C'est un grand honneur d'avoir été proposé par le Gouvernement pour la présidence du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine. C'est également un grand honneur de me présenter devant cette commission et de vous indiquer comment j'envisage mes missions si j'accède à cette fonction de président. Je le ferai avec beaucoup de modestie et de prudence, puisque plusieurs éléments sont encore en gestation depuis le vote de la loi.
J'ai 56 ans. Ma carrière de médecin a été une vraie vocation. J'ai toujours voulu exercer ce métier et si un gène de la médecine existe, il était particulièrement dominant chez moi puisque j'ai réalisé ce vœu sans antériorité familiale ! J'ai consacré mon énergie d'enfant puis mon énergie d'adolescent pour y parvenir, avant de me spécialiser dans la cancérologie. J'avais caressé l'idée d'être médecin généraliste, mais j'ai finalement souhaité exercer cette généralité de la médecine dans une spécialité comme la cancérologie, où l'humanisme tient une grande place. Progressivement, j'ai orienté mon activité vers l'onco-hématologie, le traitement des maladies hématologiques malignes – une discipline enthousiasmante. Sur le plan scientifique, je me suis intéressé à l'ataxie‑télangiectasie, une maladie génétique et héréditaire : les familles affectées présentent un certain nombre de prédispositions génétiques au cancer.
C'est dans ce contexte que j'ai effectué une thèse à l'université de Californie à Los Angeles, après avoir terminé mon internat à Montréal et passé les aptitudes pour exercer outre‑Atlantique. Je dois avouer que le système de soins américain m'a profondément heurté. Il était peu conforme à mes convictions, avec des modes de financement que je n'estimais pas équitables. C'est l'une des raisons, les autres étant d'ordre familial, qui m'ont poussé à rentrer en France en 1995.
J'ai obtenu un poste de chef de clinique assistant des hôpitaux au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, à Clermont-Ferrand, où j'étais en charge des traitements intensifs de greffes de cellules souches hématopoïétiques, tant autologues qu'allogéniques. J'ai travaillé dans ce service pendant quelques années, avant qu'on me demande de transférer cette activité au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, qui construisait son service de thérapie cellulaire et d'hématologie clinique adulte. Nous sommes ainsi partis d'un petit embryon en 2006, date de ma nomination comme professeur des universités-praticien hospitalier, avec huit lits d'hospitalisation et trois praticiens, pour arriver à quarante-cinq lits d'hospitalisation et seize praticiens. J'en suis assez heureux, à titre collectif, car ce service est très utile à la population du territoire auvergnat, et au-delà. J'ai également obtenu la création d'un service d'oncologie médicale, dont j'ai aussi la charge, au CHU de Clermont-Ferrand. Cela a permis de pallier un manque de coordination.
Je me suis beaucoup impliqué dans le développement de la thérapie cellulaire et de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques, puis de l'utilisation des cellules génétiquement modifiées de type CAR-T.
J'ai largement participé aux sociétés savantes inhérentes – la Société française d'hématologie, la Société française du cancer et la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, que j'ai eu l'honneur de présider de 2017 à 2021. Par ailleurs, j'ai intégré le groupe d'onco-hématologie de l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), et je suis expert auprès de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS). J'ai récemment accepté un poste de conseiller pour les activités de thérapie cellulaire à l'ANSM. Autre fonction annexe, qui me permet d'entretenir mes connaissances, je suis rédacteur en chef du Bulletin du cancer, la revue de la Société française du cancer. J'exerce enfin des fonctions administratives, notamment celles d'assesseur à l'université, sous couvert de notre doyen, en tant que membre élu du conseil de gestion.
Je suis profondément attaché à mon indépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Je n'ai pas de conflit d'intérêts. Je n'ai pas de rapport avec le développement de médicaments ou le conseil, si ce n'est au travers d'études académiques pour lesquelles des financements ont été obtenus auprès d'associations comme la fondation ARC pour la recherche sur le cancer ou la Ligue contre le cancer, ou auprès de l'État, dans le cadre de programmes hospitaliers de recherche clinique.
Je suis également attaché à une philosophie du travail en réseau, dans une région dont le territoire est vaste et déshérité en médecins. Je me suis initialement appuyé sur le réseau Oncauvergne, dont j'avais l'honneur d'assurer la présidence. Je poursuis cette démarche en dispensant des consultations dans des villes éloignées des grands centres, ce qui me permet de constater les difficultés de prise en charge dans un certain nombre d'hôpitaux.
Je connais l'Agence de la biomédecine depuis longtemps, notamment au travers de ses missions relatives à la greffe de cellules souches hématopoïétiques. J'ai régulièrement participé au conseil médico-scientifique et j'ai intégré le conseil d'administration en 2018. J'ai souhaité renouveler ma participation à ce dernier pour apporter mes compétences au service de l'Agence. J'ai toujours eu beaucoup d'estime pour ses membres, qui exercent des missions très vastes avec beaucoup de professionnalisme et un engagement personnel très important.
L'Agence de la biomédecine, créée par la loi de bioéthique du 6 août 2004 pour faire suite à l'Établissement français des greffes, a des compétences multiples – notamment dans les greffes d'organes, les greffes de tissus et les greffes de cellules. Elle s'est aussi vu confier des missions complémentaires comme l'assistance médicale à la procréation, l'embryologie et la génétique humaine, et couvre le concept intéressant du domaine thérapeutique utilisant les éléments du sang humain à l'exception du sang.
Elle encadre les activités de prélèvement de tissus et de cellules, l'assistance médicale à la procréation, le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire. Elle gère les registres des greffes et d'opposition au don. Elle assure le suivi des donneurs. Elle autorise les centres de diagnostic préimplantatoire et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, ainsi que la recherche sur les cellules embryonnaires et sur les embryons. Elle agrée des médecins, notamment pour les activités génétiques et les diagnostics préimplantatoires. Elle assure vigilance et biovigilance. Enfin, elle donne des avis quant aux règles de bonnes pratiques et aux autorisations, notamment auprès des agences régionales de santé.
En somme, les compétences de l'Agence de la biomédecine sont très larges. Elle fait appel à des expertises médicales et scientifiques multiples, mais également juridiques et éthiques de haut niveau. Pour cela, elle s'appuie sur un conseil médical et scientifique et sur un conseil d'orientation. Son conseil médical et scientifique est constitué de deux parties, l'une relative à la greffe et l'autre à la procréation, et veille au respect de la loi de bioéthique et des principes fondamentaux d'équité, d'éthique, de sécurité et de solidarité.
Plus spécifiquement, le rôle du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine consiste à délibérer les orientations générales, le programme d'investissement, le rapport d'activité annuel, le budget, les comptes, les subventions, les dons et les legs. Sa présidence est non exécutive, le rôle exécutif étant confié à la direction générale de l'Agence.
L'année 2021 sera charnière, puisqu'elle marquera la fin des trois précédents plans stratégiques ministériels respectivement relatifs à la greffe de cellules souches hématopoïétiques, à la greffe d'organes et de tissus et à l'assistance médicale à la procréation, l'embryologie et la génétique humaine. Les deux premiers rapports sont quasiment finalisés et le troisième est en cours de rédaction. L'Agence discute actuellement la programmation des trois prochains plans stratégiques, pour 2021-2025, lesquels seront complémentaires du contrat d'objectifs et de performance qui lui permet de contractualiser avec l'État. Ce contrat comporte onze objectifs orientés autour de deux axes : un axe médical et scientifique et un axe transverse. Le premier vise à accroître l'accès à la greffe d'organes, de tissus et de cellules souches hématopoïétiques, mais également à l'aide médicale à la procréation. L'axe transverse concerne la promotion à la recherche, la communication avec le public, la formation des personnels de santé, le renforcement des relations institutionnelles et la présence territoriale.
S'il fallait définir l'Agence de la biomédecine par des maîtres mots, je choisirais ceux d'équité, de transparence, d'éthique, de solidarité, de neutralité, d'expertise et d'engagement collectif. Très motivé par la présidence de son conseil d'administration, j'espère mettre au service de ces valeurs mon indépendance, mon respect des institutions, mes connaissances et mon expérience.