Vous prétendez que l'état du droit est suffisant mais la précision que je propose me paraît plus sûre.
Croire que les mots suffisent à transformer la réalité relève de la magie, d'autant plus lorsque les politiques diffèrent d'un département à l'autre. Selon le rapport de nos collègues Ramadier et Goulet, « le constat de la forte disparité des moyens accordés à la formation des professionnels de l'ASE par les conseils départementaux qui vont du simple au décuple laisse entrevoir l'immense marge d'amélioration sur ces enjeux ». D'un à dix ! Si l'État ne travaille pas à une homogénéisation et à l'élaboration de standards minimaux, ce fossé se creusera encore !
La formation doit en effet être homogénéisée. Ce sera d'ailleurs l'une des missions qui sera confiée au nouveau groupement d'intérêt public (GIP) prévu à l'article 13.
J'ajoute qu'un plan de formation des travailleurs sociaux a été lancé en décembre 2020, que plus de 30 millions ont été versés aux départements et aux opérateurs de compétences et que l'ingénierie des diplômes des travailleurs sociaux a été revue en 2018 afin d'améliorer la formation initiale et continue, même si de nombreux chantiers demeurent dans le domaine du travail social – nous y reviendrons lorsque nous évoquerons les assistants familiaux.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous‑amendé.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS379 de Mme Florence Provendier, AS174 de Mme Nicole Sanquer, AS179 de M. Jean-Michel Clément et AS34 de M. Alain Ramadier.
Il convient de réduire d'un an à six mois la période de mise en application des dispositions visées par cet article. Dans l'intérêt des enfants, elle devrait même être immédiate.
Cet amendement d'appel AS174 vise à ce que les rapporteurs éclairent le législateur sur le choix ayant présidé à la détermination d'un tel délai.
L'article 3 encadre strictement l'hébergement des personnes mineures et des majeurs de moins de 21 ans dans les hôtels et les structures bénéficiant d'un agrément « Sport » ou « Jeunesse et éducation populaire » mais le Conseil d'État, dans son avis, s'interroge « sur la brièveté du délai prévu par le Gouvernement pour la mise en œuvre de cette disposition et invite le Gouvernement à apporter, au cours des travaux parlementaires, les informations qui permettront d'éclairer le législateur sur le choix du délai à retenir pour que la disposition remplisse l'objectif d'amélioration des conditions de prise en charge des enfants ».
Par l'amendement AS179, le groupe Libertés et Territoires propose de repousser le délai d'application à dix-huit mois compte tenu du manque de places et de structures – ce qui n'est guère satisfaisant.
Dans son avis, le Conseil d'État s'interroge sur la brièveté du délai pour l'application de cette disposition, d'autant plus que cela aura pour effet d'augmenter les charges des départements dans la mesure où le coût journalier de l'hébergement hôtelier d'un mineur est largement inférieur à celui d'un hébergement en structure dédiée.
Le groupe Les Républicains considère qu'il importe en effet de laisser du temps aux départements, même si des conventions ont été signées et des budgets définis. Nous proposons de porter ce délai à vingt-quatre mois.
Ce délai nous semble en effet répondre à cet impératif qu'est de mettre un terme à ce type d'hébergement tout en laissant le temps aux départements de trouver d'autres solutions. Il est équilibré, pragmatique, réaliste.
J'ajoute que nous avons proposé à certains départements de réfléchir aux moyens de les accompagner en ce sens dès le mois de septembre, sans attendre l'application de la loi et de ce délai.
Avis défavorable.
Pourquoi pas ce délai d'un an, mais à condition qu'à son terme le dispositif soit effectivement appliqué ! Le délai de six mois que je proposais aurait peut-être permis de faire un état des lieux. Je vous alerte sur le fait que, de toute façon, il ne faudra pas attendre un an pour procéder à des vérifications.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
La commission examine l'amendement AS402 de Mme Perrine Goulet.
Lors de la mission que nous avons menée il y a maintenant plus de deux ans, nous nous sommes rendu compte que le suivi de certains enfants pâtissait du défaut de transmission d'informations entre les différents acteurs.
Un petit garçon a ainsi défenestré une petite fille dans une école, ce qu'il avait déjà fait précédemment, mais personne ne connaissait ses antécédents. Souvent, on m'oppose que cela pourrait entraîner une stigmatisation. Je ne suis pas du tout d'accord. Au contraire, si tout le monde connaît les difficultés et les limites de ces enfants, ils pourront être mieux aidés. Une assistante familiale m'a également expliqué qu'un enfant s'était mis à hurler pendant qu'elle le lavait : personne ne lui avait dit qu'il avait été agressé sexuellement.
Je propose donc de préciser la notion de « secret partagé » et de l'étendre aux services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires.
Vous abordez un sujet très délicat. Un enfant peut en effet être pénalisé du fait d'un défaut d'informations, mais il peut l'être également par un excès puisque c'est aussi de son intimité dont il est question. Nous sommes sur une ligne de crête et sans doute convient-il d'avancer avec beaucoup de prudence.
L'article L. 121‑6‑2 du code de l'action sociale et des familles ayant une portée assez générale, je vous propose de retirer votre amendement et de réfléchir ensemble à des dispositions plus souples.
De surcroît, la définition d'une liste présenterait le risque d'oublier des professionnels.
J'ajoute qu'une récente décision de la Cour de cassation réaffirme et renforce le secret partagé.
Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler en vue de la séance publique en poursuivant votre objectif, que nous partageons, mais en proposant une rédaction plus souple.
L'article L. 121‑6‑2 dispose que « le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de la mission d'action sociale ». Il n'est donc pas question de tout partager. Nous disons simplement qu'aujourd'hui, le partage est déjà problématique entre l'ASE et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il convient donc d'encadrer cette possibilité du « secret partagé » afin que les conditions les meilleures soient réunies au bénéfice de l'enfant.
Je suis prête à retirer cet amendement en vue de la séance mais il faut mettre un terme à ces blocages. Nous ne ferions pas notre travail si, demain, un autre enfant meurt parce que l'ASE n'a pas communiqué à l'éducation nationale une information et qu'il n'a donc pas été possible d'aménager les conditions de son accueil.
Je me réjouis d'une éventuelle nouvelle rédaction, car les enseignants se plaignent régulièrement d'être mis à l'écart. On leur oppose toujours le secret médical ou un autre et l'on se retrouve ensuite avec des situations dramatiques. On peut avoir confiance dans l'institution scolaire !
Il y aura manifestement du boulot d'ici à la séance ! Les collaborateurs du secrétaire d'État n'auront pas de week-end ! Nous terminerons l'examen de ce texte tard dans la nuit et tout devra être bouclé lundi soir ! L'architecture de la protection de l'enfance se dessine à tout le moins dans la précipitation !
Les accompagnants d'enfants en situation de handicap récupèrent les gamins sans savoir de quoi ils souffrent, et il en est de même pour les assistantes familiales. L'une d'entre elle est sortie pour fumer une clope et elle n'a pas compris que le gamin ait pété un câble parce qu'il avait été victime de brûlures de cigarettes ! Des informations doivent donc être partagées.
La question du secret partagé est débattue depuis longtemps. Il me semble qu'une formation partagée, précisément, serait utile : les principaux intervenants – éducateurs de l'ASE ou de l'action sociale, les puéricultrices dans les PMI, les enseignants, les assistants familiaux... – doivent être mieux formés à ce que contient cette notion de secret partagé. Nombre de travailleurs sociaux, en effet, le mettent en avant pour expliquer leur mutisme tout en diffusant des informations dans des lieux qui ne sont pas adaptés. Ce qui doit être dit doit l'être au bon endroit et aux bonnes personnes, et pas n'importe comment.
Sur le principe, je suis d'accord avec cet amendement.
Dans le Val‑de‑Marne, nous avons créé des comités locaux d'évaluation grâce auxquels il est possible de tenir informé l'ensemble des acteurs, en secret partagé. Je donne cet exemple parce que le secret partagé est quelque chose de très complexe.
Par ailleurs, dans le cas des placements d'urgence, l'ordonnance de placement ne comporte parfois aucune indication sur ce que l'enfant a vécu. Même au cours de l'évaluation précédant son orientation vers un dispositif de plus long terme, il arrive de ne pas être informé qu'un enfant a été victime par exemple d'agression sexuelle, ce qui ne sera découvert que par la suite, l'ordonnance ne mentionnant que la carence éducative. Nous devons donc y travailler avec la justice.
Le secret partagé est une évolution du secret professionnel, et la notion de partage représente une révolution culturelle dans le travail social. Dans beaucoup de situations, le partage ne s'applique pas du tout, ce qui empêche d'avancer. François Ruffin a tout à fait raison : lorsqu'une accompagnante d'élève en situation de handicap prend en charge un gamin, elle ne connaît pas son handicap. Comment voulez-vous qu'elle l'accompagne et qu'elle fasse du bon boulot ?
Il en va de même s'agissant de l'accueillant familial, parce que l'on ne reconnaît pas non plus cette profession. Notre pays a du mal avec la notion de transversalité et avec le respect de la pluridisciplinarité. Si, comme l'a dit Monique Limon, il faut effectivement s'y former, il faut surtout révolutionner la manière de travailler dans le social, quelle que soit la fonction. Et cela ne passera par la loi. Tous les professionnels concernés doivent bien comprendre que travailler ensemble est important et qu'il n'existe pas de pré carré dans l'accompagnement : le partage doit y devenir effectif.
Cette question de partage du secret a été très largement abordée au sein du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, et particulièrement dans le cadre de la commission de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Il est ressorti des discussions que les différents professionnels concernés auraient intérêt à travailler à la définition des modalités permettant de lever le secret et de le partager, de façon à pouvoir interagir au bénéfice de la personne concernée.
Le sujet existe bel et bien mais l'amendement est peut-être mal rédigé. Je compte sur vous pour que nous le travaillions avant l'expiration du délai de dépôt des amendements en vue de la séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS436 de Mme Monique Limon.
La condition des enfants en situation de handicap pris en charge par l'ASE est particulièrement difficile, car elle implique la multiplication significative des dispositifs et acteurs appelés à intervenir auprès d'eux. Dans un rapport de 2015 qui leur est consacré, le Défenseur des droits constate que leur fragilisation extrême, ainsi que celle de leur famille, les expose tout particulièrement à des dénis de leurs droits, que ce soit à la santé, à la scolarité, à une vie en famille ou à la protection contre la violence sous toutes ses formes. Ces enfants particulièrement vulnérables semblent invisibles aux yeux des politiques de protection de l'enfance comme des politiques du handicap, car oubliés des systèmes d'information existants, et donc peu identifiés. Le même rapport indique que 70 000 enfants confiés à l'ASE seraient concernés, avec une sensible surreprésentation par rapport à la population générale.
Signe de cette cécité, l'article L. 221‑1 du code de l'action sociale et des familles, qui détaille les missions du service de l'ASE, reste silencieux sur la question de l'accès aux soins et de la continuité des soins pour les enfants pris en charge par celui-ci.
L'amendement vise à combler cette lacune, en précisant que ce service a également pour mission de veiller à l'accès aux soins et à la continuité des soins des enfants faisant l'objet d'une mesure de protection de l'enfance, en particulier lorsqu'ils sont en situation de handicap, et d'assurer la coordination avec les professionnels des établissements et les services de santé et médico-sociaux chargés de la prise en charge et du suivi de ces enfants.
L'amendement propose de confier à l'ASE une nouvelle mission consistant à veiller à l'accès aux soins des mineurs en situation de handicap, ce qui concerne effectivement 70 000 enfants, 17 % des enfants de l'ASE souffrant de handicap. S'il s'agit d'un sujet majeur que nous devons prendre en considération, j'ai peur que votre proposition reste trop large. Je vous propose donc de retirer l'amendement.
Nous nous rejoignons s'agissant du constat, mais je ne sais pas si insérer un nouvel alinéa à l'article définissant les missions de l'ASE changerait fondamentalement les choses. Je vous propose donc de retravailler l'amendement en vue de la séance publique.
La prise en charge des enfants de l'ASE en situation de handicap est un vrai sujet de fond, car ils sont au croisement du social et du médico‑social ; notre système étant construit en silos, cela n'implique ni les mêmes financeurs, ni les mêmes compétences, ni les mêmes professionnels. C'est la raison pour laquelle nous essayons d'agir à travers la contractualisation, celle des départements avec l'État étant conditionnée au fait qu'ils proposent une prise en charge des enfants de l'ASE en situation de handicap, avec à la clé des financements complètement croisés et décloisonnés.
Les soixante‑dix départements avec lesquels nous sommes en train de contractualiser, en attendant les trente derniers, nous ont tous fait remonter des propositions utiles et importantes. Il y a des solutions – places en institut thérapeutique, éducatif et pédagogique ou en hôpital de jour, équipes mobiles – pour accompagner ces enfants quand ils sont chez des assistants familiaux ou dans des maisons d'enfants à caractère social. J'espérais toutefois qu'un département nous propose la solution innovante pour l'accompagnement de ces enfants, mais nous sommes toujours à la recherche du modèle idoine.
Avec Sophie Cluzel, nous avons réuni quelques associations très innovantes, afin qu'elles trouvent des solutions pour l'accompagnement d'enfants à besoins spécifiques. Nous avons essayé d'inverser l'approche en leur demandant d'exprimer leurs besoins pour que ces enfants de l'ASE en situation de handicap soient bien pris en charge, sans se préoccuper des financements, des compétences des uns et des autres et du coût induit. Nous attendons des retours sur un modèle qui pourrait être expérimenté à la rentrée.
Par ailleurs, des parcours de soins coordonnés sont également expérimentés dans trois départements dans le cadre de l'article 51, et ils vont être étendus. C'est plus par ce biais très opérationnel que l'on arrivera à trouver des solutions plutôt qu'en inscrivant une mission dans la loi, même si ce n'est peut-être pas inutile.
Je suis donc plutôt en faveur du retrait de l'amendement.
J'accepte de le retirer, mais je ne voudrais pas qu'on en reste à d'énièmes expérimentations et que des solutions ne soient offertes que dans les départements où la volonté existe et où les professionnels s'engagent. Il faut que tous les enfants de l'ASE porteurs de handicap puissent en trouver une et que leur parcours soit fluide, c'est-à-dire qu'on puisse au moins s'entendre sur les âges limites et sur les types de handicap.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État : il ne faut pas croire que parce que l'on insère quelques lignes dans la loi, elles deviennent réalité. C'est toute la limite de l'exercice que nous faisons depuis des heures et que nous allons continuer encore pendant des heures. Les éducateurs des centres départementaux enfants et familles ou les services de l'ASE le disent bien, la continuité des soins, pour les handicapés et pour ceux qui ne le sont pas, n'existe pas, pas plus que le suivi psychologique, faute de moyens. C'est ça, la réalité, aujourd'hui.
Si l'on ne met pas derrière tout cela des moyens, notre exercice sera vain. Même d'un point de vue presque économique, c'est mortifère, puisque les questions que l'on ne traite pas chez les mômes s'aggravent et deviennent des problèmes pour la société dans les décennies qui suivent. C'est toujours une question de moyens.
Je ne suis pas d'accord avec vous, ce que nous sommes en train de faire est utile. Des moyens sont mis par ailleurs, notamment sur la question du handicap.
J'observe, du reste, que la question de savoir pourquoi 20 % à 25 % des enfants de l'ASE sont en situation de handicap n'est jamais posée. Pourquoi y en a‑t‑il autant et comment faire en sorte qu'il y en ait moins ? La réponse passe par la prévention, par le repérage précoce et par l'accompagnement à la parentalité à la fois des parents ayant des enfants en situation de handicap et des parents handicapés ayant des enfants. Il faut davantage agir et investir sur l'ensemble de ces sujets : nous le faisons notamment au travers du projet des 1 000 premiers jours.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS78 de M. Guillaume Chiche.
L'équilibre alimentaire fait complètement partie des soins aux enfants mineurs dépendant de l'ASE, comme leur éducation et leur santé. Certains d'entre eux ne s'alimentent pas correctement, le département doit mettre en place des mesures de nature à assurer cet équilibre alimentaire.
L'amendement concerne l'organisation des établissements mandatés par l'État : il me semble compliqué de l'insérer dans la loi. Dans les établissements dans lesquels je me suis rendue, on veille à l'équilibre alimentaire avec l'aide de diététiciens, même si tout n'est pas parfait.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 bis (nouveau) : Recours à un infirmier en pratique avancée pour la coordination des équipes de l'aide sociale à l'enfance
La commission examine l'amendement AS404 de Mme Perrine Goulet.
Au cours de la mission que nous avions menée avec Alain Ramadier, nous nous étions aperçus que le poste de médecin référent « protection de l'enfance » n'était pas pourvu dans certains départements en raison de la pénurie de médecins. Plutôt que de laisser ce poste vacant, je propose qu'une infirmière ou un infirmier en pratique avancée (IPA) puisse l'occuper en attendant de trouver un médecin. Même si cette solution n'est pas la plus satisfaisante, mieux vaut une IPA que rien du tout.
On manque effectivement de médecins pour assumer ces tâches. Néanmoins, un tel changement mériterait une concertation avec les professionnels de santé et les conseils départementaux.
Demande de retrait.
J'ai bien conscience de la situation, mais la nomination d'un médecin référent était l'une des avancées majeures de la loi de 2016 et je suis assez défavorable à ce que l'on revienne dessus.
Il ne s'agit pas de revenir dessus. Il s'agit simplement, si l'on ne trouve pas de médecin, d'ouvrir la possibilité à un IPA d'occuper la fonction. Loin de moi l'idée de revenir sur la loi de 2016, mais il vaut parfois mieux avoir quelque chose d'applicable que d'inappliqué. L'essentiel, pour moi, est l'intérêt supérieur de l'enfant qui commande qu'un référent surveille son parcours de santé.
Je soutiens tout à fait ce que vient de dire Perrine Goulet. On voit bien dans nos quartiers et dans nos villes le manque criant de médecins. Il faut trouver et tester des solutions.
Je me rallie également à cette proposition, compte tenu du manque de médecins. Il ne s'agit pas de faire sans, mais au cas où, de pouvoir les suppléer auprès des jeunes.
Le médecin référent introduit par la loi de 2016 n'est pas celui qui voit, par exemple, les 5 000 enfants placés dans le Val‑de‑Marne : il travaille avec les équipes au sein de l'ASE. En revanche, le fait d'ouvrir, comme le propose Perrine Goulet, aux IPA dans les endroits où il n'y a pas de médecin n'est pas inintéressant.
On ouvre sans ouvrir puisqu'en réalité, en application de l'article R. 4301‑1 du code de la santé publique, qui est cité à juste titre dans l'amendement, l'IPA intervient sous la responsabilité d'un médecin. Il ne peut donc pas lui être substitué mais pas agir non plus.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 3
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS126 de M. François Ruffin et AS223 de Mme Perrine Goulet.
Je lis un extrait du rapport d'Alain Ramadier et Perrine Goulet, qui a été voté à l'unanimité par la commission des affaires sociales : « La rapporteure constate avec regret qu'il a parfois été difficile aux membres de la mission d'être accueillis par les conseils départementaux ou de se rendre dans des foyers d'accueil. Ce manque de transparence peut laisser interrogatif. » L'une de ses propositions est donc « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l'enfance ».
Dans ce type d'établissement, un regard, non pas suspicieux mais simplement extérieur, est toujours bienvenu, a fortiori en l'absence d'instance de contrôle indépendante du financeur. De même que les parlementaires ont le droit de visiter des lieux fermés, le leur accorder pour visiter des foyers de l'enfance serait un apport positif, même s'ils n'auraient sans doute pas le temps de l'exercer tous les quatre matins.
Je suis favorable à la première partie des amendements, relative au droit de visite des parlementaires. En revanche, je trouverais problématique la présence des journalistes – qui ont un droit de visite en compagnie des parlementaires dans les prisons, mais non dans les hôpitaux psychiatriques, en conséquence d'un choix sage fait par le législateur en 2015. Il faut protéger le droit à l'image des enfants. Une jeune fille qui avait témoigné à propos de l'assassinat d'un jeune homme dans le récent documentaire sur les enfants de l'ASE a été renvoyée de son hôtel des Hauts‑de‑Seine le lendemain de la diffusion.
Récemment, j'ai voulu me rendre dans un hôtel où résident des enfants placés : j'y ai trouvé porte close – la carte prouvant notre qualité de parlementaire ne nous permet pas nécessairement d'y accéder – et je vous passe les détails de ce que j'y ai vu quand j'ai finalement pu entrer. Il est donc important que nous puissions avoir accès à ces lieux grâce à notre badge, comme dans les prisons.
Si la seconde partie de mon amendement vous gêne, madame la rapporteure, je vous invite à déposer dès à présent un sous-amendement tendant à la supprimer. Il sera ainsi possible de voter le volet relatif au droit de visite des députés et sénateurs.
Je préfère que l'on réécrive tranquillement l'amendement d'ici à la séance publique pour en supprimer la référence aux journalistes et y viser les établissements et services mentionnés au 1° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.
Les amendements soulèvent plusieurs questions, que je souhaite exposer sans en tirer de conclusions.
D'abord, ils ne visent que les établissements, et non les assistantes familiales : les enfants résidant chez ces dernières, c'est-à-dire la moitié de ceux qui sont placés auprès de l'ASE, n'auraient donc pas droit à cette visite et à cette marque d'attention. Cela mérite réflexion.
Ensuite, et même si je ne suis pas opposé au principe du droit de visite parlementaire dans les établissements de l'ASE, vous créez ici un précédent : pourquoi pas les crèches ensuite ? En l'état du droit, on ne vous ouvrira pas nécessairement les portes d'une crèche municipale ; on n'a d'ailleurs pas à le faire. La situation est différente dans le cas des MDPH, dans la mesure où l'État siège au conseil d'administration du GIP.
Enfin, s'agissant de la présence des journalistes, il a été fait référence à leur droit de visite dans les lieux de privation de liberté, mais les établissements de l'ASE ne relèvent pas de ces lieux et nous ne devons pas laisser entendre qu'ils en font partie. En outre, si le dispositif devait être étendu aux assistantes familiales, vous conviendrez avec moi que l'on vous imagine mal arriver chez ces dernières avec un journaliste et sa caméra.
Pour ces raisons, et même si je ne suis pas opposé à la possibilité de visite par les députés, avis défavorable à ce stade.
Les amendements sont-ils maintenus ?
Je note que M. Ruffin souhaite maintenir le sien, et je me porte garante du fait qu'il sera mis aux voix même si son auteur doit s'absenter.
Pour rédiger mon amendement, je me suis inspirée de l'article 719 du code de procédure pénale, qui autorise la visite des centres éducatifs fermés. J'entends votre alerte, monsieur le secrétaire d'État, concernant les journalistes.
En revanche, s'agissant du choix des établissements, les récents rapports, notamment du Défenseur des droits, mentionnent plutôt les violences en institution que chez les assistants familiaux. Je ne dis pas qu'il n'en existe pas chez ces derniers, mais il est plus difficile pour un député de se rendre dans un domicile privé. Peut-être faudrait-il donc prévoir, pour couvrir ce cas de figure, un second étage de la fusée : les députés seraient autorisés à procéder aux contrôles avec les services du département, ce qui leur permettrait d'entrer chez les assistants familiaux. Je vais y réfléchir avec Mme Limon. Pour que vous ne puissiez nous opposer la même objection la semaine prochaine, je vais donc retirer mon amendement, le temps de le retravailler avec la rapporteure et le groupe La République en Marche.
J'étais très surprise de cet amendement. D'une part, la visite de journalistes n'est pas envisageable dans la mesure où une partie des enfants sont placés au secret sans qu'on le sache par avance. D'autre part, pendant les dix ans où j'ai été vice-présidente du Val‑de‑Marne chargée de la protection de l'enfance, je n'ai pas vu un seul député alors que ma porte leur était toujours ouverte ; une seule personne s'est manifestée depuis 2017 pour venir faire une visite, ce qui est pourtant le droit de chaque député de la nation. Je suis tout à fait favorable à ces visites, aujourd'hui comme hier, et j'invite les parlementaires à contacter les départements pour les mener.
Cela dit, la situation varie considérablement selon les départements et certains n'accueillent pas volontiers les parlementaires. En ce sens, la précision apportée par l'amendement était bienvenue.
L'amendement AS223 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS126.
Puis elle en vient à l'amendement AS76 de M. Guillaume Chiche
L'amendement tend à revenir sur la condition de durée minimale de prise en charge par l'ASE dont dépend l'obtention d'un contrat jeune majeur, condition imposée au moment de l'examen de la proposition de loi de Mme Bourguignon visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie. Il s'agit de permettre à tous les jeunes placés sous la protection du département d'avoir accès à ce contrat.
Sur le fond, je suis bien sûr favorable à ce que tous les enfants de l'ASE bénéficient d'un contrat jeune majeur, mais la décision relève du président du conseil départemental. Avis défavorable.
Votre objection signale précisément l'écueil que nous cherchons à éviter : il s'agit de tendre vers l'harmonisation entre les départements.
J'avais déposé un amendement allant dans le même sens, afin d'éviter les sorties dites « sèches » de l'ASE, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable. Mme Bourguignon avait soulevé le problème dans sa proposition de loi et entendait y apporter une solution de ce type. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce quasi‑abandon des jeunes majeurs.
Ce n'est pas à 18 ans, surtout après un tel parcours, que l'on est armé pour construire sa vie. L'accompagnement peut donc être prolongé, comme cela se pratique parfois chez les assistants familiaux. Lorsque le jeune est sans ressources financières, que son isolement est avéré, qu'il est privé du soutien matériel et moral de sa famille et qu'il n'a ni logement ni hébergement, il faut envisager ce type de mesure.
Mes amendements ont, eux aussi, été jugés irrecevables, mais je ne peux pas ne pas intervenir puisque l'amendement cite le Val‑de‑Marne. J'en ai parlé avec M. le secrétaire d'État : on ne peut pas passer ainsi nos amendements à la trappe. Il est heureux que la discussion nous donne une occasion de nous exprimer sur le sujet. Ce sera également le cas en séance et lors de la navette.
Il faut, en tout cas, trouver une sortie par le haut. Après l'Australie, après le Québec, la France doit progresser dans la prise en charge des jeunes de 18 à 25 ans. Comment penser de manière transversale et en termes de droit commun l'accompagnement des jeunes sortant de l'ASE, au lieu de toujours le concevoir du point de vue budgétaire ? Son coût est réel, mais que dire du coût social de l'absence d'accompagnement – qui a été calculé au Canada – alors que l'on a investi pour ces jeunes, dont certains ont été placés dès le plus jeune âge, des millions d'euros depuis leur enfance ?
Certains départements les mettent à la rue quand ils atteignent 18 ans – nous ne l'avons jamais fait dans le Val‑de‑Marne. Il est de la responsabilité du Gouvernement de dire à l'ADF : « Stop, c'est fini, on ne veut plus ! » Cela peut passer par l'amendement en discussion comme par d'autres voies. Je fais confiance au Gouvernement pour mettre fin à cette situation.
J'ai déposé, pour ma part, une proposition de loi tendant à prolonger jusqu'à l'âge de 25 ans la prise en charge des enfants placés. Nous sommes tous parents ; qui dit à son enfant de 15 ou 16 ans de se préparer à être dehors à 18 ans ? En moyenne, c'est à 23 ans que l'on quitte le domicile parental. Il ne s'agit pas que les jeunes soient nécessairement accompagnés jusqu'à 25 ans, mais ne pensons pas toujours finances, pensons avenir et insertion. Dans le Val‑de‑Marne, si un jeune veut poursuivre des études, qu'il s'agisse de Sciences Po, de médecine ou d'un apprentissage en pâtisserie, il est libre de le faire et il est accompagné.
Une convention a été signée dernièrement entre l'Union nationale des missions locales (UNML), l'ADF et l'État pour faire le lien entre la sortie de l'ASE et l'accompagnement ultérieur. En effet, les ruptures de parcours étaient fréquentes et les jeunes n'étaient pas toujours orientés vers les missions locales.
La convention est en vigueur, mais elle est récente : il faut lui laisser le temps de s'appliquer. Tous les acteurs doivent s'asseoir autour de la table. Le service public de l'insertion et de l'emploi, qui est en train de se déployer, est un levier possible pour cela.
Merci de me donner l'occasion, par vos interventions, de parler de ce sujet qu'il était indispensable d'aborder aujourd'hui.
On ne peut pas dire que nous avons abandonné ces jeunes, monsieur Martin. Depuis 2018 et le lancement de la stratégie nationale de prévention et d'action contre la pauvreté, nous avons pris des mesures que je vais rappeler avant de donner quelques perspectives. Cela me permettra de faire le point devant la représentation nationale sur ce qui a été mis en œuvre.
Dans le cadre du plan pauvreté, un référentiel a été élaboré pour l'accès à l'autonomie et la sortie du dispositif de l'ASE. Les données macroéconomiques ne sont pas très parlantes, mais 10 millions d'euros ont été délégués dans ce cadre en 2019, en 2020 et en 2021 au titre de la contractualisation. Généralement, les départements ont investi le même montant de leur côté, en vertu du principe « 1 euro pour 1 euro ».
En ce qui concerne la mise en œuvre de ce référentiel ainsi que les contrats jeune majeur, j'aurai en juillet les chiffres consolidés pour la totalité des départements et je vous les communiquerai. D'après les données déjà fournies par certains départements, 80 % des jeunes devenus majeurs en 2020 ont fait l'objet d'une prise en charge dans le cadre du référentiel, contre 60 % l'année dernière, et la proportion de jeunes majeurs disposant d'un logement stable connaît, elle aussi, une progression encourageante, de 61 % en 2019 à 85 % en 2020.
Toujours dans le cadre de la stratégie pauvreté, il avait été décidé de désigner des référents ASE dans tous les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour garantir le logement des jeunes en résidence universitaire. Je vous l'ai dit, les jeunes issus de l'ASE qui font des études supérieures bénéficient d'un accès prioritaire au logement étudiant et d'un accès automatique à l'échelon 7 des bourses universitaires – même s'ils ne sont que 6 % à 7 % du total des enfants de l'ASE. En outre, l'accès des jeunes à la CMU-C est rendu automatique juste avant l'âge de 18 ans, afin de mettre fin aux ruptures de parcours de soins auparavant constatées.
Enfin, la stratégie pauvreté inclut un dispositif de subvention instauré en partenariat avec l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ) et destiné à expérimenter des modes de solvabilisation de ceux qui logent en foyer de jeunes travailleurs.
J'ajoute qu'une somme de 1,7 million d'euros est consacrée à des projets régionaux à la main des commissaires à la lutte contre la pauvreté et ciblant la question de l'autonomie. La stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance inclut les bourses dont j'ai déjà parlé pour l'enseignement supérieur – 680 euros par mois. Quant à l'accord-cadre que vient d'évoquer Christine Cloarec‑Le Nabour, il associe l'UNHAJ, la Convention nationale des associations de protection de l'enfant, l'ADF et l'UNML, pour un accompagnement personnalisé dès 17 ans, grâce à des référents ASE au sein des missions locales, selon une démarche d'« aller vers », car les missions locales ne connaissent pas assez bien les jeunes de l'ASE.
Depuis, nous sommes allés encore plus loin en automatisant une allocation de 500 euros et l'accompagnement social et professionnel renforcé pour tous les jeunes qui ne suivent pas de parcours professionnel ni universitaire. En somme, les jeunes de l'ASE bénéficient d'un accès automatique à la garantie jeunes.
Nous avons eu des débats, il y a deux ans, lors de l'examen de la proposition de loi Bourguignon, et nous en avons eu d'autres depuis. Une option consiste à repousser de 18 à 21 ans, voire à 25 ans, l'âge limite de prise en charge – étant entendu, madame Santiago, que, sauf erreur, au Québec, le report à 25 ans est une recommandation de la commission Laurent non encore validée par le gouvernement. Une autre option est l'instauration de différents dispositifs permettant de couvrir l'ensemble des situations. Dans ce cadre, nous pouvons aller encore plus loin pour améliorer l'accompagnement avant la sortie et après. Plusieurs amendements en ce sens, émanant notamment de vous, madame Santiago, suscitent notre intérêt et pourront recueillir notre accord.
La commission rejette l'amendement.
Voilà environ sept heures trente que nous débattons et nous avons examiné moins de quatre-vingts amendements. À ce rythme, il nous faudrait encore à peu près vingt heures pour finir l'examen du texte. Il va donc falloir accélérer !
Article 3 ter (nouveau) : Information sur les droits lors de l'entretien réalisé à un an de la majorité
La commission est saisie, en discussion commune, des amendement AS321 de Mme Sandrine Mörch, des amendements identiques AS61 de M. Guillaume Chiche et AS320 de M. Paul Christophe ainsi que de l'amendement AS380 de Mme Florence Provendier.
Mon amendement reprend l'article 5 ter de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon, adoptée le 7 mai 2019 à l'Assemblée nationale. Le calendrier législatif étant surchargé, je vous propose de profiter du présent projet de loi, constructif, concret et pragmatique, pour reprendre ces dispositions que nous avions adoptées de manière consensuelle.
Tous les acteurs de l'ASE insistent sur la nécessité d'avancer l'entretien de préparation à l'autonomie, actuellement prévu un an avant la majorité. Cet entretien, trop tardif, est souvent perçu par le jeune mineur comme un ultimatum de sortie du dispositif, alors qu'il faudrait instaurer une véritable dynamique de construction du parcours afin de lui permettre de se projeter plus facilement et de manière moins angoissante hors du dispositif de l'ASE. L'entretien doit ainsi servir à informer le jeune de l'ensemble de ses droits et des dispositifs dont il peut bénéficier, notamment en matière d'insertion, de logement ou encore de santé.
Aux termes de l'amendement AS61, l'entretien permet non seulement d'envisager les conditions de l'accompagnement vers l'autonomie, mais aussi d'informer le jeune des mesures qui seront prises pour le soutenir jusqu'à ses 25 ans. Cet amendement nous a été proposé par l'association Repairs!. Il s'agit d'informer le jeune majeur de toutes les possibilités qui s'offrent à lui en matière de logement, d'études et d'aide financière, afin de le rassurer.
Il s'agit d'organiser un entretien avec le mineur accueilli, un an avant sa majorité, afin de réaliser un bilan de son parcours et de l'informer des mesures d'accompagnement qui pourront être prises pour le soutenir après ses 18 ans. Cela permettra de l'accompagner avant son départ de l'ASE et d'aider à son autonomisation.
Ne pas savoir où l'on va est profondément anxiogène, a fortiori pour les jeunes confiés à l'ASE, qui n'ont pas forcément connaissance des droits dont ils jouiront après 18 ans. J'ai travaillé à mon amendement avec plusieurs associations qui souhaitent donc que l'on inscrive dans la loi l'organisation d'un entretien pour informer les mineurs, au moins un an avant leur majorité, des aides dont ils pourront bénéficier jusqu'à leurs 21 ans et envisager les conditions de leur accompagnement vers l'autonomie.
Avis défavorable aux amendements AS320 et AS61, qui prévoient une prise en charge jusqu'à 25 ans alors que le droit ne permet pour l'instant un accompagnement que jusqu'à 21 ans.
Avis également défavorable à l'amendement AS380, dont la rédaction laisse entendre que les possibilités de soutien jusqu'à 21 ans sont automatiques, alors qu'elles sont subordonnées à la conclusion d'un contrat jeune majeur.
Je suis, en revanche, favorable à l'amendement AS321, qui propose d'ajouter l'information sur les droits aux thèmes de l'entretien à réaliser un an avant la majorité du jeune. Cette proposition me semble cohérente avec l'objet de l'entretien et répondrait à un vrai besoin de ces jeunes de connaître leurs droits.
Je ne vois pas bien comment on peut informer un jeune, avant ses 17 ans, des droits dont il bénéficiera sept ou huit ans plus tard. Je suis donc plutôt défavorable aux amendements qui poussent l'accompagnement jusqu'à l'âge de 25 ans, et plutôt favorable à celui de Mme Mörch.
Dans les faits, cet entretien a souvent lieu avant que le jeune ait 17 ans – les départements ont plutôt tendance à l'anticiper. Mais il ne faut pas l'anticiper trop, pour que les jeunes ne subissent pas une pression excessive. En tout cas, améliorer l'accès aux droits est vraiment un enjeu important, et tout ce que nous faisons depuis trois ans va dans ce sens.
Je ne comprends pas ce qui est problématique dans ma rédaction. J'ai indiqué que l'entretien un an avant sa majorité doit permettre de faire le bilan de son parcours, d'envisager les conditions de son accompagnement vers l'autonomie et de l'informer des mesures qui pourront être prises pour le soutenir jusqu'à ses 21 ans.
Être informé est une chose, mais avoir la capacité de se projeter, savoir dans quelle direction aller, en est une autre, et ce n'est pas évident quand on ne connaît pas ses droits. Les éducateurs, pris dans le quotidien, n'arrivent pas toujours à aider les jeunes à faire le point et à se projeter.
L'intérêt de ces amendements est de donner de la visibilité aux jeunes, au moins jusqu'à 21 ans pour l'amendement de Mme Provendier. Avoir un peu de visibilité est essentiel pour chacun de nos jeunes, qu'ils soient accompagnés par l'ASE ou par leurs parents.
Madame Provendier, votre amendement sera largement satisfait par l'adoption de celui de Mme Mörch. Ce qui m'ennuie, dans votre rédaction, c'est que vous parlez des mesures qui « seront prises » pour soutenir le jeune.
En réalité, dans l'amendement que j'ai déposé, j'avais écrit : « les mesures qui pourront être prises ». Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je voterai l'amendement de ma collègue.
La commission adopte l'amendement AS321.
En conséquence, les amendements AS61, AS320 et AS380 tombent.
Article 3 quater (nouveau) : Désignation d'une personne de confiance
La commission examine les amendements identiques AS249 de Mme Isabelle Santiago, AS317 de Mme Sandrine Mörch et AS441 de Mme Monique Limon.
Il s'agit de donner la possibilité aux mineurs pris en charge de désigner une personne de confiance qui pourra les accompagner dans leurs démarches et leur parcours vers l'autonomie.
Cette disposition est dans l'esprit de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, lancée en 2018 et à laquelle j'ai participé, qui prévoyait la désignation d'un référent de parcours. Elle figure également dans la proposition de loi renforçant la protection des mineurs que j'ai déposée. C'est tout le travail que fait l'association départementale d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance Repairs!. Il est absolument nécessaire que ces jeunes puissent eux-mêmes désigner une personne de confiance ou un parrainage par ces grandes associations, qui sont d'utilité publique.
Cet amendement reprend l'article 4 de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie, qui a été adoptée le 7 mai 2019 par l'Assemblée nationale. Il prévoit la possibilité pour le jeune d'être accompagné dans son parcours vers l'autonomie par une personne de confiance, qu'il aurait lui-même choisie et qui ne serait pas nécessairement un professionnel de la protection de l'enfance.
Cette personne de confiance permettrait au jeune d'établir des liens avec un adulte, alors qu'il peut se trouver en situation de rejet ou de rupture vis‑à‑vis d'une aide plus institutionnalisée, perçue comme obligatoire et imposée par les services de l'aide sociale à l'enfance. La désignation d'une personne de confiance ne serait pas obligatoire et celle-ci serait librement choisie par le mineur. Cette personne serait également susceptible d'entretenir des liens avec le jeune après sa sortie du service de l'ASE, ce qui contribuerait à atténuer la situation de rupture ou d'isolement dans laquelle il pourrait se trouver en l'absence de prise en charge par un autre dispositif.
Il s'agit de donner la possibilité au jeune de se faire accompagner par une personne de son choix.
La commission adopte les amendements.
Après l'article 3
La commission en vient à l'amendement AS444 de Mme Monique Limon.
Il s'agit d'accorder une aide à domicile aux jeunes majeurs qui en feraient la demande. Même si cette disposition figure déjà dans la loi, cette aide est le plus souvent accordée aux familles, et non aux jeunes vivant seuls. L'action éducative à domicile permet alors d'éviter le placement des enfants et aide la famille à surmonter ses difficultés.
Il serait également intéressant d'accompagner les jeunes majeurs lorsqu'ils viennent de quitter l'ASE et qu'ils ne s'en sortent pas tous seuls. Ils n'ont pas forcément envie de retrouver les interlocuteurs de l'aide sociale à l'enfance, une fois qu'ils en sont sortis, mais on peut imaginer un accompagnement par des conseillers en économie sociale et familiale, qui les aideraient à gérer leur budget, leur logement et leurs affaires courantes. Ils les aideraient aussi à profiter des autres formes d'accompagnement que sont la garantie jeunes ou la mission locale, pour l'aide à la formation ou la recherche d'emploi.
Il me semble utile que le président du conseil départemental informe le jeune des prestations dont il a la charge et auxquelles celui-ci aurait droit. Même si le droit le prévoit déjà, j'émettrai un avis favorable sur votre amendement.
Vous l'avez dit vous-même, les textes prévoient déjà cette disposition, même s'il est vrai qu'elle n'est certainement pas assez appliquée. Demande de retrait.
Je sais bien que cette disposition figure déjà dans la loi mais, dans ma pratique professionnelle, je ne l'ai jamais vue s'appliquer. Il serait utile que les acteurs sachent qu'ils peuvent fournir une aide à domicile à un jeune majeur pour l'aider à faire ce bout de chemin vers l'autonomie qu'il n'arrive pas à faire tout seul. Je veux bien retirer mon amendement mais il faudrait trouver un moyen pour que cette disposition soit vraiment mise en pratique.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS401 de Mme Perrine Goulet.
Il y a quelque temps, une juge m'a dit qu'un enfant, même s'il avait été victime d'inceste, devait garder des liens avec son parent, parce que c'était son parent et qu'il fallait qu'il se construise auprès de lui tout au long de sa vie. Cette juge exerce toujours ; je n'invente rien. Au nom du sacro‑saint lien de filiation, qui est prédominant dans la culture française, on en arrive à cette aberration que l'on maintient des contacts entre un enfant et un parent, alors même que l'enfant a été violenté par ce parent.
Je propose de ne pas remettre un enfant en contact avec le parent qui l'a violenté, tant que l'enfant n'y est pas prêt. Il est très important d'entendre l'enfant, de lui laisser le temps de se réparer et de s'assurer que c'est bien son choix que de revoir ce parent.
Pour ce faire, je propose de compléter le quatrième alinéa de l'article 375 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l'enfant a été victime reconnue ou suspectée de violences commises par l'un ou l'autre de ses parents, il doit expressément consentir à être remis en présence, temporaire ou permanente, de ses parents. » Y compris pour les visites médiatisées, il faut que l'enfant soit d'accord.
Les termes « expressément » et « suspectée » me semblent problématiques.
Si le principe énoncé ne pose aucune difficulté, c'est son articulation avec le droit actuel qui pose question. Toute menace à la santé d'un mineur doit faire l'objet d'une mesure de protection : c'est le principe même de la mesure judiciaire d'assistance éducative posée à l'article 375 du code civil. Les mesures sont décidées par le juge, qui doit proposer au mineur d'être entendu et assisté par un avocat, en vertu de l'article 338‑1 du code de procédure civile.
Ce que changerait votre amendement, en droit, c'est qu'il donnerait, en cas de violence, un droit de veto à l'enfant contre la décision du juge. Je vous accorde que la parole de l'enfant doit être beaucoup mieux entendue, mais je vous propose de retirer votre amendement, au profit de meilleures garanties de représentation dont nous discuterons dans quelques instants, notamment s'agissant du rôle de l'avocat.
Les propos que vous rapportez sont évidemment hallucinants mais je ne suis pas sûr que répéter dans la loi des choses qui y figurent déjà ferait changer les choses. C'est probablement par la formation, initiale et continue, des juges sur ces questions que nous arriverons à faire évoluer les pratiques.
La question de la parole de l'enfant victime de violences, notamment sexuelles, de la part de ses parents, est d'une grande complexité. Je ne suis pas sûr que tout doive se passer dans le cabinet du juge. Il faut surtout agir en amont, dans les unités d'accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED), qui sont des lieux de recueil de la parole de l'enfant. Chacun sait que la qualité du recueil de la parole de l'enfant victime conditionne son parcours dans notre système judiciaire et de protection, mais aussi sa reconstruction. Nous devons investir dans ces unités et nous le faisons : d'ici à 2022, il y aura une centaine d'UAPED sur le territoire, et au moins une par département. C'est par ce biais-là que nous permettrons à la parole de l'enfant de se libérer. Un enfant victime de violences n'exprimera pas forcément son refus de retourner chez ses parents. C'est d'ailleurs toute la difficulté de ce genre de situation, car l'enfant est pris dans un conflit de loyauté.
Je vous invite à retirer votre amendement, d'abord parce qu'il me semble satisfait et, ensuite, parce que je crois qu'il faut surtout faire un effort de formation et améliorer la qualité du recueil de la parole de l'enfant.
Je le maintiens parce qu'il ne concerne pas ce qui se passe en amont, au moment du recueil de la parole, mais ce qui se passe en aval, au moment où il est avéré que l'enfant a été victime de violences. J'ai déjà défendu cet amendement à l'occasion de l'examen d'un autre texte : si c'est le juge qui choisit, m'a‑t‑on répondu, cela permet à l'enfant de dédiaboliser sa parole vis-à-vis de ses parents. Or certains enfants disent clairement qu'ils ne veulent pas revoir leurs parents. Mais on leur dit que c'est mieux pour eux, que les adultes savent mieux ce qui est bon pour eux, qu'ils n'ont pas le discernement nécessaire pour savoir ce qui leur convient.
Bien souvent, on oblige l'enfant, qui vit dans une famille d'accueil, à voir ses parents lors d'une visite médiatisée. Il en revient complètement détruit et c'est reparti pour un nouveau cycle, jusqu'à la prochaine fois. Ce n'est pas seulement une question de formation. Il faut dire au juge que la parole de l'enfant est sacrée : lorsqu'un enfant qui a été reconnu comme victime de violence dit ne pas vouloir revoir son parent, on doit attendre qu'il y soit prêt. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Pour conforter l'analyse de Mme Goulet, on peut s'adosser à une réalité factuelle. Il a été démontré qu'au moment du confinement, les enfants qui n'ont pas eu à entrer directement en relation avec leur famille, par exemple le week-end, se sont apaisés. C'est une réalité qui a été constatée au niveau national. Il ne s'agit évidemment pas de généraliser mais, dans certains cas, lorsque l'enfant dit clairement qu'il ne veut pas revoir l'un de ses parents, il faut l'entendre.
Même si je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fond, je mettrai quand même un bémol. Dans certaines situations où les parents sont en conflit, l'un d'eux peut parfois exercer une forme d'emprise sur l'enfant. Dans de tels cas, la question du consentement de l'enfant devient encore plus complexe.
Nous sommes tous très attachés à la parole de l'enfant et à l'intérêt supérieur de l'enfant. Veillons toutefois à ce que la sacralisation de sa parole ne conduise pas à faire peser sur les épaules de l'enfant une responsabilité trop lourde pour son âge et son état. Si votre amendement est adopté, le juge va explicitement demander à des enfants de 7 ou 8 ans s'ils sont vraiment décidés à ne pas retourner chez leurs parents ! Je suis évidemment d'accord avec vous sur le fond, mais il faut voir aussi la violence que représenterait le fait de mettre un enfant devant une telle décision. Imaginez le conflit de loyauté dans lequel il va se trouver ! Laissons peut-être au juge le soin d'apprécier la situation.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS313 de Mme Isabelle Santiago.
Il s'agit de mieux prendre en compte l'état pédopsychiatrique de l'enfant tout au long de son parcours au sein de l'ASE en incluant, dans le rapport annuel sur la situation de l'enfant qui sera transmis au juge, un bilan sur sa situation médicale, psychologique et sociale.
Avis défavorable.
Nous avons déjà voté, dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2020, un bilan de santé complet à l'entrée de l'ASE. S'agissant du volet plus social, c'est tout l'enjeu de l'évaluation, puis du projet pour l'enfant, au cours du suivi.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS252 de Mme Isabelle Santiago.
Je propose de préciser et de renforcer le dispositif de l'action éducative en milieu ouvert, en quelque sorte de créer une AEMO renforcée en la soumettant, non plus à une simple observation, mais à une vraie évaluation. Il s'agit de s'assurer qu'elle est vraiment utile à l'enfant. On voit souvent des enfants qui font l'objet d'une AEMO pendant plusieurs années consécutives sans en tirer de bénéfice, et on demande ensuite à l'ASE de faire des miracles avec des enfants de 12, 13 ou 14 ans qui sont déjà très abîmés.
Vous proposez de redéfinir l'AEMO de manière à mieux rendre compte du caractère très actif de la prise en charge sous ce format. J'ai quelques doutes sur l'effet réel de cette redéfinition, même si j'en comprends l'esprit global.
Je ne suis pas favorable à cet amendement très technique. Nous modifions beaucoup le droit dans ce domaine ; or je crois qu'il faut le faire avec parcimonie et lorsqu'on est certain que « le réel » va suivre.
Vous soulevez une vraie question. Il est vrai que l'on peut s'interroger sur la pertinence de mesures d'AEMO reconduites pendant cinq, six, ou sept ans sans évolution à la clé. Il y a probablement des choses à améliorer mais il me semble que votre amendement est déjà partiellement satisfait par le droit existant.
Par ailleurs, je ne perçois pas forcément toutes les implications qu'il pourrait avoir. J'aimerais laisser le temps à mes services d'examiner tout cela en détail. Pour l'heure, j'émettrai un avis défavorable, mais je vous propose que nous en rediscutions, car je vois que vous avez beaucoup travaillé la question, sans doute en lien avec les services de l'AEMO eux‑mêmes.
J'accepte de retirer mon amendement pour pouvoir échanger avec vous sur ce sujet, et je vous communiquerai les éléments relatifs au dispositif d'AEMO renforcé que nous avons instauré.
Je vous parle de jeunes victimes de prostitution dans le cadre de la protection de l'enfance, de vingt dossiers d'AEMO sans cesse reconduite alors que ce type de prise en charge n'était vraiment pas adaptée à la situation. Ces jeunes, très carencés, avec des problématiques familiales, ont subi des psychotraumas graves et se retrouvent dans des parcours d'addiction grave ou de prostitution. J'insiste, il faut modifier l'AEMO.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS324 de Mme Sandrine Mörch et AS251 de Mme Isabelle Santiago.
L'amendement, qui reprend l'article 8 de la proposition de loi de Brigitte Bourguignon, vise à permettre aux jeunes majeurs sortant du dispositif de protection de l'enfance de bénéficier de manière prioritaire d'un logement social ou d'une place en résidence universitaire lorsqu'ils poursuivent des études supérieures.
Il est important d'inscrire dans la loi tous ces dispositifs innovants en faveur des jeunes majeurs, et de bien les flécher pour qu'ils puissent bénéficier d'un hébergement.
L'amendement de Mme Mörch concernant l'accès aux résidences universitaires des anciens de l'ASE est satisfait par les annonces du secrétaire d'État. Mme Santiago y ajoute le parc HLM : sur le fond, j'y suis favorable, mais l'attribution d'un HLM se fait sur critères de revenus.
Tous les dossiers que nous soumettons pour ces jeunes sont acceptés puisqu'ils sont dans des dispositifs spécifiques – garantie jeunes, formation, bourse, etc. De ce fait, tous les dossiers passent.
Je suis favorable à l'amendement AS324, sous réserve d'en retirer la partie relative aux résidences universitaires. Celle-ci est déjà satisfaite par l'accès aux derniers échelons des bourses universitaires pour les jeunes de l'ASE depuis septembre 2020 – près de 2 000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif. Les jeunes de l'ASE font déjà partie des publics prioritaires pour les logements des CROUS. De plus, beaucoup d'entre eux remplissent déjà les critères, compte tenu de leur situation personnelle ou professionnelle, leur permettant d'accéder à des logements sociaux.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement AS107 de Mme Marie-George Buffet.
Nous ne sommes pas très favorables aux demandes de rapport, d'autant que celui de la commission d'enquête sur les conséquences de la crise sanitaire sur les jeunes a été publié. Avis défavorable.
J'ai le souvenir d'avoir été auditionné sur ces questions par la commission d'enquête que vous présidiez. Je m'étonne donc de cette nouvelle demande de rapport, d'autant que d'autres études ont été publiées qui peuvent satisfaire votre amendement – bilan établi par le groupement d'intérêt public Enfance en danger sur le fonctionnement du 119 pendant le confinement, ou encore rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques sur les établissements et services de l'ASE durant le confinement. Je reste à votre disposition si nécessaire.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS363 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
Même si l'article 371‑5 du code civil dispose que l'enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs, il s'avère que c'est souvent le cas, l'enfant et la fratrie, plutôt que les institutions, servant de variables d'ajustement. Cela ne concerne d'ailleurs pas seulement l'ASE. La faisabilité prévaut trop sur l'intérêt supérieur de l'enfant. Une fratrie en a récemment fait les frais. Bien qu'ayant exprimé le désir de ne pas être séparés, les trois enfants, dont un bébé de 2 ans et un jeune de 14 ans, ont été placés dans trois familles différentes.
Le présent amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant un état des lieux relatif aux situations de fratries séparées, afin d'y remédier.
La stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, en débloquant six cents places d'hébergement, contribue à protéger les fratries. Le droit prévoit déjà de séparer le moins possible les fratries.
Avis défavorable à cette demande de rapport.
Avis défavorable également, car il n'est déjà plus possible, en droit, de séparer les fratries – nous sommes en train de vérifier ce qu'il en est réellement. La stratégie de prévention et de protection de l'enfance finance effectivement six cents places au niveau national pour éviter les séparations – des villages, notamment, permettent d'accueillir des fratries.
Demande de retrait.
Il ressort de nos discussions avec l'association SOS Villages d'enfants que nous ne disposons pas d'un état des lieux : on ne sait pas exactement ce qu'il se passe avec les fratries. Quand bien même la volonté est d'investir pour éviter les séparations, à quel niveau faut-il le faire et comment ? Pourquoi ce problème est-il récurrent ? Il ne s'agit pas de demander un énième rapport : c'est un vrai sujet, dont nous devons prendre toute la mesure.
La commission rejette l'amendement.
TITRE II MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES VIOLENCES
Avant l'article 4
La commission est saisie de l'amendement AS423 de Mme Annie Vidal.
Il s'agit d'intégrer dans le titre II la protection des enfants contre les maltraitances. Les maltraitances que peut subir un enfant recouvrent des réalités complexes. Au-delà des violences physiques et visibles, un geste, une parole, une action ou un défaut d'action de la part d'un proche ou d'un professionnel peuvent compromettre ou porter atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux. Il convient donc de caractériser cette situation de maltraitance. Le présent amendement vise à donner de la visibilité à la lutte contre la maltraitance, dont la variété des formes doit être prise en considération pour mieux accompagner et protéger les enfants.
La maltraitance est une forme de violence. Nous préférons donc conserver le mot « violences », qui nous semble plus approprié.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Je ne suis pas d'accord. La maltraitance et la violence sont des choses très différentes. Nous sommes nombreux à souhaiter développer une culture de la bientraitance dans notre pays en mettant, chaque fois que cela est possible, l'accent sur la question de la lutte contre la maltraitance. J'espère être entendue sur ce sujet fondamental, et je maintiens mon amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements AS424 et AS425 de Mme Annie Vidal.
Depuis 2018, la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance travaille sur un vocabulaire partagé de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, transversal et inclusif. Il concerne les enfants, les personnes malades, âgées ou handicapées, qui sont parfois dans des situations de fragilité les rendant vulnérables aux maltraitances. L'amendement AS424 vise à inscrire ce travail de définition dans le code de l'action sociale et des familles, de manière à mieux assurer le respect des droits fondamentaux et à protéger les enfants contre toutes les formes de violence et de maltraitance.
L'amendement AS425 est un amendement de repli.
Je propose d'en rester à la définition actuelle, quitte à préciser un peu plus le champ de l'article 5.
Je salue votre implication et votre travail sur ces sujets depuis trois ans, madame Vidal. Nous sommes favorables à ce que le vocabulaire partagé soit intégré dans ce projet de loi. Vous allez défendre à l'article 5 un amendement visant à faire entrer le vocabulaire partagé dans les établissements et services accueillant des enfants. Cet emplacement étant plus pertinent, je demande le retrait des deux amendements que vous venez de défendre à son profit. Celui-ci répond d'ailleurs à une demande exprimée par le Conseil national consultatif des personnes handicapées dans son avis sur le texte.
Les amendements sont retirés.
Article 4 : Contrôle renforcé des personnels exerçant dans le secteur social et médico‑social
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS496 et AS497 de la rapporteure.
Puis elle en vient à l'amendement AS35 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à s'assurer du concours des services de l'État pour procéder à la vérification du respect des interdictions prévues par cet article. On dénombre 1 100 000 personnes, professionnelles et bénévoles, intervenant dans la protection de l'enfance pour les seuls services de l'ASE.
Vous proposez que la vérification des incapacités des personnels se fasse « avec le concours » de l'État. L'imprécision d'une telle disposition dans la loi n'est pas opportune. Je vous confirme cependant que les moyens de l'État seront renforcés, avec un nouveau logiciel se fondant sur une extension du système d'information Honorabilité, déjà déployée dans le secteur jeunesse et sport, et dix équivalents temps plein (ETP) recrutés au niveau national pour assurer les réponses aux demandes et renforcer la fluidité des contrôles au niveau déconcentré. Mon avis est défavorable sur la forme, même si nous partageons l'objectif sur le fond.
Le contrôle des antécédents judiciaires est un sujet important. Il est effectué depuis 2019 ; c'est la mesure n° 10 du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, du 20 novembre 2019. Le Président de la République a explicitement demandé d'étendre ce contrôle à toute personne travaillant au contact des enfants, au travers du fameux fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Vous avez d'ailleurs renforcé les conditions d'inscription à ce fichier puisque, désormais, les personnes qui consultent des sites pédopornographiques y sont automatiquement inscrites et ne peuvent donc pas travailler auprès d'enfants – avant le vote de la loi, cela ne concernait qu'un cas sur deux, soit cinq cents personnes par an. Ce contrôle est effectué non seulement dans les services de protection de l'enfance, mais aussi dans tous les établissements où des adultes sont en contact avec des enfants, ou encore les ministères et les collectivités locales, notamment pour les crèches.
Trois questions se posent : les administrations ont‑elles connaissance de la loi ? L'appliquent‑elles ? Est‑ce effectif ? Ce troisième point est évidemment fondamental. Nous avons tous reçu des témoignages disant que lorsqu'on a besoin d'un éducateur, il faut passer par la préfecture pour consulter le fichier – ce sont des données sensibles, n'importe qui ne peut pas consulter ce fichier – mais que cela prend six mois pour obtenir la réponse. Entre‑temps, on avait besoin de l'éducateur ; on l'a donc embauché en espérant que tout se passe bien.
Nous avons lancé un audit sur ces questions auprès de toutes les administrations ainsi que de l'ADF et de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). L'idée est d'adopter un système automatisé, sur le modèle de ce qui existe depuis des années à l'éducation nationale et à jeunesse et sports, qui passent chaque année au crible des millions d'enseignants et d'animateurs. C'est tout le sens de cet article. Nous sommes en train de créer ce système d'information pour les établissements de protection de l'enfance et des ETP seront dégagés mais, plus largement, toutes les structures où des adultes sont en contact avec des enfants seront concernées. J'en profite pour saluer le travail volontariste et exemplaire de la ministre des sports sur ce sujet, notamment en ce qui concerne les bénévoles.
Avis défavorable, donc, à cet amendement, car les services de l'État sont déjà mis à contribution et le seront encore plus demain, même s'il faut viser l'automatisation compte tenu du nombre de personnes concernées.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS274 de Mme Christine Cloarec‑Le Nabour, AS346 de M. Paul Christophe, AS381 de Mme Florence Provendier, AS212 de Mme Perrine Goulet et AS365 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
Il s'agit de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes en contact avec des enfants au sein des établissements, en obligeant à un renouvellement du contrôle à chaque changement d'établissement, de service ou lieu de vie et d'accueil. L'amendement précise également la temporalité des réexamens, à savoir un contrôle tous les trois ans. C'est une demande de l'association SOS Villages d'enfants.
Mon amendement vise à préciser la temporalité du réexamen des antécédents judiciaires pour mieux protéger les enfants. Il introduit une vérification à intervalle de temps régulier, dont la périodicité devra être précisée par décret. Dans le monde du sport, la vérification pour les éducateurs est faite chaque année, en début de saison sportive.
Dans le même esprit, il s'agit de préciser la temporalité des réexamens des antécédents judiciaires de toutes les personnes impliquées dans le parcours de l'enfant, dans l'intérêt de l'enfant. Sans précision de ce cadre temporel, je crains une application différente selon les départements et une protection qui ne serait ni harmonisée ni égale pour tous les enfants.
Nous proposons, pour notre part, que le réexamen de l'honorabilité des personnes exerçant auprès des enfants ait lieu au moins tous les trois ans. L'article 4 est un bon article, monsieur le secrétaire d'État, mais il mérite une précision temporelle pour être opérationnel.
Dans le même esprit, l'amendement de Mme Tamarelle-Verhaeghe propose une révision au moins tous les deux ans.
L'article 4 élargit le contrôle à tous les bénévoles et à tout moment de la pratique. Auparavant, c'était seulement pour les salariés et au moment de l'embauche. Le total pourrait passer à environ 2 millions de contrôles. D'ici à envisager cela tous les trois ans... Laissons déjà le FIJAIS s'organiser : à être trop exigeant, on prendrait le risque de ne pas être réaliste. À titre de comparaison, dans l'éducation nationale, ce contrôle est réalisé tous les six ans pour les contractuels. De surcroît, ce type de disposition relève plus naturellement du pouvoir réglementaire.
Pour ces raisons, je donne un avis favorable à l'amendement AS346, qui évoque des contrôles à intervalle régulier : c'est celui qui laisse le plus de souplesse au dispositif. Lorsque tout se sera mis en place, il sera toujours temps d'accélérer les contrôles.
Avis défavorable aux autres amendements.
Étant donné le volume des contrôles, qui ne concerneront pas que la protection de l'enfance mais aussi d'autres secteurs, il faut que le casier judiciaire national ait la capacité de délivrer les documents demandés. J'admets que l'idée d'une régularité doit être inscrite dans la loi, mais il me semble que la fréquence précise relève du niveau réglementaire. Elle doit, par ailleurs, être en concordance avec ce qui se passe dans d'autres champs, par exemple pour la petite enfance ou les éducateurs sportifs.
Je demande donc le retrait de tous les amendements qui veulent préciser la fréquence des contrôles dans la loi au profit de celui de M. Christophe, qui établit le principe de délais réguliers et renvoie au réglementaire pour les détails. Cela assurera la cohérence d'ensemble et permettra au casier judiciaire de s'organiser.
Je retire mon amendement, mais il faudra être très vigilant aux cas où la personne change d'établissement ou surtout de département.
Je maintiens le mien, car la notion d'intervalle régulier n'est pas assez précise. Il me semble qu'un délai de trois ans est raisonnable.
L'amendement AS274 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS346.
En conséquence, les amendements AS381, AS212 et AS365 tombent.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Renforcement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance dans le champ social et médico-social
La commission examine l'amendement AS431 de Mme Annie Vidal.
C'est l'amendement que nous évoquions tout à l'heure, qui prévoit que les établissements et les services accueillant des enfants s'appuient sur le vocabulaire partagé de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance pour définir leur politique en la matière.
Ce vocabulaire partagé a été établi en concertation, et sur la base de l'expertise des acteurs et parties prenantes concernés. Ces travaux conduits depuis 2018 font aujourd'hui référence pour poser des mots sur les phénomènes de maltraitance, aussi bien auprès des professionnels que des personnes accompagnées. Ils méritent d'être utilisés plus largement pour faire face collectivement à ce défi qu'est la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient aux amendements identiques AS181 de M. Jean-Michel Clément et AS347 de M. Paul Christophe.
Afin d'améliorer la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance dans les établissements de l'ASE et de la protection judiciaire de la jeunesse, il est nécessaire de préciser que le projet d'établissement ou de service prévoit la possibilité de saisir un référent extérieur.
Il est prévu dans l'étude d'impact que le cadre réglementaire comprendra l'identification d'une autorité tierce ou d'une personne‑ressource extérieure à la structure et indépendante, vers laquelle les enfants et les jeunes pourront se tourner en cas de difficulté. Compte tenu du caractère indispensable de ce référent, l'amendement AS181 estime pertinent de faire mention des mécanismes de saisine d'un référent indépendant extérieur à l'établissement.
Je souhaite aller dans le même sens que vous, mais préfère la rédaction de l'amendement de Mme Goulet qui viendra un peu plus tard et du mien identique, qui est un peu plus précise. Je vous propose donc un retrait.
Les amendements sont retirés.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement AS302 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Elle examine ensuite l'amendement AS348 de M. Paul Christophe.
L'amendement vise à renforcer la lutte contre les violences dans les établissements de l'aide sociale à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse, en prévoyant l'établissement d'un référentiel commun à suivre. L'adoption de ce référentiel commun permettrait de garantir que les mesures de prévention et de lutte contre la maltraitance dans ces établissements se fondent sur les exigences de la convention internationale des droits de l'enfant.
Même si la notion de référentiel nous tient à cœur, il ne nous semble pas pertinent ici de remplacer les termes « contenu minimal » de la rédaction initiale, car c'est bien d'un contenu minimal, avec des items précis fixés par le pouvoir réglementaire, que nous avons besoin.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La séance s'achève à vingt heures.